« Cheveux » : différence entre les versions
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Ainsi, coup sur coup, nous avons une autre duplication de la figure de la mort, une autre "miroirisation". En somme une "mort dans l'âme", qui subit à son tour une duplication : mort dans l'âme de Maroussia femme-épouse, et mort dans l'âme de Maroussia citoyenne-camarade. Un exemple de plan d'une personne dont le visage est caché par les cheveux se trouve dans le film de [[Bertolucci Bernardo|Bernardo Bertolucci]], ''[[Novecento]]''. (Cf. '''[[ancre_667p|Photogramme - Cheveux 1]]'''). | Ainsi, coup sur coup, nous avons une autre duplication de la figure de la mort, une autre "miroirisation". En somme une "mort dans l'âme", qui subit à son tour une duplication : mort dans l'âme de Maroussia femme-épouse, et mort dans l'âme de Maroussia citoyenne-camarade. Un exemple de plan d'une personne dont le visage est caché par les cheveux se trouve dans le film de [[Bertolucci Bernardo|Bernardo Bertolucci]], ''[[1900|Novecento]]''. (Cf. '''[[Cheveux#ancre_667p|Photogramme - Cheveux 1]]'''). | ||
Il reste les cheveux <ref> Cf. '''Rosine Antoinette Lambin''', ''Le voile des femmes'', Editions Bern, P. Lang, Collection, Studio religiosa helvetica, series altera 3, 1999.</ref> de Natalia.<ref>Rappel : La jeune femme interprète un double rôle : celui de Maroussia, mère d'Alexeï (Aliocha), le narrateur du film, et celui de Natalia, épouse d'Alexeï et mère d'Ignat qui est le fils du narrateur. </ref> En effet, jusqu'au plan 54, et hormis "Le rêve d'Aliocha", Maroussia a les cheveux noués en chignon. Au cours de la séquence du miroir, Natalia a les cheveux dénoués. Nous verrons ce même point, plus loin, avec le film ''[[Variations sur les cheveux|Nostalghia]]''. | Il reste les cheveux <ref> Cf. '''Rosine Antoinette Lambin''', ''Le voile des femmes'', Editions Bern, P. Lang, Collection, Studio religiosa helvetica, series altera 3, 1999.</ref> de Natalia.<ref>Rappel : La jeune femme interprète un double rôle : celui de Maroussia, mère d'Alexeï (Aliocha), le narrateur du film, et celui de Natalia, épouse d'Alexeï et mère d'Ignat qui est le fils du narrateur. </ref> En effet, jusqu'au plan 54, et hormis "Le rêve d'Aliocha", Maroussia a les cheveux noués en chignon. Au cours de la séquence du miroir, Natalia a les cheveux dénoués. Nous verrons ce même point, plus loin, avec le film ''[[Cheveux#Variations sur les cheveux|Nostalghia]]''. | ||
Version du 19 décembre 2011 à 19:15
Titres des films
Mode d'emploi de la figure (mot) et abréviations
Titre | Titre original | Réalisation | Scénario | Année | Pays | Durée (min.) |
---|---|---|---|---|---|---|
Cheveux d'or (Les) | The lodger - A story of the London fog | Hitchcock Alfred. | Hitchcock Al. , Lowndes M. B., Stannard E. |
1927 | Angleterre | 75 |
Filles perdues, cheveux gras | Filles perdues, cheveux gras | Duty Claude | Barrau J.-P., Duty Cl. | 2002 | France | 96 |
Garçon aux cheveux verts (Le) | The Boy with green hair | Losey Joseph | Barzman B., Levitt A. L. |
1948 | USA | 82 |
Autres titres de films
Mode d'emploi de la figure (mot) et abréviations
Titre | Titre original | Réalisation | Scénario | Année | Pays | Durée |
---|---|---|---|---|---|---|
1900 | Novecento | Bertolucci Bernardo | Arcalli F. Bertolucci B. |
1976 | Italie | 310 |
Andreï Roublev | (Voir détail : Andreï Rublyov) | Tarkovski Andreï | Tarkovski A. Konchalovsky A. |
1969 | URSS | 215 |
Caramel | Sukkar banat | Labaki Nadine | Labaki Nadine | 2007 | France | 96 |
Maître (Le) §. La perruque couleur cuivre rouge |
(Voir détail : Mistrz) | Piotr Trzaskalski | Lepianka W. Trzaskalski P ; |
2005 | Allemagne Pologne |
117 |
Miroir (Le) | (Voir détail : Zerkalo) | Tarkovski Andreï | Tarkovski A. Micharine A. |
1975 | URSS | 106 |
Mullholland Drive | Mullholland Drive | Lynch David | Lynch David | 2001 | France USA |
146 |
Nostalghia | (Voir détail : Nostalghia) | Tarkovski Andreï | Tarkovski A. Guerra T. |
1983 | URSS Italie |
130 |
Orange Mécanique | A Clockwork Orange | Kubrick Stanley | Burgess A. Kubrick S. |
1972 | Angleterre | 136 |
Water | Water | Mehta Deepa | Mehta Deepa | 2006 | Canada, Inde | 118 |
Photogrammes extraits des films - Analyse et liens spécifiques des films
1900 (Novecento) de Bernardo Bertolucci
Dans le 1er acte du film, au plan 667, [1] Alfredo rend visite à son oncle Otavio. Il se rend à sa demeure, monte les escaliers, et rencontre une jeune dame qui venait de prendre son bain, les cheveux lui cachant complètement le visage. (Cf. Photogramme – Cheveux 1.)
Il s'agit d'Ada, une "amie" de l'oncle d'Alfredo, qui vit, en fait à ses dépens. C'est de plus la première rencontre entre Alfredo et Ada, qui deviendra sa future épouse.[2] L'image suggère plusieurs indices. Tout d'abord, Ada, "n'a pas de visage", c'est-à-dire, qu'elle n'est personne. Son comportement rappelle celui d'une marionnette. Ensuite, nous avons développé ailleurs, la relation du cheval blanc et du mariage d'Ada et d'Alfredo. Or, le plan du visage caché par les cheveux est un premier indice, sur les "intentions cachées d'Ada".
Andreï Roublev, d’Andreï Tarkovski
La figure des cheveux d’après la bible
Au Vème épisode, un enfant à côté d’Andreï Roublev est en train de lire la bible : "Chaque homme en prière ou faisant des prophéties la tête couverte, se couvre de honte. Chaque femme en prière ou faisant des prophéties nus-tête se couvre de honte. Car c'est comme si elle avait la tête rasée. (…) Car, il (le mari) est à l'image et à la gloire de Dieu. La femme est la gloire de l'homme, car la femme vient du mari et non l'inverse. (…) si le mari a les cheveux longs, c'est un déshonneur. Mais si la femme a des cheveux longs, c'est un honneur. Car les cheveux lui sont donnés". L'enfant interrompt sa lecture, car la sourde-muette pleure devant les taches de peinture, tout en peignant avec les mains. Roublev demande à l'enfant : "Pourquoi t'arrêtes-tu ? Continue !"
Plan 174-32 [3] : 1h 27' 23" : (…) Car les cheveux lui sont données pour couvrir… (…) Si quelqu'un n'est pas d'accord, nous n'avons pas l'habitude de discuter.
Ainsi, tout le passage de la Bible, insiste sur les aspects particuliers des cheveux. Par ailleurs ce qui est pertinent de noter, c'est d'abord la redondance et l'affirmation des particularismes dualistes contraires : l'homme et la femme, la tête couverte et la tête nue, les cheveux longs et les cheveux courts, la honte et l'honneur. Cette redondance va poser problème à plusieurs niveaux, elle va également ouvrir des nouveaux canaux de significations dans le corps du film, qui sont dans le prolongement du présage : l'enfant ouvre au hasard les Écritures dans lesquelles la distinction entre l'homme et la femme est incontournable. Mais on peut se poser la question de savoir si un moine est un homme vu sous le même angle que dans la distinction précédente ? On se rappelle le plan 121 où la femme nue aux cheveux longs embrasse voluptueusement Roublev attaché en croix à un poteau. Avant de l'embrasser, elle va couvrir sa tête [4] de son bonnet aux deux larges extrémités tombantes, des extrémités comme des "œillères" géantes [5] pour l'empêcher de voir de côté et de ne lui permettre de voir que devant lui. Plus loin, après le pillage de l’église, la sourde-muette est accroupie sur une morte et lui tresse méthodiquement une natte à trois branches. Au plan 268, elle termine la natte, comme les Moires grecques tressant le destin.
Il reste enfin une question, qui mérite d'être citée, c'est la citation d'ouverture du texte : "vous m'imitez en tout, comme j'ai imité le Christ." Dans ce cas, pourquoi la figure du Christ chez Théophane est-elle représentée avec des cheveux longs ? (Plan 57.) Le Christ ne meurt donc pas en homme ? Devient-il, en quelque sorte, une figure de la "mère" ? Certes la question est d'ordre théologique, mais elle témoigne, tout de même, du pouvoir du peintre : le pouvoir de représenter la figure du Christ.
Les cheveux et ses dérivées : nattes et algues
A la fin du VIème épisode, après le sac de Vladimir :
Plan 264-81-1 [6]: 1h 56' 29" : Le désastre extérieur de l'église reflète l'âme intérieure de Roublev. Il est abattu, résigné et bouleversé. Comme pour souligner l'aspect tragique et superstitieux du moment. Un chat noir traverse l'écran en oblique.
Plan 265-82-2 : 1h 56' 55" : Près de Roublev la sourde-muette fait une natte à trois branches entrelacées à une gisante aux longs cheveux. (Cf. Photogramme – Cheveux 2.)
Plan 267-84-4 : 1h 57' 18" : Gros plan d'un grand livre brûlé (les Écritures). Une main feuillette les pages calcinées, c'est la main de la mort, la main de Théophane le Grec.
Plan 268-85-5 : 1h 58' 03" : Roublev est très heureux de le voir : "Théophane. Tu n'es pas mort… »
Plan 270 : À côté de Roublev, la sourde-muette vient de terminer une natte de cheveux à trois branches. Comme la fin d'un auto-procès ! La natte correspond à l'union ordonnée du triple temps, en quelque sorte à l'unicité de l'inconscient, comme une molle colonne vertébrale entrelacée. (…) "Les cheveux dont la natte est constituée sont, comme la barbe, une preuve et un moyen de "force virile et vitale". Outre ce symbole, la natte signifie un lien probable entre ce monde ci et l'au-delà des défunts, un enlacement intime de relations, des courants d'influences mêlés, l'interdépendance des êtres." [7]
En définitive, le plan 270 est aussi inscrit dans le contexte de la tête dévissée. Il est aussi dans le prolongement de la scène de la lecture des Écritures. De plus, il est en rapport avec la rencontre de Roublev et de Théophane. C’est, notamment le cas de la scène qui conclut la Passion du Christ, au plan 103 : Thomas lave des pinceaux dans la rivière, panoramique en plongée sur de la végétation flottant au bord du fleuve, des algues qui suggèrent fortement des cheveux : (…) "dans la pensée symbolique, les cheveux sont également liés à l'herbe, chevelure de la terre, et donc à la végétation. (…) l'idée de croissance est liée à celle de l'ascension : le ciel verse les pluies fécondantes qui font monter vers lui les plantes de la terre ; et ainsi les cheveux se trouvent fréquemment associés dans des rites propitiatoires aux plumes messagères des hommes vers les dieux ouraniens." [8] La natte devient ici, une projection en perspective des "rapports intimes" d'un individu, qui prend la forme d'une construction en "micro encorbellement", décroissant progressivement autour d'un axe central, parallèle à la colonne vertébrale. [9]
Toutefois, la sourde-muette aura toujours les cheveux épars ou défaits, depuis son apparition au plan 174, et pendant toute la période de sa présence, sauf à la fin, au plan 302. Le chef tatar dispose son casque sur sa tête, après lui avoir demandé de l’épouser. Et lors de sa dernière apparition, lorsque nous la verrons galoper joyeusement avec les Tatars, elle a la tête couverte. (…) "En Russie, la femme mariée cachait ses cheveux, et un dicton affirme qu'une fille peut s'amuser, tant que sa tête n'est pas couverte. (…) En Russie la natte unique n'est portée que par les jeunes filles : elle est signe de virginité ; mariée, la femme porte deux nattes."[10]
Grâce à une présentation des images par vagues successives. La natte participe pleinement dans la composition par encorbellement de l'image, et elle devient même, en définitive, un élément fondateur du film, un trait formateur. Par exemple, si nous considérons les îlots de significations en chaîne, engendrés par les cheveux et sa culmination dans le film dans la natte, au comble d'une crise sans précédent de Roublev. Elle peut, en fait, faire écho au plan 126b : l'image de la couronne qui tombe. Sans entrer dans les détails. Il serait facile de démontrer le lien qui uni, la couronne et la natte. Mais, formellement parlant, une grande différence les séparent : celle d’un cercle et d'une ligne. Ainsi la natte devient une couronne ouverte, droite. Cette différence amorce dans le film une nette transformation psychologique : la couronne qui tombe annonce une circularité de la quête de Roublev (qui va prendre fin) et la natte, annonce la détermination du choix de Roublev de ne plus parler, et de ne plus peindre.
Plan 271-88-8 : 2h 1' 09" : Théophane demande : " Pourquoi ?"
- Andreï Roublev : " Ca ne sert à rien.
- Théophane : "Parce que ton iconostase à brûler."
- Andreï Roublev : "Je ne t'ai pas dit le principal. J'ai tué un homme." (Théophane pose sa main sur son épaule).
- Théophane : (Il cite les Écritures) Nos péchés donnent figure humaine à notre cruauté. (…) Si tu as commis des péchés rouge-vermeil. Je les effacerais, je les blanchirais comme neige." (Un flocon de neige tombe.)
- Andreï Roublev : "J'ai décidé d'offrir mon silence à Dieu. Je n'ai plus rien à dire à mes semblables. (…)
Plan 274-91-11 : 2h 05' 04" : Le cheval noir, le passeur de la mort du trésorier-martyr entre subitement dans l'église.
Plan 275-92-12 : 2h 05' 32" : Plan rapproché de la sourde-muette qui dort. Le cheval hennit.
Liens spécifiques du film
Voir : Andreï Roublev
Le Miroir, d’Andreï Tarkovski
Danse et cheveux : configuration cinémantique
C’est la séquence du rêve d’Aliocha.
Plan 24 : 16' 57" : Nous observons la première brève apparition du père : gros plan rapproché rapide, il est debout, il verse de l'eau sur la tête de son épouse. (Cf. Photogramme – Cheveux 3.)
Maroussia est accroupie devant une bassine d'eau remplie jusqu'au bord. Ses longs cheveux flottent dans l'eau. La scène est particulièrement inquiétante et bouleversante. En effet, du fait de la position courbée du corps et de la tête plongée dans l'eau, nous ne distinguons pas son visage. Mais nous avons l'impression, d'avoir le double d'une tête qui émerge de l'eau, une tête "miroirisée". Mieux encore, c'est comme une deuxième personne qui surgit de l'eau, une personne qui avale l'autre, qui l'aspire. (Cf. Photogramme – Cheveux 4.)
Plan 24c : 17' 25" : Maroussia pose ses mains sur les bords de la bassine. Elle se redresse tout doucement. Les cheveux lui cachant le visage. Nous avons à ce moment-là une personne sans visage, une tête sans "les sens", une personne quelconque, une personne qui a tournée sa face de 180°. En bref, une personne monstrueuse. (Cf. Photogramme – Cheveux 5.)
Cheveux et message politique
Plan 24d : 17' 33" : Zoom arrière. Plan général de la chambre. Elle écarte les bras parallèlement au sol, en croix, et elle exécute une espèce de danse mystérieuse, arythmique, comme les mouvements d'une marionnette articulée. La chambre dans laquelle elle se trouve accentue le caractère pathétique et dramatique de la séquence. Les murs semblent par endroit carbonisés, d'une rugosité brillante. Comme si elle se trouvait à l'intérieur du fenil après l'incident du feu ! Un petit feu s'échappe d'un poêle, à côté d'une lampe à pétrole renversée. (Cf. Photogramme – Cheveux 6.)
Nous retrouvons une séquence comparable chez Ingmar Bergman. Il s'agit de la danse gesticulée de Karen (Hariett Anderson) dans le film A Travers le Miroir (1961) dans "la Chambre de la rencontre avec Dieu", (Cf. Photogramme – Danse 1 à 4) qui ressemble étrangement, à quelques nuance près, à la danse de Maroussia. En ce qui nous concerne, ce résultat a, d'une part, un aspect auto-biographique, et d'autre part, comme nous allons le voir, un aspect de "révolte politique" qui n'a certainement pas passé inaperçu aux yeux vigilants des autorités qui sont, comme on l'a vu, très attentives aux propositions du cinéaste.
Mais l'affaire se complique considérablement car il y a, comme en général dans un rêve, une accumulation importante de faits qui se relient entre eux d'une manière extraordinaire, ce qui confirme le talent du cinéaste. En effet, dans le plan 24, nous faisons connaissance avec le père du héros lors d'une apparition brève qui nous le montre en train de verser de l'eau sur la tête de son épouse. Ici, "le père" est à la fois, et contradictoirement, "le père du héros", et "le père de la patrie". Qu'est-ce à dire ? Andreï Tarkovski donne en fait une double fonction à la figure du père.
La figure particulière des cheveux suspendus devant le visage, presque tressés en nattes par l'effet de l'humidité, et qui tombent au sol, suggère, par ailleurs, la figure de la mort. Elle nous rappelle la figure de l'anse du célèbre Vase François du musée de Florence, qui représente Ajax ramenant Achille mort sur son épaule. En effet, les cheveux de ce dernier sont suspendus, ce qui rappelle ceux de Maroussia.
Ainsi, coup sur coup, nous avons une autre duplication de la figure de la mort, une autre "miroirisation". En somme une "mort dans l'âme", qui subit à son tour une duplication : mort dans l'âme de Maroussia femme-épouse, et mort dans l'âme de Maroussia citoyenne-camarade. Un exemple de plan d'une personne dont le visage est caché par les cheveux se trouve dans le film de Bernardo Bertolucci, Novecento. (Cf. Photogramme - Cheveux 1).
Il reste les cheveux [11] de Natalia.[12] En effet, jusqu'au plan 54, et hormis "Le rêve d'Aliocha", Maroussia a les cheveux noués en chignon. Au cours de la séquence du miroir, Natalia a les cheveux dénoués. Nous verrons ce même point, plus loin, avec le film Nostalghia.
Liens spécifiques du film
Voir : Miroir (Le)
Nostalghia, d'Andreï Tarkovski
Variations sur les cheveux
Nostalghia est un film qui accorde une place importante aux cheveux. A commencer par la mèche blanche du Poète, qui suggère par sa forme, une petite plume et qu’on rencontre dès le début du film, au plan 17. (Cf. Photogramme – Cheveux 7.)
Ensuite, au Plan 23 : 16' 11" : Plan moyen de la Traductrice. Ses longs cheveux épars s'opposent à ceux de la femme du Poète, repris en chignon, dans le plan précédent. (Cf. Photogramme – Cheveux 8.)
Dans la séquence de « La Chambre sans fenêtres »
Plan 27 : 19' 45" : Long plan circulaire à 360°. Le Poète se dirige vers un meuble avec un miroir, il prend un livre (27f). Il l'ouvre. Un objet tombe, sans que nous sachions ce que c'est. D'après le son de la chute, c'est plutôt un bouton (d'un manteau) qu'une pièce de monnaie. Le livre, c'est une Bible. Il remarque, à la première page de la bible, une mèche de cheveux enroulée autour d'un peigne. (Cf. Photogramme – Cheveux 9.)
Andreï Tarkovski, Nostalghia. Photogramme Cheveux 9 : plan 27h. Photogramme Cheveux 9 : Nostalghia , Plan 27h.
Plan 28 : 22' 28" : Réponse oraculaire de la bible, le Poète ouvre la porte de la chambre. La Traductrice est en face de lui, dans l'ombre : (Cf. Photogramme – Cheveux 10.)
- Le Poète : "Tu as frappé ? "
- La Traductrice : "Pas encore… Je demande Moscou."
- Le Poète : "Pas encore."
Plans 30 – 31 : 22' 50" : C’est le moment où le Poète jettera le livre au coin de la chambre. Un lent zoom avant vient cadrer la tête du Poète au niveau de ses cheveux. Une mèche blanche de ses cheveux suggère une plume (31j).
Chez le Poète, mieux qu'une "couronne", la plume est transcendée, "automorphosée", si l'on ose dire. La plume a pris corps chez le Poète, dans sa partie en croissance visible : la chevelure. Les plans suivants semblent confirmer l'association : Plume → cheveux → fertilité, [13] lié au symbolisme ascensionnel.[14]
Le poète s'endort. Il rêve.
Plan 32 : 28' 22" : (5ème flash-back, en noir et blanc. 1ère série.) La femme du Poète longe un long mur, elle arrive devant la Traductrice en larmes.
Plan 33 : 28' 53" : Changement de cadre. Gros plan sur les cheveux tombants de la Traductrice. (Cf. Photogramme - Cheveux 11.)
Un zoom arrière lent la montre inclinée sur le Poète allongé.
Plan 35a : 29' 46": Le poète se lève et quitte le lit, laissant derrière lui sa femme enceinte, allongée. Elle est dans le lit de la chambre de l'hôtel. Le lit n'est plus perpendiculaire au mur, mais parallèle. (Cf. Photogramme – Lit)
Le sens semble s'établir à partir de la chevelure de la Traductrice, en passant par la grossesse de la femme du Poète et donc de la fertilité créatrice, pour culminer dans le fond noir, laissant illuminé le ventre gonflé de sa femme, comme une montagne magique avec à son sommet l'auréole de son espoir !
"L'hôtel Palma", 2ème partie - Rêves et Cheveux
Après la visite du Poète de la « Maison de la fin du monde », le Poète entre dans sa chambre.
Plan 72 : 1h 03' 20" : Il est étonné de trouver sur son lit la Traductrice en train de se sécher les cheveux. "Je croyais que tu étais parti ?" Elle lui donne le prétexte qu'il n'y avait pas d'eau chaude dans sa chambre à elle. Le Poète n'y accorde aucune importance. Heureux, comme un enfant, il rejoint la Traductrice dans le lit, et lui dit : "Regarde ce qu'il m'a donné : une bougie" (plan 73). Il lui montre la bougie.
A ce moment-là commence le long monologue de la Traductrice sur un ton vindicatif de reproche : " Tu as peur… Tu as des complexes… Tu n'es pas libre… (…)" (Elle se dirige vers une fenêtre.) (74b) " À Moscou j'ai rencontré des hommes extraordinaires. (Elle ouvre la fenêtre.) (Cf. Photogramme – Cheveux 12.)
Aussitôt : " Que voulez-vous de moi ? " (Elle dénude son sein droit.) (74c) (Cf. Photogramme – Cheveux 13.)
La scène du dénuement du sein porte une profusion de sens, qui à première vue est à relier à la scène de "la Vierge aux oiseaux". Au plan 10b, l'ouverture du ventre de la vierge est une ouverture symbolique. Tandis que le dévoilement du sein droit est une image hybride, qui oscille entre une invitation au désir et le devoir de la maternité, en fin de compte directement reliée avec le plan 65 : le lait renversé.
La Traductrice, prise dans une spirale délirante continu. Elle entre dans la salle de bains. Elle sort de la salle de bains, fait quelques pas, se retourne et jette sa brosse à cheveux, qui était restée dans sa main. La brosse est jetée dans le coin même où le Poète a jeté le livre (Plan 31a). (Cf. Photogramme – Cheveux 14.)
La Traductrice commence à raconter le rêve du ver qui l’a piqué.
Plan 75 : 1h 08' 34" : Le Poète tourne ses talons, jette un regard derrière lui. Il marmonne à la 3ème personne : "Elle est folle", et sort dans le couloir (plan 76). Le Poète est de dos. Tout un coup, le sang coule du nez.
La Traductrice s'en va dans sa chambre.
Elle revient avec les valises (77d). Cette fois-ci, elle a les cheveux enroulés sous un béret. (Cf. Photogramme – Cheveux 15.)
C'est la marque d'un changement de son attitude. Une grande partie de son "charme" est voilé.
Cheveux en chignon
Plan 99 : 1h 32' 48" : La Traductrice est au téléphone avec le Poète. Elle est debout dans une luxueuse demeure, "son ami" Vittorio mange, assis au milieu de la table. Elle lui demande de la part du "Fou" : "Si tu as fait ce que tu avais à faire." Une servante passe derrière Vittorio, et ferme soigneusement des rideaux blancs.
Dans le plan 78b, "une colombe blanche" émerge de derrière le rideau du milieu. Ici, le rideau est blanc. Comme si la colombe était "confondue" avec le rideau, comme "une voile ailée" ? Mais c'est une voile enveloppante, emprisonnante. La Traductrice est emprisonnée dans une cage dorée. Preuve en est, ses cheveux repris en chignon, comme un nid renversé, suggéré par l'entortillement des nattes de cheveux autour de la tête. (Cf. Photogramme – Cheveux 16.)
Andreï Tarkovski, Nostalghia. Photogramme Cheveux 16 : Plan 100. Photogramme Cheveux 16 : Nostalghia , Plan 100.
Liens Spécifiques du film
Voir : Nostalghia
Voir aussi
Notes et références
- ↑ Découpage plan par plan personnel.
- ↑ Les plans de films d'une "première rencontre" sont très révélateurs d'un point de vue cinémantique, comme nous allons souvent le constater.
- ↑ Le premier chiffre correspond aux plans du film depuis le début du film, le second chiffre aux plans du film depuis le début de l'épisode.
- ↑ Car depuis le début de l'épisode (IV, plan 106) il n'avait pas la tête couverte. Ce qui donne encore plus d'importance à ce geste de recouvrement. La nuit, c'est une femme nue qui couvre la tête d'un moine-peintre. Mais de quelle figure de femme s'agit-il ? Est-ce la femme en chair et en os, source de désir physique ? Ou bien la femme-nature, c'est-à-dire un symbole de la mère-nature ?
- ↑ Nous trouverons un exemple de ce bonnet dans le Photogramme Bûche 1. Il est à noter qu’au plan 68 du film, Kyril quitte le monastère avec un autre type de bonnet.
- ↑ Le premier chiffre correspond aux plans du film depuis le début du film, le second chiffre aux plans du film depuis le début de l'épisode, le troisième chiffre aux plans du films depuis le début de la partie.
- ↑ Chevalier/Gherrbrant, Dictionnaire des Symboles, op. cit.,p. 660. Cf. également, Ogam - tradition celtique, Rennes, 1948, 10, 201,202 ; 11, 335. G. Durand, Les Structures Anthropologiques de l'Imaginaire, Introduction à l'archétypologie générale, op. cit., pp. 97 ; 107-109 ; 115 ; 118 ; 121 ; 244 ; 247 ; 249 ; 260 ; 264-265 ; 268.
- ↑ Chevalier/Gherrbrant, Dictionnaire des Symboles, op. cit.,p. 234.
- ↑ Cf. G. Durand, (...) "Chez les Germains, pour qui le système rituel de mise à mort est la pendaison, les déesses funéraires hèlent les morts avec une corde. (M. Eliade, Images et symboles, p. 138.) (…) Eliade établit d'ailleurs une importante corrélation étymologique entre "lier" et "ensorceler" : en turco-tatar "bag", "bog" signifie lien et sorcellerie, comme en latin, "fascinum", le maléfice, est proche parent de "fascia", le lien." Op. cit. p. 118.
- ↑ Chevalier/Gherrbrant, Dictionnaire des Symboles, op. cit.,p. 234.
- ↑ Cf. Rosine Antoinette Lambin, Le voile des femmes, Editions Bern, P. Lang, Collection, Studio religiosa helvetica, series altera 3, 1999.
- ↑ Rappel : La jeune femme interprète un double rôle : celui de Maroussia, mère d'Alexeï (Aliocha), le narrateur du film, et celui de Natalia, épouse d'Alexeï et mère d'Ignat qui est le fils du narrateur.
- ↑ Au cours du film, l'association se développe en proposant la formule suivante : Fertilité → eau → piscine sainte Catherine.
- ↑ Cf. Don C; Talayessva, Soleil Hopi, (Sun Chief), traduit de l'américain par Geneviève Mayoux, Préface de Claude Lévi-Strauss.