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Version du 8 mars 2012 à 04:16
Titres des films
Mode d'emploi de la figure (mot) et abréviations
Titre | Titre original | Réalisation | Scénario | Année | Pays | Durée (min.) |
---|---|---|---|---|---|---|
Ange à ma Table (Un) | An Angel at My Table | Campion Jane | Jones L. | 1990 | Australie, Nlle. Zélande |
149 |
Ange Exterminateur (L’) | El Angel Exterminador | Buñuel Luis | Buñuel L. | 1963 | Mexique | 95 |
Anges déchus (Les) | Duo luo tian shi | Kar-Wai Wong | Kar-Wai W. | 1997 | Hong-Kong | 96 |
Anges du Péché (Les) | Anges du Péché (Les) | Bresson Robert | Bresson R. Bruckberger R. L. |
1943 | France | 73 |
Cité des Anges (La) | City of Angels | Siberling Brad | Handke P. Reitinger R. |
1998 | USA | 113 |
Autres titres de films
Mode d'emploi de la figure (mot) et abréviations
Titre | Titre original | Réalisation | Scénario | Année | Pays | Durée |
---|---|---|---|---|---|---|
Ailes du désir (Les) | Der Himmel über Berlin | Wenders Wim | Wenders W. Handke P. |
1997 | USA | 126 |
Nostalghia | (Voir détail : Nostalghia) | Tarkovski Andreï | Tarkovski A. Guerra T. |
1983 | URSS Italie |
130 |
Photogrammes extraits des films - Analyse et liens spécifiques des films
Nostalghia, d'Andreï Tarkovski
L'église inondée - Pré-figuration et trans-figuration : Le poème, la plume et l'ange : figures ascensionnelles
«Et nous : spectateurs, toujours, partout, tournés vers tout cela et jamais au-delà ! »
R. M. Rilke. [1]
—
Plan 83 : 1h 17' 40" : C'est un plan rapproché d'une fontaine d'où jaillit une eau abondante (83a). Le Poète, visiblement saoul, marche en titubant dans une église en ruine, inondée. Il est mouillé jusqu'au genou. Un livre à la main, il récite un poème, d'un ton grave, et d'une façon discontinue : (83b)
Un indice va nous intéresser particulièrement : c'est "la plume blanche" [2], qui s'interpose dans le livre, en tant que métaphore d'une "Aile en mouvement".
Il y a une "combinaison" qui va nous intéresser, celle d'une "échelle graduelle" qui est suggérée par l'équation suivante : mère → plume → ange. Cette combinaison s'engage, comme le décrit Bachelard, dans une espèce "d'opération spirituelle". [3] Dans Le Temps Scellé Tarkovski subsume l'être originel, la mère en plume, pour devenir dans Nostalghia, un ange. Nous verrons qu'au plan 95, l'opération est encore plus étrange, et plus mystique, puisque le plan de la plume qui tombe est précédé par un dialogue entre "le Seigneur" et "une Sainte". Regardons de près comment s'effectuent les transitions de plan à plan à partir du poème jusqu'à la plume qui tombe. (Plans 83 - 95.)
Plan 84 : 1h 18' 30" : Intérieur de l'église inondée. D'un côté d'un mur en ruine apparaît une petite fille qui se cache aussitôt que le Poète entre dans l'église. (84a) Sous un autre angle, et d'un autre côté de l'église, la petite fille apparaît de nouveau. (84b)
Plan 85 : 1h 19' 06" : Le Poète ne s'aperçoit pas de la présence de la petite fille. Il laisse tomber le livre. Il fait un petit feu, il boit de la vodka. Il pose le gobelet près du feu, le gobelet vacille, il le retient à la dernière seconde. Soudain, il remarque la petite fille : (85b) " Que fais-tu ici, tu as peur. (Plan 86.)
Plan 87a : 1h 20' 25" : "C'est moi qui devrais avoir peur de toi." Le Poète est saoul. Lui, d'habitude si réservé, si laconique, se met à parler sans arrêt. Il commence par raconter une histoire à la petite fille. Adossé à un petit poteau au milieu de l'église, le Poète pose son gobelet de vodka au bout d'un poteau flanqué au milieu de l'église, sans aucune raison apparente. Comme si le poteau (axe du monde) au plan 1 commençait à émerger ? (87c) (Cf. Photogramme – Poteau.)
Il se met à parler seul (…) Il s'adresse à la petite fille (87d) : -" Comment t'appelles-tu ? " - La petite fille (off) : " Angela. " - Le Poète : "Angela, bravo…" (89) Il veut se débarrasser de la cigarette suspendue à sa bouche, mais, cette dernière étant humide, le bout de la cigarette se détache du filtre, qui reste collé dans sa bouche. Ce bout de cigarette ne suggère-t-il pas le bout de la bougie ?
Plan 90 : 1h 24' 01" : La petite fille s'installe dans une structure de l'ordre d'une "annonciation", d'une "apparition". (Cf. Photogramme – Angela.)
Le Poète ignorait sa présence. Il en a eu peur. Peut-on avoir peur d'un enfant ? Ce n'est donc pas de l'enfant qu'il a eu peur, mais d'une présence. Rappelons-nous la poésie qu'il lisait : "Enfant je suis tombé malade." Il lisait le poème en marchant, avec une voix détachée, presque impersonnelle. Du coup, l'enfant acquiert une valeur pythique, comme une voie de l'au-delà ? A cela, il faut ajouter la disposition particulière de l'image : la petite fille est accroupie sur un rocher (90a). La petite Angela accède à une "échelle pythique". Comme si nous étions devant la consultation d'un oracle ?
Le second rêve du Poète : Ange → Plume → Mère
Plan 93 : 1h 25' 45"": Dans une rue jonchée de feuille, le Poète endormi au milieu de la chaussée se redresse. Il se relève. Il marche droit vers nous. Il traverse un petit carrefour. Il continue de marcher droit devant lui. Il passe devant une armoire à miroir.(93b) Il est devant l'armoire. Il ouvre la porte de l'armoire. En reflet dans le miroir, nous distinguons "le Fou", sans son bonnet (93d).
Plan 94 : 1h 28' 34"": Plan général et en plongée du Poète à l'intérieur d'une immense cathédrale en ruine, sans toit. Une cathédrale à ciel ouvert, comme l'est "l'esprit ouvert" du Poète. Il parcourt transversalement et de gauche à droite les trois nefs. [4] Nous entendons le chant d'un enfant. C'est le chant modifié lors de la procession de la Madone del Parto. Nous écoutons aussi deux voix-off :
- Voix féminine : "Seigneur ne vois-tu pas comme il implore ? Dis-lui quelque chose."
- Voix masculine : "S'il entendait ma voix que se passerait-t-il ?"
- Vois féminine : "Fais-lui sentir ta présence."
- Voix masculine : "Je la fais sentir, c'est lui qui ne s'en aperçoit pas.
Plan 95 : 1h 30' 11": Retour dans l'église en ruines. La plume tombe en tournoyant, traverse une portion de toit ajouré, (Cf. Photogramme - Plume) et finit par tomber dans une flaque d'eau.
Plan 96 : 1h 30' 28" : Retour à la position du Poète, celle du plan 92. Panoramique contraire gauche/droite. Les flammes du petit feu embrasent à présent un coin du livre de poésies. Nous sommes de nouveau en face d'une "combinaison parallèle" : l'histoire de "l'objet livre" touche à sa fin.
En résumé, cette "combinaison parallèle" est en fait une constante dans le cinéma d'Andreï Tarkovski. Les éléments proposent à présent la formule suivante : Enfant → Ange → Plume → Mère. Les éléments ne sont pas alignés, ils sont dispersés. Pourquoi ce désir de dispersion ? Il semble que c'est pour indiquer que "la vérité" n'est pas un élément saisissable immédiatement. Tarkovski cite Hermann Hesse dans "Le jeu des perles de verres" : (…) "La vérité se vit, elle ne s'enseigne pas ex cathedra. Prépare-toi à des luttes." [5] Des luttes, nous en aurons deux : celle du Poète qui traversera la piscine de Sainte Catherine, lutte avec les éléments primordiaux ; celle du Fou, lutte avec le feu. Nous anticipons sur les derniers propos du long discours Fou, à Rome, avant son dernier "voyage incandescent" : "Ça j'ai oublié ... Oh mère ! l'air est cette chose légère qui flotte autour de la tête et devient plus claire quand on rit." (Plan 109b.) Cette "chose légère" suggère "la plume". Mais il faut voir aussi dans la mère, la nature. Enfin, le songe dans la crypte de l'église, à l'appui de certains indices révélés dans le film, peut être assimilé aussi à une "oniromancie" (divination par le songe). Il est d'abord établit, qu'avant une consultation oraculaire, le consultant devait effectuer une série de rites sacrificiels et purificateurs. [6] Le Poète entre dans l'église avec ses habits, il aura la tête aspergée d'eau, comme un "baptême oraculaire". De plus, il buvait de la vodka, ce qui propose "une initiation dionysiaque". Il y a enfin l'étrange présence de la petite fille : hallucination ou réalité ?
Liens spécifiques du film
Voir : Nostalghia
Notes et références
- ↑ Elégies de Duino, Huitième élégie, (…) "Und wir : Zuschauer, immer, überall, / dem allen zugewandt und nie hinaus ! traduction de J. - P. Lefebvre, Éditions Poésie/Gallimard, (1922) 1994, pp.92-93.
- ↑ Qu'on a déjà vue au plan 18, et qu'on verra au plan 95. Pour dire l'importance de ce poème et de son développement dans le film.
- ↑ G. Bachelard, Air et les songes, p. 55.
- ↑ La cathédrale en ruines c'est celle qui correspond au dernier plan du film.
- ↑ Andreï Tarkovski, Le Temps Scellé, traduit du russe par Anne Kichilov et Charles H. de Brantes, Éditions de l'Étoile/Cahier du Cinéma, 1989, p. 83.
- ↑ Raymond Bloch, La divination dans l'Antiquité, P.U.F. 1984.