Bijou

De Cinémancie
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Mode d'emploi de la figure (mot) et abréviations


Titre Titre original Réalisation Scénario Année Pays Durée
Miroir (Le) Zerkalo Tarkovski Andreï Tarkovski A.

Micharine A.

Et poèmes d'Arseni Tarkovski.
1975 URSS 106


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Photogrammes extraits des films - Analyse et liens spécifiques des films

Le Miroir, d’Andreï Tarkovski

Bijoux en chute, lait qui déborde

Plan 136 : 1h 17' 03" : Sous la pluie, Aliocha adolescent est devant la porte d'une maison de campagne. Une dame à la tête couverte d'un fichu sort pour jeter l'eau (sale) d'une cuvette. Aliocha court vers sa mère et lui dit: "Maman on ouvre." [1] Maroussia dit à la dame : "Vous êtes Nadejda Petrovna, je suis la belle fille de Matveï Ivanovitch. Un ami de votre mari, il est médecin, il vivait ici avant de devenir médecin expérimental à Iouriévets." (…) La dame les invitent à entrer, [2] et dit : "Essuyez vos pieds, Macha a lavé le plancher." A cet effet, la dame dispose une serpillière claire à leurs pieds.

Plan 143 : 1h 19' 12" : La mère et le fils sont à l'intérieur de la maison. Ils essuient leurs pieds sur la serpillière, mais il y a des objets qui tombent sur elle. Panoramique au sol. Maroussia ramasse des bijoux ; à côté, les pieds nus d'Aliocha tachés de boue. (Cf. Photogramme Bijou 1) Les deux dames entrent dans une chambre voisine. Ignat est seul.


Plan 145 : 1h 20' 18" : Aliocha s'assied sur les bords d'une chaise. Près de lui, sur une table, il suit du regard du lait qui tombe goutte à goutte sur des pommes de terre avec leurs épluchures.


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La répétition des chutes

Les mouvements oscillatoires droite, gauche, à l'endroit et à l'envers, contrastent avec les mouvements verticaux de chute du haut vers le bas : les bijoux et les gouttes de lait. De plus, ces contrastes s'acheminent et s'enfoncent verticalement, si l'on ose dire, dans la profondeur du film. À travers les objets du film et leurs représentations, nous constatons que les données significatives ne sont pas très favorables. Ce qui en fin de compte exprime directement la pénible situation pendant et après la seconde Guerre Mondiale. D'autre part, la répétition dans cet épisode de mouvements verticaux de chute est aussi une façon d'attirer l'attention sur ces mouvements particuliers : le premier, les bijoux, avec une chute rapide ; le second, les gouttes de lait, avec une chute lente. Ce sont des indices et des exemples de liaisons qui se forment entre cet épisode et le second épisode, "Le feu au fenil". Ces mouvements ne correspondent-ils pas à la chute conjuguée de Maroussia et de l'inconnu-médecin (le passant), à la rupture de la clôture ? Rappelons-nous le dialogue des personnes avant la chute, au second épisode :

Plan 9 : 7' 21" : - Lui : "Pourquoi vous êtes si nerveuse, (…) Donnez-moi votre main. Je suis médecin. (…)" (Il lui prend la main. - L'acte ne suit-il pas l'intention ? )
- Elle : "Faut-il que j'appelle mon mari ?"
- Lui : "Vous n'avez pas de mari, on ne voit pas d'anneau."


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Des indices imperceptibles

Il y a là d'abord une première allusion à un anneau, à une alliance, à un objet de valeur qui scelle le sort de deux êtres. Ensuite vient le fait de lui dire : "donnez-moi votre main" . Cette phrase, n'est-elle pas un pur clédon au pied de la lettre ? N'est-ce pas une demande de mariage avant l'heure ? Or, nous remarquons au plan 143 la serpillière blanche qui est destinée à essuyer les pieds pleins de boue d'Aliocha, et qui malencontreusement va recevoir les bijoux de Maroussia. Les indices ne sont-ils pas clairement annoncés ? Comme la rapidité de la chute des bijoux, la serpillière devient vite tachée de boue, tachée d'indétermination. Elle devient un microcosme qui contient la densité de la vie de Maroussia, pour ne pas dire le drame de sa vie.

Du reste, il y a la position centrale d'Aliocha quand il s'assied. A sa gauche, le miroir ovale, qui reflète son image ; à sa droite, le lait qui coule goutte à goutte, reflète un aspect de sa mère. Le lait tombe d'une certaine hauteur, il atterrit d'abord sur une table sur laquelle sont disposées des pommes de terre et leurs épluchures, le lait qui devient une flaque et déborde sur le plancher. Ce plan rejoint sans difficultés le plan 134. Lors du second rêve d'Aliocha enfant : la mère, les pommes de terre et le chien. Il rejoint également le plan 17 : "le chat noir et le lait renversé".

La confluence des indices démontre comme pour le plan 135 : "l'obscur animal", un destin obscur ou plutôt l'obscurité d'une destinée est traduite par l'écoulement du lait. Au moment de son écoulement, le lait est blanc immaculé incorrompu. Par paliers, il se mélange aux déchets de la terre (les épluchures), pour finir enfin au sol du plancher, aux pieds de son fils, ou aux pieds des gens tout court. L'obscurité d'une destinée est traduite ensuite par les pommes de terre, ce fruit de la terre qui pousse dans l'obscurité de la terre, qui de plus est représenté dans deux moments rapprochés du film (Maroussia était dans une pièce obscure). Enfin, dernière traduction, le chat noir lapant le lait. Tous ces indices concourent à la détermination d'un statut particulier de Maroussia. Mais aussi paradoxal que cela paraisse, aussi obscure qu'elle puisse paraître, elle reste, quoi qu'on puisse dire, un fruit, un fruit délicieux qu'on appelle "maman". Car il semble que le drame de Maroussia, c'est que son second mariage ait échoué aussi.


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Les présages des chutes

Mais il y a mieux encore, cinémantiquement parlant. C'est que tous les éléments étaient donnés, c'est-à-dire que différents présages étaient annoncés sans qu'elle en ait tenu rigueur. Le plus bel exemple, c'est justement lors de la rencontre avec l'inconnnu-médecin au plan 15, c'est la chute imperceptible du livre, qui, à son tour, annonce le Vème épisode, la coquille. Celle-là même qui prétendait annoncer une faute de frappe. Il n'y avait pas de faute dans le texte, mais une "faute ailleurs", une faute à venir. (Voir : Mot) Mieux encore, la ressemblance physique rejoint la ressemblance morale, et traverse aussi les générations, puisque c'est au tour de Natalia de subir les mêmes doutes : lors de l'épisode du Buisson ardent, avec l'éclairage extraordinaire alternativement obscur et intense qui s'animait sur son visage. Dans ce passage de doute, Natalia demande à son ex-mari la réponse à sa question : si elle doit épouser une personne qu'elle a rencontrée. Au plan 126, elle répond elle-même à sa question. Natalia, les larmes aux yeux dit à son ex-mari : "Dois-je l'épouser?"
- Lui : "Je le connais ?"
- Elle : "Non."

La voilà, "la réponse". Toutefois, ce qui nous semble important, c'est l'accumulation des indices qui concourent à esquisser des éléments de réponses : dans son cas, il ne fallait rien faire. C'était cela "la réponse". Car les éléments ne sont pas clairs, ils sont obscurs. Et la grande question est celle de savoir quand, où et comment se formule une réponse à une question cinémantique.


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Liens spécifiques du film

Voir : Miroir (Le)


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Notes et références

  1. Un clédon de plus. Ne peut-il pas dire : "on ouvre les portes du "miroir" ?
  2. Cf. Ludmila Kastler, La politesse linguistique dans la communication quotidienne en français et en russe, 2ème partie, chapitre 2, Les salutations d'ouverture. Thèse, université de Lyon, op. cit.


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