5 932
modifications
Aucun résumé des modifications |
|||
Ligne 125 : | Ligne 125 : | ||
''' <span id="ancre_10a">Plan</span> 10a :''' '' 10' 17''" : L'attente de la Traductrice n'a pas été vaine. D'abord elle voit passer la procession de la vierge. (Cf. '''(Cf. Photogramme – Plume 1.)''') | ''' <span id="ancre_10a">Plan</span> 10a :''' '' 10' 17''" : L'attente de la Traductrice n'a pas été vaine. D'abord elle voit passer la procession de la vierge. (Cf. '''(Cf. Photogramme – Plume 1.)''') | ||
<span id="ancre_10ap"></span>[[Fichier: genuflexionpa.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme - Plume 1''' : | <span id="ancre_10ap"></span>[[Fichier: genuflexionpa.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme - Plume 1''' : ''[[Nostalghia]]'', '''Plan. 10a''', Le destination de la procession : devant la fresque de Pierro della Francesca, ''La Madone del Prato''. Notez la tête voilée et la [[génuflexion]] de la communiante.]] | ||
Ensuite elle assiste à un spectacle unique en son genre. Il s'agit d'une "ouverture symbolique" du ventre de la Vierge de la procession, dont va sortir "triomphalement", une nuée d'oiseaux, tout à coup extrêmement bruyants. <ref>Cf. '''François Ramasse''', ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_4|op. cit.]]'', p. 125. </ref> (Cf. '''Photogramme – Plume 2.''' ) | Ensuite elle assiste à un spectacle unique en son genre. Il s'agit d'une "ouverture symbolique" du ventre de la Vierge de la procession, dont va sortir "triomphalement", une nuée d'oiseaux, tout à coup extrêmement bruyants. <ref>Cf. '''François Ramasse''', ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_4|op. cit.]]'', p. 125. </ref> (Cf. '''Photogramme – Plume 2.''' ) | ||
Ligne 131 : | Ligne 131 : | ||
<span id="ancre_10bp"></span> [[Fichier:oiseaup6.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme - Plume 2''' : ''Nostalghia'', '''Plan 10b'''. La sortie triomphante des oiseaux des "entrailles" de la Vierge. | <span id="ancre_10bp"></span> [[Fichier:oiseaup6.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme - Plume 2''' : ''[[Nostalghia]]'', '''Plan 10b'''. La sortie triomphante des oiseaux des "entrailles" de la Vierge. | ||
]] | ]] | ||
''' <span id="ancre_14">Plan</span> 14 :''' '' 11' 17''" : Mieux encore, après ce spectacle-prodige, la Traductrice, stupéfaite, regarde s'étaler sur un autel chargé de dizaines de cierges, les plumes des oiseaux. (Cf. '''Photogramme – Plume 3.''') | ''' <span id="ancre_14">Plan</span> 14 :''' '' 11' 17''" : Mieux encore, après ce spectacle-prodige, la Traductrice, stupéfaite, regarde s'étaler sur un autel chargé de dizaines de cierges, les plumes des oiseaux. (Cf. '''Photogramme – Plume 3.''') | ||
<span id="ancre_14p"></span> [[Fichier:plumep3.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme - Plume 3''' : ''Nostalghia'', '''Plan 14'''. Les plumes (imperceptibles ici) viennent s'échouer sur la multitude de cierge. (L'autel ici, représente, comme nous allons le voir, l'humanité.)]] | <span id="ancre_14p"></span> [[Fichier:plumep3.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme - Plume 3''' : ''[[Nostalghia]]'', '''Plan 14'''. Les plumes (imperceptibles ici) viennent s'échouer sur la multitude de cierge. (L'autel ici, représente, comme nous allons le voir, l'humanité.)]] | ||
Ce plan semble constituer "l'image-clé" du film. Certains interprètes voient dans la plume un symbole du sacrifice. (…) "Car, sous toutes les latitudes, poules et poulets étaient sacrifiés aux dieux et les plumes, seules, restaient étalées autour de l'autel. Elles attestaient que le rite avait bien été accompli." <ref>'''Chevalier/Gherrbrant''', ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_12|op. cit.]]'',p. 768. </ref> "Image-clé", parce que tous les éléments significatifs du film s'y trouvent. D'abord, Eugenia, la Traductrice sert, si l'on ose dire, de "liaison de l'image". <ref>N'oublions pas que c'est elle qui conduisait la voiture, le Poète était du côté passager du véhicule. Voir aussi, '''François Ramasse''', ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_12|op. cit.]]'', pp. 122-123. </ref> Ensuite, c'est la traductrice qui va présenter Domenico "le Fou" au Poète. Le premier va se sacrifier en s'immolant par le feu. Le second accomplira le vœu du premier, celui du "Mystère de sainte Catherine", dans la piscine thermale. Enfin, elle assiste à la scène. Et, quelques secondes plus tard, à l'extérieur, au : | Ce plan semble constituer "l'image-clé" du film. Certains interprètes voient dans la plume un symbole du sacrifice. (…) "Car, sous toutes les latitudes, poules et poulets étaient sacrifiés aux dieux et les plumes, seules, restaient étalées autour de l'autel. Elles attestaient que le rite avait bien été accompli." <ref>'''Chevalier/Gherrbrant''', ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_12|op. cit.]]'',p. 768. </ref> "Image-clé", parce que tous les éléments significatifs du film s'y trouvent. D'abord, Eugenia, la Traductrice sert, si l'on ose dire, de "liaison de l'image". <ref>N'oublions pas que c'est elle qui conduisait la voiture, le Poète était du côté passager du véhicule. Voir aussi, '''François Ramasse''', ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_12|op. cit.]]'', pp. 122-123. </ref> Ensuite, c'est la traductrice qui va présenter Domenico "le Fou" au Poète. Le premier va se sacrifier en s'immolant par le feu. Le second accomplira le vœu du premier, celui du "Mystère de sainte Catherine", dans la piscine thermale. Enfin, elle assiste à la scène. Et, quelques secondes plus tard, à l'extérieur, au : | ||
Ligne 143 : | Ligne 143 : | ||
<span id="ancre_17p"></span> [[Fichier:plumep4.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme - Plume 4''' : ''Nostalghia'', '''Plan 17'''. Une plume qui tombe près du Poète. (Notez la similitude avec la mèche de cheveux).]] | <span id="ancre_17p"></span> [[Fichier:plumep4.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme - Plume 4''' : ''[[Nostalghia]]'', '''Plan 17'''. Une plume qui tombe près du Poète. (Notez la similitude avec la mèche de cheveux).]] | ||
Ligne 149 : | Ligne 149 : | ||
<span id="ancre_18p"></span> [[Fichier:plumep5.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme - Plume 5''' : ''Nostalghia'', '''Plan 18'''. Le Poète ramasse une plume blanche qui vient de tomber à ses pieds. Première allusion et "annonciation" de l'acte héroïque du Poète. ]] | <span id="ancre_18p"></span> [[Fichier:plumep5.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme - Plume 5''' : ''[[Nostalghia]]'', '''Plan 18'''. Le Poète ramasse une plume blanche qui vient de tomber à ses pieds. Première allusion et "annonciation" de l'acte héroïque du Poète. ]] | ||
Ligne 164 : | Ligne 164 : | ||
<span id="ancre_27hp"></span> [[Fichier:livrep4.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme - Cheveux 1''' : ''Nostalghia'', '''Plan 27h'''. Gros plan de la bible ouverte et d'une mèche de cheveux enroulée autour d'un peigne.]] | <span id="ancre_27hp"></span> [[Fichier:livrep4.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme - Cheveux 1''' : ''[[Nostalghia]]'', '''Plan 27h'''. Gros plan de la bible ouverte et d'une mèche de cheveux enroulée autour d'un peigne.]] | ||
Tout à coup, au plan 31, imperceptiblement, la salle de bain s'obscurcit complètement. Quelques secondes plus tard, un mystérieux [[chien]] sort de la salle de bain (31h), contourne le lit, et se couche aux [[Pied|pieds]] du Poète, devant une grosse flaque d'eau. <ref>Ce plan annonce le dernier plan du film, en tout cas, il lui ressemble. </ref> Un verre tombe curieusement au sol, sans se casser (31i). Un lent zoom avant vient cadrer la tête du Poète au niveau de ses cheveux. Une mèche blanche de ses cheveux suggère une plume (31j). Il cesse de pleuvoir, le poète s'endort. | Tout à coup, au plan 31, imperceptiblement, la salle de bain s'obscurcit complètement. Quelques secondes plus tard, un mystérieux [[chien]] sort de la salle de bain (31h), contourne le lit, et se couche aux [[Pied|pieds]] du Poète, devant une grosse flaque d'eau. <ref>Ce plan annonce le dernier plan du film, en tout cas, il lui ressemble. </ref> Un verre tombe curieusement au sol, sans se casser (31i). Un lent zoom avant vient cadrer la tête du Poète au niveau de ses cheveux. Une mèche blanche de ses cheveux suggère une plume (31j). Il cesse de pleuvoir, le poète s'endort. | ||
Ligne 178 : | Ligne 178 : | ||
<span id="ancre_33p"></span> [[Fichier:cheveuxp3.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme - Cheveux 2''' : ''Nostalghia'', '''Plan 33'''. Les longs cheveux tombants de la Traductrice.]] | <span id="ancre_33p"></span> [[Fichier:cheveuxp3.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme - Cheveux 2''' : ''[[Nostalghia]]'', '''Plan 33'''. Les longs cheveux tombants de la Traductrice.]] | ||
''' <span id="ancre_35a">Plan</span> ''' '' "'' 35a : 29' 46": Le poète se lève et quitte le lit, laissant derrière lui sa femme enceinte, allongée. Elle est dans le lit de la chambre de l'hôtel. Le lit n'est plus perpendiculaire au mur, mais parallèle. | ''' <span id="ancre_35a">Plan</span> ''' '' "'' 35a : 29' 46": Le poète se lève et quitte le lit, laissant derrière lui sa femme enceinte, allongée. Elle est dans le lit de la chambre de l'hôtel. Le lit n'est plus perpendiculaire au mur, mais parallèle. | ||
Ligne 185 : | Ligne 185 : | ||
<span id="ancre_35bp"></span> [[Fichier:litp1.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme - Lit''' : ''Nostalghia'', '''Plan 35b'''. Un exemple de l'éclairage particulier du film qui passe du noir (photogramme précédent) à la lumière. Le contraste de la lumière est une caractéristique filmique dans ''[[Nostalghia]]''. Elle participe dans la représentation du concept de l'[[hésitation]].]] | <span id="ancre_35bp"></span> [[Fichier:litp1.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme - Lit''' : ''[[Nostalghia]]'', '''Plan 35b'''. Un exemple de l'éclairage particulier du film qui passe du noir (photogramme précédent) à la lumière. Le contraste de la lumière est une caractéristique filmique dans ''[[Nostalghia]]''. Elle participe dans la représentation du concept de l'[[hésitation]].]] | ||
Le sens s'établit à partir de la chevelure de la Traductrice, en passant par la grossesse de la femme du Poète et donc de la fertilité créatrice, pour culminer dans le fond noir, laissant illuminé le ventre gonflé de sa femme, comme une montagne magique avec à son sommet l'auréole de son espoir ! En outre, le plan 35b constitue une seconde "image-clé", car il résume "la mission" du Poète. En effet, le Poète est partagé entre deux grandes aspirations : 1. retrouver sa famille (représentée par "la [[maison]]"), 2. "sauver le monde", en traversant la piscine. Or, le plan 35b, nous présente en une seconde, les deux pôles de cette alternative : les fenêtres "fermées", qui correspondent à la 1ère mission, et la porte "ouverte" de la salle de bains, qui représente la 2nde mission. Cela explique le fait mystérieux de la sortie impromptue du [[chien]] de la salle de bain, qui annonce le dernier plan du film. De plus, [[Résonance#Aspects du complexe de résonance dans Nostalghia, d'Andreï Tarkovski|l'épisode suivant]] du film s'attache à montrer le lien qui va unir la salle de bain et la [[Bougie#La bougie du Mystère de Sainte-Catherine|piscine Sainte-Catherine]]. | Le sens s'établit à partir de la chevelure de la Traductrice, en passant par la grossesse de la femme du Poète et donc de la fertilité créatrice, pour culminer dans le fond noir, laissant illuminé le ventre gonflé de sa femme, comme une montagne magique avec à son sommet l'auréole de son espoir ! En outre, le plan 35b constitue une seconde "image-clé", car il résume "la mission" du Poète. En effet, le Poète est partagé entre deux grandes aspirations : 1. retrouver sa famille (représentée par "la [[maison]]"), 2. "sauver le monde", en traversant la piscine. Or, le plan 35b, nous présente en une seconde, les deux pôles de cette alternative : les fenêtres "fermées", qui correspondent à la 1ère mission, et la porte "ouverte" de la salle de bains, qui représente la 2nde mission. Cela explique le fait mystérieux de la sortie impromptue du [[chien]] de la salle de bain, qui annonce le dernier plan du film. De plus, [[Résonance#Aspects du complexe de résonance dans Nostalghia, d'Andreï Tarkovski|l'épisode suivant]] du film s'attache à montrer le lien qui va unir la salle de bain et la [[Bougie#La bougie du Mystère de Sainte-Catherine|piscine Sainte-Catherine]]. | ||
Ligne 245 : | Ligne 245 : | ||
Dans le livre, nous décelons à travers la plume un certain nombre d'indices "d'image ascensionnelle" : l'escalier d'honneur (vers 6) <ref>Cf. Le poème, ''Enfant quand j'étais malade'', ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_1|op. cit.]]'',p. 85. </ref>, les sept pas (v. 12 et 14), les cheveux aux galops (v. 18), le pont (v. 19), les ailes en mouvement (v. 26). Ces indices sont à mettre au rang des principes fondamentaux que Bachelard a appelé "psychologie ascensionnelle" (…) : "L'invitation au voyage aérien, si elle a, comme il convient, le sens de la montée, est toujours solidaire de l'impression d'une légère ascension." <ref>'''G. Bachelard''', ''Air et les songes'', ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_14|op. cit.]]'', p. 16. </ref> Le philosophe cite Ramon Gomez de la Serra : (…) "Dans l'homme tout est [[chemin]]." Et il ajoute pour sa part, (…) "Tout chemin conseille une ascension. Le dynamisme positif de la verticalité est si net qu'on peut énoncer cet aphorisme : qui ne monte pas tombe. " <ref>''Ibid''. p. 18. </ref> Andreï Tarkovski représente dans le livre l'ascension par "la plume blanche" qui tombe: grâce à sa subtile légèreté, à sa douceur, elle exprime "sa mère qui vole". Cet aspect est vrai pour la plume qui tombe au [[#ancre_17p|plan 17]], en revanche ça ne peut être le cas, au [[#ancre_95p|plan 95]]. En effet, comme nous allons le voir, la plume tombe en tournant en spirale. Ce qui n'implique plus la même ascension. Mais le chemin de l'ascension dans l'imagination tarkovskienne est multiple. D'abord, "le chemin physique", topographique, "sans cesse je vais, je vais", qui a comme équivalent visuel les petits sentiers, nombreux dans le film. <ref>Au [[Attente#ancre_18cp|plan 18]], le petit sentier au bout du regard du Poète ; au [[#35bp|plan 35b]], la femme enceinte, son ventre devient comme un globe terrestre rond, qui suggère des sentiers ; au plan 41, le petit sentier parallèle à "la maison du fin du monde" ; au [[Maison#ancre_44p|plan 44]], etc. Mais le chemin le plus significatif sera certainement, l'aller-retour du Poète, dans la Piscine de Sainte Catherine. C'est à la troisième fois qu'il réussit à toucher l'autre bord de la piscine, sans que la [[Bougie#Nostalghia, d’Andreï Tarkovski|bougie]] s'éteigne. </ref> Ensuite, "le chemin familial", naturel, biologique et social : le père, le fils et le petit-fils. Enfin, "le chemin-éthéré" des flammes du feu, qui doit être constamment revivifié. Nous pouvons ajouter dans ce registre la figure de l'arbre, grande figure d'ascension : (...) "Ainsi de la racine s'élance plus légère la verte tige ; de celle-ci sortent les feuilles plus aériennes ; enfin la fleur parfaite exalte ses esprits odorants. Les fleurs et leur fruit, nourriture de l'homme, volatilisés dans une échelle graduelle, aspirent aux esprits vitaux, animaux, intellectuels." <ref>'''Milton''', ''Le paradis perdu'', I, V. Traduction Chateaubriand, p. 195. Citée par '''G. Bachelard''', ''L'Air et les songes'', ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_14|op. cit.]]'', p. 51. </ref> | Dans le livre, nous décelons à travers la plume un certain nombre d'indices "d'image ascensionnelle" : l'escalier d'honneur (vers 6) <ref>Cf. Le poème, ''Enfant quand j'étais malade'', ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_1|op. cit.]]'',p. 85. </ref>, les sept pas (v. 12 et 14), les cheveux aux galops (v. 18), le pont (v. 19), les ailes en mouvement (v. 26). Ces indices sont à mettre au rang des principes fondamentaux que Bachelard a appelé "psychologie ascensionnelle" (…) : "L'invitation au voyage aérien, si elle a, comme il convient, le sens de la montée, est toujours solidaire de l'impression d'une légère ascension." <ref>'''G. Bachelard''', ''Air et les songes'', ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_14|op. cit.]]'', p. 16. </ref> Le philosophe cite Ramon Gomez de la Serra : (…) "Dans l'homme tout est [[chemin]]." Et il ajoute pour sa part, (…) "Tout chemin conseille une ascension. Le dynamisme positif de la verticalité est si net qu'on peut énoncer cet aphorisme : qui ne monte pas tombe. " <ref>''Ibid''. p. 18. </ref> Andreï Tarkovski représente dans le livre l'ascension par "la plume blanche" qui tombe: grâce à sa subtile légèreté, à sa douceur, elle exprime "sa mère qui vole". Cet aspect est vrai pour la plume qui tombe au [[#ancre_17p|plan 17]], en revanche ça ne peut être le cas, au [[#ancre_95p|plan 95]]. En effet, comme nous allons le voir, la plume tombe en tournant en spirale. Ce qui n'implique plus la même ascension. Mais le chemin de l'ascension dans l'imagination tarkovskienne est multiple. D'abord, "le chemin physique", topographique, "sans cesse je vais, je vais", qui a comme équivalent visuel les petits sentiers, nombreux dans le film. <ref>Au [[Attente#ancre_18cp|plan 18]], le petit sentier au bout du regard du Poète ; au [[#35bp|plan 35b]], la femme enceinte, son ventre devient comme un globe terrestre rond, qui suggère des sentiers ; au plan 41, le petit sentier parallèle à "la maison du fin du monde" ; au [[Maison#ancre_44p|plan 44]], etc. Mais le chemin le plus significatif sera certainement, l'aller-retour du Poète, dans la Piscine de Sainte Catherine. C'est à la troisième fois qu'il réussit à toucher l'autre bord de la piscine, sans que la [[Bougie#Nostalghia, d’Andreï Tarkovski|bougie]] s'éteigne. </ref> Ensuite, "le chemin familial", naturel, biologique et social : le père, le fils et le petit-fils. Enfin, "le chemin-éthéré" des flammes du feu, qui doit être constamment revivifié. Nous pouvons ajouter dans ce registre la figure de l'arbre, grande figure d'ascension : (...) "Ainsi de la racine s'élance plus légère la verte tige ; de celle-ci sortent les feuilles plus aériennes ; enfin la fleur parfaite exalte ses esprits odorants. Les fleurs et leur fruit, nourriture de l'homme, volatilisés dans une échelle graduelle, aspirent aux esprits vitaux, animaux, intellectuels." <ref>'''Milton''', ''Le paradis perdu'', I, V. Traduction Chateaubriand, p. 195. Citée par '''G. Bachelard''', ''L'Air et les songes'', ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_14|op. cit.]]'', p. 51. </ref> | ||
Il reste encore "une combinaison", celle d'une "échelle graduelle" qui est suggérée par l'équation suivante : mère → plume → ange. Cette combinaison s'engage, comme le décrit Bachelard, dans une espèce "d'opération spirituelle". <ref>''Ibid''. p. 55. </ref> Dans ''Le Temps Scellé'' Tarkovski subsume l'être originel, la mère en plume, pour devenir dans ''[[Nostalghia]]'', un [[ange]]. Nous verrons qu'au plan 95, l'opération est encore plus étrange, et plus mystique, puisque le plan de la plume qui tombe est précédé par un dialogue entre "le Seigneur" et "une Sainte". Regardons de près comment s'effectuent les transitions de plan à plan à partir du poème jusqu'à la plume qui tombe. (Plans 83 – 95.) | Il reste encore "une [[Combinaison (sémantique)|combinaison]]", celle d'une "échelle graduelle" qui est suggérée par l'équation suivante : mère → plume → ange. Cette combinaison s'engage, comme le décrit Bachelard, dans une espèce "d'opération spirituelle". <ref>''Ibid''. p. 55. </ref> Dans ''Le Temps Scellé'' Tarkovski subsume l'être originel, la mère en plume, pour devenir dans ''[[Nostalghia]]'', un [[ange]]. Nous verrons qu'au plan 95, l'opération est encore plus étrange, et plus mystique, puisque le plan de la plume qui tombe est précédé par un dialogue entre "le Seigneur" et "une Sainte". Regardons de près comment s'effectuent les transitions de plan à plan à partir du poème jusqu'à la plume qui tombe. (Plans 83 – 95.) | ||
'''<span id="ancre_84">Plan</span> 84''' : ''1h 18' 30"'' : Intérieur de l'église inondée. D'un côté d'un mur en ruine [[Apparition|apparaît]] une petite fille qui se cache aussitôt que le Poète entre dans l'église. (84a) Sous un autre angle, et d'un autre côté de l'église, la petite fille apparaît de nouveau. (84b) | '''<span id="ancre_84">Plan</span> 84''' : ''1h 18' 30"'' : Intérieur de l'église inondée. D'un côté d'un mur en ruine [[Apparition|apparaît]] une petite fille qui se cache aussitôt que le Poète entre dans l'église. (84a) Sous un autre angle, et d'un autre côté de l'église, la petite fille apparaît de nouveau. (84b) | ||
Ligne 253 : | Ligne 253 : | ||
'''<span id="ancre_87a">Plan</span> 87a''' : ''1h 20' 25"'' : "''C'est moi qui devrais avoir peur de toi.''" Le Poète est saoul. Lui, d'habitude si réservé, si laconique, se met à parler sans arrêt. Il commence par raconter une histoire à la petite fille : "''Un homme en sauve un autre qui se noyait dans un étang, au risque de sa vie… Les voilà tous deux allongés au bord de l'étang, haletants et épuisés.'' (Il allume une [[cigarette]].) (87b) ''Celui qui a été sauvé dit : "Idiot, pourquoi as – tu fait ça? " Le sauveur lui répond : "C'est là que je vis''". Adossé à un petit [[poteau]] au milieu de l'église, le Poète pose son gobelet de vodka au bout d'un poteau flanqué au milieu de l'église, sans aucune raison apparente. Comme si le poteau (axe du monde) au plan 1 commençait à émerger ? (87c) (Cf. '''Photogramme – Poteau'''.) | '''<span id="ancre_87a">Plan</span> 87a''' : ''1h 20' 25"'' : "''C'est moi qui devrais avoir peur de toi.''" Le Poète est saoul. Lui, d'habitude si réservé, si laconique, se met à parler sans arrêt. Il commence par raconter une histoire à la petite fille : "''Un homme en sauve un autre qui se noyait dans un étang, au risque de sa vie… Les voilà tous deux allongés au bord de l'étang, haletants et épuisés.'' (Il allume une [[cigarette]].) (87b) ''Celui qui a été sauvé dit : "Idiot, pourquoi as – tu fait ça? " Le sauveur lui répond : "C'est là que je vis''". Adossé à un petit [[poteau]] au milieu de l'église, le Poète pose son gobelet de vodka au bout d'un poteau flanqué au milieu de l'église, sans aucune raison apparente. Comme si le poteau (axe du monde) au plan 1 commençait à émerger ? (87c) (Cf. '''Photogramme – Poteau'''.) | ||
<span id="ancre_87cp"></span>[[Fichier:poteaup1.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme Poteau''': ''Nostalghia'', '''Plan 87c.''' Le Poète saoul au milieu de l'église inondée, près d'un petit poteau.]] | <span id="ancre_87cp"></span>[[Fichier:poteaup1.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme Poteau''': ''[[Nostalghia]]'', '''Plan 87c.''' Le Poète saoul au milieu de l'église inondée, près d'un petit poteau.]] | ||
Il se met à parler seul (…) Il s'adresse à la petite fille (87d) : | Il se met à parler seul (…) Il s'adresse à la petite fille (87d) : | ||
Ligne 263 : | Ligne 263 : | ||
'''<span id="ancre_90">Plan</span> 90''' : ''1h 24' 01"'' : La petite fille s'installe dans une structure de l'ordre d'une "annonciation", d'une "apparition". (Cf. '''Photogramme – Angela'''.) | '''<span id="ancre_90">Plan</span> 90''' : ''1h 24' 01"'' : La petite fille s'installe dans une structure de l'ordre d'une "annonciation", d'une "apparition". (Cf. '''Photogramme – Angela'''.) | ||
<span id="ancre_90bp"></span>[[Fichier:eaup3.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme Angela''' : ''Nostalghia'', '''Plan 90b.''' La disposition particulière de la petite fille, assise sur un petit rocher.]] | <span id="ancre_90bp"></span>[[Fichier:eaup3.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme Angela''' : ''[[Nostalghia]]'', '''Plan 90b.''' La disposition particulière de la petite fille, assise sur un petit rocher.]] | ||
Ligne 283 : | Ligne 283 : | ||
<span id="ancre_95p"></span>[[Fichier:plumep6.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme - Plume 6''' : ''Nostalghia'', '''Plan 95.''' La plume blanche tombe dans une flaque d'eau à la fin de son parcours.]] | <span id="ancre_95p"></span>[[Fichier:plumep6.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme - Plume 6''' : ''[[Nostalghia]]'', '''Plan 95.''' La plume blanche tombe dans une flaque d'eau à la fin de son parcours.]] | ||
''' <span id="ancre_96">Plan</span> 96 :''' '' 1h 30' 28"'' : Retour à la position du Poète, celle du plan 92. Panoramique contraire gauche/droite. Les flammes du petit [[feu]] embrasent à présent un coin du livre de poésies. Nous sommes de nouveau en face d'une "[[Combinaison (sémantique)|combinaison]] parallèle" : l'histoire de "l'objet [[livre]]" touche à sa fin. | ''' <span id="ancre_96">Plan</span> 96 :''' '' 1h 30' 28"'' : Retour à la position du Poète, celle du plan 92. Panoramique contraire gauche/droite. Les flammes du petit [[feu]] embrasent à présent un coin du livre de poésies. Nous sommes de nouveau en face d'une "'''[[Combinaison (sémantique)|combinaison]] parallèle'''" : l'histoire de "l'objet [[livre]]" touche à sa fin. | ||
En résumé, cette "combinaison parallèle" est en fait une constante dans le cinéma d'Andreï Tarkovski. Les éléments proposent à présent la formule suivante : Enfant → Ange → [[Plume]] → Mère. Les éléments ne sont pas alignés, ils sont dispersés. Pourquoi ce désir de dispersion ? Il semble que c'est pour indiquer que "la vérité" n'est pas un élément saisissable immédiatement. Tarkovski cite Hermann Hesse dans "Le jeu des perles de verres" : (…) "La vérité se vit, elle ne s'enseigne pas ex cathedra. Prépare-toi à des luttes." <ref>'''Andreï Tarkovski''', ''Le Temps Scellé'', traduit du russe par Anne Kichilov et Charles H. de Brantes, Éditions de l'Étoile/Cahier du Cinéma, 1989, p. 83. </ref> Des luttes, nous en aurons deux : celle du Poète qui traversera la piscine de Sainte Catherine, lutte avec les éléments primordiaux ; celle du Fou, lutte avec le feu. Nous anticipons sur les derniers propos du long discours Fou, à Rome, avant son dernier "voyage incandescent" : "''Ça j'ai oublié ... Oh mère ! l'air est cette chose légère qui flotte autour de la tête et devient plus claire quand on rit.''" (Plan 109b.) Cette "chose légère" suggère "la [[plume]]". Mais il faut voir aussi dans la mère, la nature. | En résumé, cette "combinaison parallèle" est en fait une constante dans le cinéma d'Andreï Tarkovski. Les éléments proposent à présent la formule suivante : Enfant → Ange → [[Plume]] → Mère. Les éléments ne sont pas alignés, ils sont dispersés. Pourquoi ce désir de dispersion ? Il semble que c'est pour indiquer que "la vérité" n'est pas un élément saisissable immédiatement. Tarkovski cite Hermann Hesse dans "Le jeu des perles de verres" : (…) "La vérité se vit, elle ne s'enseigne pas ex cathedra. Prépare-toi à des luttes." <ref>'''Andreï Tarkovski''', ''Le Temps Scellé'', traduit du russe par Anne Kichilov et Charles H. de Brantes, Éditions de l'Étoile/Cahier du Cinéma, 1989, p. 83. </ref> Des luttes, nous en aurons deux : celle du Poète qui traversera la piscine de Sainte Catherine, lutte avec les éléments primordiaux ; celle du Fou, lutte avec le feu. Nous anticipons sur les derniers propos du long discours Fou, à Rome, avant son dernier "voyage incandescent" : "''Ça j'ai oublié ... Oh mère ! l'air est cette chose légère qui flotte autour de la tête et devient plus claire quand on rit.''" (Plan 109b.) Cette "chose légère" suggère "la [[plume]]". Mais il faut voir aussi dans la mère, la nature. | ||
Ligne 325 : | Ligne 325 : | ||
<center>* * *</center> | <center>* * *</center> | ||
[[#ancre_1|Haut de page]] | |||
[[Thèse:Introduction|Introduction à la cinémancie]] | |||
[[Dictionnaire:Liste des mots|Liste des mots]] - [[Dictionnaire:Liste des films|Liste des films]] - [[Dictionnaire:Liste des réalisateurs|Liste des réalisateurs]] |