Arbre

De Cinémancie
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L’arbre dans Avatar de John Cameron.
L’arbre dans Avatar de John Cameron.

Titres des films

Mode d'emploi de la figure (mot) et abréviations


Titre Titre original Réalisation Scénario Année Pays Durée (min.)
Arbe, le maire et la médiathèque (L') Arbe, le maire et la médiathèque (L') Rohmer Eric Rohmer Eric 1993 France 106
Arbre aux âmes (L') Po di Sangui Gomes Flora Fernández A.
Gomes F.
1996 France

Guinée
Tunisie

Portugal
90
Arbre aux Sabots (L') L'Albero degli zoccoli Casati Amadeo Casati A. 1978 Italie. 190
Arbre de Vie (L’) Tree of Lide (The) Malick Terrence Malick Terrence 2011 USA 138
Des journées entières dans les arbres Des journées entières dans les arbres Duras Margueritte Duras Margueritte 1976 France 85
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Autres titres de films

Mode d'emploi de la figure (mot) et abréviations


Titre Titre original Réalisation Scénario Année Pays Durée
Andreï Roublev Andreï Rublyov Tarkovski Andreï Tarkovski A.
Konchalovsky A.
1969 URSS 215
Colline des Potences (La) The Hanging Tree Daces Delmer Mayes W.
Welles H
1959 Italie 105
Intendant Sancho (L') Sanchô dayü Mizoguchi Kenji Fuji Yahiro
Yoda Yoshikata
1954 Japon 120
Nostalghia Nostalghia Tarkovski Andreï Tarkovski A.
Guerra T.
1983 URSS
Italie
130
Pommes d’Adam (Les) Adams æbler Jensen Anders Thomas Jensen Anders Thomas 2005 Danemark, Allemagne 94
Source (La) Jungfrukällan [1] Bergman Ingmar Isaksson U. 1960 Suède 89


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Photogrammes extraits des films - Analyse et liens spécifiques des films

Andreï Roublev, d'Andreï Tarkovski

La barque taillée

Plan 3 : 00' 40" : Plan rapproché fixe sur un tronc d'arbre qui occupe toute la moitié gauche du cadre, la moitié droite est occupée par les bords de la rivière, léger mouvement de la caméra vers la gauche, le tronc de l'arbre est à droite. Efim passe derrière l'arbre sur une petite barque sculptée dans un tronc d'arbre. Il rame rapidement, devant lui se trouve les harnais. (Cf. Photogramme Arbre 1.)


 
Photogramme - Arbre 1 : Andreï Roublev, Plan 3. La barque d'Efim taillée dans un arbre, devant lui se trouve les harnais.


La figure de la barque sera reprise à différents niveaux dans le corps du film. Ici, elle rejoint l'hypothèse de Gaston Bachelard qui y consacre une étude intitulée "le complexe de Caron." [2] Il va s'appuyer d'une part sur les travaux d'un mythologue, Saintine, qui, au culte des arbres, rattache le culte des morts. [3]


Dans le plan 3, il y a une proposition cinématographique significative. Il s'agit du plan rapproché sur l'énorme tronc d'arbre, qui occupe toute la moitié gauche de l'écran, laissant entrevoir la rivière dans la moitié droite. En fait, la composition plastique développe "un passage" d'une forme verticale, statique et puissante (l'arbre) à une forme horizontale, dynamique et légère (la barque). Cet argument est un point de plus à mettre au compte de la notion de passage cinématographique.


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Le jeune bouleau et autre apparition d'arbre

Plan 23-2 [4] : 05' 39" : Plan général. Trois moines quittent le monastère de la Trinité. Ils ne sont pas sortis dans le monde depuis plus de neuf ans. Il s'agit de Daniel, d'Andreï et de Kyril. Le premier objet qu'ils admirent en sortant du monastère est un jeune arbre, un bouleau. (Cf. Photogramme Arbre 2.)


 
Photogramme - Arbre 2 : Andreï Roublev, Plan 23b. Les trois moines qui admirent le jeune bouleau. Andreï Roublev qui dit à Daniel : "Tu vois, ce bouleau, je ne l'avais pas remarqué avant."


Il pleut. Ils courent sous la pluie. Cut.

Dans les plans suivants, les trois moines vont s'abriter de la pluie dans une ferme. C'est le IIème épisode , celle du Bouffon, dans laquelle, deux cavaliers vont cogner le bouffon contre un arbre. (Cf. Photogramme - Arbre 3.)


 
Photogramme - Arbre 3 : Andreï Roublev, Plan 44. Deux cavaliers qui cognent le bouffon contre un arbre.


Et, à la fin de l'épisode, au :

Plan 47 : Au second plan, à gauche, le bouffon est emporté sur le dos d'un cheval. Les moines passent devant trois troncs d'arbres imposants. Il faut comparer ce plan avec le plan 23b,celui du jeune bouleau. (Cf. Photogramme - Arbre 4)


 
Photogramme - Arbre 4 : Andreï Roublev, Plan 47. Au second plan, à gauche, le bouffon est emporté sur le dos d'un cheval. Comparez avec le plan 26b : les moines représentaient des petites silhouettes minuscules, avec ce plan nous obtenons l'inverse. C'est une autre figure d'inversion.


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Au cours du IIIème épisode, lors de la rencontre insolite d'Andreï Roublev et de Théophane le Grec :

Plan 73-26 : 40'10" : Tout à coup, au pied d'un grand arbre, et à travers une petite flaque d'eau, une couleuvre traverse rapidement la flaque d'eau de droite à gauche, pour disparaître dans l'herbe. (Cf. Photogramme - Arbre 5)


 
Photogramme - Arbre 5 : Andreï Roublev, Plan 73. Une couleuvre traverse rapidement la flaque d'eau, au pied d'un arbre.


Plan 75-28 : 40' 40" : La couleuvre réapparaît deux plans plus loin. Andreï Roublev continue à parler à son élève : "Seule la prière permet à l'âme d'atteindre l'invisible."


Plan 79-32 : 41' 06" : Le maître et l'élève marchent sur un tronc d'arbre abattu au sol qui suggère la fonction d'un pont. (Cf. Photogramme - Arbre 6.)


 
Photogramme - Arbre 6 : Andreï Roublev, Plan 79. L'arbre qui fait fonction de pont.


Plan 80-33 : 41'42" : Panoramique à droite, vers la main de Roublev en gros plan.

Plan 81-34 : 42' 09" : Gros plan sur des racines d'arbre géantes. Panoramique à gauche. Transition avec le plan suivant:

Plan 82-35 : 42'23" : Théophane le Grec assis "en majesté", éclatant de lumière, les pieds nus jusqu'aux genoux plongés dans une fourmilière. Les fourmis courent sur ses pieds dans tous les sens.


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Les polarités de la figure de l'arbre dans Andreï Roublev

Au cours du Vème épisode, quand Roublev, triste (après le massacre de ses camarades de chantier), dit à un enfant qui lisait une bible : "pourquoi t'arrêtes-tu, continue ?" L'enfant continue sa lecture. Cependant on observe une rupture dans la continuité des plans. En effet, Roublev dirige son regard à gauche, vers une fenêtre :

Plan 175b-33b [5] : 1h27'29 " : c'est un plan de réminiscence, un flash-back. Nous apercevons dans un plan d'ensemble, les trois moines qui courent dans un sentier sous une pluie battante. C'est un rappel du IIème épisode quand les trois moines sortent du monastère.

Plan 176-34 : 1h27'48 " : Plan général d'un arbre placé au centre de l'image(Cf. Photogramme – Arbre 7.)

 
Photogramme - Arbre 7 : Andreï Roublev, Plan 176. L'arbre qui abrite sous la pluie, la silhouette de Kyril et à droite la silhouette d'Andreï Roublev à gauche.

Plan 177-35 : 1h 27' 59" : Plan rapproché sur l'arbre. Nous distinguons Kyril à gauche qui tient, confondu par son habit sombre, un corbeau noir et docile. (Cf. Photogramme – Arbre 8.)

 
Photogramme - Arbre 8 : Andreï Roublev, Plan 177. Kyril à gauche qui tient, confondu par son habit sombre, un corbeau noir et docile.

La caméra pivote à droite:

Plan 178-36 : 1h 28' 06 " : Nous voyons Andreï Roublev. Tous les deux s'abritent de la pluie au pied de l'arbre. Ils sont placés en équilibre de part et d'autre de l'arbre. L'arbre est un chêne.


Dans le cours du film, nous avons rencontré à plusieurs reprises la figure de l'arbre, d'une façon associative, c'est-à-dire que la figure de l'arbre est associée à une autre figure. Mais nous ne l'avons jamais rencontré de cette façon : c'est un "plan arbro-centrifuge". [6] De plus, à chaque moment, l'arbre traduit par extrapolation une densité particulière : de l'arbre-totenbaum (plan 3) à l'arbre-fragile (plan 23b); de l'arbre-instrument (plan 44) de torture à l'arbre-pont (plan 79) ; du fondement de l'arbre, les racines (plan 73), à sa combustion, le feu et ceci jusqu'à l'arbre protecteur maternel (plan 176), sans oublier de parler des éléments provenant d'un arbre : les bûches (plans 41 et 63), les branches, le poteau(plan 38), etc. A chaque instant, les différentes facettes interprétatives résonnent comme un écho à la forme générale de la séquence. Les nombreuses allusions, directes ou indirectes, à la figure de l'arbre, lui confèrent une place aussi importante que la foule, le cheval noir ou la Bible.

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Le thème symbolique de l'arbre

C'est l'un des thèmes symboliques les plus riches et les plus répandus. [7] La bibliographie de ce thème pourrait, à elle seule, faire l'objet d'un livre. Nous allons en mentionner quelques traits essentiels. Dans son "Traité d'histoire des religions", Mircea Eliade distingue sept interprétations principales du thème de l'arbre qui s'articulent toutes autour de l'idée du "cosmos vivant" en perpétuelle régénérescence. [8] "L'arbre source de vie", précise Mircea Eliade, (...) "présuppose que la source de vie se trouve concentrée dans ce végétal ; donc, que la modalité humaine se trouve là à l'état virtuel, sous formes de germes et de semences." [9] Selon Spencer et Gillen cités par le même auteur, la tribu Warramunga, du nord de l'Australie, croit que "l'esprit des enfants", petit comme un grain de sable, se trouve à l'intérieur de certains arbres, d'où (...) "il se détache parfois pour pénétrer par le nombril dans le ventre maternel." Ceci n'est pas sans rappeler la croyance très répandue, selon laquelle (...) "le principe du feu, comme celui de la vie, est caché dans certains arbres d'où on l'extrait par frottement." [10] Plus encore, ces aspects rejoignent les caractéristiques générales de l'arbre : (...) "L'arbre met en communication les trois niveaux du cosmos : le souterrain, par ses racines fouillant les profondeurs où elles s'enfoncent ; la surface de la terre, par son tronc et ses premières branches ; les hauteurs, par ses branches supérieures et sa cime, attirés par la lumière du ciel. Des reptiles rampent entre ses racines ; des oiseaux volent dans sa ramure : il met en relation le monde chtonien et le monde ouranien. Il réunit tous les éléments : l'eau circule avec sa sève, la terre s'intègre à son corps par ses racines, l'air nourrit ses feuilles, le feu jaillit de son frottement." [11] Par ailleurs, "l'arbre source de vie" peut, brusquement, renverser sa polarité et devenir "arbre de mort". C'est le cas de Nabuchodonosor en proie à ses songes [12] : chez Daniel, le songe de Nabuchodonosor, et chez Isaïe l'arbre de mort est un "arbre abattu". L'importance de la figure de l'arbre abattu est souvent annoncée dès l'ouverture d'un film. C'est, par exemple le cas dans le film Les Chevaux de Feu (1987), de Serge Paradjanov, dans lequel un arbre qui allait s'abattre sur Ivan-enfant s'abat sur son frère Oleska qui voulait le sauver in extremis en le poussant. [13] Il en est de même dans L'intendant Sancho (1954) de Kenji Mizoguchi.


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L'intendant Sancho, de Kenji Mizoguchi

Dès le début du film, Zuchio-enfant, avance en sautant à cloche-pieds sur un tronc d'arbre jeté en travers d'une rivière. (Cf. Photogramme – Arbre 9)


 
Photogramme - Arbre 9 : L'Intendant Sancho, Zuchio sautant à cloche-pied sur un tronc d'arbre abattu.

Cette image ressemble au plan 79 du film Andreï Roublev : Thomas et Roublev qui marchent sur le tronc d'un arbre abattu. Est-ce à dire que les images d'un arbre abattu, expriment l'idée de la mort ? D'un cosmos mourant ? C'est peut être le cas de Thomas et d'Oleska mais nous ne pouvons pas en dire autant pour Roublev lui-même. En revanche, nous pouvons parler de la fin d'une péripétie dans sa vie. Il en est de même chez Zuchio qui, après cet événement, sera capturé et de simple esclave va acquérir le titre honorable de gouverneur, ce qui lui permettra de mettre fin à la cruauté de Sancho et au marché des esclaves.


Dans le registre de l'arbre abattu, il y a des traditions qui reposent sur une croyance. L'une de ces traditions, déjà signalée par Porphyre et répandue dans le monde entier, veut que l'arbre abrite une âme ou un esprit. Il en est de même pour les feuilles qu'il porte : (...) "ce n'est plus le vent qui les agite, c'est l'être vivant caché en elles." [14] C'est de là que viennent tous les mythes que l'on rencontre, des deux côtés de l'Atlantique, en Chine, en Corée et qui sont relatifs en relation avec la coupe des arbres : (...) "couper un arbre, voire même un seul rameau, peut faire périr ou rendre infirme d'un membre." [15] Les exemples cinématographiques sont nombreux, il y en a un dans Andreï Roublev, au plan 107, nous ignorons si la branche d'arbre de Thomas et Roublev a été arrachée ou ramassée. Dans Mouchette (1967) de Robert Bresson, le braconnier Arsène arrache un rameau pour piéger une poule d'eau, il sera violemment mordu à la main gauche par le garde forestier M. Michel.

Dans L'Intendant Sancho également, au plan 45, (Cf. Photogramme – Arbre 10.) Anju-enfant aidée par son frère Zuchio, réussissent à casser une branche pour faire un petit abri. Le lendemain, avec leur mère ils deviennent des esclaves, et au milieu du film, la mère aura les tendons du pied coupé. Au plan 144, dix ans plus tard, le frère et la sœur vont refaire le même geste, sauf que cette fois-çi il s'agissait d'un abri pour une mourante. Quelques heures plus tard, Anju ira se noyer dans un lac...

 
Photogramme - Arbre 10 : L'Intendant Sancho, Anju et Zuchio qui arrachent une branche d'un arbre.

Jacques Lacan note dans ses Écrits à propos de l'anagramme de l'arbre : (...) "C'est la barre : arbre circulatoire, arbre de vie du cervelet, arbre de Saturne ou de Diane, cristaux précipités en un arbre conducteur de la foudre." [16] Mais c'est encore la croix, (...) instrument de supplice et de rédemption, qui rassemble en une seule image les deux signifiés extrêmes de ce signifiant majeur qu'est l'Arbre : par la mort vers la vie ; "per crucem ad lucem", par la croix vers la lumière. [17]


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L'arbre : Image archétypale du père ou de la mère

L'arbre peut avoir une signification ambivalente, comme image de l'androgyne initial : le tronc de l'arbre dressé vers le ciel est le phallus, image archétypale du père, tandis que l'arbre creux, de même que l'arbre au feuillage dense et enveloppant, évoque l'image archétypale de la mère fertile. Jung additionne les deux polarités et nous livre une interprétation androgynale ou plutôt hermaphrodite. [18] Cette ambivalence du symbolisme de l'arbre, à la fois phallus et matière, se manifeste plus nettement encore dans l'arbre double : (...) "un arbre double symbolise le processus d'individuation au cours duquel les contraires en nous s'unissent." [19] Est-ce une direction d'interprétation du plan 178 (Cf. Photogramme – Arbre 7) ? Le plan symétrique qui montre Roublev et Kyril de part et d'autre du grand chêne ? Et que vient faire-là Kyril ? Est-il le double de Roublev ? Un double négatif ? Est-il le contraire de Roublev ? Mais est-ce que l'homme n'est fait que d'un seul contraire ? Qu'est-ce qui nous empêche de parler de plusieurs contraires ? Entre le jour et la nuit, il y a l'aube et le crépuscule ; entre le blanc et le noir, il y a le gris clair et le gris foncé. Kyril peut être le double ou le contraire de Roublev, comme l'ont été avant lui, le Christ et le bouffon. Mais il peut aussi être l'élément absent de Roublev. Est-ce pour cette raison qu'il est présent à l'image ? Est-ce que sa présence est une nécessité d'une confirmation de cette partie dans l'épisode ? De plus, l'arbre dont il est question dans les plans 176-179, n'est pas n'importe quel arbre, c'est un robuste chêne, reconnaissable à ses feuilles.


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Le chêne : figure de "l'axe du monde"

Le chêne est un "arbre sacré dans de nombreuses traditions, [il] est investi des privilèges de la "divinité" suprême du ciel, sans doute parce qu'il attire la foudre [20] et qu'il symbolise la majesté : chêne de Zeus à Dodone, de Jupiter Capitolin à Rome, de Ramowe en Prusse, de Perun chez les Slaves. La massue d'Hercule est de chêne. Il indique particulièrement solidité, puissance, longévité, hauteur, au sens spirituel autant que matériel. (...) Le chêne est la figure par excellence de "l'arbre" et de "l'axe du monde", tant chez les Celtes qu'en Grèce à Dodone. C'est encore le cas chez les Yakoutes Sibérien. (...) Chez les Celtes, le chêne est l'équivalent d'un temple. [21]


A propos "d'axe du monde", nous observons souvent dans le cinéma des portions de troncs d'arbre, qui coupent parfois l'image en deux. Il y a, ainsi, une forte participation active dans la composition plastique de l'image. Un exemple déjà cité parmi beaucoup d'autres, le plan II 26-5 où le bouffon cogne sa tête contre un tronc d'arbre, un poteau au milieu de l'auberge. Dans ce plan, le tronc devient un axe, il annonce le plan 39 : le plan à 360°. Le poteau, accentue la volumétrie de l'image, il devient un support de l'écran, comme une colonne qui, tout en soulageant du poids de la masse verticale du hors-champ, devient comme un obstacle dans le champ horizontal. Chez Tarkovski le thème de l'arbre est presque complet. Il est parfois un être, comme par exemple le Buisson ardent dans Le Miroir ou parfois, la foule, évoquée par une forêt d'arbre, comme au plan 3. Efim, poursuivi au loin par la foule, traverse l'écran de droite à gauche et au cours de son passage, il y a un cadrage sur le tronc d'un arbre, puis sur trois arbres, puis sur un petit bois à l'orée de la rivière.

Pour finir le plan 176, (Cf. Photogramme – Arbre 7) l'inclusion de cette partie dans l'épisode n'est pas uniquement importante pour la prise des vues et de ce quelle montre : l'arbre et les deux hommes évoquent comme une idée d'une figure archétypale de la tentation d'Adam et Eve. (Le corbeau serait-il devenu le serpent ?) Bien plus, cette partie est importante par l'affirmation d'une rupture des plans, à l'intérieur de l'épisode. C'est une partie-moteur, si l'on ose dire, dans la mesure aussi où elle permet des interprétations multiples. Les deux peintres sont debout, ils ne font rien, mais ils donnent beaucoup à penser, mais ce qui donne surtout à penser c'est avant tout l'arbre, disposé avec une si grande évidence. En outre, c'est grâce à cette technique particulière du découpage des séquences en partie, que le dernier plan d'une partie se trouve en quelque sorte en raccord libre. Le cinéaste est ainsi libre d'amorcer autre chose. Au plan 175a, Roublev regarde par la fenêtre, et le passé nous est dévoilé. C'est une espèce de plan dynamique indirect : la caméra traverse la fenêtre pour se trouver ailleurs, au-dessus des trois moines qui courent sous la pluie. Nous avons l'impression que c'est une action dans son prolongement, or il n'en est rien. La caméra nous introduit dans l'inconscient du peintre. C'est une technique audacieuse, qui risque cependant de créer une confusion. Comme nous l'avons déjà dit, Tarkovski n'utilise guère le fondu-enchaîné, technique qui permet d'adoucir la transition entre deux séquences (ou parties) différentes, comme le fera par exemple systématiquement Kenji Mizoguchi. Cependant le fondu-enchaîné conduit à un inconvénient, il engendre automatiquement l'amorce d'une espèce de plan flash en surimpression, qui parfois, du point de vue de l'observation cinémantique risque de troubler les fins et les débuts des séquences.


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L'arbre aux chaudrons

Au cours du VIIIème épisode, la Cloche :

Plan 355-44  : 2h 47' 21" : Boris muni d'un piquet, commence à son tour à casser le moule. De grands morceaux d'argile commencent à se détacher, laissant apparaître par endroit la surface lisse de la cloche.

Plan 357-46 : 2h 48' 10" : La cloche est complètement délivrée du moule d'argile. Boris pose sa tête contre elle, il médite. Changement de plan : trois plans en insert se succèdent :

  • Insert 1 : Plan 358-47 : 2h 48' 54" : Plan rapproché d'un arbre imposant avec des chaudrons métalliques en feu suspendus à ses branches. (Cf. Photogramme – Arbre 11)
  • Insert 2 : Plan 359-48 : 2h 49' 06" : Le plan 314-3, celui du filet de sang.
  • Insert 3 : Plan 360-49 : 2h 49' 17" : Le plan 319, celui du drap plié en cloche.


 
Photogramme - Arbre 11 : Andreï Roublev, Plan 358. L'arbre et les chaudrons métalliques en feu.

Que signifient ces trois inserts ? Le plan le plus particulier est celui de l'arbre avec les chaudrons en feu. Comment l'interpréter ? Devient-il un arbre d'offrande ? Tout d'abord, la succession de ces trois images, s'inscrivent dans le contre-champ de Boris. Il médite et nous voyons défiler ces trois images. Ce sont des images qui lui sont propres, des images subjectives. Les deux derniers inserts correspondent à la séquence d'avant la cloche : il se rappelait peut-être tout le chemin parcouru jusqu'à la fonte de la cloche. Cependant l'image complexe de l'arbre aux chaudrons pose problème, comme d'ailleurs la suite des trois inserts. Nous pensons qu'il faudrait d'une part l'analyser en tant que telle, ensuite analyser les liaisons avec les autres arbres et enfin, analyser sa place par rapport aux plans de la séquence.

Tout d'abord, le plan de l'arbre est inclus en insert parmi d'autres plans sans liens apparents et logiques entre eux. De plus c'est la troisième fois que nous avons ce type d'image d'un arbre isolé. Le réalisateur insiste donc sur cette figure puissante, pourquoi ? Regardons d'abord la place des deux premiers arbres. On se souvient, le premier était dans le cadre de la petite séquence en V-176 (Cf. Photogramme – Arbre 7) : l'arbre en perspective. La seconde fois, c'est de nouveau le même arbre, en plan isolé, après l'hésitation de Roublev. Deux aspects distinguent les deux arbres, celui des chaudrons et celui en perspective : au plan 176, l'arbre est en vue générale, il paraît minuscule. Au plan 358, l'arbre est en plan rapproché. Au plan plan 176, l'arbre avait à ses pieds Roublev et Kyril. Au plan 358, l'arbre porte à ses branches les chaudrons en feu. N'établit-il pas un lien direct avec les fondeurs de la cloche ? Comme s'il traçait l'arbre généalogique de Boris ? Surtout que le plan qui suit, c'est le petit filet de sang sur la neige. Ce filet devient comme une racine vivante de l'arbre. Pour aboutir enfin, en fondu-enchaîné, (sans doute le premier fondu-enchaîné du film), au plan du drap plié en cloche. Cette seconde représentation de ce plan important implique que le réalisateur a peut-être délibérément effectué la "cloche" sur le drap. Ce qui veut dire, que c'est une expérience réelle, vécue. Nous pouvons ajouter que cet arbre n'est pas uniquement en liaison avec Boris, mais aussi avec Roublev : ainsi le plan du filet de sang peut alors devenir l'homicide de Roublev, et le drap en cloche, une direction de sa guérison.


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Liens spécifiques du film

Voir : Andreï Roublev



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Nostalghia, d'Andreï Tarkovski

 
Photogramme - Arbre 12 : Nostalghia, Plan 3. L'arrivée de la voiture dans le champ embrumé. Au centre de l'image, un arbre. Comme si le poteau central du plan 1 se métamorphosait en un arbre.

Un fait souligne les plans 1 et 3 du film. Au plan 1, nous distinguons au centre de l'image un poteau électrique, isolé. Au plan 3, il y a un arbre au centre de l'image. [22] Ici, cette figure devient "phénoménale", elle est pour ainsi dire développée en plusieurs structures : d'une part, une structure sémantique, le poteau / arbre / axe du monde (celui du poète), et d'autre part, une structure plastique, la centralité de l'objet dans l'image.


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Liens spécifiques du film

Voir : Nostalghia


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La Source, d'Ingmar Bergman

Comme dans Andreï Roublev, La Source est un film qui présente la tension entre le christianisme et le paganisme. Ce qui est pertinent dans ce film, ce sont les nombreux détails qui expriment cette tension. Il présente des cas de figures, absents du cinéma de Tarkovski. Dans Andreï Roublev nous n'aurons en somme que l'épisode de "La Fête" (IVème épisode) qui baigne pour une grande part dans le paganisme. Dans La Source, le paganisme traverse le film de part en part. A cela s'ajoutent de nombreuses combinaisons qui s'inscrivent en filigrane. En effet, il y a dans ce film pas moins de neuf présages, qui méritent un regard attentif. Huit présages précèdent le plan 197. L'image tragique d'un arbre abattu sur une jeune fille morte, comme si l'arbre, seul témoin du drame, tendait son corps pour la protéger (Cf. Photogrammes - Arbre 13 - 15).

 
Photogramme - Arbre 13 : La Source, Plan 180. Karin, baisse la tête pour passer avec son cheval sous un arbre abattu.

 
Photogramme - Arbre 14 : La Source, Plan 200. Karin est allongée, sauvagement assassinés par les trois pâtres. La composition des deux plans (180 et 200) n'est-elle pas troublante ?

 
Photogramme - Arbre 15 : La Source, Plan 197. Après le meurtre de Karin. Les deux pâtres s'emparent de ses habits.

Quant au plan 329, la vengeance du père commence d'abord par la vengeance sur un jeune arbre (Cf. Photogramme - Arbre 16).

 
Photogramme - Arbre 16 : La Source, Plan 329. Töre (le père de Karen) déracine un bouleau pour en recueillir les branches qui lui serviront à se flageller.


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Liens spécifiques du film


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Superstition

  • C.G.Jung nous livre une interprétation hermaphrodite du symbole de l'arbre. [23]
  • (...) "Des feuilles qui pénètrent dans une maison y amènent la chance, toutefois, il n'est pas de bon augure de les laisser chez soi si elles se fanent rapidement. De même, il ne faut pas conserver de feuilles mortes."[24]
  • (...) "En Belgique, recevoir une feuille sur la tête doit inciter à ne rien entreprendre de la journée au risque d'échouer."[25]



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Notes et références

  1. Littéralement : La Source de la vierge
  2. Gaston Bachelard, L'Eau et les rêves. Essai sur l'imagination de la matière, Librairie José Corti, Paris, 1942, p. 85 sq.
  3. Saintine, La Mythologie du Rhin et les contes de mère-grand, 1863.
  4. Le premier chiffre correspond aux plans du film depuis le début du film, le second chiffre aux plans du film depuis le début de l'épisode.
  5. Le premier chiffre correspond aux plans du film depuis le début du film, le second chiffre aux plans du film depuis le début de l'épisode.
  6. En effet, dans l'ordre, nous avons vu l'arbre dans les plans suivants :
    • Plan 3, l'arbre et la barque d'Efim.
    • Plan 23b, le jeune bouleau à la sortie des moines du monastère. Il représente la jeunesse et la fragilité d'Andreï Roublev. En revanche ici ou comme au plan 111, face à la femme nue, l'arbre représente l'âge mûr de Roublev ;
    • Plan 44, Le bouffon abattu contre un arbre. (Photogramme – Porte)
    • Plan 79, Thomas et Roublev qui marchent sur un arbre-pont.
    • Plan 81, les mains de Roublev sur les racines géantes d'un arbre.
    • Plan 107, Andreï Roublev et Thomas qui portent une branche d'arbre pour le feu.
  7. Cf. Gilbert Durand, Les Structures Anthropologiques de l'Imaginaire, Introduction à l'archétypologie générale, Éditions Dunod, (1969), 11é éditions, 1992. pp. 54 ; (...) "Tout lieu sacré, commence par le "bois sacré" (Bastide, Sociologie et psychologie, p. 63.)" pp. 280-281 ; arbre lactifère, 296 ; 297 ; 322 ; arbre-bâton, 369 ; croix, 379 ; feu, 381 ; l'imagination de l'arbre, 390-396 ; arbre renversé, 397 ; l'arbre croissant démesurément, 429.
  8. Mircea Eliade, Traité d'histoire des religions, Paris, (1949) 1964, pp. 230-231.
  9. Mircea Eliade, Ibid, p. 261.
  10. M. Granet, Fêtes et chansons anciennes de la Chine, Paris, 1919.
  11. Chevalier/Gherrbrant, Dictionnaire des Symboles, op. cit., pp. 62 sq.
  12. Cf. Daniel 2, 3, 4, 2, 78, 11, 17, 22. Cf. également, Ezéchiel, 31, 8-10 ; Isaïe 14, 13.
  13. Voir : Notre mémoire D.E.A. Le Lorgnon de Smirnov ; Place des Gros Plan d'Objets en Chute dans le Cinéma, Université des Sciences Humaines de Strasbourg, juin 1994, pp. 26 sq.
  14. Angelo de Gubernatis, La mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, Editions C. Reinwald, Paris, 1878-1882, 2 volumes, p. 141. Cf. supra. L'histoire extraordinaire de l'arbre qui allait s'abattre sur Andreï Tarkovski en Sibérie.
  15. Éloïse Mozzani, Le livre des superstitions, Mythes, Croyances, Légendes, op. cit., pp. 107 sq.
  16. Jacques Lacan, Ecrits, Paris, 1966, pp. 504-505.
  17. Chevalier/Gherrbrant, Dictionnaire des Symboles, op. cit., p. 68.
  18. Métamorphoses et tendances de la libido, traduction de L. de Vos, Paris, 1927, pp. 411-412. Cf. également, J. M. Pelt, Fleurs, fêtes et saisons, Librairie Artheme Fayard, Paris, 1988, pp. 112 sq. Roger Parisot, L'arbre, Editions Pardès, Puiseaux, 1998.
  19. C.G. Jung, L'homme et ses symboles, Éditions Robert Laffont, (1964) 1983, p. 187.
  20. Que nous allons bientôt entendre.
  21. Chevalier/Gherrbrant, Dictionnaire des Symboles, op. cit., p. 221.
  22. Ajoutons à cela, que la figure de l'arbre dans Nostalghia n'aura pas le même rôle que dans Andreï Roublev. C'est la seule image d'un arbre dans le film.
  23. C.G.Jung, Métamorphoses et tendances de la libido, traduction de L. de Vos, Paris, 1927, pp. 411-412. Cf. également, J.-M. Pelt, Fleurs, fêtes et saisons, Librairie Artheme Fayard, Paris, 1988, pp. 112sq.
  24. Éloïse Mozzani, Le Livre des Superstitions. Mythes, Croyances, Légendes, Éditions Robert Laffont, Paris, (1995) 1996, p. 116. Cf. également, Paul Sébillot, Le folklore en France, Imago, Paris, 1ère Edition 1904-1906, 8 volumes, 1982-1986, VI, 7.
  25. Éloïse Mozzani, Ibid., p. 116.


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