Cheval

De Cinémancie
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Novecento, le cheval blanc, Cocaïne, dans le salon des Berlingieri.



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Titres des films

Mode d'emploi de la figure (mot) et abréviations


Titre Titre original Réalisation Scénario Année Pays Durée (min.)
A Cheval sur le Tigre A Cavallo della tigre Comencini Luigi 1961 Italie
Cheval et l'enfant (Le) Black Beauty Hill James Mankowitz W. 1971 Angleterre,

Allemeagne,

Espagne
90
Cheval Fusil et Vent Libre Iovice Vlad. 1975 Moldavie
Cheval qui Pleure (Le) Dorogoï Tzenoï Donskoï Marc Donskoï I. 1957 URSS 99
Cheval venu de la mer (Le) Into the west Newell Mike Sheridan J. 1994 Irlande 100
Chevalier à l'étoile d'Or (Le) Raizman Youli Tchirskov B.
Roman de
Babaievsky R.
1950-51 95
Chevalier de la nuit (Le) Chevalier de la nuit (Le) Darène Roger Anouilh J. 1954 France 88
Chevalier mystérieux (Le) Il Cavaliere Misterioso Freda Riccardo Freda R.
Monicelli V. M.
1948 Italie 93
Chevaliers des Rêves.(Les) Derbenev Vadim 1968 Moldavie
Chevauchée Fantastique (La) Stagecoach Ford John Roman de Haycox E.
Nichols D.
Hecht B.
1939 USA 97
Chevauchée Sauvage (La) Bite the Bullet Brooks Richard Brooks R. 1975 USA 131
Chevaux de Bois Merry-Go-Round Stroheim E. von 1922 USA
Chevaux de Feu (Les) Teni zabythykh predkov Paradjanov Sergei Nouvelle de
Kotzioubinski
Paradjanov S.
Tehendel I.
1965-66 URSS 95
Chevaux perdus (Les) Chusheng Cai 1936 Chine 90
Homme nommé cheval (Un) A man called Horse Silverstein Elliot 1970 USA 105
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Autres titres de films

Mode d'emploi de la figure (mot) et abréviations


Titre Titre original Réalisation Scénario Année Pays Durée
1900 Novecento Bertolucci Bernardo Arcalli F.
Bertolucci B.
1976 Italie 310
Aguirre, la Colère de Dieu Aguirre, der Zorn Gottes Herzog Werner Herzog Werner 1973 Allemagne 95
Andreï Roublev (Voir détail : Andreï Rublyov) Tarkovski Andreï Tarkovski A.
Konchalovsky A.
1969 URSS 215
Nostalghia (Voir détail : Nostalghia) Tarkovski Andreï Tarkovski A.
Guerra T.
1983 URSS
Italie
130
Source (La) Jungfrukällan (littéralement : La Source de la vierge) Bergman Ingmar Isaksson U. 1960 Suède 89
Viridiana Viridiana Buñuel Luis Buñuel L.
Alejandro J.
1961 Mexique
Espagne
90
Visiteur (Le) Muukalainen Valkeapää Jukka-Pekka Forsström J.
Valkeapää J.-P.
2008 Finlande

Angleterre

Allemagne
98
Visiteurs du Soir (Les) Visiteurs du Soir (Les) Carné M. Prévert J. Laroche P. 1942 France 110


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Photogrammes extraits des films - Analyse et liens spécifiques des films

1900 (Novecento) de Bernardo Bertolucci

Voir :


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Aguirre, la Colère de Dieu de Werner Herzog

 
Photogramme - Cheval 1 : Aguirre, la Colère de Dieu., Le cheval noir sur le radeau est le triste témoin d'une triste expédition.


Le cheval noir sur le radeau ne représente-il pas le paradoxe du tyrannique Aguirre : faire voyager sur l'eau, un animal destiné aux grands espaces ?


Voir aussi les liens spécifiques du film : animal → cheval → [fleuve]* → [radeau]*

[*] : [Les plans entre crochets ne sont pas inclus dans le dictionnaire.]


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Andreï Roublev d’Andreï Tarkovski

Les métamorphoses de la figure du cheval noir

Il faut noter la puissance suggestive du cheval noir dans Andreï Roublev. Ainsi, au plan 5a, au début du film, (Cf. Photogramme – Cheval 2.)

 
Photogramme - Cheval 2 : Andreï Roublev, Plan 5a. Le cheval noir qui se promène parmi les hommes. Au premier plan, Efim, l’audacieux explorateur.


Avant et pendant l'entrée d'Efim dans l'église, (Cf. Photogramme – Cheval 3.)


 
Photogramme - Cheval 3 : Andreï Roublev, Plan 5c. Nous verrons subrepticement, passé le cheval noir à travers la porte, mais nous ne le verrons pas à la sortie.


Puis lors de sa subite disparition à la sortie d'Efim de l'église, enfin sa présence (soudaine) aux plans 20 et 21. (Cf. Photogramme – Cheval 4.)

 
Photogramme - Cheval 4 : Andreï Roublev, Plan 21. Après la chute d’Efim, qui est tombé avec sa mongolfière. Nous voyons lr cheval noir se redressé.

La figure du cheval est polyvalente [1] : (…) "Une croyance, qui paraît ancrée dans la mémoire de tous les peuples, associe généralement le cheval aux ténèbres du monde chtonien, (…) Fils de la nuit et du mystère, ce cheval archétypal est porteur à la fois de mort et de vie, lié au feu, destructeur et triomphateur, et à l'eau, nourricière et asphyxiante." [2] Ainsi, le cheval noir devient un messager de la mort. C'était notre première hypothèse.


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Significations symboliques et anthropologiques du cheval

Or avec l'appui des images du film nous nous sommes penché sur une seconde hypothèse, comme nous allons le voir plus loin. Cependant, ce qui est intéressant de savoir, c'est qu'avec le cheval noir il y a une multiplicité d'acceptations symboliques. Elles découlent de cette signification complexe des grandes "figures lunaires", (…) "Où l'imagination associe par analogie la terre dans son rôle de mère, son luminaire la lune, les eaux et la sexualité, le rêve et la divination, la végétation et son renouvellement périodique. Aussi les psychanalystes et Jung en particulier ont-ils fait du cheval "du psychisme inconscient" ou de la "psyché non-humaine." [3] Pour Gilbert Durand, le cheval est un archétype voisin de celui de la mère : (…) "Mémoire du monde" ou bien de celui du temps, puisqu'il est relié aux grandes horloges naturelles." [4] Ou encore pour Paul Diel, c'est (…) "l'archétype de l'impétuosité du désir." [5] (…) "Mais la nuit conduit au jour et il arrive que le cheval, suivant ce processus, quitte ses sombres origines pour s'élever jusqu'au cieux en pleine lumière." [6] Il nous semble trouver dans cette dernière remarque un résumé parfait de la trajectoire initiatique du film. Le film commence avec le cheval noir, visiblement intrigant et gesticulant, pour terminer avec la séquence des quatre chevaux blancs paisibles du postlogue. Grâce à cette trajectoire, Tarkovski installe la vie de Roublev à l'intérieur d'un climat trouble et obscur, pour aboutir à l'apothéose de la cloche et à la peinture d'Andreï Roublev à la fin du film, seul passage en couleur.


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Le cheval dans le folklore russe

Toutefois, ce qui est significatif dans un film, ce n'est pas l'interprétation livresque de ses signes mais bien au contraire, la métamorphose et la transformation que le réalisateur fait subir à des signes ou des symboles puissants. Les interprétations livresques sont intéressantes dans la mesure où elles nous permettent d'accéder aux racines des signes filmiques. Ainsi, il est intéressant de noter qu'il y a deux acceptions symboliques du cheval noir dans la poésie populaire russe. En effet, le coursier de la mort devient le symbole de la jeunesse et de la vitalité triomphante : (…) "Le cheval noir court, la terre tremble, et de ses naseaux la flamme sort, de ses oreilles la fumée, sous ses sabots jaillissent des étincelles." [7] Ou encore une chanson populaire récente : (…) "Ohé mes jeunes années / Ohé mes chevaux noirs ! " [8] Et la même image est reprise en 1964, dans un scénario du cinéaste soviétique Alexandre Dovjenko (1894-1956) dans la Desna enchantée, réalisé par R.Y. Solntseva : (…) "Mes années ont passé, mon jour décline, je ne vole plus, je regrette le passé et j'ai tant envie de seller mes chevaux noirs…Où êtes-vous, où êtes-vous ! "


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La figure du cheval noir capé : Justification de la méthode de l'arbre cinémantique

Au VIème épisode, « La Passion selon André, 2ème partie, l’Invasion ». C’est le sac de Vladimir. Les combats embrasent le village. Les envahisseurs cherchent les villageois. Les maisons sont en feu. Les deux chefs sont à l'arrêt (plan 227).

Plan 228-45-6 [9] : 1h 43' 02" : Ce plan est très élaboré. La caméra tourne à 180°, dans le sens des aiguilles d'une montre, en quatre temps :

1. Vue générale sur un sentier et des bois, panoramique à droite au bas de l'écran : les remparts ;

2. Sur les remparts, une femme est traînée par les cheveux, par un Tatar. La caméra effectue un second panoramique à droite, vers la place de l'église, devant la porte de l'église ;

3. Les envahisseurs tentent de défoncer la porte de l'église avec un énorme bélier en bois. (Cf. Photogramme – Cheval 5. Plan 228c)


4. Devant l'église, avant d'entrer, le chef tatar se prépare : il dispose une cape blanche sur la croupe de son cheval. (Cf. Photogramme – Cheval 6.)


 
Photogramme - Cheval 6 : Andreï Roublev, Plan 228d. Le chef tatar coiffe la croupe de son cheval une cape claire.

Les exemples des représentations polymorphes de la cape illustrent nos propos de l'introduction générale, à savoir : ce qui compte à nos yeux, ce n'est pas "l'histoire du film", mais "l'histoire des images".[10] En effet, la chaîne d'indices constituée par le simple fait d'enlever ou de mettre une cape, est un trait significatif qui dévoile un certain nombre de paramètres caractéristiques d'une personne. L'exemple de la cape forme une triple justification de notre [[Thèse:Introduction:La méthode de l'arbre cinémantique#Les fruits d'un film : le futur |méthode de l'arbre cinémantique]].


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La figure du cheval noir sur l’escalier

Plan 231-48-9 : 1h 45' 17" : Plan rapproché sur le chef tatar, à l'arrière plan le bélier en bois en activité.

Plan 232-49-10 : 1h 45' 44" : Changement de cadre. Plan rapproché sur un cheval noir qui est curieusement disposé sur le haut d'un petit escalier de quelques marches. L'animal est en grande difficulté. Il perd complètement son équilibre. (Cf. Photogramme – Cheval 7.)


 
Photogramme - Cheval 7 : Andreï Roublev, Plan 232. Le cheval sur l'escalier.


Il dégringole à terre. Il essaye en vain de se redresser. Il tombe par terre. Il a peut être la jambe cassée. Panoramique à gauche. Un groupe d'une demi-douzaine de tatars sont autour d'une jeune femme russe. Elle est violée par un Tatar. Elle est allongée à même le sol. Elle se relève, elle dispose négligemment sa robe sur elle.

Plan 233-50-11 : 1h 46' 23 " : Un Tatar muni d'une lance se détache du groupe. Il s'approche du cheval estropié et le transperce d'une manière chirurgicale, atteignant directement le cœur. Passage au plan suivant : au cœur de l'église, avec la foule en prière.

C'est cette séquence du cheval qui chute sur le petit escalier qui a dirigé nos pensées pour attribuer au cheval noir, par métamorphose, la figure de la foule. Cela prête naturellement à des objections. Au plan 228d, on déifie le cheval, alors qu'au plan 231 on le transperce. Il est rare, dans un moment si court, de montrer une chose et son contraire. En fait, l'alchimie de la transformation sémantique s'effectue à partir de deux instances. La première est formelle, dans le sens où ce cheval noir est libre de tous accessoires. Il n'a ni harnais sur la tête pour le conduire, ni selle sur son dos pour le monter. Il est censé être libre comme la foule. Deux images vont, ensuite, contribuer à alimenter nos propos. La première est à l'intérieur du plan 231 : l'enchaînement cheval en chute → jeune fille violée → cheval transpercé. Nous avons remarqué, dans le Ier épisode, les positions étranges du cheval, après la chute d'Efim. Le cheval couché, se redresse et sort à droite (plans 20 et 21) (Cf. Photogramme Cheval 4). Ici, le cheval tombe, il tente de se redresser, n'y parvient pas et c'est une jeune fille violée qui va se redresser. De plus, le cheval dégringole un escalier avant de s'effondrer : la valeur de la chute est accentuée.

Ainsi, le Tatar ne transperce pas uniquement le cheval, il traverse l'ensemble de « l'équation ». En fait, il croise sa lance dans l'axe du monde. Le centre du croisement est situé dans le cœur de l'animal, qui est, par développement et prolongation par rapport aux plans suivant, le cœur de l'église.

Voir également : Vache en feu


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Le cheval noir dans l’église

A la fin du VIème épisode, Roublev dit à Théophane qu’il ne veut plus peindre.

Plan 271-88-8 : 2h 1' 09" : Théophane demande : " Pourquoi ?"
_ Andreï Roublev : " Ca ne sert à rien. »
_ Théophane : "Parce que ton iconostase à brûler."
_ Andreï Roublev : "Je ne t'ai pas dit le principal. J'ai tué un homme." (Théophane pose sa main sur son épaule).
_ Théophane : (Il cite les Écritures) Nos péchés donnent figure humaine à notre cruauté. (…) Si tu as commis des péchés rouge-vermeil. Je les effacerais, je les blanchirais comme neige." (Un flocon de neige tombe.)
_ Andreï Roublev : "J'ai décidé d'offrir mon silence à Dieu. Je n'ai plus rien à dire à mes semblables. (…)

Plan 274-91-11 : 2h 05' 04" : Le cheval noir, le passeur de la mort du trésorier-martyr entre subitement dans l'église. (Cf. Photogramme - Cheval 8)

Plan 275-92-12 : 2h 05' 32" : Plan rapproché de la sourde-muette qui dort. Le cheval hennit.

Fin du VIème épisode.

Comment interpréter les trois derniers plans ? L'irruption du cheval noir dans cet univers étrange et troublant pose problème. Il faut dire que son arrivée inattendue ressemble à "un coup de fronde" qui nous arrive tout droit du Ier épisode. A la jubilation du cheval après la mort d'Efim, nous entendons un hennissement après le vœu pieux de Roublev de livrer son silence à Dieu qui tombe aussi comme un clédon. En effet, comme pour le clédon prononcé par Daniel lors de la scène de la barque de procession au plan 131, Roublev dit : "je n'ai plus rien à dire à mes semblables." Aussitôt la phrase terminée, le cheval noir fait son apparition. La phrase coïncide étrangement avec le sommeil de la sourde-muette qui fait suite à sa tâche délicate de nouer la natte.

Tarkovski n'exploite pas uniquement les principaux protagonistes de la diégèse, il sonde aussi les figures auxiliaires, au point de les grossir et de les rendre majeures. Une éclatante image de ce grossissement est inscrite dès le début de la 12ème partie : Roublev est abattu, la sourde-muette commence à faire la natte, il y a alors le chat noir qui traverse l'écran en oblique, du bas du coin droit, vers son côté opposé à gauche. Ce qui est troublant, c'est que le cheval noir entre du côté gauche. Peut-t-on donc dire, que le cheval noir devient ici, comme la sentence de l'auto-procès que Roublev s'inflige ? Est-ce que ce concept de grossissement correspond à la prise en considération de la gravité de l'acte que Roublev a accompli ? Mais après tout, on peut aussi penser que c'est un rêve. Et peut-être que l'ensemble de la partie est un rêve, car rien ne permet d’affirmer le contraire.

En comprenant la gravité de son acte, Roublev comprend aussi la puissance de son acte. Mais il se hâte aussitôt "d'offrir son silence à Dieu". Cette idée suggère l'idée de laisser "Dieu parler", et de l'entendre à un moment donné, par l'intermédiaire d'un jeune homme, qui va surmonter (comme lui) des obstacles considérables. Il s'agira de Boris, le fondeur de cloche. Le cheval noir devient en quelque sorte une signature du silence, c'est-à-dire le potentiel d'une énergie instinctive, pure et libre, une énergie qui se suffit à elle-même. Toutefois, à l'opposé, il reste à envisager une autre hypothèse : le cheval noir comme représentation de l'homme abattu. En effet, la plupart du temps, nous avons vu le cheval noir uniquement dans des situations dramatiques. Ainsi le cheval noir bouleverse "l'épaisseur des significations données". Comme si Tarkovski voulait nous faire comprendre qu'une image, un symbole, une figure n'ont pas un statut définitif, mais qu’au contraire, c'est une masse fluide, toujours en mouvement. C'est un organisme vivant, toujours en croissance d'où les tendances (inconscientes) du réalisateur à personnifier et à individualiser ces images. Chez Tarkovski même la mort n'est pas un état définitif. Enfin, le cheval noir, n'aura pas fini de nous étonner. Nous allons le rencontrer encore plus loin, dans une situation moins dramatique.


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Le cheval noir parmi la foule

Au cours du VIIIème épisode s'intercale la séquence du bouffon qui s'en prend à Roublev :

Plan 342/346 – 31/35 : 2h 39' 48" / 41' 06" : Il a fallu l'intervention de Kyril pour calmer le bouffon. Ce qui est encore pertinent dans cette séquence, outre l'inversion de Kyril, c'est la présence du cheval noir confondu dans la foule. (Cf. Photogramme – Cheval 9.)


 
Photogramme - Cheval 9 : Andreï Roublev, Plan 346. Après la colère du Bouffon et le repentir de Kyril, nous distinguons le cheval noir confondu dans la foule joyeuse.

Encore une transformation métaphorique de la figure du cheval noir qui ne nous a pas quittée depuis le début du film. La diversité des propositions du cheval noir, avec toutes ses variétés transformées, nous indique bien son caractère multiple. Ici, il s'intègre à la foule, il est parmi la foule, comme s'il représentait la foule, comme s'il était la foule. Sa présence après tous les moments tragiques que Roublev a traversé, annonce, en quelque sorte, sa prochaine guérison.


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Le cheval noir et la dame en blanc

Vers la fin du 8ème épisode :

Plan 384-73 : 3h 02' 04" : La foule continue à bercer la pendule de la cloche. Boris est assis, on commence à sonner la cloche. Nous entendrons longtemps d'une part le dialogue incessant de deux Italiens, et d'autre part le son du balancement du battant de la cloche, avant qu'elle émette un son intense, clair et présent, qui remplira tout l'espace.

Plan 385-74 : 3h 02' 11" : Une grande partie des gens du village est réunie autour de la cloche. Ces gens sont debout, sans bouger, ils retiennent leur souffle et attendent avec impatience le son limpide de la cloche. Nous distinguons en avant-plan une petite fille accompagnée d'une dame vêtue en blanc, qui tient les harnais d'un cheval noir bien docile. Ils passent en souriant en direction de Boris. (Cf. Photogramme – cheval 10.)


 
Photogramme - Cheval 10 : Andreï Roublev, Plan 385. La dame en blanc, accompagnée d'une petite fille et d'un cheval noir, traverse la foule en souriant en direction de Boris.


Et enfin, la cloche sonne, la foule crie un hourrah de joie.

Plan 386-75 : 3h 02' 44" : Plan sur Boris, visiblement très épuisé.


Le passage d'une "apparition"

Ne peut-on pas fair un rapprochement entre le motif des anges (grâce à la peinture, en couleurs, du postlogue) et celui des deux personnages singuliers que nous rencontrons lors de l'élévation de la cloche : la petite fille et la dame en blanc accompagnées du cheval noir ? En effet, nous pensons assister ici à une apparition dans le sens mystique du terme : en fait, ces deux personnages sont invisibles, ils n'apparaissent à la limite que pour Boris. En effet, au plan 385 (Cf. Photogramme Cheval 11.) leur passage pose problème : tout le peuple est debout en silence, il attend avec impatience le son de la cloche. Et nous voyons ces deux personnages au premier plan, qui traversent l'image allégrement, en souriant. Le peuple statique n'est pas étonné de les voir passer. Pourquoi ? Parce qu'ils ne sont pas réels. C'est encore une innovation particulière du réalisateur : rendre l'irréel réel.

Ainsi, ces deux personnages sont comme des divinités protectrices, qui ont toujours guidé l'audacieux Boris. Nous l’avons entendu, son père ne lui a pas transmis le secret de la fonte de la cloche, il a donc tout le temps improvisé, inventé, imaginé. Et à son tour, Boris, touché par la grâce, guidera et amènera l'âme troublée et obscurcie de Roublev vers la lumière, vers la peinture. Le cheval noir qui accompagne les deux personnages est aussi à considérer attentivement. En effet, nous avons vu le cheval noir dans tous ses états, gesticulant, dégringolant, transpercé, etc. A présent nous le voyons, (au plan 385 et 389) obéissant, majestueux, amical : c'est en fait une métaphore de la transformation (presque divine) du peuple. D'animal instinctif, il devient humain et raisonnable. De plus, il faut ajouter un autre point qui est en rapport direct avec le 1er épisode : le cheval noir était aussi une apparition, nous en avons pour preuve le fait de le voir au plan 5a, et de le voir disparaître au plan 6, au moment ou Efim sort de l'église. Et lors du vol d'Efim, les plans en plongée ne présentent aucune trace de l'animal. Ainsi le cheval noir constitue un liant qui conclut en boucle le film. Mais il n'est pas le seul ; il y en a plusieurs…



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Liens spécifiques du film

Voir : Andreï Roublev


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Nostalghia, d’Andreï Tarkovski

Le cheval en feu

Plan 108 : 1h 43' 35" : Plan rapproché sur le "Fou à cheval". Il continue à discourir : "Où suis-je quand je ne suis pas dans la réalité ? Ni dans mon imagination ? (…)Les grandes choses finissent, ce sont les petites qui durent (…)" Un collègue du "Fou", tient un bidon d'essence dans la main. Il monte l'échafaudage et donne le bidon au "Fou"(plan 109a). "Le Fou" s'asperge d'essence (110). Brusquement, la chienne Zoé se redresse (112). "Le Fou" allume le briquet (113). (Cf. Photogramme – Cheval 11.)


 
Photogramme - Cheval 11 : Nostalghia, Plan 113. Le Fou à cheval en feu.


Zoé est inquiète (114). Plan d'ensemble du "Fou" en feu, et de la curieuse assemblée (115). La Traductrice arrive aux pieds d'un escalier monumental (116). Zoé commence à aboyer avec vigueur (117). "Le Fou", en feu, descend (en off) de l'échafaudage, et vient mourir en croix aux pieds des gens (118).

La première apparition d’un cheval dans le film, remonte au prologue, dès le 1er plan. C’était un cheval blanc paisible, avec un chien à ses côtés. Le chien et le cheval vont acquérir un poids croissant dans le film. [11] Tout d'abord ces deux figures ouvrent et ferment le film. Le chien du prologue ira se coucher aux pieds de son maître dans le postlogue. Quant au cheval blanc, il propose d'une part, une idée de passage, il passe ici d'une forme vivante à une forme "statufiée" ou artistique [12] ; d'autre part, il est en liaison avec le poteau central, qui lui, nous l'avons vu, est en relation avec le plan 3, l'arbre au centre de l'image. En définitive, nous constatons qu’avec le premier plan du film, nous allons obtenir trois équations qui vont conclure la fin du film, comme le présente le tableau suivant.

 
Tableau : Nostalghia, Les relations du prologue dans Nostalghia



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Liens spécifiques du film

Voir : Nostalghia



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Sémantique du cheval sinistre

(…) "Au Moyen Age, la civière s'appelait "cheval de Saint-Michel" ; le cheval symbolisait l'âme du mort. (…) Sémantiquement le cheval sinistre… à l'origine même du français "cauchemar" ou de l'anglais "nightmare" : la "mahrt" allemande (jument) est un démon chtonien, comme le nom l'indique (comparer : vieux slavon "mora" sorcière ; russe "mora" spectre ; polonais "mora" ; tchèque "mura", cauchemar ; latin "mors, mortis" ; vieil irlandais "marah" mort, épidémie, etc.)" [13]



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Notes et références

  1. Cf. L'exemple du cheval blanc dans le film de Bertolucci, Novecento dans lequel le nom de l'animal apporte un témoignage de circonstance exceptionnel sur un fait cinémantique. Cf. également, Le cheval en Eurasie : pratiques quotidiennes et déploiements mythologiques, Editions l'Harmattan, Paris, 1999. Marie Cegarra, L'animal inventé : ethnographie d'un bestiaire familier, Editions l'Harmattan, Paris, 1999.
  2. Chevalier/Gheerbrant, Dictionnaire des Symboles, op. cit., p. 223.
  3. Ibid., p.223. Cf. également sur ce point, C.G.Jung, Psychologie und Alchemie, Zürich, 1944, p. 312.
  4. Gilbert Durand, Les Structures Anthropologiques de l'Imaginaire, Introduction à l'archétypologie générale, op. cit., p.72. Cf. également : le sémantisme du cheval chtonien, pp. 79-81 ; cheval solaire, 81 ; Cheval aquatique, (…) "Poséidon, ne l'oublions pas, est fils de Kronos, il porte le trident primitivement fait des dents du monstre (… isomorphisme entre schème de l'animation et archétype de la gueule dentée)." Op. cit., pp 82-83. Ce dernier point est en relation dans le film avec le VIème épisode, 3ème partie : l'oscillation de la scie sifflante ; Salomon Reinach (Cultes, mythes, religions, t. V, p. 124.) a montré que le roi mythique Tyndare est un ancien dieu du chevalier et que son nom se confond avec le vocable onomatopéique du tonnerre "tundere". C'est donc sous l'aspect d'un cheval bruyant et ombrageux que le folklore, comme le mythe, imagine le tonnerre. C'est ce que signifie la croyance populaire prétendant, lorsqu'il tonne, que "Le Diable ferre son cheval" (Cf. Jung, Libido, p. 267, et Horace, Ode, I, 34-37 : "tonantes equos"). Relation dans le film avec le Vème épisode, 7ème partie : Paille et orage. Cf, également la suite, chez. G. Durand, op. cit., pp. 97, cheval de Troie, 229 ; 240 ; 377-378 ; le cheval, allié du sauveur et précieux conseiller (dans les contes de la série "Domangage", p. 427.
  5. Paul Diel, Le symbole dans la mythologie grecque, préface de Gaston Bachelard, Paris, (1952) 1966, p. 305.
  6. Chevalier/Gherrbrant, Dictionnaire des Symboles, op. cit., p. 223.
  7. A.N. Afanassiev, Narodnye Rousskie Skazki, (contes populaires russes), réimpression de l'édition 1855-1863, moskova, 1957, tome 1, p. 203.
  8. Ibid.
  9. Le premier chiffre correspond aux plans du film depuis le début du film, le second chiffre aux plans du film depuis le début de l'épisode, le troisième chiffre aux plans du films depuis le début de la partie.
  10. J. Epstein écrit : (...) "Commercialement une histoire est indispensable, et un argument, même dans le film idéal, nécessaire pour enduire l'image de sentiment. La décomposition d'un fait en ses éléments photogéniques est la première loi du film, sa grammaire, son algèbre, son ordre… (…) Plus une scène tient de récit, moins elle a de chances de rendre à l'écran ; vice versa." Écrits sur le Cinéma, Tome 1, 1921-1949, Éditions Seghers, 1974, p. 105.
  11. Toutes proportions gardées, nous considérons le chien comme étant une figure majeure, et le cheval comme une figure mineure avec seulement trois apparitions, contrairement à Andreï Roublev où la situation est inversée.
  12. Cf. Les derniers plans du film Andreï Roublev.
  13. Alexandre Krapp, La genèse des mythes, Paris, 1952, p. 229. Cf. également, Chevalier/Gherrbrant, op. cit., p. 223. H. Jeanmaire, Dionysos, Histoire du culte de Bacchus, Paris, 1951, p. 284.



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