5 932
modifications
Ligne 95 : | Ligne 95 : | ||
Contrairement à la séquence d'Efim, qui, au '''plan 5''', hésite de la même manière à entrer, mais qui finit tout de même par entrer pour ressortir aussitôt d'une autre porte (Cf. '''Photogramme - Hésitation 1'''), le prince n'entre pas par la porte de l'église. | Contrairement à la séquence d'Efim, qui, au '''plan 5''', hésite de la même manière à entrer, mais qui finit tout de même par entrer pour ressortir aussitôt d'une autre porte (Cf. '''Photogramme - Hésitation 1'''), le prince n'entre pas par la porte de l'église. | ||
<span id="ancre_5"></span>[[Fichier:portep5.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme - Hésitation 1''' : ''Andreï Roublev'', | <span id="ancre_5"></span>[[Fichier:portep5.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme - Hésitation 1''' : ''[[Andreï Roublev]]'', '''Plan 5.''' Efim, hésitant, devant la grande porte de l’église. ]] | ||
'''Plan 5.''' Efim, hésitant, devant la grande porte de l’église. ]] | |||
Que signifie à présent, cette double figure de l'hésitation ? Tout d'abord, le prince n'ignorait pas que tout le succès de l'[[Trahison|Invasion]] passerait par le serment de la [[croix]]. En gagnant la confiance de son frère, il garantissait son éloignement. Cependant, un [[doute]] persiste, qui se traduit justement par la figure de l'hésitation. Ce doute provient de son comportement peu orthodoxe, et peu chevaleresque, comme nous allons le voir. | Que signifie à présent, cette double figure de l'hésitation ? Tout d'abord, le prince n'ignorait pas que tout le succès de l'[[Trahison|Invasion]] passerait par le serment de la [[croix]]. En gagnant la confiance de son frère, il garantissait son éloignement. Cependant, un [[doute]] persiste, qui se traduit justement par la figure de l'hésitation. Ce doute provient de son comportement peu orthodoxe, et peu chevaleresque, comme nous allons le voir. | ||
Ligne 111 : | Ligne 110 : | ||
3. [[#Le feu au fenil ou l’attente brûlante |Le fenil en feu]] : plans 19b et 54. </ref> Le cinéma, c'est l'art discontinu du continu ou rendre continue le discontinu. <ref> Le cinéma, entre autres de Kenji Mizoguchi, utilise souvent ce type de dédoublement de la représentation d'une image. Nous l'avons vu dans ''[[Intendant Sancho (L')|L'Intendant Sancho]]'', avec l'image des branches de l'[[arbre]] arrachées ou le marquage des esclaves au fer rouge ou encore, dans ''Les Amants Crucifiés'' avec l'image du couple assis dos à dos sur un [[cheval]] noir.</ref> Dans tous ces exemples, nous avons une double représentation de comportement, accompagnée, secondairement, d'un système d'objet. Le plan, répété dans un contexte différent, garde souvent dans l'image, à quelques différences près, les mêmes composantes ou, du moins, les similitudes sont-elles frappantes. | 3. [[#Le feu au fenil ou l’attente brûlante |Le fenil en feu]] : plans 19b et 54. </ref> Le cinéma, c'est l'art discontinu du continu ou rendre continue le discontinu. <ref> Le cinéma, entre autres de Kenji Mizoguchi, utilise souvent ce type de dédoublement de la représentation d'une image. Nous l'avons vu dans ''[[Intendant Sancho (L')|L'Intendant Sancho]]'', avec l'image des branches de l'[[arbre]] arrachées ou le marquage des esclaves au fer rouge ou encore, dans ''Les Amants Crucifiés'' avec l'image du couple assis dos à dos sur un [[cheval]] noir.</ref> Dans tous ces exemples, nous avons une double représentation de comportement, accompagnée, secondairement, d'un système d'objet. Le plan, répété dans un contexte différent, garde souvent dans l'image, à quelques différences près, les mêmes composantes ou, du moins, les similitudes sont-elles frappantes. | ||
Dans ''Andreï Roublev'', les deux '''plans 198 et [[#ancre_5|5]]''', ont la même taille : plan moyen, les deux protagonistes se déplacent dans la même direction, de gauche à droite ; la tête est couverte. Les différences évidentes, qui découlent de l'association des deux plans, sont nombreuses. La plus importante c'est que les deux images proposent le même motif, mais concernent deux personnages différents. Est-ce à dire, qu'il y a, à ces moments-là, une association des traits psychologiques des personnes, des caractères, des émotions, des perceptions ? Est-ce qu'Efim est un [[Trahison|traître]] ? Ou bien, est-ce que le prince, tout comme Efim, court tout droit vers un projet avorté d'avance ? A un projet inconsidéré ? Est-ce le projet des deux personnages qui est visé ? Mais, ces aspects ne sont pas constants, car il n'en sera pas de même chez Mizoguchi, comme par exemple dans ''L'Intendant Sancho'', la scène de la branche arrachée où il s'agit bien des mêmes personnages, mais à dix ans d'intervalle. Ces plans, qui se répondent en écho, sont à considérer avec un œil particulièrement attentif. Le second plan en question est un moment paroxystique du film : Gyükü cesse d'être cruel et redevient le petit enfant qui jouait avec sa sœur Anju, plein de tendresse et de justice idéale – libération de tous les esclaves. | Dans ''[[Andreï Roublev]]'', les deux '''plans 198 et [[#ancre_5|5]]''', ont la même taille : plan moyen, les deux protagonistes se déplacent dans la même direction, de gauche à droite ; la tête est couverte. Les différences évidentes, qui découlent de l'association des deux plans, sont nombreuses. La plus importante c'est que les deux images proposent le même motif, mais concernent deux personnages différents. Est-ce à dire, qu'il y a, à ces moments-là, une association des traits psychologiques des personnes, des caractères, des émotions, des perceptions ? Est-ce qu'Efim est un [[Trahison|traître]] ? Ou bien, est-ce que le prince, tout comme Efim, court tout droit vers un projet avorté d'avance ? A un projet inconsidéré ? Est-ce le projet des deux personnages qui est visé ? <span id="ancre_Inte"></span>Mais, ces aspects ne sont pas constants, car il n'en sera pas de même chez Mizoguchi, comme par exemple dans ''[[Intendant Sancho (L')|L'Intendant Sancho]]'', la scène de la branche arrachée où il s'agit bien des mêmes personnages, mais à dix ans d'intervalle. Ces plans, qui se répondent en écho, sont à considérer avec un œil particulièrement attentif. Le second plan en question est un moment paroxystique du film : Gyükü cesse d'être cruel et redevient le petit enfant qui jouait avec sa sœur Anju, plein de tendresse et de justice idéale – libération de tous les esclaves. | ||
La seconde différence entre Efim et le prince, c'est que le premier entre (passe) dans l'église, et que le second n'y entre pas dans cette partie du film. L'hésitation constitue ici un stade de comportement d'acte physique passif, ce qui n'empêche pas un état psychique de la plus haute intensité, qui n'est pas très éloigné de la folie. Les images des traits du visage du prince, après le saccage et les actes barbares sur les habitants de Vladimir en témoignent ultérieurement : le regard hagard, les yeux étranges, les [[cheveux]] hirsutes par endroit. Enfin, la troisième différence, c'est comme le jour et la nuit. Avec Efim nous étions en plein jour, et avec le prince nous sommes au début de la nuit. Nous reviendrons sur la question de la double [[Représentation (métaphorique)|représentation]] d'un même plan, notamment dans le VIIIème épisode, celui de la Cloche, avec [[Drap#La figure du drap plié en cloche|le drap plié en forme de cloche]]. | La seconde différence entre Efim et le prince, c'est que le premier entre (passe) dans l'église, et que le second n'y entre pas dans cette partie du film. L'hésitation constitue ici un stade de comportement d'acte physique passif, ce qui n'empêche pas un état psychique de la plus haute intensité, qui n'est pas très éloigné de la folie. Les images des traits du visage du prince, après le saccage et les actes barbares sur les habitants de Vladimir en témoignent ultérieurement : le regard hagard, les yeux étranges, les [[cheveux]] hirsutes par endroit. Enfin, la troisième différence, c'est comme le jour et la nuit. Avec Efim nous étions en plein jour, et avec le prince nous sommes au début de la nuit. Nous reviendrons sur la question de la double [[Représentation (métaphorique)|représentation]] d'un même plan, notamment dans le VIIIème épisode, celui de la Cloche, avec [[Drap#La figure du drap plié en cloche|le drap plié en forme de cloche]]. |