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[[Fichier: Unite_Pontormo_Joseph en Egypt_1600p.jpg| | [[Fichier: Unite_Pontormo_Joseph en Egypt_1600p.jpg|450px|thumb|right|alt=''L'Histoire de Joseph'', 1515-1518, de Pontormo Jacopo (1494-1557), Huile sur toile. 96 x 109 cm. National Gallery, Londres.|''L'Histoire de Joseph'', 1515-1518, de Pontormo Jacopo (1494-1557), Huile sur toile. 96 x 109 cm. National Gallery, Londres.]] | ||
==Andreï Roublev, d’Andreï Tarkovski== | ==Andreï Roublev, d’Andreï Tarkovski== | ||
===Les relations avec l’Ancien Testament=== | ===Les relations avec l’Ancien Testament=== | ||
<span id="ancre_73p"></span> [[Fichier:couleuvrep1.jpg|300px|thumb|right|alt='''Photogramme - Couleuvre. ''' : ''[[Andreï Roublev]]'', '''Plan 73. ''' Le passage fugace, à la surface de l'eau, d'une couleuvre. |'''Photogramme - Couleuvre. ''' : ''[[Andreï Roublev]]'', '''Plan 73. ''' Le passage fugace, à la surface de l'eau, d'une couleuvre. ]] | |||
En conclusion de la 3ème partie du film (Théophane le Grec), il reste des relations directes qui vont s'établir d'une part à l'intérieur des plans, et d'autre part à l'intérieur d'un même plan. Il y a d'abord un exemple unique où nous trouvons les deux aspects cités. Il s'agit du plan 81-34, celui qui précède Théophane en majesté. C'est un seul plan qui introduit deux temps différents. <ref>Comme dans ''Les fraises sauvages'' (1957), quand Isak Borg se promène comme un fantôme dans la maison du passé : (…) "Ces images sont arbitraires et impossibles, puisqu'Isak n'y apparaît jamais sous sa forme ancienne. Elle n'en traduisent pas moins la permanence du passé dans le moi psychique du vieillard." '''Jacques Siclier''', ''Ingmar Bergman'', Editions Universitaires, 1960, p. 145. </ref> Il a été cité par Gilles Deleuze. Il s'agit d'un cas de plan de longue durée mobile, un plan-séquence, avec profondeur de champ. C'est le concept de "l'unité du plan", sur lequel le philosophe développe une théorie de la surface du plan, à partir des bases plastiques issues de l'évolution dans l'histoire de la peinture : (…) "Entre le XVIème et le XVIIème siècles, à une superposition des plans dont chacun se trouve rempli par une scène spécifique, et où les personnages se rencontrent côte à côte, s'est substituée une tout autre vision de la profondeur, où les personnages se rencontrent en oblique et, s'interpellent d'un plan à l'autre." (Cf. [[#ancre_1| Le tableau de Pontormo]]) <ref>'''Gilles Deleuze''', ''L'Image-mouvement'', 2ème chapitre, ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_4|op. cit.]]'', pp. 42 sq. </ref> L'auteur cite ''Les principes fondamentaux de l'histoire de l'art'' de Wölfflin. En exemple à sa démonstration il cite le cinéma de Jean Renoir et d'Orson Welles. Cependant, le concept de "l'unité du plan" correspond au plan 83-36 ; Roublev étonné remarque Théophane. Nous avons à ce moment-là deux plans en oblique, à l'intérieur desquels Roublev et Thomas traversent le talus pour rejoindre Théophane. | En conclusion de la 3ème partie du film (Théophane le Grec), il reste des relations directes qui vont s'établir d'une part à l'intérieur des plans, et d'autre part à l'intérieur d'un même plan. Il y a d'abord un exemple unique où nous trouvons les deux aspects cités. Il s'agit du plan 81-34, celui qui précède Théophane en majesté. C'est un seul plan qui introduit deux temps différents. <ref>Comme dans ''Les fraises sauvages'' (1957), quand Isak Borg se promène comme un fantôme dans la maison du passé : (…) "Ces images sont arbitraires et impossibles, puisqu'Isak n'y apparaît jamais sous sa forme ancienne. Elle n'en traduisent pas moins la permanence du passé dans le moi psychique du vieillard." '''Jacques Siclier''', ''Ingmar Bergman'', Editions Universitaires, 1960, p. 145. </ref> Il a été cité par Gilles Deleuze. Il s'agit d'un cas de plan de longue durée mobile, un plan-séquence, avec profondeur de champ. C'est le concept de "l'unité du plan", sur lequel le philosophe développe une théorie de la surface du plan, à partir des bases plastiques issues de l'évolution dans l'histoire de la peinture : (…) "Entre le XVIème et le XVIIème siècles, à une superposition des plans dont chacun se trouve rempli par une scène spécifique, et où les personnages se rencontrent côte à côte, s'est substituée une tout autre vision de la profondeur, où les personnages se rencontrent en oblique et, s'interpellent d'un plan à l'autre." (Cf. [[#ancre_1| Le tableau de Pontormo]]) <ref>'''Gilles Deleuze''', ''L'Image-mouvement'', 2ème chapitre, ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_4|op. cit.]]'', pp. 42 sq. </ref> L'auteur cite ''Les principes fondamentaux de l'histoire de l'art'' de Wölfflin. En exemple à sa démonstration il cite le cinéma de Jean Renoir et d'Orson Welles. Cependant, le concept de "l'unité du plan" correspond au plan 83-36 ; Roublev étonné remarque Théophane. Nous avons à ce moment-là deux plans en oblique, à l'intérieur desquels Roublev et Thomas traversent le talus pour rejoindre Théophane. | ||
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D'autre part, il reste d'autres plans pertinents comme celui de la couleuvre (plans 73 et 75). | D'autre part, il reste d'autres plans pertinents comme celui de la couleuvre (plans 73 et 75). | ||
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===="L'impression profonde"==== | ===="L'impression profonde"==== | ||
<span id="ancre_93"></span> [[Fichier:Andreïroublev_Tarlovsky_plan93_croix_1600p.jpg|300px|thumb|right|alt='''Photogramme - Portement de la croix. ''' : ''[[Andreï Roublev]]'', '''Plan 93. ''' Le portement de la croix et l'ascension de la foule sur une colline.|'''Photogramme - Portement de la croix. ''' : ''[[Andreï Roublev]]'', '''Plan 93. ''' Le portement de la croix et l'ascension de la foule sur une colline.]] | |||
<span id="ancre_257"></span> [[Fichier:foulep2.jpg|300px|thumb|right|alt='''Photogramme - Foule. ''' : ''[[Andreï Roublev]]'', '''Plan 257. ''' Le peuple résigné, descend une pente. Comparez avec le plan 93, le peuple qui monte la colline, dans la scène de la passion du Christ.|'''Photogramme - Foule. ''' : ''[[Andreï Roublev]]'', '''Plan 257. ''' Le peuple résigné, descend une pente. Comparez avec le plan 93, le peuple qui monte la colline, dans la scène de la passion du Christ.]] | |||
Tarkovski n'utilise donc pas la surimpression mais "l'impression profonde". Il traduit le discours des deux peintres en langage visuel métaphorique. Il pose d'abord une impression : le martyr du Christ et l'approfondit ensuite. Il jette ainsi d'autres bases sur lesquelles vont prendre appui d'autres figures, qui amorcent à leur tour des nouvelles structures. C'est, par exemple le [[Cape#ancre100ap|plan 100a]] où le Christ laisse tomber sa [[cape]] pour s'allonger sur la [[croix]]. Ce plan offre en miroir le plan IV 122-16. Roublev exécute le même geste pour aller rejoindre, vraisemblablement, une bacchante. Ou encore, formellement parlant, le plan 93 : le portement de la croix et l'ascension de la foule sur une colline (Cf. '''Photogramme – Portement de la croix'''), opposée à son contraire au plan VI 255-75 qui montre la descente du peuple d'une colline, pendant le sac de Vladimir. (Cf. '''Photogramme – Foule'''.) | Tarkovski n'utilise donc pas la surimpression mais "l'impression profonde". Il traduit le discours des deux peintres en langage visuel métaphorique. Il pose d'abord une impression : le martyr du Christ et l'approfondit ensuite. Il jette ainsi d'autres bases sur lesquelles vont prendre appui d'autres figures, qui amorcent à leur tour des nouvelles structures. C'est, par exemple le [[Cape#ancre100ap|plan 100a]] où le Christ laisse tomber sa [[cape]] pour s'allonger sur la [[croix]]. Ce plan offre en miroir le plan IV 122-16. Roublev exécute le même geste pour aller rejoindre, vraisemblablement, une bacchante. Ou encore, formellement parlant, le plan 93 : le portement de la croix et l'ascension de la foule sur une colline (Cf. '''Photogramme – Portement de la croix'''), opposée à son contraire au plan VI 255-75 qui montre la descente du peuple d'une colline, pendant le sac de Vladimir. (Cf. '''Photogramme – Foule'''.) | ||
<span id=" | <span id="ancre_croix"></span> [[Fichier:croixficheep3.jpg|300px|thumb|right|alt='''Photogramme - Croix fichée. ''' : ''Le Cuirassé Potemkine''. La croix qui se fiche au sol.|'''Photogramme - Croix fichée. ''' : ''Le Cuirassé Potemkine''. La croix qui se fiche au sol.]] | ||
En outre, nous constatons que la figure du Christ a une extension vers la figure de la croix et de l'église. Ces trois figures sont souvent liées. C'est, par exemple, dans Le cuirassé Potemkine (1925) de Serge Eisenstein, le plan en insert de la croix du pope qui est fichée dans le sol dans l'obscurité.<ref>Cf. Notre ''Mémoire de D.E.A.'' 1994. Cette idée est reprise dans ''Les Anges du péché'' de R. Bresson, ainsi (…) "Le crucifix de la chambre se trouve toujours dans l'[[ombre]]". '''M. Estève''', ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_3|op. cit.]]'', p. 26. Dans ''Suzanna'' de Luis Buñuel : (…) Un éclair, illuminant la grille de la maison de correction, projette une [[croix]] sur le sol. Suzanna tente de baiser la croix mais une araignée la fait reculer vers une fenêtre dont les barreaux cèdent." '''F. Cesarman,''' ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_3|op. cit.]]'', p. 112. </ref> (Cf. '''Photogramme – Croix fichée'''. ) | En outre, nous constatons que la figure du Christ a une extension vers la figure de la croix et de l'église. Ces trois figures sont souvent liées. C'est, par exemple, dans Le cuirassé Potemkine (1925) de Serge Eisenstein, le plan en insert de la croix du pope qui est fichée dans le sol dans l'obscurité.<ref>Cf. Notre ''Mémoire de D.E.A.'' 1994. Cette idée est reprise dans ''Les Anges du péché'' de R. Bresson, ainsi (…) "Le crucifix de la chambre se trouve toujours dans l'[[ombre]]". '''M. Estève''', ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_3|op. cit.]]'', p. 26. Dans ''Suzanna'' de Luis Buñuel : (…) Un éclair, illuminant la grille de la maison de correction, projette une [[croix]] sur le sol. Suzanna tente de baiser la croix mais une araignée la fait reculer vers une fenêtre dont les barreaux cèdent." '''F. Cesarman,''' ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_3|op. cit.]]'', p. 112. </ref> (Cf. '''Photogramme – Croix fichée'''. ) | ||
Dans ce cas, c'est l'église qui est visée : l'attribut du pope est dans l'ombre. De plus, la croix se fiche à l'envers, la croix est inversée. Les suggestions sont donc doubles : l'[[ombre]] et l'[[inversion]]. La séquence de la Passion du Christ dans ''[[Andreï Roublev]]'' a un poids considérable dans la structure du film. De quoi deux peintres religieux peuvent-ils parler, si ce n'est de l'évangile ou de la vie du Christ ? C'est même leurs missions premières : transmettre par la peinture "l'image de l'image divine". Mais ici, le problème est que Roublev veut aussi comprendre le peuple. Les images de la [[passion]] qui défilent sont la voie qui conduit aux fruits de l'imagination du peintre. Et quand on parle de peinture, il y a aussi des pinceaux quelque part. Ici, c'est Thomas qui nettoie des pinceaux chargés de matière visqueuse dans la rivière, de la matière en formation. | Dans ce cas, c'est l'église qui est visée : l'attribut du pope est dans l'ombre. De plus, la croix se fiche à l'envers, la croix est inversée. Les suggestions sont donc doubles : l'[[ombre]] et l'[[inversion]]. La séquence de la Passion du Christ dans ''[[Andreï Roublev]]'' a un poids considérable dans la structure du film. De quoi deux peintres religieux peuvent-ils parler, si ce n'est de l'évangile ou de la vie du Christ ? C'est même leurs missions premières : transmettre par la peinture "l'image de l'image divine". Mais ici, le problème est que Roublev veut aussi comprendre le peuple. Les images de la [[passion]] qui défilent sont la voie qui conduit aux fruits de l'imagination du peintre. Et quand on parle de peinture, il y a aussi des pinceaux quelque part. Ici, c'est Thomas qui nettoie des pinceaux chargés de matière visqueuse dans la rivière, de la matière en formation. |