Verre

De Cinémancie
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Do The Right Thing. Mookie (Spike Lee), après la mort de "Radio Raheem" (étranglé par un policier), prononce le mot "haine" et casse la vitrine de la Pizzeria de Sal avec une poubelle vidée de son contenu...
Do The Right Thing. Mookie (Spike Lee), après la mort de "Radio Raheem" (étranglé par un policier), prononce le mot "haine" et casse la vitrine de la Pizzeria de Sal avec une poubelle vidée de son contenu...

Titres des films

Mode d'emploi de la figure (mot) et abréviations


Titre Titre original Réalisation Scénario Année Pays Durée (min.)
Clé de Verre (La) The Glass Key Heisler Stuart Latimer J. 1942 USA 85
Château de Verre (Le) Château de Verre (Le) Clément René Bistolfi G., roman de Baum Vicki 1950 France, Italie 99
Cœur de Verre Herz aus Glas Herzog Werner Herzog W., roman de Achternbusch H. 1976 Allemagne 98
Ménagerie de Verre (La) The Glass Menagerie Newman Paul Williams Tennessee 1987 USA 134
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Autres titres de films

Mode d'emploi de la figure (mot) et abréviations


Titre Titre original Réalisation Scénario Année Pays Durée
Maître (Le)
§. Le "jeu du verre".
Φω. 12. Plan 37.
(Voir détail : Mistrz) Piotr Trzaskalski Lepianka W.
Trzaskalski P ;
2005 Allemagne
Pologne
117
Miroir (Le) (Voir détail : Zerkalo) Tarkovski Andreï Tarkovski A.

Micharine A.

Et poèmes d'Arseni Tarkovski.
1975 URSS 106
Stalker (Voir détail : Stalker) Tarkovski Andreï Tarkovski A.
Strougatski A. et B.
1979 URSS 161


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Photogrammes extraits des films - Analyse et liens spécifiques des films

Le Miroir, d’Andreï Tarkovski

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Chat noir et verre de lampe à pétrole

Plan 17 : 11' 43" : Plan rapproché sur un chat noir qui lape du lait renversé sur une table de cuisine.

Plan 18 : 13' 08" : Plan rapproché sur Maroussia qui pleure. Un homme crie à l'extérieur. Maroussia sort, les enfants restent à table. Elle revient, elle leur dit : "Le feu, mais ne hurlez pas." Les enfants se précipitent dehors. Mais la caméra ne suit pas les enfants.

Photogramme - Verre de la lampe à pétrole : Le Miroir, Plan 19. Le verre de la lampe à pétrole qui roule au sol sans se casser. Nous distinguons aussi, confondu avec le fond, le chat noir.
Photogramme - Verre de la lampe à pétrole : Le Miroir, Plan 19. Le verre de la lampe à pétrole qui roule au sol sans se casser. Nous distinguons aussi, confondu avec le fond, le chat noir.

Plan 19 : 13' 53" : L'image est immobile. Plan rapproché sur la table. La caméra est fixe en plongée. Tout à coup, le verre d'une lampe à pétrole vacille, tombe par terre. Le verre sort un instant de l'image en roulant et se stabilise ensuite sans se casser. (Cf. Photogramme – Verre de la lampe à pétrole.)


Au moment où tombe le verre de la lampe à pétrole, nous distinguons le chat noir, confondu avec l'obscurité, à peine perceptible, accroupi au coin du banc.

A l'extérieur, au :

Plan 20 : 14' 45" : Maroussia avance vers un puits, elle saisit un seau d'eau suspendu, elle s'asperge le visage, et s'assied au bord du puits pour observer le fenil en feu. (Cf. Photogramme – Feu.)


L'accumulation et la cristallisation dans un temps court, d'un certain nombre d'indices irrationnels, étranges et insolites sont des données significatives pour la cinémancie. Ainsi, si nous reprenons dans l'ordre la suite des indices, nous avons :
- Plan 11 : la clôture s'effondre ;
- Plan 12 : le buisson agité ;
- Plan 15 : le livre qui tombe ;
- Plan 17 : le chat noir qui lape le lait renversé ;
- Plan 19a : le verre de la lampe à pétrole qui tombe.


Le dernier indice est un signe complexe. Ne s'agit-il pas d'un signe sexuel ? Un signe hermaphrodite ? D'abord par sa forme : un long tube en verre renflé dans sa partie supérieure. C'est un signe "transparent". Ensuite, il installe une liaison directe avec "Le fenil en feu." C'est d'abord, grâce au mouvement de la caméra au moment où le verre tombe. Nous avons, en effet, un mouvement continu qui s'amorce avec la lampe à pétrole éteinte, avec son verre détaché, et se termine avec le feu gigantesque du fenil. C'est ensuite, une seconde liaison avec le petit appareil de chauffage de l'épisode suivant "le Rêve d'Aliocha", dans lequel le feu, au départ une simple lueur, va jaillir en flamme, pour finalement s'éteindre. Soulignons qu'à ce moment-là, la mère est avec son mari. Et ici, la lampe éteinte qui finit avec le fenil en feu. N'est-on pas en présence d'une métaphore du cheminement du mariage ? Précisons encore que le premier appareil, le verre de la lampe à pétrole, sert à éclairer alors que le second (dans l'épisode suivant) sert à chauffer.

Ainsi, nous nous permettons d'affirmer que l'ensemble de cet épisode est "un montage en chaîne cinémantique". La plupart des objets en question sont des objets quotidiens, qui se trouvent dans n'importe quelle maison de campagne. Mais ici, il faut le dire, l'aspect remarquable du montage nous raconte en quelque sorte l'histoire des protagonistes au travers des objets qui les entourent. La structure et la forme de l'objet déterminent souvent le degré de la situation psychologique d'une personne. Nous l'avons vu avec la clôture qui s'effondre, avec le verre de la lampe à pétrole.

L'épisode commence par Maroussia qui regarde des champs verts, et se termine par l'image de l'héroïne qui contemple un fenil en feu rouge. Notons à ce propos le fait significatif au plan précédent : elle asperge son visage de quelques gouttes d'eau devant l'énorme feu. Dans le premier épisode, l'eau se réduit à quelques gouttes, et le feu est très intense. C'est en fait, toute la "maison" qui brûle, dans son sens psychanalytique, "sa maison", son chez-soi, c'est cela qui brûle. Il est émouvant de voir qu'avec l'étranger le feu est bouleversant, et avec son mari, le feu est discret.


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Miroir brisé : séquence et conséquence

Photogramme - Verre 2 : Le Miroir, Plan 116. Une image de désolation et d'angoisse, Maroussia, grâce à un couteau, essaye de gratter un morceau de verre.
Photogramme - Verre 2 : Le Miroir, Plan 116. Une image de désolation et d'angoisse, Maroussia, grâce à un couteau, essaye de gratter un morceau de verre.

Au Plan 116, Maroussia se trouve au milieu d'une pièce jonchée sur toute sa surface de débris de verre ou de miroirs brisés et de la neige. Elle saisit un morceau de verre et grâce à un couteau, elle essaye de gratter les bords, "de gratter les limites". ((Cf. Photogramme – Verre 2) Un petit chat noir et blanc circule dans les débris. [1]


Plan 117 : 1h 03' 35" : Nous entendons en voix-off le père qui dit : "où sont les enfants ?" [2] Nous l'apercevons durant une courte seconde, il est habillé en soldat, il passe sa main sur ses cheveux. [3]

Plan 118 : 1h 03' 38" : Les enfants sont à l'extérieur. Ici, s'intercalle la seconde référence à la Renaissance italienne. [4]

Cette contradiction (guerre et paix) nous la rencontrons avec la fin et le début de cet épisode court ; car, pour la première fois, nous avons la figure du miroir brisé, cassé, éparpillé. Et, comme nous venons de le dire : il y a une double guerre, l'une extérieure générale, une autre intérieure, particulière. L'une avec des bombes, l'autre avec une arme blanche, un couteau, comme instrument de séparation, instrument tranchant et coupant. Couteau que Maroussia tient dans sa main. (Cf. Photogramme – Verre 2) La question de la ressemblance se poursuit, l'épisode suivant présente la doublure de Maroussia : Natalia.

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Le mythe du sphinx et l’énigme du coq

Plan 124 : 1h 05' 22" : Natalia (la mère d’Ignat) regarde des photos. Elle discute avec son ex-mari, à propos d'un autre homme qu’elle a rencontré, et qu'elle hésite à épouser : « dois-je l'épouser ? » demande-t-elle à son ex-mari. La caméra effectue un zoom avant pour se placer devant une fenêtre, par laquelle nous observons Ignat dans une cour, près d'un petit feu. La mère dit : « regarde, notre cher cancre a brûlé quelque chose. » (Voir : Feu)

Plan 127 : 1h 12' 36" : Après la réplique de la mère, apparaît le plan en insert du buisson soufflé par le vent. (Plan 12, 3ème représentation de l'insert.)

Plan 128 : 1h 12' 42" : Changement de cadre, retour à la maison de l'enfance, celle du premier épisode « Le fenil en feu ». C'est le jour. Klanka (une voisine) décroche du plafond une lampe à pétrole. C'est la même table des plans 16 et 17, avec la séquence de la chute du verre de la lampe à pétrole, dont on a vu à plusieurs reprises l'extrême importance.

Plan 129 : 1h 14' 22" : Passage en noir et blanc. Aliocha, enfant de 5 ans, marche autour de la maison. Il appelle « maman ». Tout à coup :

Photogramme Verre 3 : Le Miroir, Plan 131. Le coq qui surgit de la fenêtre et casse la vitre en deux.
Photogramme Verre 3 : Le Miroir, Plan 131. Le coq qui surgit de la fenêtre et casse la vitre en deux.

Plan 130 : 1h 15' 10" : La vitre d'une fenêtre se casse en deux.

Plan 131 : 1h 15' 12": Un coq surgit à l'extérieur. (Cf. Photogramme – Verre 3.)

Photogramme Verre 3 : Le Miroir, Plan 132. La pierre et la lampe à pétrole sur la table, soulevées par la force du vent. (Le temps ?)
Photogramme Verre 3 : Le Miroir, Plan 132. La pierre et la lampe à pétrole sur la table, soulevées par la force du vent. (Le temps ?)

Plan 132 : 1h 15' 20" : Retour sur le buisson soufflé par le vent (Plan 12, 4ème représentation.), mais contrairement aux plans précédents, il n'est plus en insert, il propose une suite : travelling gauche vers une table disposée au milieu d'un champ, sur laquelle sont disposées une pierre et une lampe à pétrole, qui sont soulevées par la force du vent. La lampe tombe au sol. (Cf. Photogramme – Verre 4. )


Plan 133 : 1h 15' 49" : Changement de décor. Aliocha enfant court derrière la maison de campagne. Nous apercevons derrière lui et à l'arrière plan le puits. Aliocha monte un petit escalier qui mène à une porte, il essaye en vain de l'ouvrir, il redescend. La porte s'ouvre toute seule ! Dans une pièce sombre, Maroussia est accroupie, tenant dans ses mains des pommes de terre, un chien est à ses côtés.

Nous assistons en fait au rêve du père découpé en plusieurs parties. Il est d'abord annoncé par la voix-off du père : « je revois régulièrement le même rêve… Quelque chose m'empêche d'entrer à la maison.» La maison signifie le foyer, la protection familiale, la chaleur humaine, le don de soi. Il reste à l'extérieur. Curieusement, un coq, qui en principe a sa place à l'extérieur, est à l'intérieur. Sa sortie est fracassante, par une fenêtre, par un passage inhabituel. Il casse la vitre en morceaux, comme s'il cassait un couple en morceaux. La figure du coq dans cette représentation est énigmatique, comme le rêve lui-même.Il sort de l'intérieur vers l'extérieur, en brisant un verre, une "matière miroirisée". Le fait de traverser la vitre, de le percer en le brisant, indique la rupture d'une limite ou plutôt, la limite d'une dimension.


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Liens spécifiques du film

Voir : Miroir (Le)


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Stalker, d’Andreï Tarkovski

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Le verre vibrant

Andreï Tarkovski, pour introduire le deuxième protagoniste du film, le Stalker, choisit de nous le présenter directement dans son appartement.

Plan 5 : 03' 34" : Avec un travelling avant très lent, "la caméra passe entre deux portes-fenêtres et cadre en plan d'ensemble une chambre. Au centre est disposé un lit à baldaquin en fer forgé."[5]

Photogramme - Verre 5 : Stalker, Plan 6. Le plateau en fer qui vibre, en faisant déplacer le verre.
Photogramme - Verre 5 : Stalker, Plan 6. Le plateau en fer qui vibre, en faisant déplacer le verre.

Plan 6 : La caméra poursuit son travelling pour venir en plan rapproché et en légère plongée sur un plateau en fer vibrant sur une table. (Cf. Photogramme – Verre 5)

Nous entendons des sons de sifflets de train. Sur la table : (…) "Un verre d'eau, un bout de coton, deux comprimés, une sorte de petite boîte, un morceau de papier froissé." [6] Après la vibration de verre, grâce à un travelling lent à gauche, nous allons apercevoir dans l'ordre : la femme du Stalker, ensuite, une petite fille, Ouistiti, et enfin, un homme au crâne presque rasé, le Stalker. Un travelling repartira à droite, pour s'arrêter de nouveau sur le plateau qui continue de vibrer légèrement. [7]

Donc, le verre vibrant ponctue et isole l'introduction du Stalker et de sa famille. Et à la fin du film, le prodige de Ouistiti, (plan 144, dernier plan du film) ponctue le début et la fin du film. Quel est alors, l'intérêt de ce plan ? Est-il plastique ? Est-il métaphysique ? Est-ce que le sifflement du train et la vibration du verre sont comme un signal de départ pour le Stalker ? Est-ce que cela veut dire qu'il habite près d'une gare ? S'agit-il d'un centre de départ et d'arrivée imminentes ? Est-ce l'indice sismographique de la météorite ? Cette ponctuation peut être aussi considérée comme une parenthèse. Pour reprendre un terme tarkovskien, elle devient comme une strate supplémentaire, mieux encore, comme une strate cinémantique. Car le plateau devient une représentation métaphorique de la Zone, où tout change à chaque instant, où tout bouge. [8] E. Morin dirait une "représentation cosmomorphique". [9]

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Le verre en chute

Après la courte séquence du Bar, le Stalker porte Ouistiti sur ses épaules. Et en compagnie de sa femme, ils se rendent à leurs appartements. Au plan 141, gros plan en plongée d'une gamelle dans l'obscurité. Une main verse du lait. Elle en verse un peu de côté. Contraste frappant entre la blancheur du lait et l'obscurité du plancher. Le chien noir vient laper le lait. (Cf. Photogramme – Chien noir.)


Au plan 144, dernier plan du film, la petite fille tient un livre près de son visage. (…) "Des flocons de pollen flottent dans l'air. Ses yeux passent d'une ligne à l'autre à une vitesse vertigineuse. Lent zoom arrière. Sons de corne de brume. (…) En avant-plan, on distingue deux verres posés sur une table. Elle pose doucement son livre sur ses genoux. Le zoom arrière continue. Voix off petite fille : "Comment ne pas aimer tes yeux. Et leur reflet étincelant. Quand tu les lèves, malicieux. Et traces un cercle miroitant. Tel un éclair venu des cieux… (…) "Elle se tourne un court instant derrière elle, vers la fenêtre, puis, elle penche sa tête en direction du verre. Bientôt sous l'effet de son regard le verre se déplace. Elle le dirige peu à peu vers le bout de la table. On entend les couinements et la respiration du chien. Elle le regarde un instant. Puis se concentre de nouveau sur le verre qu'elle amène, par la force de regard, au bord de la table en avant-plan. Puis, elle se concentre sur un bocal. Elle le fait se déplacer jusqu'au milieu de la table. Ensuite elle passe à l'autre verre (le grand verre) qu'elle dirige aussi vers le bout de la table La petite fille pose sa joue contre la table. Le verre tombe par terre. (Cf. Photogramme – Verre 6.)


Bientôt une vibration se fait sentir sur la table. Le verre (avec le liquide rouge) tremble sur la table. Le bruit d'un train va en s'amplifiant. Puis, dans le vacarme du train, on entend l'hymne à la joie de la neuvième symphonie de Beethoven. (lent zoom avant) La petite fille est cadrée gros plan." [10]

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Ouverture et fermeture du film avec des plans de verres

C'est donc cela, la réponse d'Andreï Tarkovski : les vœux profonds des hommes se trouvent logés au fond du regard d'un enfant, comme un éternel hymne joyeux. Au fond du regard, c'est-à-dire au fond des yeux, au fond de deux orifices circulaires doués du miracle de la vue. Nous avons déjà vu une scène comparable à celle-ci, au plan 6 du film. (Cf. Photogramme – Verre 5.) Les deux plans du plateau de fer vibrant constituent des parenthèses étranges du personnage du Stalker. Et l'opposition de ces deux plans avec le plan 144, nous engage sur le véritable mystère du prodige de Ouistiti. Les protagonistes reviennent de la Zone, mais nous pensons, que les spectateurs, eux, y restent. En effet, nous déduisons de cette présentation en opposition de plan que l'étrangeté et l'insolite n'appartiennent pas exclusivement à la Zone ; car, ce qui est troublant, c'est que "le grand verre", [11] n'est pas "vide". Il nous semble, qu'il porte l'opacité grasse d'un verre de lait qu'on vient de boire. Or, nous venons de voir le chien noir lapant du lait. Ne peut-on pas voir dans ces images conclusives, une relation en boucle illustrant un élément maternel, le lait ? Ainsi, ces constatations nous font pencher sur les propriétés des verres.

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Propriétés des trois verres du plan 144

Nous venons de voir le premier, le verre opaque. Le second est transparent et à moitié plein d'un liquide rouge (vin ou sang). [12] Le troisième verre (caché à l'image) contient une coquille d'œuf ouverte vide et une plume. A cela, nous devons être attentifs au plateau de la table sur laquelle sont posées les trois verres : De forme rectangulaire, lisse et inondée, en grande partie, de lumière blanchâtre, qui ressemble et se confond avec la blancheur du "grand verre". Le plateau rectangulaire de la table du plan 144 ne contraste-t-il pas avec le plateau rond en fer qui vibre du plan 6 ? Ne peut-on pas dire, en définitive, que ce qu'il faut retenir dans ce plan, n'est pas le pouvoir télékinésique de Ouistiti, mais bien, plus simplement, les verres et la table lisse sur laquelle Ouistiti va, enfin, poser sa lisse joue ? Nous sommes, de nouveau, dans un système d'entrelacs et de nœud symbolique complexe. Mais en même temps, avec la chute du "grand verre", tout le poids et la densité dramatique du film se libèrent, [13] illustré phonétiquement par le passage du vacarme strident de train (comme au plan 6), suivi par l'hymne à la joie de Beethoven. Ainsi, in extremis, à travers le plateau vide de la table, ne peut-on pas voir une abstraction géométrique (presque malévitchienne) de la "météorite" ? (Parce que tout le plan (pour ne pas dire tout le film) baigne dans le surnaturel). Et à travers cette abstraction, ne peut-on pas dire que nous assistons à une représentation d'une apparition théophanique, qui manifeste une perspective d'une "tabula rasa" ?

Dans ces circonstances extrêmes, les trois verres ne suggèrent-ils pas le temps (ou plutôt, la progression du temps) ? Le passé présenté par la coquille éclose et la fraîcheur d'une plume ; le présent est le verre à demi-plein ; le futur, enfin, dévoile une maternité débordante et débordée. Pour clore, il faut considérer l'angle de chute du "grand verre". Il se dirige sur l'axe, droit vers le public (il aurait pu tomber à gauche ou à droite). Nous pensons ainsi, que le réalisateur cherche un débordement d'une contagion théophanique. G. Pangon, conclut son article sur la question de "la nécessité du renouveau intérieur" et "la foi en l'homme pour progresser vers l'absolu". Or, d'après le plan 144, l'absolu serait, selon une formule laconique : un moins et non pas un plus.


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Liens Spécifiques du film

Voir : Stalker



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Notes et références

  1. Comme le chat noir dans Andreï Roublev, qui traverse en oblique, l'église dévastée par les tatars, (plan 264)
  2. C'est encore un clédon, qui se traduit de la sorte : "Où sont-ils nos enfants ?" "Que devient-ils ?"
  3. Comme l'Ecrivain dans Stalker, c'est le geste d'une personne qui n'a "plus son chapeau", qui n'a plus sa tête.
  4. Il s'agit du "portrait de jeune femme au genièvre de Léonard de Vinci", Andreï Tarkovski, Le Temps Scellé, op. cit., pp. 102-103.
  5. Andreï Tarkovski, Stalker, L'Avant-Scène Cinéma, op. cit., p. 14.
  6. Ibid, p. 14.
  7. G. Pangon : […] " Le signe de la Croix est donc là…", op. cit., p.106.
  8. Une allusion au tremblement de terre que nous avons évoqué précédemment ?
  9. "Le cosmomorphisme, c'est-à-dire une tendance à charger l'homme de présence cosmique." op. cit., p. 77.
  10. Andreï Tarkovski, Stalker, L'Avant-Scène Cinéma, op. cit., p. 68.
  11. Contrairement à la remarque de G. Pangon, op. cit., p. 110.
  12. G. Pangon parle du sang du Christ. Op. cit., p. 110.
  13. Exactement comme dans Nostalghia, avec la "Libération de la Maison de la fin du monde".


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