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<td> '''[[#Andreï Roublev, d’Andreï Tarkovski|Andreï Roublev]]'''</td> | <td> '''[[#Andreï Roublev, d’Andreï Tarkovski|Andreï Roublev]]'''</td> | ||
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<td> '''[[Tarkovski Andreï]]'''</td> | <td> '''[[Tarkovski Andreï]]'''</td> | ||
<td>Tarkovski A.<br />Konchalovsky A.</td> | <td>Tarkovski A.<br />Konchalovsky A.</td> | ||
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Ainsi, tout le passage de la Bible, insiste sur les aspects particuliers des [[cheveux]]. Par ailleurs ce qui est pertinent de noter, c'est que, dans les films de Tarkovski, les [[Livre|livres]] et la Bible ont une grande importance dans la structure des films. <ref>Chez Tarkovski, il y a toujours quelqu'un qui lit un livre. Quand c'est un enfant qui lit (comme c'est le cas, dans presque tous les films qu'on a vus, hormis ''[[Nostalghia]]''). Le livre devient plus imposant, plus grand par rapport aux petites mains des enfants. C'est dire le poids des livres et de la lecture chez le cinéaste. (Cf. ''Cahier Journal'', ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_1|op. cit.]]'', p. 18.) </ref> La question de la bibliomancie (c'est le second exemple) se développe ici d'une manière particulièrement intéressante, comme dans ''[[Nostalghia]]''. Il faut dire qu'aussitôt le grand livre des Écritures est ouvert, beaucoup de choses vont altérer profondément le comportement de Roublev. Il s'agit, d'abord, de l'intrusion de la sourde-muette dans sa vie, jusqu'au point de la protéger et la prendre à sa charge. Ensuite, un deuxième message est délivré par le présage d'une façon perceptible : le moment où le jeune cesse la lecture, annonce pour bientôt le long silence de Roublev ; comme la sourde-muette il ne parlera plus. Ainsi le signe est dédoublé, la figure de la Bible, prend une place centrale, majeure dans le film. En définitive, la Bible annonce clairement la véritable "Passion selon Andreï" : la [[passion]], autre épicentre du film. | Ainsi, tout le passage de la Bible, insiste sur les aspects particuliers des [[cheveux]]. Par ailleurs ce qui est pertinent de noter, c'est que, dans les films de Tarkovski, les [[Livre|livres]] et la Bible ont une grande importance dans la structure des films. <ref>Chez Tarkovski, il y a toujours quelqu'un qui lit un livre. Quand c'est un enfant qui lit (comme c'est le cas, dans presque tous les films qu'on a vus, hormis ''[[Nostalghia]]''). Le livre devient plus imposant, plus grand par rapport aux petites mains des enfants. C'est dire le poids des livres et de la lecture chez le cinéaste. (Cf. ''Cahier Journal'', ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_1|op. cit.]]'', p. 18.) </ref> La question de la bibliomancie (c'est le second exemple) se développe ici d'une manière particulièrement intéressante, comme dans ''[[Nostalghia]]''. Il faut dire qu'aussitôt le grand livre des Écritures est ouvert, beaucoup de choses vont altérer profondément le comportement de Roublev. Il s'agit, d'abord, de l'intrusion de la sourde-muette dans sa vie, jusqu'au point de la protéger et la prendre à sa charge. Ensuite, un deuxième message est délivré par le présage d'une façon perceptible : le moment où le jeune cesse la lecture, annonce pour bientôt le long silence de Roublev ; comme la sourde-muette il ne parlera plus. Ainsi le signe est dédoublé, la figure de la Bible, prend une place centrale, majeure dans le film. En définitive, la Bible annonce clairement la véritable "Passion selon Andreï" : la [[passion]], autre épicentre du film. | ||
Ainsi nous devons garder en mémoire la substance même du texte cité par l'enfant, comme un enfant pythien annonçant un oracle, car le texte devient une assise émettrice de signaux. Ainsi, nous quittons la figure des [[Pied|pieds]], pour nous introduire dans la figure de la [[tête]], et de certains de ces attributs. C'est une question qui va nous intéresser sur plusieurs registres et dans plusieurs films. C'est d'abord la redondance et l'affirmation des particularismes dualistes contraires : l'homme et la femme, la tête couverte et la tête nue, les cheveux longs et les cheveux courts, la honte et l'honneur. Cette redondance va poser problème à plusieurs niveaux, elle va également ouvrir des nouveaux canaux de significations dans le corps du film, qui sont dans le prolongement du présage : l'enfant ouvre au hasard les Écritures dans lesquelles la distinction entre l'homme et la femme est incontournable. Mais on peut se poser la question de savoir si un moine est un homme vu sous le même angle que dans la distinction précédente ? On se rappelle le [[ | Ainsi nous devons garder en mémoire la substance même du texte cité par l'enfant, comme un enfant pythien annonçant un oracle, car le texte devient une assise émettrice de signaux. Ainsi, nous quittons la figure des [[Pied|pieds]], pour nous introduire dans la figure de la [[tête]], et de certains de ces attributs. C'est une question qui va nous intéresser sur plusieurs registres et dans plusieurs films. C'est d'abord la redondance et l'affirmation des particularismes dualistes contraires : l'homme et la femme, la tête couverte et la tête nue, les cheveux longs et les cheveux courts, la honte et l'honneur. Cette redondance va poser problème à plusieurs niveaux, elle va également ouvrir des nouveaux canaux de significations dans le corps du film, qui sont dans le prolongement du présage : l'enfant ouvre au hasard les Écritures dans lesquelles la distinction entre l'homme et la femme est incontournable. Mais on peut se poser la question de savoir si un moine est un homme vu sous le même angle que dans la distinction précédente ? | ||
<span id="ancre_1"></span>[[Fichier: baiserandreirouvlevp1.jpg|300px|thumb|right|alt=''[[Andreï Roublev]]'', '''plan 121.''' Une discussion s'établit entre Andreï Roublev et la bacchante. Et, tout un coup, la bacchante l'embrasse et le détache. |''[[Andreï Roublev]]'', '''plan 121.''' Une discussion s'établit entre Andreï Roublev et la bacchante. Et, tout un coup, la bacchante l'embrasse et le détache. ]] | |||
On se rappelle le [[#ancre_121|plan 121]] où la femme nue aux [[cheveux]] longs embrasse voluptueusement Roublev attaché en [[croix]] à un [[poteau]]. Avant de l'embrasser, elle va couvrir sa tête <ref> Car depuis le début de l'épisode (IV, plan 106) il n'avait pas la tête couverte. Ce qui donne encore plus d'importance à ce [[geste]] de recouvrement. La nuit, c'est une femme nue qui couvre la tête d'un moine-peintre. Mais de quelle figure de femme s'agit-il ? Est-ce la femme en chair et en os, source de désir physique ? Ou bien la femme-nature, c'est-à-dire un symbole de la mère-nature ?</ref> de son bonnet aux deux larges extrémités tombantes, des extrémités comme des "œillères" géantes pour l'empêcher de voir de côté et de ne lui permettre de voir que devant lui. | |||
Si la scène des Écritures nous renvoie en arrière, elle va nous envoyer aussi bien en avant. Dans une séquence bouleversante, Roublev discute avec Théophane le Grec [[mort]]. Ce sont peut-être les dernières paroles de Roublev avant son long silence-pénitence (car il a tué un russe pour sauver la sourde-muette.) La séquence nous présente, en flash, la sourde-muette accroupie sur une morte et lui tressant méthodiquement une natte à trois branches. Au plan 268, elle termine la natte, comme les Moires grecques tressant le destin. | Si la scène des Écritures nous renvoie en arrière, elle va nous envoyer aussi bien en avant. Dans une séquence bouleversante, Roublev discute avec Théophane le Grec [[mort]]. Ce sont peut-être les dernières paroles de Roublev avant son long silence-pénitence (car il a tué un russe pour sauver la sourde-muette.) La séquence nous présente, en flash, la sourde-muette accroupie sur une morte et lui tressant méthodiquement une natte à trois branches. Au plan 268, elle termine la natte, comme les Moires grecques tressant le destin. | ||
<span id="ancre_57p"> </span>[[Fichier: Christ_Andreïroublev_Tarlovsky_plan057_1600p.jpg| | <span id="ancre_57p"> </span>[[Fichier: Christ_Andreïroublev_Tarlovsky_plan057_1600p.jpg|300px|thumb|right|alt=''[[Andreï Roublev]]'', '''plan 57. ''' Pourquoi la figure du Christ chez Théophane est-elle représentée avec des cheveux longs ?|''[[Andreï Roublev]]'', '''plan 57. ''' Pourquoi la figure du Christ chez Théophane est-elle représentée avec des cheveux longs ? ]] | ||
Il reste enfin une question, qui mérite d'être citée, c'est la citation d'ouverture du texte : "''vous m'imitez en tout, comme j'ai imité le Christ.''" Dans ce cas, pourquoi la figure du Christ chez Théophane est-elle représentée avec des cheveux longs ? (Plan 57.) Le Christ ne meurt donc pas en homme ? Devient-il, en quelque sorte, une figure de la "mère" ? Certes la question est d'ordre théologique, mais elle témoigne, tout de même, du pouvoir du peintre : le pouvoir de représenter la figure du Christ. | Il reste enfin une question, qui mérite d'être citée, c'est la citation d'ouverture du texte : "''vous m'imitez en tout, comme j'ai imité le Christ.''" Dans ce cas, pourquoi la figure du Christ chez Théophane est-elle représentée avec des cheveux longs ? (Plan 57.) Le Christ ne meurt donc pas en homme ? Devient-il, en quelque sorte, une figure de la "mère" ? Certes la question est d'ordre théologique, mais elle témoigne, tout de même, du pouvoir du peintre : le pouvoir de représenter la figure du Christ. |