Miroir
Titres des films
Mode d'emploi de la figure (mot) et abréviations
Titre | Titre original | Réalisation | Scénario | Année | Pays | Durée (min.) |
---|---|---|---|---|---|---|
A travers le Miroir | Såsom i en spegel | Bergman Ingmar | Bergman Ingmar | 1961 | Suède | 89 |
Derrière le Miroir | Bigger Than Life | Ray Nicholas | Hume C., Lambert G., Maibaum R., Mason J., Odets C., Ray N., Roueche B. | 1956 | USA | 95 |
Femmes en miroir | Kagami no onnatachi | Yoshida Kiju | Yoshida Kiju | 2003 | France Japon |
129 |
Miroir | Miroir | Lamy Raymond | Ollivier P., Rim C. | 1947 | France | 90 |
Miroir (Le) | (Voir détail : Zerkalo) | Tarkovski Andreï | Tarkovski A. Micharine A. |
1975 | URSS | 106 |
Miroir à deux Faces (Le) | Miroir à deux Faces (Le) | Cayatte André | Cayatte A., Meckert J., Oury G., Perret D. | 1958 | France | 96 |
Miroir magique (Le) | Espelho magico | Oliveira Manoel de | Oliveira Manoel de Bessa-Luis Agustina |
2007 | Portugal | 137 |
Autres titres de films
Mode d'emploi de la figure (mot) et abréviations
Titre | Titre original | Réalisation | Scénario | Année | Pays | Durée |
---|---|---|---|---|---|---|
Clean, Shaven | Clean, Shaven | Kerrigan Lodge | Kerrigan L. | 1995 | USA | 79 |
Lumière (La) | Yeelen | Cissé Souleymane | Cissé Souleymane | 1987 | Burkina Faso France |
106 |
Nostalghia | (Voir détail : Nostalghia) | Tarkovski Andreï | Tarkovski A. Guerra T. |
1983 | URSS Italie |
130 |
Pledge (The) | Pledge (The) | Penn Sean | Kromolowski Jerzy, Olson-Kromolowski Mary | 2001 | USA | 124 |
Raging Bull | Raging Bull | Scorsese Martin | Martin P. Schrader P. |
1980 | USA | 129 |
Shining | The shining | Kubrick Stanley | Johnson D., King S., Kubrick S., |
1980 | USA, Angleterre |
120 |
Photogrammes extraits des films - Analyse et liens spécifiques des films
Le Miroir, d'Andreï Tarkovski
Miroirs intérieurs ; intérieurs du Miroir
Nous rencontrons cette figure majeure du film d'une façon dispersée, presque en passant, et nous avons déduit entre autres une fonction de passage. La première image d'un miroir est indirecte, nous l'a trouvons à l'ouverture du film, au plan 3, quand Ignat met en marche une télévision. Ensuite au IIème épisode, au plan 19b, et au plan 24b, l'image du reflet de Maroussia dans une bassine d'eau.(Cf. Photogramme – Miroir 1.)
Cependant dans le VIème épisode, durant les quatre premiers plans de l'épisode (plans 55-58), la majeure partie des plans nous montre Natalia devant un miroir, discutant avec son ex-mari. La technique est remarquable, car nous ne sommes pas dans le schéma classique du champ-contre-champ, mais devant "un champ miroirisé", un champ dédoublé. Nous apercevons Natalia qui se regarde dans le miroir, ses cheveux tombent sur ses épaules. Ce face-à-face prolongé est presque interminable (plus de deux minutes). Ce cadrage nous oblige à observer longtemps Natalia, qui de plus, regarde le miroir elle-même. C'est comme si elle nous regardait. (Cf. Photogramme – Miroir 2. )
Le mythe grec de Narcisse
Le plan 61 n'est-il pas un développement du mythe de Narcisse ? Il est aujourd'hui, (…) "tout particulièrement prisé par les psychanalystes qui, depuis 1914, ont même fait dériver de son nom un concept à succès : le narcissisme." [1] Rappelons que Narcisse, "est un jeune homme, qui méprisait l'amour. Sa légende est rapportée de façons différentes selon les auteurs. [2] Cette séquence obligatoirement narcissique, ne s'agit-il pas d'un effet de tournage cinématographique ? Car Tarkovski, en voulant abolir le procédé du champ-contre-champ, était obligé d'user de cette technique. Toutefois, ce qui est sûr, c'est que la séquence soulève impudemment, outre la question du miroir et du reflet, la problématique du regard, du double et de l'illusion. [3] Nous le voyons, la question du Narcissisme ouvre des perspectives multiples, qu'on ne peut développer inconsidérément. Bachelard dit dans L'eau et les rêves : "Un livre entier serait nécessaire pour développer la "psychologie du miroir." (Voir : Eau) Cependant, nous devons regarder de près les différents sens attribués au miroir. (…) "Si, en vertu de sa surface réfléchissante, le miroir est un symbole de sagesse et de la connaissance de soi-même – il reflète la vérité, la sincérité, le contenu du cœur et de la conscience – il permet également la connaissance de l'avenir et des choses cachées. C'est le fameux miroir magique (Blanche-Neige.) [4] "Le miroir, "speculum", d'où vient spéculation, fut utilisé comme moyen d'évocation dès la plus haute antiquité. On appelait d'ailleurs "spéculaires" les magiciens qui "faisaient voir dans un miroir les personnes ou les choses qu'on désirait connaître." [5] "Originaire de Perse, la divination par le miroir, appelée "catopromancie" ou "cristallomancie", qui est un des plus anciens systèmes divinatoires, est signalée dès le VIème siècle avant notre ère, en Grèce, où l'on utilisait des miroirs en métal poli (cuivre, bronze, argent ou or). [6] A. Delatte prétend que les miroirs magiques "sont essentiellement des organes de condensation de la lumière astrale ; aussi le charbon, le cristal, le verre et les métaux pourront-ils être employés." [7] "Du point de vue médical, la fixation pendant un certain temps d'un corps brillant conduit à un état hypnotique propice aux hallucinations."
L’inépuisabilité de la relation miroir-eau
Nous devons distinguer le rapport presque continu et enchevêtré miroir/eau : (…)"En vertu de l'analogie eau-miroir, on rencontre fréquemment l'utilisation magique, chez les Bambaras, par exemple, de fragments de miroir dans les rites pour faire venir la pluie." [8] "Le miroir, de même que la surface de l'eau est utilisé en divination, pour interroger les esprits. Leur réponse aux questions posées s'y inscrit par réflexion." [9] Comme ce fut le cas dans le film de Souleiman Cissé, Yeelen. Bachelard cite Delatte en précisant que "les combinaisons de l'hydromancie et de la catoptromancie ne sont pas rares.(…) Il (lui) semble donc indéniable qu'une des composantes de l'hydromancie provienne du Narcissisme." Et il ajoute : "dans l'hydromancie, il semble bien qu'on attribue une double vue à l'eau tranquille parce qu'elle nous montre un double de notre personne." [10] Dans le développement de cette idée, Bachelard s'appuie sur le livre de Joachim Gasquet "Narcisse", lorsque ce dernier dit que : (…) "Le monde est un immense Narcisse en train de se penser, où se penserait-il mieux que dans ses images ? Dans le cristal des fontaines, un geste trouble les images, un refus les restitue." [11] En fait, ces longs détours prouvent une double inépuisabilité : d'abord une inépuisabilité du signe, qui à l'instant même de son passage dans l'actif ou dans son action de codification successive, se combine, se transpose, se métamorphose, s'associe, s'éclipse provisoirement, s'atténue momentanément, s'incarne, s'objective, se matérialise, se substantifie, etc. Autrement dit encore, un signe n'est pas une fixation, mais une irruption, il n'est pas une stagnation, mais un écoulement. D'autre part, il y a l'inépuisabilité du film lui-même, qui nous oblige à effectuer une progression lente due au nombre élevé de passages significatifs.
Liens spécifiques du film
Voir : Miroir (Le)
Nostalghia, d'Andreï Tarkovski
Dédoublement et déplacement à travers le miroir
Dans « La Maison de la fin du monde », au Plan 47. Le Poète longe un mur en coin, au bout duquel il y a un vieux miroir. Il regarde attentivement son double. (46c) (2ème série de bruit-off de scie.) (Cf. Photogramme – Miroir 3.) Il regarde à gauche, au bout d'une étagère, sur laquelle sont disposés des objets hétéroclites, fleurs séchées.
Mais le Poète se trouve illogiquement du côté gauche, sans traverser le champ de droite à gauche. Comme s'il avait traversé le miroir ? C'est encore une variation sur la thématique du "déplacement" (46d). Il regarde une image collée au mur : un bébé en plastique qui semble désarticulé. Est-ce l'enfance désaxée ? Son enfance ? Leurs enfances, celle du Poète et celle du "Fou" ? Ou plus généralement "l'enfance de l'humanité" ?
Plan 47 : 48' 50" : "Le Fou" entre dans le champ avec une bouteille d'huile. Il tend sa main, et verse deux gouttes d'huiles dans le creux de sa main. Il dit au Poète : " Une goutte plus une goutte font toujours une goutte." (3ème série de bruit-off d'une scie.) (Lire la suite : Cigarette.)
Plan 51 : 51' 54" : Retour au "Fou". Il est devant des étagères, enfoncées dans le mur. Comme si c'était "l'autel du lieu" ? Quelques instants plus tard, en effet, il tend religieusement un verre de vin et un morceau de pain au Poète (51b). Cela témoigne de la consubstantialité (graduelle) entre le Poète et "le Fou", comme semble le montrer le plan 53, le double du plan 46c, avec l’image du "Fou" doublé à travers un miroir. (Cf. Photogramme – Miroir 4.)(Lire la suite : Bouteille.)
Liens Spécifiques du film
Voir : Nostalghia
Pledge (The), de Sean Penn
Lori a été frappée par son mari, elle accepte de rester dans la station-service de Jerry. Le soir, Jerry entends des sanglots qui proviennent de la chambre de Lori. Il entre dans la chambre, et voit Lori déprimée. Il avance tout doucement vers elle, et lui demande si tout va bien. C’est le début d’une passion amoureuse entre Lori et Jerry.
Cependant, la coiffeuse de la chambre de Lori avec son jeu de triple miroir est révélateur. Tout d’abord, Jerry est encadré dans la partie supérieure, et Lori dans la partie inférieure, l’homme domine dans la partie rectangulaire et la femme est soumise et cachée dans le miroir ovale au premier plan qui se détache du reste. Enfin, Lori est représentée, en triangle, trois fois, comme pour indiquer le triple temps : passé, présent, futur, tandis que Jerry est représentée seulement deux fois : le passé et le présent. Ce qui semble indiquer qu’il risque d’être « absent » dans la réalité du futur, sa disparition du « monde réelle ».
D’un point de vue anthropologique, l’image présente un bel exemple d’un présage, ou d’une protase. [12]. Si un présage (une protase) trace le présent, l'oracle (ou l’apodose) est au "futur", il « marque presque toujours ce pronostic lui-même : la portion d'avenir que commande et laisse deviner le présage. »[13]
Quel est donc le pronostic de l’image du miroir ? Il nous semble que c’est la surimpression de l’image de la fin du film (ou du début), Jerry qui, comme dans un miroir, répète les mêmes mots. [14]
Notes et références
- ↑ Cf. Article Annie Gutmann, "Infortuné Narcisse", dans L'attente. Et si demain…, dirigé par Claudie Danzigu et Alice Chalonnet, Editions Autrement – Série Mutations, N° 141, Paris, 1994, p. 75-89.
- ↑ "La version la plus connue est celle d'Ovide dans les "Métamorphoses"… A sa naissance ses parents interrogèrent le divin Tirésias, qui leur répondit que l'enfant "vivrait vieux s'il ne se regardait pas." Arrivée à l'âge d'homme… La nymphe Echo devint amoureuse de lui. Mais Narcisse reste insensible. Désespérée, Echo se retira… maigrit, et de sa personne il ne resta bientôt plus qu'une voix gémissante. Les filles méprisées par Narcisse demandent vengeance au ciel. Némésis les entend… Un jour de grande chaleur, après une chasse, Narcisse se penche sur une source afin de s'y désaltérer. Là, il aperçoit son visage, si beau, qu'il en devint amoureux. Insensible au monde, il se penche sur son image et se laisse mourir. Encore, sur le Styx, il cherche à distinguer les traits aimés." Pierre Grimal, Dictionnaire de la Mythologie, P.U.F. Paris, 1988, p. 308. Cf. également d'autre versions de Narcisse : Conon, Narrations, 24' ; Pausanias, Descriptia Graecae, IX. 13. 72.
- ↑ Cf. à ce sujet, la thèse de Doctorat de F. Frontisi-Ducroux, Prosopopon : valeurs grecques du masque et du visage, EHESS, dir. J.-P. Vernant, 1987.
- ↑ Chevalier/Gherrbrant, Dictionnaire des Symboles, op. cit., p. 634.
- ↑ Collin de Plancy, op. cit.
- ↑ Éloïse Mozzani, Le livre des Superstitions, op. cit., p. 1139.
- ↑ A. Delatte, La catoptromancie grecque et ses dérivées, op. cit., p. 114.
- ↑ Germaine Dieterlain, Essai sur la religion des Bambaras, op. cit.
- ↑ Chevalier/Gherrbrant, Dictionnaire des Symboles, op. cit.,p. 637.
- ↑ G. Bachelard, L'eau et les rêves, op. cit., pp. 34-35.
- ↑ Op. cit., p. 35. A partir de là, nous pouvons définir le cinéma comme étant un "narcissographe".
- ↑ Qu’est-ce qu’une protase ? « La protase marque, au "présent" ou au "passé", un état de fait, réalisé et observé. Elle donne la situation du "présage", c'est-à-dire l'aspect précis de l'objet supposé propre à laisser entrevoir l'avenir, à le pronostiquer. » Cf. Article de Jean Bottéro, "Symptômes, signes, écritures en Mésopotamie ancienne" in, Divination et rationalité, (Recherches anthropologiques sous la direction de Remo Guidieri), Editions du Seuil, Paris, 1974, pp. 82-83.
- ↑ Ibid.
- ↑ A ce titre là, Jerry ressemble à un bègue. Voir la séquence du bègue dans le Miroir.