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Nous n'en savons pas plus sur les "mutilations". En revanche grâce à sa femme nous en saurons davantage sur la prison, à la fin du plan 10 : « C'est en prison que tu rentreras ! Et tu écoperas non pas de cinq ans, mais de dix ans ! » Le Stalker lui lance une réponse qui prête à réfléchir : « En prison ! Mais je suis partout en prison. » D'ailleurs, le Stalker n'en dira pas plus. Durant la crise de sa femme, il ne parlera pas beaucoup, mais quand il parle, en quelques mots, il dit beaucoup.<ref> Nous pouvons aussi imaginer que la réplique du Stalker sort de la bouche d'Andreï Tarkovski lui-même : allusion à son "exil" forcé.</ref> Nous pouvons aussi déduire que même dans la Zone, "il est en prison", qu'il est tenu par une laisse à la Zone, comme celle qu'il porte au cou. Témoin du "développement" de cette image et de son évolution : c'est le chien noir de la Zone. Le Stalker, de retour de la Zone, va l'adopter. Au plan 134, dans le bar, la femme du Stalker dit, en désignant le chien : « D'où ça vient, ça. » Le Stalker lui dit : « Il s'est attaché à moi. Comment l'abandonner ? » Le « ça », ce prénom démonstratif désigne "le chien", mais il pourrait aussi désigner la Zone. Ça sera d'ailleurs une des grandes questions du film : est-ce que le chien noir symbolise la Zone ? Peut-être que, s'il ne la désigne pas directement, du moins il la personnifie. Ainsi, la réponse du Stalker est révélatrice. Mais lui aussi est attaché à la Zone. Cela, nous le verrons au fur et à mesure.  
Nous n'en savons pas plus sur les "mutilations". En revanche grâce à sa femme nous en saurons davantage sur la prison, à la fin du plan 10 : « ''C'est en prison que tu rentreras ! Et tu écoperas non pas de cinq ans, mais de dix ans !'' » Le Stalker lui lance une réponse qui prête à réfléchir : « ''En prison ! Mais je suis partout en prison.'' » D'ailleurs, le Stalker n'en dira pas plus. Durant la crise de sa femme, il ne parlera pas beaucoup, mais quand il parle, en quelques mots, il dit beaucoup.<ref> Nous pouvons aussi imaginer que la réplique du Stalker sort de la bouche d'Andreï Tarkovski lui-même : allusion à son "exil" forcé.</ref> Nous pouvons aussi déduire que même dans la Zone, "il est en prison", qu'il est tenu par une laisse à la Zone, comme celle qu'il porte au cou. Témoin du "développement" de cette image et de son évolution : c'est le chien noir de la Zone. Le Stalker, de retour de la Zone, va l'adopter. Au plan 134, dans le bar, la femme du Stalker dit, en désignant le chien : « ''D'où ça vient, ça.'' » Le Stalker lui dit : « ''Il s'est attaché à moi. Comment l'abandonner ?'' » Le « ça », ce prénom démonstratif désigne "le chien", mais il pourrait aussi désigner la Zone. Ça sera d'ailleurs une des grandes questions du film : est-ce que le chien noir symbolise la Zone ? Peut-être que, s'il ne la désigne pas directement, du moins il la personnifie. Ainsi, la réponse du Stalker est révélatrice. Mais lui aussi est attaché à la Zone. Cela, nous le verrons au fur et à mesure.  


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Version du 23 septembre 2012 à 18:07

Stalker, premier plan du film. Le prologue.
Stalker, premier plan du film. Le prologue.


Aspects techniques du film

Stalker : D'après le roman d'Arkadi et Boris Strougatski, Pique-nique au bord du chemin.
Titre pressenti, La Machine à vœux.
Réalisation : Andreï Tarkovski.
Année de réalisation 1979.
Genèse de l'idée : 26 janvier 1973.
URSS. 161 minutes. Couleurs. Production : Mosfilm, unité de production 2.
Scénario : Arkadi et Boris Strougatski et Andreï Tarkovski.
Directrice de production : Alla Demidova.
Assistants de réalisation : Maria Tchougounova et E. Tsimbal.
Régie : Larissa Tarkovski.
Images : Alexandre Kniajinski.
Son : V. Sharun.
Direction artistique : Andreï Tarkovski.
Montage : Ludmila Feganova.
Décors : A. Merkoulov et Andreï Tarkovski.
Costumes : Nelly Fomina.
Musique : Edouard Artemiev, dirigé par E. Khatchatourian.
Poèmes d'Arseni Tarkovski et de Fiodor Tiouttchev.

Acteurs :

• Stalker : Alexandre Kaïdanovski.
• L'Écrivain : Anatoli Solonitsyne.
• Le Professeur : Nikolaï Grinko.
• La femme du Stalker : Alissa Freindlich.


* * *

Aspects extra-filmiques ; Que veut dire "Stalker" ?

Dans le film Stalker , le Stalker est un personnage clé. Il est la clé de la Zone : (…) "Un no man's land gardé par des militaires et qui contient la "Chambre des Désirs", capables d'exaucer les vœux de ceux qui y parviennent. Mais l'accès en est interdit et seul quelques guides - "les stalkers"- en connaissent le chemin. Un écrivain et un physicien, [1] demandent à un stalker de les y conduire." [2] Ainsi, le terme Stalker soulève des ambiguïtés dues précisément à la triple alliance du terme : il est le titre du film, la fonction et le nom d'un personnage, enfin, il suggère une palette de terminologie anglo-saxonne : d'ordinaire, le mot Stalker est un nom anglais, masculin, qui désigne un "chasseur à l'approche." [3] Le mot "stalk" a trois sens différents. [4] Pourquoi Andreï Tarkovski a-t-il choisi ce nom pour son personnage ? En regardant l'évolution de la genèse du film nous allons voir que la décision de choisir un nom (ou un mot) est parfois un long travail. Il a fallu presque trois années pour privilégier le nom Stalker. Grâce à ce détail, un nom, nous assisterons à la genèse du film. De plus, les interminables attentes que Tarkovski a du subir entre chaque film ont contribué certainement à donner plus de poids au film en chantier. L'attente est par ailleurs, un puissant révélateur cinémantique : là où il y a attente, il y a des possibilités d'observations d'actes ou d'actions cinémantiques. Ainsi, le premier moment inscrit dans le Cahier Journal de Tarkovski, à propos du film Stalker, date de 1973. Il n'y a pas plus qu'une phrase.

*

1973

Le 26 janvier : (...) "Je viens de lire la nouvelle fantastique des Strougatski. (…) On pourrait aussi en faire un formidable scénario." Il faut attendre ensuite deux ans, avant de le voir s'intéresser à ce scénario. C'est le moment où il vient de terminer Le Miroir.

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1974

Le 26 décembre : (...) "L'idée d'un film "sur Dostoïevski" pourrait être très bien venue pour moi. (…) Quelque chose pourrait trouver chez moi une forme très harmonieuse, ce serait un film d'après les Strougatski : dans une action continue, détaillée, mais équilibrée et purement idéale, donc semi-transcendante, absurde, absolue. (…) 1. Deux acteurs. 2. Unité de lieu. 3. Unité d'action. 4. On observerait la nature heure après heure, suivant la tombée et le lever du jour. (…) Moi, ce que je voudrais, c'est un alliage qui résonne pleinement : une confession pleine d'émotion, de sentiments simples et forts, et un effort pour poser de grandes questions philosophiques et éthiques liées au sens de la vie." [5] A cette époque, Andreï Tarkovski hésite entre Dostoïevski et les Strougatski. [6] D'ailleurs, le premier auteur est constamment cité dans son plan de travail. [7] Cet intérêt constant pour Dostoïevski réside sans doute dans la puissance dramatique de la trame narrative, et dans la pénétration de l'écrivain russe dans la nébuleuse de la psychologie humaine, dans un temps relativement court, de l'ordre de quelques jours. [8] Cependant Tarkovski va réussir l'exploit de faire une synthèse entre Dostoïevski et les Strougatski. Avec les Strougatski il est séduit par l'idée de l'espace et du décor de la Zone, [9] avec Dostoïevski il est attiré par la peinture minutieuse de l'âme humaine. Mais, à ce jour là, Andreï Tarkovski ne sait toujours pas quel sujet il va traiter. Quelques jours plus tard :

*

1975

Le 6 janvier : Il écrit à Ermach [10] pour prendre des décisions au sujet de son travail. Quatre films sont en évidence : " L'Idiot, Dostoïevski, La mort d'Ivan Ilitch, Le Pique-nique" , seulement, il va falloir trancher la question des Strougatski." (C. J. p. 117.) Deux mois s'écoulent avant de voir les Strougatski.

Le 27 mars : "Je suis allé voir Arkadi Strougatski. Il est très content que je veuille monter "le pique-nique", pour le scénario, on sera trois à égalité." (C. J. p. 122.) Dommage qu'on n'en sache pas plus, car, comme nous allons le voir, le scénario va subir des transformations radicales, et nous ignorons qui est le géniteur onomastique des protagonistes du film.

Le 10 décembre : (...) "La proposition des Strougatski a plu à Sizov. [11] Au ETO [12] ils veulent apparemment "Le pique-Nique". (C. J. p. 129.)

*

1976

Le 14 décembre : (...) "Stalker, du verbe anglais "to stalk" : Marcher à pas de loup." (C. J. p. 146.) C'est la première apparition et définition du terme Stalker, comme titre de film désignant "Le Pique-Nique".

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1977

Le 24 février : (...) "Le tournage à Isfara [13] a été ajourné à la suite du tremblement de terre qui a eu lieu à Chourabe." (…) "Nous venons de filmer l'appartement du Stalker. Il faut maintenant chercher une autre nature extérieure, compter un mois de plus." (C. J. p. 153.) C'est la première apparition du personnage du Stalker.

Le 26 août : (...) "Il s'est passé beaucoup de choses. Des choses catastrophiques." (…) "Tout est stoppé pour un bon mois… Si c'est comme ça, tout sera nouveau: l'opérateur, le décorateur (je vais me risquer avec Chavkat Abdousalamov) [14] et le scénario (en ce moment, Arkadi et Boris Strougatski tentent de réécrire entièrement le scénario, à cause du nouveau Stalker, qui ne doit pas être une sorte de trafiquant de drogue ou de braconnier, [15] mais un serviteur, un croyant, un fidèle de la "Zone"). Il faut tout recommencer à zéro.(…) Il faut envoyer un article à la Pravda au sujet de Mosfilm : "Sur la primauté de la matière et le caractère secondaire de notre conscience."… Parler de cette idée à Sizov, dans une lettre." (C.J. p. 158.)

Nous devons dire un mot sur "La primauté de la matière" Il nous semble qu'elle résume le grand principe qui guide et forme la démarche de Tarkovski. En effet, ses films sont animés par une densité matérielle peu ordinaire, toute sa substance filmique tire de là sa quintessence. D'autre part, nous assistons à la transformation du Stalker du film, par rapport au Stalker du livre, Redrick Shouhart qui est une "âme simple", intéressé par le profit et l'alcool, et guidé par des instincts mercantiles.

*

1978

Le 7 avril : (...) "A partir de la mi-mai, nous recommençons (pour la énième fois !) le tournage du Stalker." (C. J. p. 161.)

Le 9 avril : (...) "J'ai eu un infarctus. Maintenant il va falloir se soigner pendant deux mois. Stalker est ensorcelé !" (C. J. p. 161.)

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1979

Le 10 février : (...) "Peut-être, en effet, que Stalker est mon meilleur film…" (C. J. p. 178.)

En somme, Tarkovski porte le film dans son esprit plus de six ans. Nous constatons que l'évolution du film est lente et progressive. Il procède par juxtaposition, par effacement, par transformation, par adaptation. Contrairement au livre, le film s'articule sur un seul trajet et un aller simple dans la Zone. Mais, nous obtenons quatre moments forts : le départ, le trajet, l'arrivée dans la Zone et devant "la Chambre des Désirs", et enfin, le retour du Stalker chez lui. Nous commençons par le départ pour la Zone.


* * *

Stalker, le film plan par plan

Le départ pour la « Zone » : Description, composition et situation (plans 2 – 42)

« 

…comme les principes rationnels, ou les lois scientifiques, la réalité se conforme à cela, à peu près, mais rappelle-toi le grand mathématicien Poincaré, il n'est pas sûr que les mathématiques soient rigoureusement exactes.  »

M. Proust. [16]


Enquête théophanique ou théophanie d’une enquête :

Le météorite (plan 2)

Comme Citizen Kane d'Orson Welles, comme Les Chevaux de Feu de Sergeï Paradjanov. Stalker est aussi un film qui commence par la chute d'un objet, d'un objet colossal, phénoménal. Un objet qui dépasse jusqu'à présent tout ce que nous avons pu voir, dans l'ordre de grandeur d'un objet : il s'agit d'un météorite, [17] qui donne d'emblée au film un caractère catalogique[18] extrême ; d'où, par conséquent, les aspects et les significations, si l'on ose dire, extrêmes, voire paradoxaux des données du film. [19] Pourtant, comme le signale l'intertitre du début du film : "Ce n'est pas sûr." Voilà un premier paradoxe, car, nous ne verrons pas le météorite tomber. Nous n'en saurons rien, hormis quelques rares signalisations verbales dans le corps de l'œuvre. Dans ces conditions, nous perdons au fur et à mesure du déroulement de l'action, la réalité effective de la chute d'un objet céleste. Regardons de près le développement de cet aspect : la première signalisation est annoncée dès le plan 4. [20] Sur un fond bleu, au centre de l'écran, le texte suivant défile[21] :

"Qu'est-ce que c'était ? La chute d'un météorite ? La visite des habitants de l'abîme cosmique ? Ça ou autre chose, dans notre petit pays, s'était produit le miracle des miracles : la ZONE. On y envoya des troupes. Elles ne revinrent pas. On encercla la Zone de cordons de police. Et on fit bien… Enfin, je n'en sais rien." Extrait de l'interview du Professeur Walles prix Nobel accordée à l'envoyé de la RAI."

Même l'avis d'un prix Nobel est incertain. De plus, nous apprenons qu'il y a eu des troupes qui ne sont pas revenues. [22]

*
Est-ce que le météorite est un « message du ciel » ?

Quoi qu'il en soit, la "Zone" devient un espace interdit, un lieu à éviter, défendu, le mirage d'un miracle. Tout l'intérêt et le drame du film résident dans l'accession et la progression de l'homme à l'intérieur de l'interdit. Tarkovski peint avec une lumière sombre le périple d'hommes transgresseurs. Le réalisateur est-il un homme transgresseur ? [23] Par ailleurs, dans le livre des frères Strougatski, le météorite est absent ; il s'agit d'une visite d'extra-terrestre. La question qui se pose est donc celle de savoir pourquoi Tarkovski accorde une importance à ce météorite. Il faut constater que : « (…) L'aérolithe est considéré comme une théophanie, une manifestation et un message du ciel. (…) (Il) Remplit une mission analogue à celle de l'ange : mettre en communication le ciel et la terre. L'aérolithe est le symbole d'une vie supérieure, qui se rappelle à l'homme comme une vocation ou qui se communique à lui." [24]

Ainsi, le film s'engage sur une voie biblique, grâce à un certain nombre d'indices qui vont se multiplier et vont acheminer le film vers cette voie. [25] Après la biographie d'Andreï Roublev, moine-peintre du XVème siècle russe, Andreï Tarkovski propose une transposition biblique de la création dans une époque contemporaine. Cette composante biblique est en permanence sous-jacente : elle donne au film son caractère constamment pesant, pensant et perçant : pesant, car les protagonistes et les objets acquièrent un poids constant. Même l'eau dans ce film est lourde, métallique. Les murs suintent avec des reflets gris acier, comme s'ils transpiraient. [26] Pensant, parce que tous les personnages adultes [27] sont anxieux : dos courbés par un poids moral, fronts ridés, traits tirés. Perçant, parce que nous allons découvrir le mystère de la "Zone", et pénétrer dans son secret. De plus, les trois caractéristiques citées, illustrent d'une manière cinématographique les apparences et les facettes d'une dramaturgie qui vont au-delà de la configuration filmique.

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Le passage du particulier au général

Le film ne se contente pas de re-présenter le drame de ces trois principaux protagonistes, mais encore, le drame de la destinée humaine : drame de l'excès (matérialisme du Professeur), drame du succès (mondanité de l'Ecrivain), drame de la place du sacré (spiritualisme hésitant du Stalker), et en fin de compte, le drame d'être. Jean Mitry, en citant Gisèle Brelet, écrit: (…) "Le drame c'est essentiellement un devenir" [28], "le drame sert de prétexte à l'évocation d'un climat" [29], "les événements sont orientés (ou choisis) en vue d'une certaine "finalité". [30] Dans Stalker, le climat est double, d'une part le climat proprement filmique, d'autre part, le climat social. Ainsi, Tarkovski anticipe d'une dizaine d'années, la chute du communisme, la fin de la guerre froide et la menace nucléaire (hantise du réalisateur). Il pose la question cruciale suivante : Que se passera-t-il après ? Comment l'homme va-t-il réagir à ces profonds changements ? Qu'est-ce qui de l'homme ou de la société, change ? Une fois de plus, nous assistons d'une manière frappante, à une convergence du monde filmique dans le monde contemporain. D'ailleurs, comme l'écrit à juste titre R. Dadoun : (…) "Toute image, quelle qu'elle soit, est comme intrinsèquement, du seul fait d'être là, marquée voire saturée par le politique." [31]

Regardons de près les images de ce film exceptionnel.


* * *

Les pèlerins de la « Zone » (plans 2 – 42)

Le Professeur et le néon clignotant (plan 3)

Stalker, Photogramme - 2 : Plan 3. Le Professeur entre dans le bar, au-dessus de sa tête, un néon blanc ne cessera pas de clignoter.
Stalker, Photogramme - 2 : Plan 3. Le Professeur entre dans le bar, au-dessus de sa tête, un néon blanc ne cessera pas de clignoter.

Plan 3 : 01' 00" : "Le Professeur" est le premier protagoniste qui apparaît dans le film. C'est un physicien. Il entre dans un bar singulier, le sol est d'apparence mouillée, aux reflets brillants, presque argentés. Le Professeur porte un bonnet et tient une espèce de petit sac à dos, à bandoulière. Le bar est le lieu de rencontre des gens qui se rendent dans la "Zone". Au-dessus de sa tête un néon blanc [32] ne cessera pas de clignoter, c'est le premier témoignage d'une incertitude dominante dans le film. (Cf. Photogramme - 2.)

Le Professeur est le premier arrivé. Il est donc avant l'heure, c'est un indice de sa ponctualité. Nous l'apercevons le temps du défilement du générique du film. Aussitôt après, passe le texte que nous avons cité sur "le mystère de la Zone" (plan 4).

Mais contrairement au Professeur, Andreï Tarkovski, pour introduire le deuxième protagoniste du film, le Stalker, choisit de nous le présenter directement dans son appartement. Nous ne saurons rien des appartements respectifs du Professeur et de l'Écrivain. De plus un certain nombre de faits cinémantiques vont avoir lieu.

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Le Stalker : Gîte du guide (plans 5 - 14)

Plan 5 : 03' 34" : Avec un travelling avant très lent, "la caméra passe entre deux portes-fenêtres et cadre en plan d'ensemble une chambre. Au centre est disposé un lit à baldaquin en fer forgé."[33] Le mur du fond a un aspect métallique, brillant.

Stalker, Photogramme - 3 : Plan 6. Le plateau en fer qui vibre, en faisant déplacer le verre.
Stalker, Photogramme - 3 : Plan 6. Le plateau en fer qui vibre, en faisant déplacer le verre.

Plan 6  : La caméra poursuit son travelling pour venir en plan rapproché et en légère plongée sur un plateau en fer vibrant sur une table. (Cf. Photogramme – 3)

Nous entendons des sons de sifflets de train. Sur la table : (…) "Un verre d'eau, un bout de coton, deux comprimés, une sorte de petite boîte, un morceau de papier froissé." [34] Après la vibration de verre, grâce à un travelling lent à gauche, nous allons apercevoir dans l'ordre : la femme du Stalker, ensuite, une petite fille, Ouistiti, et enfin, un homme au crâne presque rasé, le Stalker. Un travelling repartira à droite, pour s'arrêter de nouveau sur le plateau qui continue de vibrer légèrement. [35]

Donc, le verre vibrant ponctue et isole l'introduction du Stalker et de sa famille. Et à la fin du film, le prodige de Ouistiti, (plan 144, dernier plan du film) ponctue le début et la fin du film. Quel est alors, l'intérêt de ce plan ? Est-il plastique ? Est-il métaphysique ? Est-ce que le sifflement du train et la vibration du verre sont comme un signal de départ pour le Stalker ? Est-ce que cela veut dire qu'il habite près d'une gare ? S'agit-il d'un centre de départ et d'arrivée imminentes ? Est-ce l'indice sismographique de la météorite ? Cette ponctuation peut être aussi considérée comme une parenthèse. Pour reprendre un terme tarkovskien, elle devient comme une strate supplémentaire, mieux encore, comme une strate cinémantique. Car le plateau devient une représentation métaphorique de la Zone, où tout change à chaque instant, où tout bouge. [36] E. Morin dirait une "représentation cosmomorphique". [37]

Plan 7 : 06' 20" : La première chose que le Stalker va faire en se levant du lit n'est pas d'enfiler son pantalon, mais de prendre le réveil, pour ne pas réveiller sa femme.

Stalker, Photogramme - 4 : Plan 8. La lumière s'illumine un instant avant d'imploser l'instant d'après.
Stalker, Photogramme - 4 : Plan 8. La lumière s'illumine un instant avant d'imploser l'instant d'après.

Plan 8 : 08' 25" : Le Stalker passe à la cuisine, il allume un chauffe-eau à gaz. Soudain, l'ampoule accrochée à un mince fil, au centre de la pièce, s'allume. "L'ampoule s'illumine un bref instant avant d'imploser.» (Cf. Photogramme - 4.)

Plan 9 : 09' 15" : « En contre-champ, la femme qui tient encore le fil de l'ampoule.» [38]L'image n'est-elle pas cinémantique ? N'annonce-t-elle pas l'éphémère, l'instantané ? C'est une représentation de la brève réaction de la femme du Stalker, qui découvre en une seconde dans toute sa lumière, l'éclatante vérité du départ du Stalker pour la «Zone». Elle tient à présent, un fil électrique au bout duquel ne règne que l'obscurité. Elle dit au Stalker : «Pourquoi as-tu pris mon réveil ? Dis où est-ce que tu vas ? Tu m'avais pourtant juré…»

Plan 10 : 09' 54" : Le Stalker se brosse les dents, il dit à sa femme, imperturbable : « Chut ! Tu vas réveiller Ouistiti !» Il continue à se brosser les dents. A gauche du cadre, les flammes du chauffe-eau. L'image, ici, suggère le feu de la détermination qui habite le Stalker. La permanence du feu s'oppose à l'éclair instantané de la lampe qui implose. Si cette dernière représente sa femme, la première représente le Stalker. De plus, l'une éclaire, l'autre chauffe. [39]Le Stalker crache de l'eau, se retourne et s'essuie la bouche avec une serviette.

Stalker, Photogramme - 5 : Plan 12. Au passage du Stalker, la serviette tombe sans raison.
Stalker, Photogramme - 5 : Plan 12. Au passage du Stalker, la serviette tombe sans raison.

Plan 12 : 11' 20" : Au passage du Stalker derrière sa femme, la serviette suspendue tombe au sol. (Cf. Photogramme - 5.) Les reproches de sa femme continuent, elle entre dans une espèce de crise spasmodique (couchée sur le sol), et veut l'empêcher de partir.

Deux indices vont retenir notre attention : le crachat et la serviette. En ce qui concerne la serviette, (…) "Certaines croyances voient dans le fait de laisser tomber une serviette (de table, de toilette ou de bain) l'annonce d'une visite imprévue, bienvenue ou inopportune." [40] Or, nous allons nous apercevoir que ces deux actes [41] presque insignifiants et courants vont concourir à annoncer un sens imperceptible de l'image. Ils amorcent en fait, la suite filmique. En effet, au :

Plan 14 : 13' 00" : Le Stalker se rend sur une voie ferrée pour rencontrer le troisième et dernier protagoniste du film : l'Écrivain. A son arrivée, il est surpris de voir l'Écrivain accompagné d'une dame élégante. Les signes s'accumulent. L'enchaînement et l'accumulation des indices à l'intérieur des plans 9, 10, 12, et 14, sont, entre autres, un bel exemple démonstratif de la construction d’une image chez Tarkovski, quand il écrit (…) : "Je ne crois pas au caractère multistratifié du cinéma. La polyphonie filmique ne naît pas d'une multiplicité de strates, mais "d'un enrichissement progressif plan à plan", par leur succession et leur accumulation. Et il n'y a que cela : la polysémie de l'image réside dans sa nature intrinsèque." [42] Ces propos pertinents sur l'image cinématographique illustrent le poids des liaisons de l'image cinématographique: la construction de l'image passe d'abord par l'intermédiaire des composantes internes et spécifiques de l'image, et non pas par la densité du jeu de l'acteur. D'autre part, nous retiendrons de ces propos seulement ce qui est relatif à la cinémancie. Pour Tarkovski, l'image, le plan, n'est pas un espace fixe, statique, une nature morte dans laquelle nous disposons des accessoires décoratifs pour faire de belles compositions. Car, plus précisément (…) : "Une image artistique est une image qui assure son propre développement, sa propre perspective historique. Cette image est une semence, un organisme vivant qui évolue." [43] En fait, ces constatations concourent à édifier les bases évolutives de ce qu'il appelle "L'idée directrice, constructive." [44]

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Transposition de la Bible ?

Comme nous l'avons déjà dit, nos hypothèses nous engagent sur une transposition sophistiquée de la Bible ; sophistiquée à la fois du point de vue de la forme filmique et du fond biblique. En effet, le Stalker et sa femme deviennent une transposition d'Adam et Eve, les premiers humains qui ont connu la "Zone". C'est l'arbre défendu qui portait le fruit défendu. [45] Dans cette allégorie, la "Zone" ressemble à un arbre par ses ramifications interminables. Ici, Eve ne mangera pas le fruit défendu, et Adam sera le guide des hommes, vers et dans cet arbre. Ils n'ont pas d'enfants dont l'un serait parricide. Ils ont une fille qui est dans la réalité du film, une mutante. Andreï Tarkovski écrit (…) : "Dans ce film, je veux faire comme explorer le rapport au jour présent, et me tourner vers le passé où l'humanité a commis tant d'erreurs qu'elle est contrainte de vivre aujourd'hui comme dans un brouillard. Le film parle de l'existence de Dieu dans l'homme, [46] et de la perte de la spiritualité par l'acquisition d'une connaissance trompeuse." [47] Stalker est en fin de compte une mutation de la Bible. C'est la Bible à l'envers et en désordre. L'Apocalypse[48] a déjà eu lieu. Est-ce l'œuvre d'une super civilisation ? Ou la chute d'un météorite ? Ce caractère apocalyptique assure les fondations catalogiques du film, où tout est renversé, où comme nous allons le voir : "Le chemin le plus droit, n'est pas forcément le chemin le plus court."


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Le chapeau de l’Ecrivain sur le capot (plan 14)

Stalker, Photogramme - 6 : Plan 14. L'Écrivain perd son chapeau, posé sur le toit de la voiture. Notez le poteau dans l'image qui constitue "un obstacle".
Stalker, Photogramme - 6 : Plan 14. L'Écrivain perd son chapeau, posé sur le toit de la voiture. Notez le poteau dans l'image qui constitue "un obstacle".

Au Plan 14, sur la voie ferrée, le Stalker surprend l'Écrivain en pleine discussion avec la belle dame. Son discours est basé sur l'ennui. [49] Nous l'avons compris, l'Écrivain veut emmener avec lui dans la Zone, la belle dame. Toutefois, le Stalker ne voit pas les choses de la même façon. Il s'approche de la dame, et lui dit des mots inaudibles à l'oreille. Elle s'en va, en lançant à l'Écrivain: "Crétin." En partant dans sa voiture, elle emporte le chapeau de l'Écrivain qui était posé sur le toit de la voiture. La scène est presque burlesque, une voiture avec un chapeau. (Cf. Photogramme – 6.)


L'Écrivain s'aperçoit que son chapeau part avec sa voiture, il passe sa main sur sa tête nue.

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Les indices du chapeau

Le chapeau est un indice significatif (…) : "Le rôle du chapeau paraît correspondre à celui de la couronne, signe de pouvoir, de la souveraineté, et ce d'autant plus qu'il s'agissait autrefois d'un tricorne." [50] Car, "la corne symbolise la puissance, et le chiffre trois est magique. En outre, le chapeau couvre une partie de la tête, siège du cerveau et de la pensée." [51] Ici, le chapeau représente "la vie mondaine" de l'Écrivain. Mais c'est une mondanité qui va disparaître, emportée par la dame mondaine : le chapeau posé sur le toit de sa voiture, c'est le départ de cette vie mondaine (en vitesse). Ainsi, le chapeau, représente l'Écrivain, il devient l'Écrivain, et en laissant partir "son" chapeau, il laisse partir une partie de lui-même. Progressivement, nous allons assister à l'émergence du "vrai" visage de l'Écrivain, qui est par ailleurs le personnage le plus prolixe parmi les trois protagonistes silencieux et laconiques du film. [52]

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Trois protagonistes, trois couvre-chefs

Stalker, Photogramme - 7 : Plan 5. Dès son réveil, le Stalker aura une bande de tissu autour de cou.
Stalker, Photogramme - 7 : Plan 5. Dès son réveil, le Stalker aura une bande de tissu autour de cou.

Le fait que Tarkovski ait choisi trois personnages qui vont voyager dans les dédales de la Zone nous permet de mieux les observer. Nous sommes plus attentifs à leurs habitudes, à leurs manières, à leurs façons de se comporter, etc. Nous allons justement nous arrêter sur le couvre-chef respectif de chaque protagoniste. Nous venons de le voir, l'Écrivain porte un chapeau qu'il vient de surprendre partir. Le Professeur porte un bonnet, qu'il gardera presque tous le temps sur la tête. Le Stalker, enfin, a le crâne rasé, sauf qu'il porte au niveau du cou, une espèce de bandage médical qui, avec le temps, a perdu de sa blancheur et de sa tension : un bandage relâché, comme la laisse d'un animal. (Cf. Photogramme – 7.) La raison d'être de ce « collier de tissu », nous l'apprenons grâce à la biographie sommaire que le Professeur raconte à l'Écrivain, dans le long plan 44 : « Un séjour en prison, des mutilations ici (…) et sa fille qui est une "mutante", victime de la Zone. Elle n'aurait pas de jambes ! »

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Le cas du Stalker

Nous n'en savons pas plus sur les "mutilations". En revanche grâce à sa femme nous en saurons davantage sur la prison, à la fin du plan 10 : « C'est en prison que tu rentreras ! Et tu écoperas non pas de cinq ans, mais de dix ans ! » Le Stalker lui lance une réponse qui prête à réfléchir : « En prison ! Mais je suis partout en prison. » D'ailleurs, le Stalker n'en dira pas plus. Durant la crise de sa femme, il ne parlera pas beaucoup, mais quand il parle, en quelques mots, il dit beaucoup.[53] Nous pouvons aussi déduire que même dans la Zone, "il est en prison", qu'il est tenu par une laisse à la Zone, comme celle qu'il porte au cou. Témoin du "développement" de cette image et de son évolution : c'est le chien noir de la Zone. Le Stalker, de retour de la Zone, va l'adopter. Au plan 134, dans le bar, la femme du Stalker dit, en désignant le chien : « D'où ça vient, ça. » Le Stalker lui dit : « Il s'est attaché à moi. Comment l'abandonner ? » Le « ça », ce prénom démonstratif désigne "le chien", mais il pourrait aussi désigner la Zone. Ça sera d'ailleurs une des grandes questions du film : est-ce que le chien noir symbolise la Zone ? Peut-être que, s'il ne la désigne pas directement, du moins il la personnifie. Ainsi, la réponse du Stalker est révélatrice. Mais lui aussi est attaché à la Zone. Cela, nous le verrons au fur et à mesure.

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La suite est en préparation, en attendant vous pouvez lire la page suivante : Plan 14.



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Conclusions

Les faits et les caractères cinémantiques du film

Nous constatons que les strates du film ne s'organisent pas d'une façon cohérente. En effet, le développement sémantique d'un certain nombre de plans du début résonne souvent dans un plan qui se trouve à la fin du film. [54] Il en va ainsi du plateau vibrant au plan 6, qui trouve son développement au plan 144, du bonnet et du sac à dos du Professeur au plan 3 et de leurs développements multiples, des ramifications des bandelettes lestées, etc. Cela implique que nous pouvons distinguer pour le moment trois caractères dominants de la cinémancie : la topo-analyse, la spatio-temporalité et le formalisme. Nous avons abordé la topo-analyse avec Nostalghia ; la spatio-temporalité concerne l'ordre du déroulement des événements dans l'espace et dans le complexe du temps : le temps diégétique, culturel et universel (le chapeau de l'Écrivain ou les développements mythiques du "Porc-épic") ; et enfin, la formalité qui s'inscrit pour Stalker à un double niveau, d'une part, il s'agit de la structure formelle à l'intérieur d'un plan, c'est la relation des objets-choses avec les protagonistes ; d'autre part, il s'agit de la "forme générale" d'un film qui s'appuie sur des formes géométriques.

Par ailleurs, les faits cinémantiques s'inscrivent sur plusieurs registres, [55] et, nous pouvons dire, finalement, que le dénominateur commun qui les soulignent, est le caractère de variabilité. En effet, ce caractère constitue un complexe dans lequel il faut distinguer plusieurs paramètres : celui de la matière (une chose, un mot ou un son) ; de l'objet (taille et structure) ; de la forme (situation et position), et enfin, de la durée des instants. [56] En outre, ces paramètres sont toujours inclus dans une série, qui est elle-même incluse dans une autre série, et ainsi de suite. Ainsi, un film nous livre "le modèle fixe", immuable, d'un certain nombre de séries. Ceci nous pousse à croire qu'il y a un nombre limité de séries, mais un nombre considérable de variantes de séries. [57] Cela démontre que nos intuitions sont cohérentes, puisqu'il suffit qu'il y ait un simple fait cinémantique dans un film, pour qu'il soit aussitôt inscrit dans une série. Ainsi, un résumé succinct du film Stalker, nous permettra de voir plus clair. (Cf. Tableau général du film Stalker. )

Légendes des deux dernières colonnes :

- Flèche vers le bas : ↓  : relation cinémantique ponctuelle
- Flèche à droite : ←  : relation cinémantique en chaîne

Plans Titre séquence Objet Position
Plans
1 - 4
I - Prologue Chute d'un météorite
Le Bar Le Professeur Néon Plan 3
Bonnet Plan 3
Sac Plans
3 - 125
Plans
5 - 13
I - 1. Appartement Le Stalker Plateau Plan 6
Ampoule Plan 9
Chauffe-eau Plan 9
Serviette Plan 12
Plans
14 - 17
I - 2. 1. Bar 2 L'Écrivain Chapeau Plan 14
Trébuchement I Plan 15
Plans
18 - 42
I - 2. 2. Course-poursuite Barrière Plan 35
I - 2. 3. Sac à dos
Bombe
Plans
3 - 125
Plans
43 - 51
II -
« L'Avant-Zone »
Bandelettes lestées Plan 48
Anneau Plan 48
Animaux Plans 44,
97, 131, 141.
Poteau Plan 49
Bande-son
Plans
52 - 131
III - « La Zone »
III - 1. Le danger Danger verbale Plan 61
III - 2. Le trébuchement du Prof. Trébuchement II Plans
69 et 74
III - 3. Les travellings Danger social Plans
73 - 89
III - 4. L'ordalie du Tunnel-hachoir Allumettes Plans
96-97
III - 5. Le Bunker Pierre/Puits Plans
111-118
Plans
131 - 144
IV -
« L'Après-Zone »
Chien noir Plan 141
Trois verres Plan 144

Soulignons d'abord que les indices qui correspondent à chacun des trois personnages correspondent plus ou moins à leurs fonctions : le Professeur plie son bonnet dans la poche, comme s'il pliait ses idées (la bombe) dans un sac à dos ; l'Écrivain perd son chapeau et le remplacera plus tard par une couronne, qui représente une espèce d'ouverture spirituelle ; enfin, la plupart des indices dans l'appartement du Stalker ont pour dénominateur commun l'eau : le verre comme contenant du liquide fuyant, le chauffe-eau agent d'ébullition, la salive substitut du liquide intérieur, du liquide intime, la serviette comme agent nettoyant, absorbant. La redondance de cet élément primordial donne au film un caractère organique d'humidité, placentaire, comme une invitation au voyage. Ce caractère s'associe avec les nœuds des écrous, qui annoncent par prolongation la vie marine et la navigation. Comme le dira le Stalker au plan 51, au moment de quitter l'avant-Zone, pour entrer enfin dans la Zone proprement dite : "Chaque fois, j'indiquerai la direction. (…) Le premier point de repère est ce dernier poteau." Ici, ils (les protagonistes) larguent les amarres.


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La forme cinémantique du film

Lire la page


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Le fond cinémantique du film

Lire la page.


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Liens spécifiques du film

Stalker (Fiche technique et aspects extra-filmiques)


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Le départ pour la « Zone » : Description, composition et situation (Plans 3 – 42)

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« L’Avant-Zone » : Disposition, citation et coloration (Plans 43 – 50 )

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« La Zone » : Solutions, inspirations et convictions (Plans 51 -131)

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« L’Après-Zone » : Position, direction et orientation (Plans 131 -144)

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Conclusion (provisoire) :


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Notes et références

  1. "Le physicien" dans le film s'appelle "Le professeur", nous n'avons pas modifié le texte.
  2. Plaquette présentation du film, Film de ma vie, Editions FNAC, 1979.
  3. Toutes les traductions proviennent du dictionnaire bilingue Harrap's Shorter.
  4. Deux substantifs (s.) et un verbe (v.) : a- "Stalk" : (s.) 1. Démarche fière. 2. Chasse à l'approche. b- "Stalk" : 1. (v. intransitive.) "To stalk", "marcher d'un pas majestueux, marcher à grand pas." 2. (v. transitif.) "Traquer (la bête) à l'approche. Chasser à l'approche", "Deer-stalking" : 1. Chasseur de cerf ; 2. Chapeau de chasse. "Stalking-horse" 1. Cheval d'abri ; 2. Prétexte, masque. c- Stalk : (s.) 1. Tige (de plante) ; queue (de fruit) trognon (de chou) ; 2. Pied (de verre à vin).
  5. Andreï Tarkovski, Cahier Journal 1970-1986, op. cit., p. 114.
  6. Arcadi et Boris Strougatski, Pique-nique au bord du chemin. Titre original : Piknik na Obotchine. Traduit en français par Sveltana Delmotte, Editions Denoël, 1981. Paru pour la première fois dans la revue soviétique Avrora, n° 7, 8, 9, 1972.
  7. Dans le cadre de scénarios et de projets non réalisés : sur Dostoïevski (1970) ; de Dostoïevski : L'Adolescent (1970), L'Idiot (1973), Crime et Châtiment (1978), Le double (1980).
  8. Ce qui était pertinent à l'époque, le milieu du XIXème siècle. Ainsi les instants dramatiques d'un héros deviennent "l'histoire du livre". Il en va ainsi chez Dostoïevski (1821-1881) dans l'Idiot (1868), Crime et châtiment (1865), Les Frères Karamazov, Les Possédés. Jacques Gerstenkorn et Sylvie Strudel écrivent à ce propos que : (…) "(Le Stalker) se rattache en droite ligne à ces fameuses figures christiques qui illuminent l'univers romanesque de Dostoïevski." Cf. "Stalker, La Quête et la foi, ou Le dernier souffle de l'esprit" , Article paru dans, Etudes cinématographiques, op. cit., p. 82.
  9. "A l'origine, dans le livre des Strougatski, le Stalker est un jeune homme, il s'appelle Redrick Shouhart. Le livre commence quand il avait 23 ans.
    Titre complet du 1er chapitre : Redrick Souhart, 23 ans, Célibataire, préparateur de la Filiale Harmontoise de l'Institut International des Cultures Extra-terrestres.
    2ème chapitre : R. S. 28 ans, marié, sans profession.
    3ème chapitre : Richard Nounane, 51 ans, représentant des Fournisseurs de l'Equipement Electronique auprès de la Filiale Harmontoise de l'I.I.C.E.
    4ème chapitre : R.S. 31 ans.
  10. Filip Ermach : Président du Goskino de 1972-1986.
  11. Nikolaï Sizov : Nouveau directeur du studio Mosfilm, depuis novembre 1970. Il a les droits du vice-président du Goskino (Comité d'état pour le cinéma, son président a rang de ministre), contrôle la production la distribution et l'exploitation des films en URSS.
  12. ETO : Unité de production expérimentale à Mosfilm.
  13. Isfara : Ville d'Ouzbékistan, où devait être filmée la Zone ; le tournage a eu lieu finalement en Estonie.
  14. Finalement, c'est Andreï Tarkovski lui-même qui fera le décor.
  15. Il a en effet ses qualités dans le livre des Strougatski.
  16. La Recherche du Temps Perdu, tome 3, Le côté Guermantes, 1ère partie, p. 139.
  17. Soulignons au passage le changement de registre du statut de l'objet d'une plume dans Nostalghia, nous passons à un météorite. Nous allons constater comment cet "objet" va dessiner toute la physionomie du film.
  18. Certes, comme le souligne M. Dominique Avron, à titre personnel, il peut y avoir un lapsus à propos du caractère catalogique, dans lequel il fait la distinction entre un "objet humain" (perdus, jetés, etc.) et des "objets non-humains" (météorite). En fait cette question a été abordée dans le Mémoire de D.E.A. (op. cit.) Elle concerne "le propriétaire d'un objet" (soit il est personnel, soit il appartient à un tiers). Dans tous les cas, ce qui compte, c'est "l'émanation" de l'objet sur l'humain.
  19. Cf. J. Mitry, op. cit., tome 1, p. 84.
  20. Le découpage des plans du film repose sur la revue Stalker, L'Avant-Scène Cinéma, décembre 1993, N° 427.
  21. Ibid, p. 14.
  22. C'est une autre question du film : est-ce un bonheur ou un malheur ? Nous aurons une autre indication à ce sujet, au plan 48 : Le Professeur : "Finalement en a conclu que ce météorite, (…) n'en était pas tout à fait un, (…) Et pour commencer, on a posé le fil de fer barbelé…
  23. Yves-Marie Dumontier, Stalker, une introduction à une approche géopolitique du cinéma, mémoire de D.E.A. Cinéma, Paris III, 1999.
  24. Chevalier/Gherrbrant, Dictionnaire des Symboles, op. cit., p. 10.
  25. Il n'est pas faux non plus de dire que la plupart des films d'Andreï Tarkovski s'engagent dans une voie biblique. Toutefois "l'aspect religieux" est principalement axé dans sa vertu de conduire l'homme dans une ascension sacralisante. Il ne s'agit pas de délivrer un "message" religieux (comme une doctrine), mais d'engager l'homme dans une réconciliation avec la "nature".
  26. Nous rappelons que le décor a été exécuté par Andreï Tarkovski (et de A. Merkoulov), ce qui donne à ce film un caractère supplémentaire du fait de l'intervention directe de l'auteur.
  27. Une enfant "Ouistiti", qui est la fille du Stalker, ouvre et clôt le film. Elle a, quand elle pense, un pouvoir télékinésique : elle peut déplacer les objets à distance.
  28. Jean Mitry, Esthétique et psychologie du cinéma, Editions universitaires, 1963, tome 1, p. 307. La question est souvent analysée par J. Mitry. Voir tome 1 : (…) "La composition filmique suppose et implique nécessairement deux plans compositionnels : la composition dramatique (ou du "réel" représenté)… ; et la composition esthétique ou plastique… " pp. 171-172 ; "Dramatisation de la peinture", pp. 255-256 ; "Le temps dramatique", §. 43. Temps et espace en musique, pp. 307-311 ; 376. Tome 2 : Section VI, Temps et espace du drame : Chapitre 14, En quête d'une dramaturgie, pp. 281-368 ; Chapitre 15, Le fonds et la forme, §. 77. Dramaturgie d'un film, pp. 385-405.
  29. Op. cit., tome 2, p. 303.
  30. Op. cit., tome 2, p. 308.
  31. Cinéma, psychanalyse et politique, op. cit., p. 14.
  32. Article Gérard Pangon, "Un film du doute sous le signe de la trinité", Etudes cinématographiques, Andreï Tarkovski, op. cit., p. 105.
  33. Andreï Tarkovski, Stalker, L'Avant-Scène Cinéma, op. cit., p. 14.
  34. Ibid, p. 14.
  35. G. Pangon : […] " Le signe de la Croix est donc là…", op. cit., p.106.
  36. Une allusion au tremblement de terre que nous avons évoqué précédemment ?
  37. "Le cosmomorphisme, c'est-à-dire une tendance à charger l'homme de présence cosmique." op. cit., p. 77.
  38. Ibid, p. 14.
  39. Cette idée ou ce couple feu/lumière est proposé dans le 1er épisode du Miroir, « Le Feu au Fenil» avec le verre de la lampe à pétrole et le feu au fenil. Ici, les rapports ne sont pas de la même envergure, puisque la vie familiale est entre parenthèses dans Stalker (disposé au début et à la fin du film), tandis que dans Le Miroir la famille est le centre du film. C'est aussi d'autre part, un cas de "résonance latéral".
  40. Éloïse Mozzani, Le livre des Superstitions, op. cit.,p. 1637.
  41. Cf. J. Mitry, op. cit., tome 2, p. 112 ; 309. G. Deleuze, op. cit.,tome 1, p. 95. F. Cesarman, op. cit.,p. 193.
  42. Andreï Tarkovski, Cahier Journal 1970-1986, op. cit.,p. 99 : le 4 février 1974.
  43. Ibid. p. 98 : le 3 février 1974.
  44. Ibid. p.123 : le 3 juin 1975. Ce point est développé dans Nostalghia. Cf. Cahier Journal, 1977 et "L'importance du premier plan d'un film". Par ailleurs, "une idée directrice" a toujours pour base une certaine "réalité tangible" issue d'une certaine vision de l'humanité.
  45. "La boule d'or", dans le livre des Strougatski. Op. cit.
  46. C'est un point de vue comparable à Léon Tolstoï, notamment La Résurrection.
  47. Andreï Tarkovski, Cahier Journal 1970-1986, op. cit., p. 168 : le 23 décembre 1978.
  48. Cf. J. Donner, op. cit., p. 19.
  49. "Le monde est désespérément ennuyeux…(il) est régi par des lois de plomb… Il n'y a pas de triangle de Bermudes. Il y a un triangle ABC qui est égal au triangle A'B'C'. Ressentez-vous l'ennui mortel que ça implique ? Au Moyen-Age, vivre était intéressant. Dans chaque maison – un lutin. … Dans chaque église-Dieu. Les gens étaient jeunes. A présent un homme sur quatre est un vieux. Quel ennui…" La dame lui dit alors : "Vous disiez vous-même que la zone…est l'œuvre d'une super-civilisation." L'Écrivain répond : "Là-bas aussi il y a l'ennui… Et des lois et des triangles… Mais plus de lutins, et aucune trace de Dieu."
  50. Chevalier/Gherrbrant, Dictionnaire des Symboles, op. cit., p. 207.
  51. Éloïse Mozzani, Le livre des Superstitions, op. cit., p. 334.
  52. Comme le manteau du Poète dans Nostalghia, le chapeau de l'Ecrivain est l'agent de liaison (indirecte) dans la dynamique (et thématique) de passage.
  53. Nous pouvons aussi imaginer que la réplique du Stalker sort de la bouche d'Andreï Tarkovski lui-même : allusion à son "exil" forcé.
  54. L'inverse est aussi vrai. Pour cette raison, et d'autres encore, le début d'un film est toujours très important.
  55. Une de nos premières préoccupations serait de mettre en évidence les différents registres cinémantiques.
  56. Cf. G. Bachelard, L'Intuition de l'instant, (…) "Or, toute évolution, dans la proportion où elle est décisive, est ponctuée par des instants créateurs." Editions Stock, Paris, (1931) 1992, p. 18.
  57. C. S. Peirce écrit (...) "En général, nous pouvons dire que les significations sont inépuisables", op. cit.,p. 98.


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