« Danse » : différence entre les versions

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Il nous semble qu’on peut dire que la danse est un [[langage]] du [[corps]]. Nous allons voir deux séquences de deux réalisateurs différents ([[Bergman]] et [[Tarkovski]]) qui ont des similitudes frappantes. Chez Ingmar Bergman. Il s'agit de la danse gesticulée de Karen (Hariett Anderson) dans "la Chambre de la rencontre avec Dieu", (Cf. '''Photogramme – Danse 1 à 4.''')
Il nous semble qu’on peut dire que la danse est un [[langage]] du [[corps]]. Nous allons voir deux séquences de deux réalisateurs différents ([[Bergman Ingmar|Bergman]] et [[Tarkovski Andreï|Tarkovski]]) qui ont des similitudes frappantes. Chez [[Bergman Ingmar|Bergman]]. Il s'agit de la danse gesticulée de Karen (Hariett Anderson) dans "la Chambre de la rencontre avec Dieu", (Cf. '''Photogramme – Danse 1 à 4.''')


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Karen effectue sa "danse gesticulée"…]]


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La danse gesticulée de Karen ressemble étrangement, à quelques nuance près, et comme nous allons le voir, à la danse de Maroussia dans ''Le Miroir''. La question qui se pose est celle de savoir si Tarkovski connaissait ''A travers le miroir'', <ref> <span id="ancre_ber"></span>La ressemblance des titres des deux films est curieuse. Il est aussi étrange qu'Andreï Tarkovski ne le cite pas dans ses écrits bien qu'il soit un grand admirateur de Bergman. Dans son ''Cahier Journal'', il cite 5 films du réalisateur suédois : ''Fanny et Alexandre, Les Fraises Sauvages, Les Communiants, Personna'' et ''La Honte''. Dans ''Le Temps Scellé'', il cite les trois derniers du ''Cahier Journal'' avec en plus : ''Face à Face, Cris et Chuchotements'' et ''La Source''. </ref> car nous ne savons pas si le [[#|plan 24]] du ''Le Miroir'', est une variation du plan de [[Bergman]] ou un élément d'un vrai [[rêve]] (ou d'une idée) de Tarkovski. Quoi qu'il en soit, le parti pris du cinéaste aboutit tout de même à un résultat extrêmement ambigu, comme l'est d'ailleurs, la même séquence chez Bergman, mais néanmoins explicitement transparent.
La danse gesticulée de Karen ressemble étrangement, à quelques nuance près, et comme nous allons le voir, à la danse de Maroussia dans ''Le Miroir''. La question qui se pose est celle de savoir si Tarkovski connaissait ''[[A Travers le Miroir|A travers le Miroir]]'', <ref> <span id="ancre_ber"></span>La ressemblance des titres des deux films est curieuse. Il est aussi étrange qu'Andreï Tarkovski ne le cite pas dans ses écrits bien qu'il soit un grand admirateur de [[Bergman Ingmar|Bergman]]. Dans son ''Cahier Journal'', il cite 5 films du réalisateur suédois : ''Fanny et Alexandre, Les Fraises Sauvages, Les Communiants, Personna'' et ''La Honte''. Dans ''Le Temps Scellé'', il cite les trois derniers du ''Cahier Journal'' avec en plus : ''Face à Face, Cris et Chuchotements'' et ''La Source''. </ref> car nous ne savons pas si le [[#|plan 24]] du ''[[Miroir (Le)|Le Miroir]]'', est une variation du plan de [[Bergman Ingmar|Bergman]] ou un élément d'un vrai [[rêve]] (ou d'une idée) de Tarkovski. Quoi qu'il en soit, le parti pris du cinéaste aboutit tout de même à un résultat extrêmement ambigu, comme l'est d'ailleurs, la même séquence chez [[Bergman Ingmar|Bergman]], mais néanmoins explicitement transparent.


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'''<span id="ancre_24">Plan</span> 24''' : ''16' 57"'' : Aussitôt, dans la chambre voisine, nous observons la première brève [[apparition]] du père : gros plan rapproché rapide, il est debout, il verse de l'eau sur la tête de son épouse. Maroussia est accroupie devant une bassine d'eau remplie jusqu'au bord. Ses longs [[cheveux]] flottent dans l'eau. La scène est particulièrement inquiétante et bouleversante. En effet, du fait de la position courbée du corps et de la tête plongée dans l'eau, nous ne distinguons pas son visage. Mais nous avons l'impression, d'avoir le double d'une tête qui émerge de l'eau, une tête "miroirisée". Mieux encore, c'est comme une deuxième personne qui surgit de l'eau, une personne qui avale l'autre, qui l'aspire. (Cf. '''Photogramme – Danse 5'''.)
'''<span id="ancre_24">Plan</span> 24''' : ''16' 57"'' : Aussitôt, dans la chambre voisine, nous observons la première brève [[apparition]] du père : gros plan rapproché rapide, il est debout, il verse de l'eau sur la tête de son épouse. Maroussia est accroupie devant une bassine d'eau remplie jusqu'au bord. Ses longs [[cheveux]] flottent dans l'eau. La scène est particulièrement inquiétante et bouleversante. En effet, du fait de la position courbée du corps et de la tête plongée dans l'eau, nous ne distinguons pas son visage. Mais nous avons l'impression, d'avoir le double d'une tête qui émerge de l'eau, une tête "miroirisée". Mieux encore, c'est comme une deuxième personne qui surgit de l'eau, une personne qui avale l'autre, qui l'aspire. (Cf. '''Photogramme – Danse 5'''.)


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<span id="ancre_24bp"></span>[[Fichier:dansep5.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme - Danse 5''' : ''[[Miroir (Le)|Le Miroir.]]'' '''Plan 24b.''' Nous avons l'impression d'avoir le double d'une tête qui émerge, comme une deuxième personne qui surgit de l'eau.]]
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Nous avons l'impression d'avoir le double d'une tête qui émerge, comme une deuxième personne qui surgit de l'eau.]]


'''<span id="ancre_24c">Plan </span> 24c''' : ''17' 25"'' : Maroussia pose ses [[mains]] sur les bords de la bassine. Elle se redresse tout doucement. Les cheveux lui cachant le visage. Nous avons à ce moment-là une personne sans visage, une tête sans "les sens", une personne quelconque, une personne qui a [[tournée]] sa face de 180°. En bref, une personne monstrueuse. (Cf. '''Photogramme – Danse 6'''.)
'''<span id="ancre_24c">Plan </span> 24c''' : ''17' 25"'' : Maroussia pose ses [[Main|mains]] sur les bords de la bassine. Elle se redresse tout doucement. Les cheveux lui cachant le visage. Nous avons à ce moment-là une personne sans visage, une tête sans "les sens", une personne quelconque, une personne qui a [[Tourner|tournée]] sa face de 180°. En bref, une personne monstrueuse. (Cf. '''Photogramme – Danse 6'''.)


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<span id="ancre_24cp"></span>[[Fichier:dansep6.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme - Danse 6''' : ''[[Miroir (Le)|Le Miroir.]]'' '''Plan 24c.''' Une personne sans visage. ]]
''Le Miroir.''
'''Plan 24c.'''
Une personne sans visage. ]]


'''<span id="ancre_24d">Plan </span> 24d''' : ''17' 33"'' : Zoom arrière. Plan général de la chambre. Elle écarte les bras parallèlement au sol, en [[croix]], et elle exécute une espèce de danse mystérieuse, arythmique, comme les mouvements d'une marionnette articulée. (Cf. '''[[#ancre_1|Photogramme – Danse 7]]'''.)
'''<span id="ancre_24d">Plan </span> 24d''' : ''17' 33"'' : Zoom arrière. Plan général de la chambre. Elle écarte les bras parallèlement au sol, en [[croix]], et elle exécute une espèce de danse mystérieuse, arythmique, comme les mouvements d'une marionnette articulée. (Cf. '''[[#ancre_1|Photogramme – Danse 7]]'''.)
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La [[chambre]] dans laquelle elle se trouve accentue le caractère pathétique et dramatique de la séquence. Les murs semblent par endroit carbonisés, d'une rugosité brillante. Comme si elle se trouvait à l'intérieur du fenil après l'incident du feu ! Un petit feu s'échappe d'un poêle, à côté d'une [[lampe à pétrole]] renversée.
La [[chambre]] dans laquelle elle se trouve accentue le caractère pathétique et dramatique de la séquence. Les murs semblent par endroit carbonisés, d'une rugosité brillante. Comme si elle se trouvait à l'intérieur du fenil après l'incident du feu ! Un petit feu s'échappe d'un poêle, à côté d'une [[Verre#Chat noir et verre de lampe à pétrole|lampe à pétrole]] renversée.


'''<span id="ancre_25">Plan</span> 25''' : ''17' 47"'' : Tout à coup, Maroussia [[disparaît]] de l'écran. De l'eau ruisselle le long des murs, des blocs de plâtre du plafond tombent sans bruit par intermittence.
'''<span id="ancre_25">Plan</span> 25''' : ''17' 47"'' : Tout à coup, Maroussia [[Disparition|disparaît]] de l'écran. De l'eau ruisselle le long des murs, des blocs de plâtre du plafond tombent sans bruit par intermittence.


'''<span id="ancre_26">Plan</span> 26''' : ''18' 01"'' : Maroussia, paisible et calme, apparaît de nouveau. Elle dispose ses cheveux mouillés en arrière. Elle marche tranquillement vers la gauche, son image apparaît sur un miroir, sur lequel de l'eau ruisselle. Dans la continuité du déplacement de Maroussia à gauche, la caméra effectue un travelling à gauche, identique au plan 19, c'est-à-dire un passage d'un court instant sur une surface sombre et dense. Un mur opaque et noir, le long duquel l'eau suinte d'eau. On aperçoit une [[ombre]] qui se déplace furtivement le long du mur. <ref> Ce plan rappelle un plan d'''Andreï Roublev'', au retour de Kyril au monastère, plan 286.</ref>
'''<span id="ancre_26">Plan</span> 26''' : ''18' 01"'' : Maroussia, paisible et calme, apparaît de nouveau. Elle dispose ses cheveux mouillés en arrière. Elle marche tranquillement vers la gauche, son image apparaît sur un miroir, sur lequel de l'eau ruisselle. Dans la continuité du déplacement de Maroussia à gauche, la caméra effectue un travelling à gauche, identique au plan 19, c'est-à-dire un passage d'un court instant sur une surface sombre et dense. Un mur opaque et noir, le long duquel l'eau suinte d'eau. On aperçoit une [[ombre]] qui se déplace furtivement le long du mur. <ref> Ce plan rappelle un plan d'''[[Andreï Roublev]]'', au retour de Kyril au monastère, plan 286.</ref>


'''<span id="ancre_27">Plan</span> 27''' : ''18' 35"'' : Maroussia apparaît de face, et grâce à une surimpression, nous assistons à une [[métamorphose]] de Maroussia en une vieille dame qui avance à "l'intérieur du miroir", et qui va essuyer avec sa main la [[buée]] sur le [[miroir]]. Fin de la séquence en noir et blanc.
'''<span id="ancre_27">Plan</span> 27''' : ''18' 35"'' : Maroussia apparaît de face, et grâce à une surimpression, nous assistons à une [[métamorphose]] de Maroussia en une vieille dame qui avance à "l'intérieur du miroir", et qui va essuyer avec sa main la [[buée]] sur le [[miroir]]. Fin de la séquence en noir et blanc.
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A plus d'un titre, cet épisode est particulièrement important. D'abord, nous allons considérer la danse gesticulée de Maroussia. La danse traduit et interprète une situation particulière. <ref> Cf. '''Emmanuelle André''', ''Formes filmiques et idées musicales'', thèse de doctorat cinéma, Paris, 2000. '''Laurence Louppe''', ''Poétique de la danse contemporaine'', Editeur, Contredanse, Bruxelles, 2000. '''Candice Moors''', ''La danseuse, créature ou créatrice ? de la place des femmes dans la danse du XVIIIème siécle au XX ème siècle,'' Editeur, Saint-Martin d'Hères, IEP, 2000. '''Delphine Guyon''', ''La conception de la mort à travers le littérature et l'iconographie macabres médiévales'', thèse de doctorat lettres, Cergy-Pontoise, 2001.</ref> C'est une représentation extérieure d'un fait intérieur. Mais, il ne s'agit pas d'une simple représentation ponctuelle d'un état d'âme, mais d'un discours articulé du corps.
A plus d'un titre, cet épisode est particulièrement important. D'abord, nous allons considérer la danse gesticulée de Maroussia. La danse traduit et interprète une situation particulière. <ref> Cf. '''Emmanuelle André''', ''Formes filmiques et idées musicales'', thèse de doctorat cinéma, Paris, 2000. '''Laurence Louppe''', ''Poétique de la danse contemporaine'', Editeur, Contredanse, Bruxelles, 2000. '''Candice Moors''', ''La danseuse, créature ou créatrice ? de la place des femmes dans la danse du XVIIIème siécle au XX ème siècle,'' Editeur, Saint-Martin d'Hères, IEP, 2000. '''Delphine Guyon''', ''La conception de la mort à travers le littérature et l'iconographie macabres médiévales'', thèse de doctorat lettres, Cergy-Pontoise, 2001.</ref> C'est une représentation extérieure d'un fait intérieur. Mais, il ne s'agit pas d'une simple représentation ponctuelle d'un état d'âme, mais d'un discours articulé du corps.


L'affaire se complique considérablement car il y a, comme en général dans un [[rêve]], une accumulation importante de faits qui se relient entre eux d'une manière extraordinaire, ce qui confirme le talent du cinéaste. En effet, dans le [[#Danse et cheveux : configuration cinémantique|plan 24]], nous faisons connaissance avec le père du héros lors d'une apparition brève qui nous le montre en train de verser de l'[[eau]] sur la [[tête]] de son épouse. Ici, "le père" est à la fois, et contradictoirement, "le père du héros", et "le père de la patrie". Qu'est-ce à dire ? [[Andreï Tarkovski]] donne en fait une double fonction à la figure du père : d'abord par sa très courte apparition, et, ensuite, par les données que nous fournit la suite de la séquence (qui ne trompe pas), particulièrement dans la scène des cheveux qui cachent le visage de Maroussia (Cf. '''Photogramme – Danse 5'''.). Cette scène suggère une personne sans visage avec une connotation nettement politique, surtout dans la séquence qui propose la scène de la danse où les gestes rappellent ceux d'une marionnette articulée.  
L'affaire se complique considérablement car il y a, comme en général dans un [[rêve]], une accumulation importante de faits qui se relient entre eux d'une manière extraordinaire, ce qui confirme le talent du cinéaste. En effet, dans le [[#Danse et cheveux : configuration cinémantique|plan 24]], nous faisons connaissance avec le père du héros lors d'une apparition brève qui nous le montre en train de verser de l'[[eau]] sur la [[tête]] de son épouse. Ici, "le père" est à la fois, et contradictoirement, "le père du héros", et "le père de la patrie". Qu'est-ce à dire ? [[Tarkovski Andreï|Andreï Tarkovski]] donne en fait une double fonction à la figure du père : d'abord par sa très courte apparition, et, ensuite, par les données que nous fournit la suite de la séquence (qui ne trompe pas), particulièrement dans la scène des cheveux qui cachent le visage de Maroussia (Cf. '''Photogramme – Danse 5'''.). Cette scène suggère une personne sans visage avec une connotation nettement politique, surtout dans la séquence qui propose la scène de la danse où les gestes rappellent ceux d'une marionnette articulée.  


La déviation de cette figure illustre d'une manière frappante, "la mainmise" du pouvoir politique et autoritaire, "la [[main]] du père de la patrie", qui manipule les personnes comme des marionnettes, jusqu'à les transformer en personnes sans visages, sans âmes, c'est donc une illustration de "l'anéantissement humain". En effet, ici, le bain acquiert une signification de soumission. De plus, la figure particulière des cheveux suspendus devant le visage, presque tressés en nattes par l'effet de l'humidité, et qui tombent au sol, suggère, par ailleurs, la figure de la [[mort]]. Elle nous rappelle la figure de l'anse du célèbre Vase François du musée de Florence, qui représente Ajax ramenant Achille mort sur son épaule. En effet, les cheveux de ce dernier sont suspendus, ce qui rappellent ceux de Maroussia. Ainsi, coup sur coup, nous avons une autre duplication de la figure de la mort, une autre "miroirisation". En somme une "mort dans l'âme", qui subit à son tour une duplication : mort dans l'âme de Maroussia femme-épouse, et mort dans l'âme de Maroussia citoyenne-camarade. Un exemple de plan d'une personne dont le visage est caché par les cheveux se trouve dans le film de Bernardo Bertolucci, ''Novecento'', au [[plan 667]].
La déviation de cette figure illustre d'une manière frappante, "la mainmise" du pouvoir politique et autoritaire, "la [[main]] du père de la patrie", qui manipule les personnes comme des marionnettes, jusqu'à les transformer en personnes sans visages, sans âmes, c'est donc une illustration de "l'anéantissement humain". En effet, ici, le bain acquiert une signification de soumission. De plus, la figure particulière des cheveux suspendus devant le visage, presque tressés en nattes par l'effet de l'humidité, et qui tombent au sol, suggère, par ailleurs, la figure de la [[mort]]. Elle nous rappelle la figure de l'anse du célèbre Vase François du musée de Florence, qui représente Ajax ramenant Achille mort sur son épaule. En effet, les cheveux de ce dernier sont suspendus, ce qui rappellent ceux de Maroussia. Ainsi, coup sur coup, nous avons une autre duplication de la figure de la mort, une autre "miroirisation". En somme une "mort dans l'âme", qui subit à son tour une duplication : mort dans l'âme de Maroussia femme-épouse, et mort dans l'âme de Maroussia citoyenne-camarade. Un exemple de plan d'une personne dont le visage est caché par les cheveux se trouve dans le film de [[Bertolucci Bernardo|Bernardo Bertolucci]], ''[[1900|Novecento]]'', au [[Cheveux#ancre_667p|plan 667]].


====Liens Spécifiques du film====
====Liens Spécifiques du film====


Voir : ''[[Le Miroir]]''
Voir : ''[[Miroir (Le)|Le Miroir.]]''




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Version du 18 mars 2012 à 20:29

Photogramme : Le Miroir, plan 24d. Maroussia qui exécute une espèce de danse mystérieuse, comme les mouvements d’une marionnette articulée.



* * *


Titres des films

Mode d'emploi de la figure (mot) et abréviations

Titre Titre original Réalisation Scénario Année Pays Durée (min.)
Danse avec les loups Dances with wolves Costner Kevin Blake M. 1991 USA 181
Danse de la cigogne (La) Vu khuc con co Foo Jonathan,
Phan Quang Binh Nguyên
Duy N.,
Quang Sang N.
2003 Singapour, Vietnam 90
Le roi danse Le roi danse Corbiau Gérard Beaussant P.,
Castro E. (de),
Corbiau A. et G., Decoin D.
2000 France 108

Autres titres de films

Titre Titre original Réalisation Scénario Année Pays Durée (min.)
A travers le Miroir Såsom i en spegel Bergman Ingmar Bergman Ingmar 1961 Suède 89
Mathilde

§. Φω. 18. Plan 318.
§. Φω. 49. Plans 1117-1134.
§. Φω. 50. Plan 1145.

§. Φω. 51. Plan 1178.
(Voir détail : Mathilde) Mimica Nina Mimica Nina 2004 Italie,
Espagne,
Angleterre,
Allemagne
97'
Miroir (Le) (Voir détail : Zerkalo) Tarkovski Andreï Tarkovski A.

Micharine A.

Et poèmes d'Arseni Tarkovski.
1975 URSS 106'
* * *

Photogrammes extraits des films - Analyse et liens spécifiques du film.

A Travers le Miroir, d'Ingmar Bergman

Il nous semble qu’on peut dire que la danse est un langage du corps. Nous allons voir deux séquences de deux réalisateurs différents (Bergman et Tarkovski) qui ont des similitudes frappantes. Chez Bergman. Il s'agit de la danse gesticulée de Karen (Hariett Anderson) dans "la Chambre de la rencontre avec Dieu", (Cf. Photogramme – Danse 1 à 4.)

Photogramme - Danse 1 : A travers le Miroir. Plan 73a. Karen effectue sa "danse gesticulée"…
Photogramme - Danse 2 : A travers le Miroir. Plan 73b. Karen a l'impression qu'elle va rencontrer Dieu dans la chambre.
Photogramme - Danse 3 : A travers le Miroir. Plan 73c.
Photogramme - Danse 4 : A travers le Miroir. Plan 73d.

La danse gesticulée de Karen ressemble étrangement, à quelques nuance près, et comme nous allons le voir, à la danse de Maroussia dans Le Miroir. La question qui se pose est celle de savoir si Tarkovski connaissait A travers le Miroir, [1] car nous ne savons pas si le plan 24 du Le Miroir, est une variation du plan de Bergman ou un élément d'un vrai rêve (ou d'une idée) de Tarkovski. Quoi qu'il en soit, le parti pris du cinéaste aboutit tout de même à un résultat extrêmement ambigu, comme l'est d'ailleurs, la même séquence chez Bergman, mais néanmoins explicitement transparent.

*

Liens spécifiques du film

Voir :


Lait sur mer (plan 19) → doigt blessé (26) → [mains du père écartés en croix (32)] → [œil ouvert de Karen (59)] → [manteau 1 et 2 (62, 70)] → danse de Karen (plans 73a-d) → [tête en bas, Minos (92)] → main-œil Karen cherchant un cahier (94) → crachat Minos (111) → [cheveux de Minos tirés par K. (127)] → l'épave (plan 132) → escalier 1 et 2 (175 - 177)


[Les plans entre crochet ne sont pas inclus dans le Dictionnaire.]


* * *

Le Miroir, d’Andreï Tarkovski

Danse et cheveux : configuration cinémantique

C’est la séquence du rêve d’Aliocha.

Plan 21 : 15' 40" : Aliocha enfant se redresse brusquement, comme s'il avait pressenti quelque chose d'étrange. Il se recouche.

Plan 23 : 16' 18" : Aliocha se relève, et sort du lit. Au pied du lit, une bassine d'eau est posée sur une chaise. Il avance vers une porte ouverte. Une serviette traverse rapidement l'encadrement de la porte. L'image est très étrange.

Plan 24 : 16' 57" : Aussitôt, dans la chambre voisine, nous observons la première brève apparition du père : gros plan rapproché rapide, il est debout, il verse de l'eau sur la tête de son épouse. Maroussia est accroupie devant une bassine d'eau remplie jusqu'au bord. Ses longs cheveux flottent dans l'eau. La scène est particulièrement inquiétante et bouleversante. En effet, du fait de la position courbée du corps et de la tête plongée dans l'eau, nous ne distinguons pas son visage. Mais nous avons l'impression, d'avoir le double d'une tête qui émerge de l'eau, une tête "miroirisée". Mieux encore, c'est comme une deuxième personne qui surgit de l'eau, une personne qui avale l'autre, qui l'aspire. (Cf. Photogramme – Danse 5.)

Photogramme - Danse 5 : Le Miroir. Plan 24b. Nous avons l'impression d'avoir le double d'une tête qui émerge, comme une deuxième personne qui surgit de l'eau.

Plan 24c : 17' 25" : Maroussia pose ses mains sur les bords de la bassine. Elle se redresse tout doucement. Les cheveux lui cachant le visage. Nous avons à ce moment-là une personne sans visage, une tête sans "les sens", une personne quelconque, une personne qui a tournée sa face de 180°. En bref, une personne monstrueuse. (Cf. Photogramme – Danse 6.)

Photogramme - Danse 6 : Le Miroir. Plan 24c. Une personne sans visage.

Plan 24d : 17' 33" : Zoom arrière. Plan général de la chambre. Elle écarte les bras parallèlement au sol, en croix, et elle exécute une espèce de danse mystérieuse, arythmique, comme les mouvements d'une marionnette articulée. (Cf. Photogramme – Danse 7.)


La chambre dans laquelle elle se trouve accentue le caractère pathétique et dramatique de la séquence. Les murs semblent par endroit carbonisés, d'une rugosité brillante. Comme si elle se trouvait à l'intérieur du fenil après l'incident du feu ! Un petit feu s'échappe d'un poêle, à côté d'une lampe à pétrole renversée.

Plan 25 : 17' 47" : Tout à coup, Maroussia disparaît de l'écran. De l'eau ruisselle le long des murs, des blocs de plâtre du plafond tombent sans bruit par intermittence.

Plan 26 : 18' 01" : Maroussia, paisible et calme, apparaît de nouveau. Elle dispose ses cheveux mouillés en arrière. Elle marche tranquillement vers la gauche, son image apparaît sur un miroir, sur lequel de l'eau ruisselle. Dans la continuité du déplacement de Maroussia à gauche, la caméra effectue un travelling à gauche, identique au plan 19, c'est-à-dire un passage d'un court instant sur une surface sombre et dense. Un mur opaque et noir, le long duquel l'eau suinte d'eau. On aperçoit une ombre qui se déplace furtivement le long du mur. [2]

Plan 27 : 18' 35" : Maroussia apparaît de face, et grâce à une surimpression, nous assistons à une métamorphose de Maroussia en une vieille dame qui avance à "l'intérieur du miroir", et qui va essuyer avec sa main la buée sur le miroir. Fin de la séquence en noir et blanc.

*


Danse et connotation politique

A plus d'un titre, cet épisode est particulièrement important. D'abord, nous allons considérer la danse gesticulée de Maroussia. La danse traduit et interprète une situation particulière. [3] C'est une représentation extérieure d'un fait intérieur. Mais, il ne s'agit pas d'une simple représentation ponctuelle d'un état d'âme, mais d'un discours articulé du corps.

L'affaire se complique considérablement car il y a, comme en général dans un rêve, une accumulation importante de faits qui se relient entre eux d'une manière extraordinaire, ce qui confirme le talent du cinéaste. En effet, dans le plan 24, nous faisons connaissance avec le père du héros lors d'une apparition brève qui nous le montre en train de verser de l'eau sur la tête de son épouse. Ici, "le père" est à la fois, et contradictoirement, "le père du héros", et "le père de la patrie". Qu'est-ce à dire ? Andreï Tarkovski donne en fait une double fonction à la figure du père : d'abord par sa très courte apparition, et, ensuite, par les données que nous fournit la suite de la séquence (qui ne trompe pas), particulièrement dans la scène des cheveux qui cachent le visage de Maroussia (Cf. Photogramme – Danse 5.). Cette scène suggère une personne sans visage avec une connotation nettement politique, surtout dans la séquence qui propose la scène de la danse où les gestes rappellent ceux d'une marionnette articulée.

La déviation de cette figure illustre d'une manière frappante, "la mainmise" du pouvoir politique et autoritaire, "la main du père de la patrie", qui manipule les personnes comme des marionnettes, jusqu'à les transformer en personnes sans visages, sans âmes, c'est donc une illustration de "l'anéantissement humain". En effet, ici, le bain acquiert une signification de soumission. De plus, la figure particulière des cheveux suspendus devant le visage, presque tressés en nattes par l'effet de l'humidité, et qui tombent au sol, suggère, par ailleurs, la figure de la mort. Elle nous rappelle la figure de l'anse du célèbre Vase François du musée de Florence, qui représente Ajax ramenant Achille mort sur son épaule. En effet, les cheveux de ce dernier sont suspendus, ce qui rappellent ceux de Maroussia. Ainsi, coup sur coup, nous avons une autre duplication de la figure de la mort, une autre "miroirisation". En somme une "mort dans l'âme", qui subit à son tour une duplication : mort dans l'âme de Maroussia femme-épouse, et mort dans l'âme de Maroussia citoyenne-camarade. Un exemple de plan d'une personne dont le visage est caché par les cheveux se trouve dans le film de Bernardo Bertolucci, Novecento, au plan 667.

Liens Spécifiques du film

Voir : Le Miroir.


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Notes et références

  1. La ressemblance des titres des deux films est curieuse. Il est aussi étrange qu'Andreï Tarkovski ne le cite pas dans ses écrits bien qu'il soit un grand admirateur de Bergman. Dans son Cahier Journal, il cite 5 films du réalisateur suédois : Fanny et Alexandre, Les Fraises Sauvages, Les Communiants, Personna et La Honte. Dans Le Temps Scellé, il cite les trois derniers du Cahier Journal avec en plus : Face à Face, Cris et Chuchotements et La Source.
  2. Ce plan rappelle un plan d'Andreï Roublev, au retour de Kyril au monastère, plan 286.
  3. Cf. Emmanuelle André, Formes filmiques et idées musicales, thèse de doctorat cinéma, Paris, 2000. Laurence Louppe, Poétique de la danse contemporaine, Editeur, Contredanse, Bruxelles, 2000. Candice Moors, La danseuse, créature ou créatrice ? de la place des femmes dans la danse du XVIIIème siécle au XX ème siècle, Editeur, Saint-Martin d'Hères, IEP, 2000. Delphine Guyon, La conception de la mort à travers le littérature et l'iconographie macabres médiévales, thèse de doctorat lettres, Cergy-Pontoise, 2001.
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