« Barque » : différence entre les versions

De Cinémancie
Aller à la navigation Aller à la recherche
Ligne 149 : Ligne 149 :




[[Fichier:Barque_ombre_Bertolucci__13__0h_58_23_750p.jpg|300px|thumb|right|Photogramme Barque 1 : ''1900 (Novecento)'', '''Plan 309'''. L'ombre de l'oncle d'Alfredo, Ottavio.]]
<span id="ancre_309p"></span>[[Fichier:Barque_ombre_Bertolucci__13__0h_58_23_750p.jpg|300px|thumb|right|Photogramme Barque 1 : ''1900 (Novecento)'', '''Plan 309'''. L'ombre de l'oncle d'Alfredo, Ottavio.]]





Version du 15 janvier 2012 à 20:55

Mathilde, plan 135. Misho (le fils de Paradic, un criminel de guerre Serbe) est sourd aux explosions, il joue avec un petit bateau. L’image est flamboyante. L’enfant fait naviguer, innocemment, son bateau sur un champ de fleurs rouge imaginé par l'esprit innocent de l'enfant.


* * *


Autres titres de films

Mode d'emploi de la figure (mot) et abréviations


Titre Titre original Réalisation Scénario Année Pays Durée
1900 Novecento Bertolucci Bernardo Arcalli F.
Bertolucci B.
1976 Italie 310
Amants Crucifiés (Les) Chikamatzu Monogatari Mizoguchi Kenji Tsiji Kyuichi 1954 Japon 110
Andreï Roublev (Voir détail : Andreï Rublyov) Tarkovski Andreï Tarkovski A.
Konchalovsky A.
1969 URSS 215
Contes de la Lune Vague après la pluie. Ugetsu Monogatari Mizoguchi Kenji Yoda Y.Kawaguchi 1953 Japon 96
Mosquito Coast Mosquito Coast Weir Peter Schrader P.
Theroux P.
1986 USA 118
Into the Wild
§. Christopher dans un canoë
Φω. 41. Plan 805
(Voir détail : Into the Wild) Penn Sean Sean Penn,
roman de Jon Krakauer
2007 USA 147
Maître (Le)
§. Sur la barque : Démocrite. Φω. 32. Plan 103a.
(Voir détail : Mistrz) Piotr Trzaskalski Lepianka W.
Trzaskalski P ;
2005 Allemagne
Pologne
117
Mathilde

§. Misho et le petit bateau 1.
Φω. Plan 122.

§. Misho et le petit bateau 2.
Φω. Plan 137.
(Voir détail : Mathilde) Mimica Nina Mimica Nina 2004 Italie, Espagne, Angleterre, Allemagne 97
Retour (Le) Vozvrashcheniye Zvyaguintsev Andreï Moïseenko V.
Novotoski A.
2003 Russie 105
Révoltés du Bounty (Les) Mutiny on the Bounty Milestone Lewis Reed Carol 1962 USA 178
Visiteur (Le)

§. Le radeau de l'Enfant

§. Le Visiteur vole le radeau
Muukalainen Valkeapää Jukka-Pekka Forsström J.
Valkeapää J.-P.
2008 Finlande

Angleterre

Allemagne
139


* * *

Photogrammes extraits des films - Analyse et liens spécifiques des films

1900 (Novecento), de Bernardo Bertolucci

C'est la première apparition de l'oncle d'Alfredo. Il représente pour le jeune adolescent, un idéal, de rêve, d'aventure et de voyage. Mais hélas, l'image démontre que cet idéal, ne sera qu'une ombre, un mirage insaisissable. Contrairement à son oncle qui forgeait lui-même son destin, Alfredo subira le sien, sans aucun effort pour changer le cours des choses. Dans le même registre voir l'image de l'Escalier dans A Travers le Miroir, de Bergman.


Photogramme Barque 1 : 1900 (Novecento), Plan 309. L'ombre de l'oncle d'Alfredo, Ottavio.


*


Liens spécifiques du film

Voir :


* * *

Andreï Roublev, d’Andreï Tarkovski

La barque taillée dans Andreï Roublev, d’Andreï Tarkovski

Plan 3 : 00' 40" : Plan rapproché fixe sur un tronc d'arbre qui occupe toute la moitié gauche du cadre, la moitié droite est occupée par les bords de la rivière, léger mouvement de la caméra vers la gauche, le tronc de l'arbre est à droite. Efim passe derrière l'arbre sur une petite barque sculptée dans un tronc d'arbre. Il rame rapidement, devant lui se trouve les harnais. (Cf. Photogramme Barque 2)


Photogramme - Barque 2 : Andreï Roublev, Plan 3. La barque d'Efim taillée dans un arbre, devant lui se trouve les harnais.


La figure de la barque sera reprise à différents niveaux dans le corps du film. Ici, elle rejoint l'hypothèse de Gaston Bachelard qui y consacre une étude intitulée "le complexe de Caron." [1] Il va s'appuyer d'une part sur les travaux d'un mythologue, Saintine, qui, au culte des arbres, rattache le culte des morts. [2] Saintine démontre que parmi les usages des celtes vis-à-vis des dépouilles humaines pour les faire disparaître, il y avait celui-ci : (…) "Le Todtenbaum (l'arbre de mort), creusé par la hache, servait de cercueil à son propriétaire. Ce cercueil, (soit) on l'enfouissait sous terre, (soit) on le livrait au courant du fleuve." D'autre part, Bachelard s'appuie sur les travaux de Jung, [3] pour qui : (…) "L'arbre est avant tout un symbole maternel ; puisque l' eau est aussi un symbole maternel, on peut saisir dans le todtenbaum une étrange image de l'emboîtement des germes. (…) En confiant l'arbre au sein des eaux, on double en quelques manières les puissances maternelles." C.G. Jung, nous dit "le mort est remis à la mère pour être ré-enfanté." Mais la question qui oppresse Bachelard, et qui ouvre de nouvelles perspectives au développement imaginaire de la figure de la barque, [4] est celle de savoir si : (…) "La mort ne fut-elle pas le premier navigateur ? (…) N'a-t-on pas mis le cercueil à la mer, le cercueil au torrent ? Le cercueil dans cette hypothèse mythologique, ne serait pas la "dernière barque". Il serait la "première barque". La mort ne serait pas le "dernier voyage". Elle serait le "premier voyage". [5]

Ainsi, le voyage d'Efim n'est pas le dernier, mais le premier. Et par la même occasion le réalisateur fait participer les spectateurs à ce voyage particulier qui devient en fait initiatique, nous le verrons encore avec la figure du passage. De plus, la figure de la barque nous interpelle parce qu'elle sera en question sur plusieurs registres, particulièrement au cours du IVème épisode, "la Fête", aux plans 117, 130 et 141. Il s'agit de la petite barque de procession, dirigée dans les flots (contraires) d'une rivière, par une double chaîne d'hommes et de femmes nus. Nous verrons cela plus loin.

Dans le plan 3, il y a une proposition cinématographique significative. Nous l'avons évoquée, à propos du plan rapproché sur l'énorme tronc d'arbre, qui occupe toute la moitié gauche de l'écran, laissant entrevoir la rivière dans la moitié droite. En fait, la composition plastique développe "un passage" d'une forme verticale, statique et puissante (l'arbre) à une forme horizontale, dynamique et légère (la barque). Cet argument est un point de plus à mettre au compte de la notion de passage cinématographique.

*


Les conséquences de la petite barque de procession

Quatre épisodes plus loin. Après la nuit agitée d’Andreï Roublev. (Voir : Baiser)


Plan 127-21 [6] : 1h 02' 18" : Roublev rejoint son groupe. Certains sont dans la grande barque, d'autres au bord de l'eau. Il s'approche tout près ; tout le monde le dévisage. Il leur dit : "pourquoi me regardez-vous ainsi ?"

Plan 128-22 : 1h 02' 52": Daniel lui offre un oignon. C'est une figure qui nous relie au bouffon.

Plan 129-23 : 1h 03' 05" : Nous apercevons sur le visage de Roublev une récente cicatrice. Autre variante de la "blessure" du bouffon.

Plan 130-24 : 1h 03' 24" : Plan général sur tout le groupe. Tout à coup, la petite barque de procession traverse l'écran, sur les ondes de l'eau, de gauche à droite.

Plan 131-25 : 1h 04' 01" : Elle touche la grande barque des compagnons de Roublev. (Cf. Photogramme Barque 3.) Gênée par l'obstacle, elle s'immobilise quelques instants, puis elle continue son chemin.


Photogramme - Barque 3 : Andreï Roublev, Plan 131. La petite barque de procession vient heurter la grande barque, celle de l'atelier d'Andreï Roublev.


Plan 132-26 : 1h 04' 06" : Entre temps des cavaliers poursuivent un homme.

Plan 133-27 : 1h 04' 21" : Une jeune femme vêtue légèrement, est aussi poursuivie.

Plan 136-30 : 1h 05' 42" : La jeune femme est retenue par un cavalier.

Plan 137-31 : 1h 05' 47" : Dans sa lutte, sa légère tunique est arrachée. (Encore une sorte de cape enlevée.)

Plan 139-33 : 1h 05' 55" : Elle réussit tout de même à se libérer, elle court et plonge dans l'eau, elle nage loin des cavaliers.

Plan 141-35 : 1h 06' 16" : Elle se dirige vers la grande barque de Roublev. Sur la barque, tout le monde est impassible, ils l'ignorent. Elle continue de nager vers le large.

Plan 142-36 : 1h 06' 56" : Insert noir.


Fin du 4ème épisode.

D'un point de vue cinémantique, la confluence des actions, culmine avec la petite barque de procession qui heurte doucement la grande barque des compagnons de Roublev. (Photogramme Barque 3.) Ce qui est remarquable dans ce plan, c'est que Daniel parlait. Il disait : "la journée sans histoire, indéfiniment..." à l'instant précis, à la fin de la phrase, où la petite barque cogne la grande. La petite barque qui voguait librement sur le fil de l' eau, vient heurter la grande barque, comme un "choix", une espèce de décision divine. Au fil de la séquence, nous assistons à une métamorphose de la barque de procession qui se transforme en "vierge aquatique" (plan 141), quand la naïade, qui veut échapper aux cavaliers, s'approche de la barque des peintres, pour rejoindre aussitôt après l'immensité de la rivière. Comme la petite barque, la naïade s'approche vite, pour vite disparaître.

Plusieurs conclusions s'imposent. Il y a d'abord le message de paix délivré à l'origine par la double chaîne humaine (plan 117) qui pousse dans les flots une petite barque qui transporte en quelques sorte "l'enfance de la fraternité". Mieux encore, c'est un désir de retour à l' enfance. En effet, n'oublions pas qu'il y avait, dans la petite barque, une petite figurine, comme une poupée en paille.(Cf. Photogramme - Barque 4)


Photogramme - Barque 4 : Andreï Roublev, Plan 117a. La petite barque de procession.

Par la suite, nous allons voir d'une part, le poids de l'enfance dans le film (qui est d'ailleurs une grande constante dans le cinéma de Tarkovski), et d'autre part, le rôle de la paille. Par ailleurs, grâce à la miniaturisation de la barque, il y a aussi une idée de "modélisation", d'un projet en moule, en gestation, qui va échoir à Roublev.

Nous avons évoqué, le phénomène de métempsycose terrestre, que soulève le cinéma de Tarkovski, l'idée d'une trans-métaphorisation [7] dans la profondeur de la terre, d'un terrible brassage d'un magma en formation. S'il y a une nette importance de la terre-mère, sa sœur-l'eau l'est aussi. L'eau devient une limite, mais une limite translucide et franchissable, comme une barrière ouverte, accueillante. La naïade dans l'eau (plan 141) est une autre idée de la femme nue à la clôture (plan 123). A cette différence près que la naïade ne fait que passer dans l'eau.

En résumé, nous devons considérer les deux grands moments de la petite barque de procession (plans 117 et 130). Au cours du premier moment, nous observons des gestes légers, sans heurts, des moments de toucher tendre et délicat, mais aussi des gestes doubles.(Cf. Photogramme - Barque 5 )


Photogramme - Barque 5 : Andreï Roublev, Plan 117b. L’étrange procession de la petite barque.

Cette petite barque poussée par toutes ces mains innombrables va disparaître dans la nuit noire et sombre pour réapparaître subitement, au moment où Roublev apparaît. Nous pouvons considérer ce moment (l'apparition de la barque de procession) comme un accomplissement spirituel dans la future apothéose de la peinture d'Andreï Roublev, comme une décision inflexible !


*

Liens spécifiques du film

Voir : Andreï Roublev


* * *


Voir aussi


* * *


Notes et références

  1. Gaston Bachelard, L'Eau et les rêves. Essai sur l'imagination de la matière, Librairie José Corti, Paris, 1942, p. 85 sq.
  2. Saintine, La Mythologie du Rhin et les contes de mère-grand, 1863.
  3. Métamorphoses et symboles de la libido, p. 225.
  4. Mais le développement imaginaire rejoint la technique. G. Durand s'appuie sur les travaux de Leroi-Gourhan, il écrit : (…) "Les objets ne sont finalement, comme le note le technologue (L'homme et la matière, p. 310) que des complexes de tendances, des réseaux de gestes. Un vase n'est que la matérialisation de la tendance générale à contenir les fluides, sur laquelle viennent se converger les tendances secondaires du modelage de l'argile ou du découpage du bois ou de l'écorce : "On a ainsi comme un réseau de tendances secondaires qui couvrent de nombreux objets en particularisant les tendances générales." Par exemple les tendances "contenir", "flotter", "couvrir" particularisées par les techniques du traitement de l'écorce donne le vase, le canot, ou le toit. Si ce vase d'écorce est cousu, il implique aussitôt un autre clivage possible des tendances : coudre pour contenir donne le vase d'écorce, tandis que coudre pour vêtir donne le vêtement de peaux, coudre pour loger, ma maison des planches cousues (L'homme et la matière, p. 340sq.)" Les Structures Anthropologiques de l'Imaginaire, Introduction à l'archétypologie générale, Éditions Dunod, (1969), 11é éditions, 1992, pp. 53-54 ; 266-267 ; (…) "La barque est un symbole extrêmement polyvalent: non seulement monoxyle, mais encore faite de peaux, de roseaux, matériaux qui renvoient à autant de nuances symboliques." pp. 285-287 ; 377.
  5. Gaston Bachelard, op. cit., p. 88. G. Durand, (…) "La barque, fût-elle mortuaire, participe donc en son essence au grand thème de la berceuse maternelle." Op. cit. p. 287.
  6. Le premier chiffre correspond aux plans du film depuis le début du film, le second chiffre aux plans du film depuis le début de l'épisode.
  7. Dans le cas du cinéma de Tarkovski, le terme n'est pas excessif, il désigne une action productive de métaphore. Marcel Martin définit la métaphore comme étant une, (…) "juxtaposition" par le moyen du montage de deux images dont la confrontation doit produire dans l'esprit du spectateur un choc psychologique dont le but est de faciliter la perception et l'assimilation d'une idée que le réalisateur veut exprimer par le film." (Le langage cinématographique.) Citée par J. Mitry, tome 2, Esthétique et Psychologie du cinéma, 2 volumes, P.U.F. 1963 et 1965, p. 24. Sans entrer dans les détails, comme J. Mitry nous trouvons la définition de M. Martin abusive, car dans ces conditions, tout le cinéma devient métaphorique. Or, du point de vue étymologique, le terme dérive du grec, "metaphora" (transport, transport du sens propre au sens figuré) composé de "meta" et de "pherein" (porter). Dictionnaire étymologique marabout, Belgique, 1985. Cf. :
    • Bouvet Danielle , Le corps et la métaphore dans les langues gestuelles : à la recherche des modes de production des signes, Editions l'Harmattan, Paris, 2000.
    • Gerstenkorn Jacques , La métaphore au cinéma : les figures d'analogie dans les films de fiction, Editions Méridiens-Klincksieck, Paris, 1995.
    • Martin Alexandra , La métaphore féminine dans trois films de R. W. Fassbinder, mémoire de DEA, 1987.
    • Metz C. , Le signifiant imaginaire, chapitre IV, "Métaphore/Métonymie, ou le référent imaginaire, Editions Christian Bourgeois, Paris, (1977), 1984, pp. 177 sq.
    • Pivin Aude , Jean-Luc Godard : transport, transfert, métaphore, mémoire de maîtrise DEA, Paris III, sous la direction de Alain Bergala, 1999.


* * *