Cruauté

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Andreï Roublev, plan 168. L’effluve vaporeux sort du flacon du peintre sauvagement tué.



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Mode d'emploi de la figure (mot) et abréviations


Titre Titre original Réalisation Scénario Année Pays Durée
1900

§. Le drame cruel du jeune Patrizio.
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Novecento Bertolucci Bernardo Arcalli F.
Bertolucci B.
1976 Italie 310
Andreï Roublev (Voir détail : Andreï Rublyov) Tarkovski Andreï Tarkovski A.
Konchalovsky A.
1969 URSS 215


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Photogrammes extraits des films - Analyse et liens spécifiques des films

Andreï Roublev, d’Andreï Tarkovski

Les concepts de cruauté dans le film

Aux plans paisibles de la 3ème partie du 5ème épisode, succèdent des plans cruels, qui ont été reproché à Tarkovski, et qui, au sens littéral et figuré, "crèvent les yeux".[1] Il s'agit des plans 164 à 169, ils démontrent la rivalité des princes.[2]

Plan 168-27 [3]: 1h 23' 18" : Le dernier plan de cette 4ème partie est un gros plan d'une main inerte et d'un flacon renversé, qui est tombé au bord d'un petit cours d'eau, et qui dégage une espèce d'effluve vaporeuse : l'âme du trépassé qui s'échappe. (Cf. Photogramme – Main.)


La nécessité de ces plans s'ancre, en fait, dans les attitudes de Roublev de la partie précédente. C'est donc une liaison en chaîne qui s'établit à partir du pinceau de Roublev, attribut qui s'adresse en principe aux organes visuels, et donc à l'esprit. Nous avons vu le poids des organes des sens, ils ont droit, chez Tarkovski, à un traitement spécial. Nous poursuivons les parties de cet épisode, pour ne pas quitter les liaisons en chaîne. (Voir : Bibliomancie)



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Chute du Prince et lutte du peuple

Plan 247-64-1 [4] : 1h 51' 18" : Le supplice du trésorier continue. (Voir : Banc) Au centre de l'image, la cause du supplice : le prince, il est hagard. Il monte un étage, comme pour fuir la torture.

Plan 249-66-3 : 1h 51' 39" : Le trésorier ne cède pas. On augmente les enchères. Après les yeux, la bouche : ce sont les préparatifs de l'horrible scène de l'ingestion forcée d'huile bouillante. Le chef tatar enroule soigneusement un bandeau autour de la tête du martyr.

Plan 250-67-4 : 1h 52' 12" : Plan rapproché sur le chef tatar exécutant méticuleusement sa tâche. En arrière plan l'iconostase, autre indice de la présence du "trésor" derrière son dos.

Plan 251-68-5 : 1h 52' 32" : On retourne le martyr.

Plan 252-69-6 : 1h 52' 38" : Le prince regarde, en vue plongeante, la scène.

Plan 253-70-7 : 1h 53' 05" : C'est le plan de l'avalement de l'huile bouillante, scène qui est cachée par un Tatar vu de dos et qui maintient le martyr. C'est une autre scène cruelle de l'anéantissement sauvage d'un organe des sens. Cette scène ne préfigure-t-elle pas le silence de Roublev ? [5] Mais l'horrible supplice ne s'arrête pas là. On accroche le malheureux par les pieds à la queue d'un cheval…noir. Le cheval furieux, sort de l'église.

Plan 254-71-8 : 1h 53' 27" : A l'extérieur de l'église, le martyr est traîné par le cheval. Dans le prolongement du mouvement :

Plan 255-72-9 : 1h 53' 29" : La ville de Vladimir dans la fumée.

Plan 256-73-10 : 1h 53' 53" : Le prince est à l'extérieur, il regarde le résultat de ses méfaits. Il est d'apparence triste, bouleversé, pour ne pas dire fou.

Plan 257-74-11 : 1h 54' 14" : Le peuple agité et résigné, descend une pente. (Cf. Photogramme – Foule 1.)


 
Photogramme - Foule 1 : Andreï Roublev, Plan 257 . Le peuple résigné, descend une pente. Comparez avec le plan 93, le peuple qui monte la colline, dans la scène de la passion du Christ.



Plan 258-75-12 : 1h 54' 32" : Les derniers rescapés de Vladimir se réfugient sur la coupole de l'église. Les Tatars montent les chercher.

Plan 259-76-13 : 1h 54' 54" : Retour sur le prince qui regarde. C'est la dernière apparition du prince. Les images sont au ralenti. Les Tatars se livrent au sac de Vladimir.

Plan 260-77-14 : 1h 55' 12" : Plan général en plongée de Vladimir en pleine désolation. Des oies blanches, affolées, tombent en volant d'une grande hauteur. (Cf. Photogramme – Oies.) Le plan s'achève sur une vue éphémère d'un grand bûcher.



 
Photogramme - Oies : Andreï Roublev, Plan 258 . Les oies blanches tombent en volant. Comparez avec le plan 86 du cygne mort, il annonce aussi la chute de l'apprenti Thomas.



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Conséquences et effets de la chute du prince

Telle est, dans la continuité, la séquence de la chute du prince: une chute morale, intérieure et donc psychologique. Dans la séquence, cette chute se traduit par une culmination à un haut degré paroxystique d'un certain nombre de figures ; en empruntant une courbe visuelle sinusoïdale, avec une alternance de prises de vues hautes et basses. En effet, les Tatars torturent le trésorier, le prince, en hauteur, assiste à la scène. Au sol le martyr est traîné par le cheval, nous survolons Vladimir dans la fumée. En hauteur, sur la coupole de l'église, il y a des irréductibles, au sol, le prince regarde. Nous volons avec les oies blanches, pour rejoindre Thomas. [6]

La constante qui anime le prince, c'est finalement sa qualité de spectateur. Son seul acte de bravoure, si on peut l'appeler ainsi, hormis la petite course à cheval, a consisté à poursuivre et à tuer un seul homme russe, jeune et sans armes. Mais partout ailleurs, il ne fera que regarder, ou attendre en regardant, comme dans l'épisode annexe du baiser de la croix. (Hormis le songe éveillé de sa lutte contre son frère.) En définitive, le prince se laisse distancer par le Tatar et par son frère. Il sera aussi, en situation d'attente. Nous avons eu l'occasion de voir cette figure, dominante dans le cinéma de Tarkovski, notamment dans les trois films : Le Miroir, Stalker et Nostalgia.

Il reste deux faits significatifs en ce qui concerne l'extrême brièveté des séquences du Baiser de la croix. C'est un fait singulier qui est à ajouter au compte des traits psychologiques du prince. En effet, si les séquences sont courtes, c'est parce qu'elles étaient courtes dans son esprit, c'est pour montrer qu'il considérait cet acte hautement sacré comme un acte quelconque, sans une grande importance. Et c'est peut-être, au moment où il se trouve en pleine trahison, qu'il se souvient soudainement de ce moment. Si, avec les séquences de Kyril, nous avons traversé le désordre et le trouble, avec le prince nous descendons de plusieurs degrés pour assister au passage de la mort. L'image la plus extraordinaire est celle de cheval noir, qui est, cette fois-ci encore, le messager de la mort qui conduit l'âme du malheureux dans l'au-delà, au-delà de la fumée de Vladimir. Au bout de son regard Kyril portait, en contre-champ, la colère et la discorde alors que celui du prince portait, au bout de son regard, la désolation, la torture et la mort. Il devient le prince de la mort, qui contemple la chute de Vladimir. Tout ce qui reste d'un peuple descend une pente à 45°. Ce plan en écho inversé par rapport au plan 93 où dans la scène du portement de la croix, la foule monte une pente. C'est d'ailleurs aussi le cas dans la même séquence lorsque le Christ monte, de face, une petite colline annonçant la Passion du Christ (Cf. Photogramme – Foule 2). Le plan 257 annonce la Passion de Roublev, car dans la Chute de la foule, il y a la chute de Roublev, avec tout le poids atlantiste et même sisyphien de l'homicide qu'il porte sur son épaule.



 
Photogramme - Foule 2 : Andreï Roublev, Plan 93 . Dans la scène du portement de la croix, la foule monte une pente.


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Liens spécifiques du film

Voir : Andreï Roublev



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Notes et références

  1. Andreï Tarkovski, Le temps scellé, op. cit., p. 115.
  2. Nous les appelons, le Grand Prince et son frère, le prince. En effet, c'est l'armée du Grand Prince qui fait crever les yeux des sculpteurs en marche vers les chantiers de son frère. Cf. également, Andreï Tarkovski, Études Cinématographiques, op. cit., Article de France Farago, "La Réalité plénière du Spirituel, Andreï Roublev". Elle écrit : (…) "(le) Grand Prince et les grands de ce monde ont toujours utilisé la terreur religieuse comme moyen de gouvernement ; que ces richesses, somptuosités et trésors de beauté ne sont en définitive que prétexte a rivalités entre les puissants.. (…) Intervention qui aura raison des résistances d'Andreï Roublev : avec rage et désespoir, il macule de peinture le mur de l'église." p. 36. Note. Nous voulons rectifier une erreur chez F. Farago, qui mentionne l'épisode du "Jugement Dernier", comme étant le "6ème tableau". Or, il est le 5ème épisode.
  3. Le premier chiffre correspond aux plans du film depuis le début du film, le second chiffre aux plans du film depuis le début de l'épisode.
  4. Le premier chiffre correspond aux plans du film depuis le début du film, le second chiffre aux plans du film depuis le début de l'épisode, le troisième chiffre aux plans du films depuis le début de la partie.
  5. Nous pouvons comparer l'atrocité occultée, mais terriblement présente, de cette scène, avec le plan 94 de L'intendant Sancho de Mizoguchi. Lorsque l'intendant Sancho applique un fer chauffé, en hors-champ, sur le front de Namiji parce qu'elle avait tenté de s'enfuir. Il en est aussi de même, dans le plan 119 du même film lorsque Mutsu-Waka/Zuchio (frère d'Anju) marque un vieillard au fer rouge. (Cf. L'Avant-Scène Cinéma, 1979, pp.13 et 16.) Nous remarquons que ce qui compte dans ces scènes, c'est le haut degré d'horreur qui anime les bourreaux. Nous entendons, en voix-off, le cri de la femme et de l'homme chez Mizoguchi, et un long son de gargarisme épouvantable, à la limite du soutenable, chez Tarkovski.
  6. Encore une fois, les déplacements et les mouvements de la caméra sont des indicateurs de faits cinémantiques.



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