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Stalker

8 245 octets ajoutés, 21 septembre 2012 à 13:14
Donc, le verre vibrant ponctue et isole l'introduction du Stalker et de sa famille. Et à la fin du film, le prodige de Ouistiti, (plan 144, dernier plan du film) ponctue le début et la fin du film. Quel est alors, l'intérêt de ce plan ? Est-il plastique ? Est-il métaphysique ? Est-ce que le sifflement du train et la vibration du verre sont comme un signal de départ pour le Stalker ? Est-ce que cela veut dire qu'il habite près d'une gare ? S'agit-il d'un centre de départ et d'arrivée imminentes ? Est-ce l'indice sismographique de la météorite ? Cette ponctuation peut être aussi considérée comme une parenthèse. Pour reprendre un terme tarkovskien, elle devient comme une strate supplémentaire, mieux encore, comme une strate cinémantique. Car le plateau devient une représentation métaphorique de la Zone, où tout change à chaque instant, où tout bouge. <ref> Une allusion au tremblement de terre que nous avons évoqué précédemment ? </ref> E. Morin dirait une "représentation cosmomorphique". <ref>"Le cosmomorphisme, c'est-à-dire une tendance à charger l'homme de présence cosmique." ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_4|op. cit.]]'', p. 77. </ref>
 
''' <span id="ancre_7">Plan</span> 7 :''' ''06' 20&quot;'' : La première chose que le Stalker va faire en se levant du lit n'est pas d'enfiler son pantalon, mais de prendre le réveil, pour ne pas réveiller sa femme.
 
<span id="ancre_8p"></span>[[Fichier:ampoulep1.jpg|300px|thumb|right|alt=''Stalker'', '''Photogramme - 4''' : '''Plan 8.''' La lumière s'illumine un instant avant d'imploser l'instant d'après.| ''Stalker'', '''Photogramme - 4''' : '''Plan 8.''' La lumière s'illumine un instant avant d'imploser l'instant d'après. ]]
 
'''<span id="ancre_8">Plan</span> 8 :''' '' 08' 25&quot;'' : Le Stalker passe à la cuisine, il allume un chauffe-eau à gaz. Soudain, l'[[ampoule]] accrochée à un mince fil, au centre de la pièce, s'allume. "L'ampoule s'illumine un bref instant avant d'imploser.» (Cf. '''Photogramme - 4'''.)
 
'''<span id="ancre_9">Plan</span> 9 : ''' ''09' 15&quot;'' : « En contre-champ, la femme qui tient encore le fil de l'ampoule.» <ref>''Ibid'', p. 14. </ref>L'image n'est-elle pas [[Thèse:Résumé|cinémantique]] ? N'annonce-t-elle pas l'éphémère, l'instantané ? C'est une représentation de la brève réaction de la femme du Stalker, qui découvre en une seconde dans toute sa lumière, l'éclatante vérité du départ du Stalker pour la «Zone». Elle tient à présent, un fil électrique au bout duquel ne règne que l'obscurité. Elle dit au Stalker : «''Pourquoi as-tu pris mon réveil ? Dis où est-ce que tu vas ? Tu m'avais pourtant juré…''»
 
'''<span id="ancre_10">Plan</span> 10 :''' '' 09' 54&quot;'' : Le Stalker se brosse les dents, il dit à sa femme, imperturbable : « ''Chut ! Tu vas réveiller Ouistiti !''» Il continue à se brosser les dents. A gauche du cadre, les flammes du chauffe-eau. L'image, ici, suggère le feu de la [[Déterminisme|détermination]] qui habite le Stalker. La permanence du feu s'oppose à l'éclair instantané de la lampe qui implose. Si cette dernière représente sa femme, la première représente le Stalker. De plus, l'une éclaire, l'autre chauffe. <ref> Cette idée ou ce couple feu/lumière est proposé dans le 1er épisode du [[Miroir (Le)|Miroir]], « Le Feu au Fenil» avec le [[verre]] de la lampe à pétrole et le feu au fenil. Ici, les rapports ne sont pas de la même envergure, puisque la vie familiale est entre parenthèses dans Stalker (disposé au début et à la fin du film), tandis que dans Le Miroir la famille est le centre du film. C'est aussi d'autre part, un cas de "[[résonance]] latéral".</ref>Le Stalker [[Crachat|crache]] de l'[[eau]], se retourne et s'essuie la bouche avec une [[serviette]].
 
<span id="ancre_12p"></span>[[Fichier:serviettep2.jpg|300px|thumb|right| alt=''Stalker'', '''Photogramme - 5''' : '''Plan 12.''' Au passage du Stalker, la serviette tombe sans raison.| ''Stalker'', '''Photogramme - 5''' : '''Plan 12.''' Au passage du Stalker, la serviette tombe sans raison.]]
 
''' <span id="ancre_12">Plan</span> 12 : ''' ''11' 20''&quot; : Au passage du Stalker derrière sa femme, la serviette suspendue tombe au sol. (Cf. '''Photogramme - 5.''') Les reproches de sa femme continuent, elle entre dans une espèce de [[crise]] spasmodique (couchée sur le sol), et veut l'empêcher de partir.
 
Deux indices vont retenir notre attention : le [[crachat]] et la serviette. En ce qui concerne la serviette, (…) "Certaines croyances voient dans le fait de laisser tomber une serviette (de table, de toilette ou de bain) l'annonce d'une visite imprévue, bienvenue ou inopportune." <ref> '''Éloïse Mozzani''', ''Le livre des Superstitions,'' ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_12|op. cit.]]'',p. 1637.</ref> Or, nous allons nous apercevoir que ces deux actes <ref>Cf. '''J. Mitry,''' ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_4|op. cit.]], tome 2, p. 112 ; 309. '''G. Deleuze''', ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_4|op. cit.]],tome 1, p. 95. '''F. Cesarman''', ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_3|op. cit.]],p. 193. </ref> presque insignifiants et courants vont concourir à [[Annonciateur (signe)|annoncer]] un sens imperceptible de l'image. Ils amorcent en fait, la suite filmique. En effet, au :
 
'''<span id="ancre_14">Plan</span> 14 :''' '' 13' 00&quot;'' : Le Stalker se rend sur une voie ferrée pour rencontrer le troisième et dernier protagoniste du film : l'Écrivain. A son arrivée, il est surpris de voir l'Écrivain accompagné d'une dame élégante. Les signes s'accumulent. L'enchaînement et l'accumulation des indices à l'intérieur des plans 9, 10, 12, et 14, sont, entre autres, un bel exemple démonstratif de la construction d’une image chez Tarkovski, quand il écrit (…) : "Je ne crois pas au caractère multistratifié du cinéma. La polyphonie filmique ne naît pas d'une multiplicité de strates, mais "d'un enrichissement progressif plan à plan", par leur succession et leur accumulation. Et il n'y a que cela : la polysémie de l'image réside dans sa nature intrinsèque." <ref> '''Andreï Tarkovski''', ''Cahier Journal 1970-1986'', ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_1|op. cit.]]'',p. 99 : le 4 février 1974. </ref> Ces propos pertinents sur l'image cinématographique illustrent le poids des liaisons de l'image cinématographique: la construction de l'image passe d'abord par l'intermédiaire des composantes internes et spécifiques de l'image, et non pas par la densité du jeu de l'acteur. D'autre part, nous retiendrons de ces propos seulement ce qui est relatif à la cinémancie. Pour Tarkovski, l'image, le plan, n'est pas un espace fixe, statique, une nature morte dans laquelle nous disposons des accessoires décoratifs pour faire de belles compositions. Car, plus précisément (…) : "Une image artistique est une image qui assure son propre développement, sa propre perspective historique. Cette image est une semence, un organisme vivant qui évolue." <ref> ''Ibid.'' p. 98 : le 3 février 1974. </ref> En fait, ces constatations concourent à édifier les bases évolutives de ce qu'il appelle "L'idée directrice, constructive." <ref> ''Ibid.'' p.123 : le 3 juin 1975. Ce point est développé dans Nostalghia. Cf. supra. pp. 41-42 et p. 96-97. Par ailleurs, "une idée directrice" a toujours pour base une certaine "réalité tangible" issue d'une certaine vision de l'humanité.</ref>
 
Comme nous l'avons déjà dit, nos hypothèses nous engagent sur une transposition sophistiquée de la [[Bible]] ; sophistiquée à la fois du point de vue de la forme filmique et du fond biblique. En effet, le Stalker et sa femme deviennent une transposition d'Adam et Eve, les [[Première|premiers]] humains qui ont connu la "Zone". C'est l'[[arbre]] défendu qui portait le fruit défendu. <ref>"La boule d'or", dans le livre des Strougatski. Op. cit. </ref> Dans cette allégorie, la "Zone" ressemble à un arbre par ses ramifications interminables. Ici, Eve ne mangera pas le fruit défendu, et Adam sera le guide des hommes, vers et dans cet arbre. Ils n'ont pas d'enfants dont l'un serait parricide. Ils ont une fille qui est dans la réalité du film, une mutante. Andreï Tarkovski écrit (…) : "Dans ce film, je veux faire comme explorer le rapport au jour présent, et me tourner vers le passé où l'humanité a commis tant d'erreurs qu'elle est contrainte de vivre aujourd'hui comme dans un brouillard. Le film parle de l'existence de Dieu dans l'homme, <ref>C'est un point de vue comparable à Léon Tolstoï, notamment ''La Résurrection''. </ref> et de la perte de la spiritualité par l'acquisition d'une connaissance trompeuse." <ref> '''Andreï Tarkovski''', ''Cahier Journal 1970-1986'', ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_1|op. cit.]]'', p. 168 : le 23 décembre 1978. </ref> Stalker est en fin de compte une mutation de la Bible. C'est la Bible à l'envers et en désordre. L'Apocalypse<ref>Cf. J. Donner, ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_3|op. cit.]]'', p. 19. </ref> a déjà eu lieu. Est-ce l'œuvre d'une super civilisation ? Ou la [[chute]] d'un [[météorite]] ? Ce caractère apocalyptique assure les fondations [[Catalogie (de l'objet)|catalogiques]] du film, où tout est renversé, où comme nous allons le voir : "Le [[chemin]] le plus droit, n'est pas forcément le chemin le plus court."
 
 
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