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179 octets ajoutés ,  31 août 2011
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Ignat prend "le [[livre]]" et commence à lire, un texte de Rousseau, sur "l'influence de la science sur l'art". Elle coupe sa lecture, et elle le rectifie, en lui disant de lire ce qui est souligné <ref>Le répertoire typologique des [[Mot|mots]] s'agrandit, voilà à présent des mots soulignés.  </ref>: "Une lettre de Pouchkine à Tchadaïev, sur le schisme qui a séparé la Russie du reste de l'Europe."  
Ignat prend "le [[livre]]" et commence à lire, un texte de Rousseau, sur "l'influence de la science sur l'art". Elle coupe sa lecture, et elle le rectifie, en lui disant de lire ce qui est souligné <ref>Le répertoire typologique des [[Mot|mots]] s'agrandit, voilà à présent des mots soulignés.  </ref>: "Une lettre de Pouchkine à Tchadaïev, sur le schisme qui a séparé la Russie du reste de l'Europe."  


====Paradoxe chronotopique====
====Paradoxe chronotopique====


Ainsi, nous constatons que les propos d'Ignat: [[Sac#ancre_80|"''On dirait que ça s'est passé.''"]] S'appliquent aussi à la Dame en noir : elle connaît avec précision la position du cahier et le passage souligné. Remarquons de plus, que c'est un cahier et non un livre. La disposition du cahier qui semble présenter dans la même page, un texte de Rousseau, suivi d'un texte de Pouchkine, indique que ces passages ont été sans doute copiés. Ils ont été peut-être copiés et soulignés par ses soins. Nous assistons là, à un double "paradoxe chronotopique"<ref>Chronotopique, signifie étymologiquement "le temps-lieu", du grec, ''chronos'', le temps, et ''topos'', le lieu.</ref>, si nous osons dire. Entre temps, on sonne à la [[porte]]. Elle ordonne à Ignat d'aller ouvrir. C'est une [[Faute|fausse]] visite, d'une dame qui s'est trompée d'adresse. <ref>Est-ce Maroussia vieille ? (Remarque de Daniel Weyl.)  </ref> De retour, Ignat constate avec étonnement et surprise, mêlée d'inquiétude, la [[disparition]] de la dame en noir, et de tout le service à thé. (Cf. '''Photogramme - Le service de thé.''')
Ainsi, nous constatons que les propos d'Ignat: [[Sac#ancre_80|"''On dirait que ça s'est passé.''"]] S'appliquent aussi à la Dame en noir : elle connaît avec précision la position du cahier et le passage souligné. Remarquons de plus, que c'est un cahier et non un livre. La disposition du cahier qui semble présenter dans la même page, un texte de Rousseau, suivi d'un texte de Pouchkine, indique que ces passages ont été sans doute copiés. Ils ont été peut-être copiés et soulignés par ses soins. Nous assistons là, à un double "paradoxe chronotopique"<ref>Chronotopique, signifie étymologiquement "le temps-lieu", du grec, ''chronos'', le temps, et ''topos'', le lieu.</ref>, si nous osons dire. Entre temps, on sonne à la [[porte]]. Elle ordonne à Ignat d'aller ouvrir. C'est une [[Faute|fausse]] visite, d'une dame qui s'est trompée d'adresse. <ref>Est-ce Maroussia vieille ? (Remarque de Daniel Weyl.)  </ref> De retour, Ignat constate avec étonnement et surprise, mêlée d'inquiétude, la [[disparition]] de la dame en noir, et de tout le service à thé. (Cf. '''Photogramme - Le service de thé.''')


<span id="ancre_86p"></span>[[Fichier:Insolite2_Tarkovski_lemiroir_plan86_tasse_lumiere_1400p2.jpg|300px|thumb|right|'''Photogramme - Le service de thé''' : ''Le Miroir'', '''plan 86'''. La trace de la tasse de thé chaud qui disparaît, après la disparition de la Dame en noir.]]
<span id="ancre_86p"></span>[[Fichier:Insolite2_Tarkovski_lemiroir_plan86_tasse_lumiere_1400p2.jpg|300px|thumb|right|'''Photogramme - Le service de thé''' : ''Le Miroir'', '''plan 86'''. La trace de la tasse de thé chaud qui disparaît, après la disparition de la Dame en noir.]]


L'unique témoignage de la présence de la dame en noir est l'aspect fugace de la trace de [[buée]] de la tasse chaude sur la table, qui disparaît progressivement et rapidement. Ignat est interloqué et stupéfait. Il entre de quelques pas dans la [[chambre]], pour voir l'évaporation de la trace de la tasse de thé. (Cf. '''Photogramme - Buée 1'''. )
L'unique témoignage de la présence de la dame en noir est l'aspect fugace de la trace de [[buée]] de la tasse chaude sur la table, qui disparaît progressivement et rapidement. Ignat est interloqué et stupéfait. Il entre de quelques pas dans la [[chambre]], pour voir l'évaporation de la trace de la tasse de thé. (Cf. '''Photogramme - Buée 1'''. )


<span id="ancre_87p"></span>[[Fichier:bueep1.jpg|300px|thumb|right|'''Photogramme - Buée 1''' : ''Le Miroir'', '''plan 87'''. La trace de la tasse de thé chaud qui disparaît, après la disparition de la Dame en noir.]]
<span id="ancre_87p"></span>[[Fichier:bueep1.jpg|300px|thumb|right|'''Photogramme - Buée 1''' : ''Le Miroir'', '''plan 87'''. La trace de la tasse de thé chaud qui disparaît, après la disparition de la Dame en noir.]]


Le [[téléphone]] sonne, il sursaute légèrement, il ferme les yeux un [[Instant (précis)|instant]], dubitatif, il se [[Retourner|retourne]] et se dirige vers le téléphone : la situation est aussi entortillée que le fil de téléphone qu'il a au bout de sa main, encore une fois, la forme rejoint le fond.
 
Entre temps, le [[téléphone]] sonne, il sursaute légèrement, il ferme les yeux un [[Instant (précis)|instant]], dubitatif, il se [[Retourner|retourne]] et se dirige vers le téléphone : la situation est aussi entortillée que le fil de téléphone qu'il a au bout de sa main, encore une fois, la forme rejoint le fond.
 
 
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====Hypothèses d'interprétations====
 
 
=====Interprétation onirique=====
 
 
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Voilà une séquence embarrassante. Mais, chez Tarkovski, il faut chercher du côté des [[Liaison|liaisons]] et des stratifications des données du signe. Tout d'abord, nous ne pouvons négliger une explication d'ordre onirique de la séquence : c'est un songe. <ref> Dans Pindare (. . .) "Bellérophon rêve que Pallas lui apporte un mors magique pareil à un diadème d'or, à l'aide duquel il pourra dompter Pégase. Il se saisit aussitôt de l'[[objet]] "en trop", qui n'est pas de ce monde et qu'une divinité a disposé près de lui." ''Olympiques, XIII'', pp. 65 et suivantes. </ref> (...) "(Le) thème est fréquent notamment dans l'ancienne littérature nordique." <ref>''Le rêve et les sociétés humaines,'' ouvrage collectif, article, "Prestiges du rêve, ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_12|op. cit.]]'', pp. 34 sq.  </ref> " Parfois, plus subtilement, la preuve laissée par le [[rêve]] évanoui n'est pas matérielle, mais, comme lui, volatile, insaisissable, ambiguë. <ref>"Dans une courte relation chinoise, il arrive au jeune Lilou de P'eng-tcheug de rêver qu'il se rend dans une maison publique où il s'enivre avec des filles. Il se demande pourtant s'il s'agit bien de rêves, car les parfums des femmes continuent d'imprégner ses vêtements à son réveil." '''Hong Yeau-Lou''', Ch. 6, in ''T'ang Kien Wen Tse,'' Traduction Bruno Belpaire, Paris, 1957, p. 262.  </ref> Ensuite, durant l'épisode du "[[Rêve]] d'Aliocha", nous avons aisément compris qu'il s'agit d'un rêve, car il y a eu un changement de type de pellicule : passage de la couleur au noir et blanc ; et aussi, dans l'épisode lui-même, la [[disparition]]/apparition de Maroussia. Ici, vraisemblablement et plus subtilement, Andreï Tarkovski n'use pas du même procédé, mais fonctionne à partir de l'intensité lumineuse, en l'amplifiant et en l'atténuant, ce qui nous livre un net changement de clarté, qui éclaire pleinement les objets, et nous permet de les voir. Ainsi, au :
Voilà une séquence embarrassante. Mais, chez Tarkovski, il faut chercher du côté des [[Liaison|liaisons]] et des stratifications des données du signe. Tout d'abord, nous ne pouvons négliger une explication d'ordre onirique de la séquence : c'est un songe. <ref> Dans Pindare (. . .) "Bellérophon rêve que Pallas lui apporte un mors magique pareil à un diadème d'or, à l'aide duquel il pourra dompter Pégase. Il se saisit aussitôt de l'[[objet]] "en trop", qui n'est pas de ce monde et qu'une divinité a disposé près de lui." ''Olympiques, XIII'', pp. 65 et suivantes. </ref> (...) "(Le) thème est fréquent notamment dans l'ancienne littérature nordique." <ref>''Le rêve et les sociétés humaines,'' ouvrage collectif, article, "Prestiges du rêve, ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_12|op. cit.]]'', pp. 34 sq.  </ref> " Parfois, plus subtilement, la preuve laissée par le [[rêve]] évanoui n'est pas matérielle, mais, comme lui, volatile, insaisissable, ambiguë. <ref>"Dans une courte relation chinoise, il arrive au jeune Lilou de P'eng-tcheug de rêver qu'il se rend dans une maison publique où il s'enivre avec des filles. Il se demande pourtant s'il s'agit bien de rêves, car les parfums des femmes continuent d'imprégner ses vêtements à son réveil." '''Hong Yeau-Lou''', Ch. 6, in ''T'ang Kien Wen Tse,'' Traduction Bruno Belpaire, Paris, 1957, p. 262.  </ref> Ensuite, durant l'épisode du "[[Rêve]] d'Aliocha", nous avons aisément compris qu'il s'agit d'un rêve, car il y a eu un changement de type de pellicule : passage de la couleur au noir et blanc ; et aussi, dans l'épisode lui-même, la [[disparition]]/apparition de Maroussia. Ici, vraisemblablement et plus subtilement, Andreï Tarkovski n'use pas du même procédé, mais fonctionne à partir de l'intensité lumineuse, en l'amplifiant et en l'atténuant, ce qui nous livre un net changement de clarté, qui éclaire pleinement les objets, et nous permet de les voir. Ainsi, au :


'''<span id="ancre_82a">Plan</span> 82a''' : ''44' 23"'' : La Dame en noir, dit à Ignat d'entrer. Mais Ignat pendant toute la séquence, restera au seuil de la porte, en tous cas en dehors de la chambre du prodige. <ref>Comme dans ''[[Stalker]]'' "La [[Chambre]] des Désirs".  </ref>
'''<span id="ancre_82a">Plan</span> 82a''' : ''44' 23"'' : La Dame en noir, dit à Ignat d'entrer. Mais Ignat pendant toute la séquence, restera au seuil de la porte, en tous cas en dehors de la chambre du prodige. <ref>Comme dans ''[[Stalker]]'' "La [[Chambre]] des Désirs".  </ref>
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=====L'idée d'une résonance=====


Par ailleurs, nous avons souligné dans le "[[Rêve]] d'Aliocha" l'ambivalence du "père du héros" et du "père de la patrie" ; dans "le songe d'Ignat", à supposer que c'est un songe, la Dame en noir devient "la mère de la patrie", ce qui explique l'intense éclairage, presque surnaturel autour de la pièce, ainsi que l'éclairage de face sur le visage d'Ignat, au moment où il lit la lettre de Pouchkine : une lumière intérieure qui s'achemine vers l'extérieur. De plus, il y a de nouveau "un fait formel" révélateur, au moment de la lecture d'Ignat. La prise de vue et la disposition de l'image proposent "une lecture littérale" : Le visage de la dame en noir est situé dans le prolongement de l'ouverture en V du livre. (Cf. '''Photogramme - Livre 1'''.)
Par ailleurs, nous avons souligné dans le "[[Rêve]] d'Aliocha" l'ambivalence du "père du héros" et du "père de la patrie" ; dans "le songe d'Ignat", à supposer que c'est un songe, la Dame en noir devient "la mère de la patrie", ce qui explique l'intense éclairage, presque surnaturel autour de la pièce, ainsi que l'éclairage de face sur le visage d'Ignat, au moment où il lit la lettre de Pouchkine : une lumière intérieure qui s'achemine vers l'extérieur. De plus, il y a de nouveau "un fait formel" révélateur, au moment de la lecture d'Ignat. La prise de vue et la disposition de l'image proposent "une lecture littérale" : Le visage de la dame en noir est situé dans le prolongement de l'ouverture en V du livre. (Cf. '''Photogramme - Livre 1'''.)
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Nous avons fait allusion à ce genre de plan dans ''[[Nostalghia]]''. Il s'agit du transfert psychologique du Fou vers le Poète : La "[[résonance]]", grâce à un prolongement de "ligne de force" entre les deux hommes. Ici, la "résonance" s'établit entre la dame en noir et Ignat, en passant par le livre. (Cf. '''Photogramme - Livre 1.''') Il nous semble que la question du "transfert" mérite un approfondissement, nous avons des bonnes raisons de croire que cet aspect cache des éléments pertinents. Une autre résonance rejoint précisément la trace de la buée. Il s'agit du plan 60 dans l'épisode de "La question espagnole", quand Natacha demande à son ex-mari de garder Ignat une semaine, parce qu'elle a des travaux chez elle. A ce moment précis, elle commence à soulever ses [[cheveux]], à les coiffer en les rangeant en masse, elle devient maniérée. Elle ouvre la bouche en "O", et souffle sur le [[miroir]] (Cf. '''Photogramme - Buée 2'''.) ; faisant de la buée, qu'elle voit disparaître. C'est l'air de rien, une figure importante.
Nous avons fait allusion à ce genre de plan dans ''[[Nostalghia]]''. Il s'agit du transfert psychologique du Fou vers le Poète : La "[[résonance]]", grâce à un prolongement de "ligne de force" entre les deux hommes. Ici, la "résonance" s'établit entre la dame en noir et Ignat, en passant par le livre. (Cf. '''Photogramme - Livre 1.''') Il nous semble que la question du "transfert" mérite un approfondissement, nous avons des bonnes raisons de croire que cet aspect cache des éléments pertinents. Une autre résonance rejoint précisément la trace de la buée. Il s'agit du plan 60 dans l'épisode de "La question espagnole", quand Natacha demande à son ex-mari de garder Ignat une semaine, parce qu'elle a des travaux chez elle. A ce moment précis, elle commence à soulever ses [[cheveux]], à les coiffer en les rangeant en masse, elle devient maniérée. Elle ouvre la bouche en "O", et souffle sur le [[miroir]] (Cf. '''Photogramme - Buée 2'''.) ; faisant de la buée, qu'elle voit disparaître. C'est l'air de rien, une figure importante.


<span id="ancre_60p">Plan</span>[[Fichier:bueep2.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme - Buée 2''' : ''Le Miroir'', '''plan 60'''. Natalia souffle sur le miroir avec sa bouche en O.]]
<span id="ancre_60p">Plan</span>[[Fichier:bueep2.jpg|300px|thumb|right|'''Photogramme - Buée 2''' : ''Le Miroir'', '''plan 60'''. Natalia souffle sur le miroir avec sa bouche en O.]]


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