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Il nous semble que Sean Penn ne cherche pas le « sens » d’un film (du point de vue de l’histoire) ; mais bien plutôt « l’émotion » d’un film. Une émotion pure qui jaillit exclusivement du rythme et du montage des images. <ref> Montage des images par Jay Cassidy qui a travaillé sur ''Crossing Guard'', ''The Pledge'' et ''[[Into the Wild]]''. </ref> Nous pouvons constater, qu’au fur et à mesure, les liaisons et les objets qui s’enchaînent dans ''The Pledge'' sont remarquables, avec des associations de valeur et de fonctions qui se croisent d’une manière fine, subtile et nouvelle, surtout dans un sujet délicat et difficile : l’homicide sur mineure. | Il nous semble que Sean Penn ne cherche pas le « sens » d’un film (du point de vue de l’histoire) ; mais bien plutôt « l’émotion » d’un film. Une émotion pure qui jaillit exclusivement du rythme et du montage des images. <ref> Montage des images par Jay Cassidy qui a travaillé sur ''Crossing Guard'', ''The Pledge'' et ''[[Into the Wild]]''. </ref> Nous pouvons constater, qu’au fur et à mesure, les liaisons et les objets qui s’enchaînent dans ''The Pledge'' sont remarquables, avec des associations de valeur et de fonctions qui se croisent d’une manière fine, subtile et nouvelle, surtout dans un sujet délicat et difficile : l’homicide sur mineure. | ||
Les grandes qualités du film sont les suivantes : 1. Le choix d’un sujet inédit et actuel ; 2. L’économie des moyens ; 3. La « spiritualité » du propos ; | Les grandes qualités du film sont les suivantes : 1. Le choix d’un sujet inédit et actuel ; 2. L’économie des moyens ; 3. Les liaisons fascinantes des objets ; 4. La « spiritualité » du propos ; 5. Le rôle critique d’un artiste. | ||
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=== | === Faire un film === | ||
Faire un film, c’est faire des choix. Mais, le choix du sujet est certainement le plus important. C’est la base indispensable. Il est à la fois la source et la destination. Le film devient la trajectoire vers la source. C’est aussi, à partir du sujet que les choix des idées vont se décliner et s’intégrer dans le flux filmique. | Faire un film, c’est faire des choix. Mais, le choix du sujet est certainement le plus important. C’est la base indispensable. Il est à la fois la source et la destination. Le film devient la trajectoire vers la source. C’est aussi, à partir du sujet que les choix des idées vont se décliner et s’intégrer dans le flux filmique. | ||
Stanley Kubrick disait que pour faire un film, il faut sept idées, il suffit alors de les mettre en chaîne. En ce qui concerne ''The Pledge'', nous prenons le risque de proposer les idées suivantes : | Stanley Kubrick disait que pour faire un film, il faut sept idées, il suffit alors de les mettre en chaîne. En ce qui concerne ''The Pledge'', et en guise de notre conclusion, nous prenons le risque de proposer les idées suivantes : | ||
* I. Un Thème : Homicide sur mineure ; | * I. Un Thème : Homicide sur mineure ; | ||
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==== Un Thème ==== | ==== Un Thème : Homicide sur mineure==== | ||
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[[Fichier: Film_Faire un film_00_Légendes des couleurs.jpg|300px|thumb|right|alt=| '' The Pledge '' de Sean Penn. ''' Légendes des couleurs'''. La légende est simple : Le rouge représente, le meurtre ; le rouge surligné en jaune, concerne le « Magicien » ; le bleu représente Jerry Black. | '' The Pledge '' de Sean Penn. ''' Légendes des couleurs'''. La légende est simple : Le rouge représente, le meurtre ; le rouge surligné en jaune, concerne le « Magicien » ; le bleu représente Jerry Black. ]] | |||
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[[Fichier: Film_Faire un film_01_Un Thème_.jpg|300px|thumb|right|alt=| '' The Pledge '' de Sean Penn. ''' Faire un film : 1ère idée principale. I. Un Thème (double) ''': 1. L’homicide ; 2. La promesse.| '' The Pledge '' de Sean Penn. ''' Faire un film : 1ère idée principale. I. Un Thème (double) ''': 1. L’homicide ; 2. La promesse. ]] | |||
À partir de ''La Promesse'', l’œuvre de Dürrenmatt, nous obtenons en fait, une double thématique : La '''promesse''' et l’'''homicide'''. Mais l’ordre premier c’est l’homicide. Il y a eu une promesse, parce qu’il y a eu un homicide. À son tour, l’homicide déclenche deux axes : 1. La '''disparition tragique''' et brutale d’un '''enfant''' ; 2. La '''douleur''' continue des '''parents'''. | À partir de ''La Promesse'', l’œuvre de Dürrenmatt, nous obtenons en fait, une double thématique : La '''promesse''' et l’'''homicide'''. Mais l’ordre premier c’est l’homicide. Il y a eu une promesse, parce qu’il y a eu un homicide. À son tour, l’homicide déclenche deux axes : 1. La '''disparition tragique''' et brutale d’un '''enfant''' ; 2. La '''douleur''' continue des '''parents'''. | ||
La promesse sur une '''croix en allumettes''' n’existe pas dans le roman, c’est donc une innovation du réalisateur et des scénaristes qui projette le film, dès le début (dès la vingtième minute), dans des nouvelles directions. La croix accordera une solennité | La promesse sur une '''croix en allumettes''' n’existe pas dans le roman, c’est donc une innovation du réalisateur et des scénaristes qui projette le film, dès le début (dès la vingtième minute), dans des nouvelles directions. La croix accordera une solennité sacrée à la promesse. <ref> Dans ''[[Andreï Roublev]]'' quand le frère du Grand Prince [[Croix#Croix embrassé et pied piétiné|embrasse la croix]], dans une église, devant le corps du clergé, le frère ne tiendra pas ces engagements politiques et il va finir par trahir le Grand Prince en s’alliant avec les tatars.</ref> | ||
La '''croix en allumettes''' fabriquée par l’enfant assassinée, introduit d’une part, le sacré et la foi ; et, d’autre part, l’allumette va, au fur et à mesure s’étoffer. En passant par la '''cigarette''', et les camions '''eighteen wheels''' transportant des '''troncs d’arbre''', elle va prendre de l’ampleur et aboutir par syllogisme <ref> Syllogisme est emprunté au grec συλλογισμός, composé de σύν (syn, « avec ») et λόγος (logos, « parole », « discours », « fable », « bruit », « lettres »). Syllogisme signifie donc littéralement « parole (qui va) avec (une autre) ». Définition du syllogisme par Aristote : « Le syllogisme est un raisonnement où, certaines choses étant prouvées, une chose autre que celles qui ont été accordées se déduit nécessairement des choses qui ont été accordées. » (Source : Wikipédia) </ref>, à une explosion finale. Comme si Jerry va, une à une, vider (utiliser, fumer) les allumettes de croix jusqu’à l’issue finale. Ainsi le choix original d’une croix en allumettes n’est pas banal. | La '''croix en allumettes''' fabriquée par l’enfant assassinée, introduit d’une part, le sacré et la foi ; et, d’autre part, l’allumette va, au fur et à mesure s’étoffer. En passant par la '''cigarette''', et les camions '''eighteen wheels''' transportant des '''troncs d’arbre''', elle va prendre de l’ampleur et aboutir par syllogisme <ref> Syllogisme est emprunté au grec συλλογισμός, composé de σύν (syn, « avec ») et λόγος (logos, « parole », « discours », « fable », « bruit », « lettres »). Syllogisme signifie donc littéralement « parole (qui va) avec (une autre) ». Définition du syllogisme par Aristote : « Le syllogisme est un raisonnement où, certaines choses étant prouvées, une chose autre que celles qui ont été accordées se déduit nécessairement des choses qui ont été accordées. » (Source : Wikipédia) </ref>, à une explosion finale. Comme si Jerry va, une à une, vider (utiliser, fumer) les allumettes de croix jusqu’à l’issue finale. Ainsi le choix original d’une croix en allumettes n’est pas banal. | ||
Nous obtenons la suite (l’équation) suivante : | Nous obtenons la suite (l’équation) suivante : | ||
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* Promesse ↔ Croix en allumettes ↔ Sacré → Cigarette | * Promesse ↔ Croix en allumettes ↔ Sacré → Cigarette | ||
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* Les colonnes représentent les sept principales idées, elles sont doublées afin d’ajouter des idées secondaires ; | * Les colonnes représentent les sept principales idées, elles sont doublées afin d’ajouter des idées secondaires ; | ||
* Les lignes représentent l’évolution ou l’association ou la relation d’un élément pertinent du film ; | * Les lignes représentent l’évolution ou l’association ou la relation d’un élément pertinent du film ; | ||
* Les principaux protagonistes (P.P.) ou objet fort (O.F.) sont soulignés par une couleur particulière, à | * '''Les principaux protagonistes (P.P.) ou objet fort (O.F.)''' sont soulignés par une couleur particulière (Cf. Tableau : '''[[#ancre_tab_0|Légendes des couleurs.]]''') | ||
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==== Un Être : Un Homme : Jerry Black ==== | |||
Le choix de Sean Penn porte souvent sur le cas d’homme qui ont osé franchir l’impossible, qui dépassent très largement les limites du raisonnable et du compréhensible, des pionniers contemporains, comme par exemple, Christophe MacCandless, dans '' [[Into the Wild]] ''. | |||
Jerry Black était un policier « ordinaire », il allait prendre sa retraite. Voilà que tout d’un coup, il est face à un dilemme, à un choix contradictoire : tenir une promesse devant une mère (Margaret Larsen) qui a perdu son enfant (Ginny). Rien ne l’oblige à le faire, d’autant plus, que la police a trouvé un suspect, et que ce dernier a avoué le crime. Mais Jerry a fait une promesse pour trouver l’assassin, or il a des doutes sur la culpabilité du suspect que la police vient d’arrêter : Toby l’indien. L’interrogatoire sera expéditif, dans le roman, il s’éternise sur plusieurs chapitres. (Cf. '''[[#ancre_108|Ch. 8 - 13.]]''') | |||
Jerry entreprend une enquête qui va le conduire à la folie, cela nous le saurons, dés le début du film, à la première minute, celle de l’homme hagard, une bouteille à la main, qui répète le poing fermé, les mêmes phrases. La séquence du début va conclure le film. De la sorte, si nous comparons la forme du film à la forme d’une phrase en littérature, les deux séquences (celles du début du film et de la fin) deviennent des parenthèses entre un nom et un prénom : ''' (Black Jerry) = ''The Pledge''. ''' | |||
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===== Le Nom : Black Jerry ===== | |||
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[[Fichier: The_Pledge_Faire_un film_02_Homme.jpg|300px|thumb|right|alt=| '' The Pledge '' de Sean Penn. ''' Faire un film : 2nde idée principale'''. Un homme : Jerry Black. | '' The Pledge '' de Sean Penn. ''' Faire un film : 2nde idée principale'''. Un homme : Jerry Black.]] | |||
Dans ''The Pledge'', les noms et prénoms des protagonistes sont à prendre en considération : trop de prénoms s’accordent sur leur terminaisons. Pourquoi ? D’abord, le « Nom-couleur » de Black Jerry<ref>Black en anglais signifie noir. </ref> résume et illustre ses profondes intentions (peut-être inconscientes), comme ayant une « âme noire », sombre, car il ose s’approprier et « exploiter » deux êtres humains comme s’ils étaient des « mouches » (d’appât). C’est une manifestation démoniaque, ou comme l’a dit le commandant dans le roman : « [[#ancre_122a|C’est satanique.]] » <ref> Dürrenmatt. ''Op. cit. '' p. 168.</ref> | |||
Voilà qui risque de soulever des objections. Tout d’abord, cette idée peut être une allusion au film de Martin Brest, ''Rencontre avec Joe Black'' (''Meet Joe Black'', 1998), dans lequel Joe Black (Brad Pitt) est un personnage qui représente la mort « corporisé », si l’on ose dire. Ensuite, et c’est justement là, un des points forts du film (un de plus). Les noms (et les objets) ont un développement important : il n’y a pas que le nom et le prénom de Jerry Black qui porte un « nom-valise ». Mais d'abord, c’est quoi un « nom-valise » ? | |||
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====== Un « Nom-Valise » ====== | |||
Un « nom-valise » est un nom qui porte à la fois au moins deux, ou plusieurs significations. Il crée des liens et des liaisons avec d’autres personnes. L’intérêt du nom de Jerry Black est amplifié parce que d’autres protagonistes ont également des qualités de « nom-valise ». | |||
On commence par les prénoms des victimes des enfants : '''Ginny''' Larsen, '''Cathy''' Olstad, '''Chrissy''' (l’appât, la prochaine victime), '''Becky''' Fisck (victime potentiel). La terminaison des prénoms en « '''ny''' », « '''thy''' », « '''ssy''' », « '''cky''' », et identique à celle de '''Jerry'''. Serait-il devenu une victime ? Cette résonance sensible s’invite chez le suspect-victime, '''Toby''' Jay Wadenah et le pasteur '''Gary''' Jackson, mais aussi, chez la mère-victime, '''Lori''', qui s’aligne sur un même niveau : les deux dernières personnes sont des victimes de l’incompétence policière. | |||
La terminaison des noms des principaux policiers est en « '''ack''' », elle se retrouve chez Eric '''Prolack''', Stan '''Pollack''' et Jerry '''Black'''. | |||
Ainsi, nous constatons que le nom prénom de '''Jerry Black''' se retrouve à la fois chez les victimes et les policiers. C’est une manière très subtile, et de fait, poétique, pour souligner l’ambiguïté du personnage. C’est aussi une innovation que nous n’avons jamais rencontrée. | |||
Il est à noter enfin, que cette considération des noms et prénoms est absente dans le roman. (Voir la [[#ancre_300|Correspondances des noms entre le film et le roman]].) | |||
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===== L’enquête de Jerry Black ===== | |||
Jerry Black se lance dans une enquête personnelle et privée, sans tenir compte des terribles conséquences. | |||
Pour résumer, l’enquête policière que nous allons approfondir au fur et à mesure, s’engage dans la suite suivante : | |||
Enquête ↔ Corps ↔ Arme ↔ Meurtre ↔ Victime ↔ Indice ↔ Suspect ↔ Assassin | |||
Le dernier élément étant la grande inconnue : Qui est l’assassin ? Comment-est-il ? Qui est-il ? | |||
Pour l’instant, regardons qui est Jerry Black. | |||