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Titres des films
Mode d'emploi de la figure (mot) et abréviations
Titre | Titre original | Réalisation | Scénario | Année | Pays | Durée (min.) |
---|---|---|---|---|---|---|
Plumes dans la Tête (Des) | Plumes dans la Tête (Des) | De Thier Thomas | De Thier T. | 2004 | Belgique, France | 117 |
Quatre Plumes Blanches (Les) §. Dans ce film de guerre, la plume blanche représente la lâcheté. |
The Four Feathers | Korda Zoltan | Biró L., Sheriff R. C., Wimperis A., roman de Mason A.E.W. | 1939 | Angleterre | 129 |
Autres titres de films
Mode d'emploi de la figure (mot) et abréviations
Titre | Titre original | Réalisation | Scénario | Année | Pays | Durée |
---|---|---|---|---|---|---|
Charley-Le-Borgne §. Φω. 1 |
Charley-One-Eye | Chaffey Don | Leonard Keith | 1974 | USA | 96 |
Forest Gump | Forest Gump | Zemeckis Robert | Roth E. | 1994 | USA | 140 |
Nostalghia | Nostalghia | Tarkovski Andreï | Tarkovski A. Guerra T. |
1983 | URSS Italie |
130 |
Ours (L’) §. L'ourson dans les plumes |
Bear (The) | Annaud Jean-Jacques | Brach Gérard, adapté du livre Le Grizzly de Curwood James Oliver | 1988 | France | 92 |
Viridiana §. La colombe déplumée |
Viridiana | Buñuel Luis | Buñuel L. Alejandro J. |
1961 | Mexique Espagne |
90 |
Visiteur (Le) Φω. Plan 39 |
Muukalainen | Valkeapää Jukka-Pekka | Forsström J. Valkeapää J.-P. |
2008 | Finlande Angleterre |
98 |
Photogrammes extraits des films - Analyse et liens spécifiques des films
Nostalghia, d'Andreï Tarkovski
« La Madone del Prato » [1], les sentiers ou les voies de l’attente
Plan 4 : 5' 46" : La Traductrice entre dans une église. Des femmes voilées, agenouillées, prient.
Plan 9 : 8' 11" : La Traductrice décide de partir de l'église. Le prêtre lui dit : "Attends!" C'est un mot oraculaire. Plusieurs structures du film sont basées sur le concept de l'attente.
Plan 10a : 10' 17" : L'attente de la Traductrice n'a pas été vaine. D'abord elle voit passer la procession de la vierge. (Cf. (Cf. Photogramme – Plume 1.))
Ensuite elle assiste à un spectacle unique en son genre. Il s'agit d'une "ouverture symbolique" du ventre de la Vierge de la procession, dont va sortir "triomphalement", une nuée d'oiseaux, tout à coup extrêmement bruyants. [2] (Cf. Photogramme – Plume 2. )
Plan 14 : 11' 17" : Mieux encore, après ce spectacle-prodige, la Traductrice, stupéfaite, regarde s'étaler sur un autel chargé de dizaines de cierges, les plumes des oiseaux. (Cf. Photogramme – Plume 3.)
Ce plan semble constituer "l'image-clé" du film. Certains interprètes voient dans la plume un symbole du sacrifice. (…) "Car, sous toutes les latitudes, poules et poulets étaient sacrifiés aux dieux et les plumes, seules, restaient étalées autour de l'autel. Elles attestaient que le rite avait bien été accompli." [3] "Image-clé", parce que tous les éléments significatifs du film s'y trouvent. D'abord, Eugenia, la Traductrice sert, si l'on ose dire, de "liaison de l'image". [4] Ensuite, c'est la traductrice qui va présenter Domenico "le Fou" au Poète. Le premier va se sacrifier en s'immolant par le feu. Le second accomplira le vœu du premier, celui du "Mystère de sainte Catherine", dans la piscine thermale. Enfin, elle assiste à la scène. Et, quelques secondes plus tard, à l'extérieur, au :
Plan 17 : 11' 57" : (2ème série d'images en flash-back, en noir et blanc.) Le poète attend la Traductrice dehors, ne voulant plus admirer l'œuvre de Pierro della Francesca. (Cf. Photogramme – Plume 4.)
Plan 18 : 12' 18" : Il voit tomber à ses pieds, dans une flaque d'eau, une plume blanche. (Cf. Photogramme – Plume 5.)
Seconde "image-clé" qui devient une "image-passage". Et plus précisément, "passage du banal, du quotidien à l'héroïque". Car, l'accomplissement du "Mystère de sainte-Catherine" est inclus dans le plan 18. Il correspond au point de chute de la plume, dans une flaque d'eau. Il en sera de même au plan 95, une autre plume tombe du ciel, dans une... flaque d'eau. La représentation d'une même figure confirme l'idée que le plan 14 est un plan déterminant. Un symbole. [5]
Le Poète, intrigué, ramasse la plume. Il la contemple, il dirige son regard [6] vers le sentier que la Traductrice a emprunté pour se rendre à l'église. La caméra suit le sentier, mais au bout du sentier, nous voyons la "maison natale" du Poète, dans les bois. Voilà son église. C'est le dilemme du poète : "l'inconnu qui s'éveille". [7] Cette jonction des deux espaces, dysphorique et euphorique dirait A. Gardies, est une constante du film, elle s'engage sur plusieurs voies qui est souvent dominée par une structure de base, celle d'une thématique tarkovskienne : le concept de passage. Nous verrons finalement que tout le film s'organise autour de ce concept. De plus, si nous suivons la perspective sémiotique, de définir le récit comme "le passage d'un état antérieur à un état ultérieur opéré à l'aide d'un faire (ou d'un procès)." [8] Nous constaterons aussi que "la cinémancie" s'articule également sur une "transformation-changement " ou un "passage" entre deux états.
"La Chambre sans fenêtre"
Plan 27 : 19' 45" : Long plan circulaire à 360°. Le Poète ouvre les volets, il les ferme aussitôt. Il veut être "fermé" comme les volets de la chambre. (27a) Il allume un néon qui a une couleur bleutée. Il prend un livre (27f), c'est une Bible. Il remarque, à la première page de la bible, une mèche de cheveux enroulée autour d'un peigne. (Cf. Photogramme – Cheveux 1.)
Tout à coup, au plan 31, imperceptiblement, la salle de bain s'obscurcit complètement. Quelques secondes plus tard, un mystérieux chien sort de la salle de bain (31h), contourne le lit, et se couche aux pieds du Poète, devant une grosse flaque d'eau. [9] Un verre tombe curieusement au sol, sans se casser (31i). Un lent zoom avant vient cadrer la tête du Poète au niveau de ses cheveux. Une mèche blanche de ses cheveux suggère une plume (31j). Il cesse de pleuvoir, le poète s'endort.
Nous rencontrons de nouveau la figure de la plume, qui est en relation avec plusieurs plans. Commentant des mythes d'Australie et de Nouvelle-Guinée, Lucien Lévy-Bruhl précise : (…) "Les plumes sont une appartenance de l'oiseau, sa peau, son corps ; elles sont ainsi l'oiseau lui-même. S'en revêtir, en sucer ou en avaler une, c'est donc participer à l'oiseau et, si l'on possède le pouvoir magique nécessaire, un moyen assuré de se transformer en lui… Pour les mêmes raisons les plumes ont une vertu magique particulière. (…) Les premiers qui en ont paré leur chevelure se flattaient sans doute de faire passer en eux quelque chose de cette vertu." [10] Mais chez le Poète, mieux qu'une "couronne", la plume est transcendée, "automorphosée", si l'on ose dire. La plume a pris corps chez le Poète, dans sa partie en croissance visible : la chevelure. Les plans suivants confirment l'association : Plume → cheveux → fertilité, [11] lié au symbolisme ascensionnel. [12]
Le poète s'endort. Il rêve.
Plan 32 : 28' 22" : (5ème flash-back, en noir et blanc. 1ère série.) La femme du Poète longe un long mur, elle arrive devant la Traductrice en larmes.
Plan 33 : 28' 53" : Changement de cadre. Gros plan sur les cheveux tombants de la Traductrice. (Cf. Photogramme – Cheveux 2.) Un zoom arrière lent la montre inclinée sur le Poète allongé.
Plan " 35a : 29' 46": Le poète se lève et quitte le lit, laissant derrière lui sa femme enceinte, allongée. Elle est dans le lit de la chambre de l'hôtel. Le lit n'est plus perpendiculaire au mur, mais parallèle.
Plan 35b : 30' 12" : Un zoom avant lent va cadrer la femme allongée, mais au fur et à mesure, l'image va s'obscurcir complètement, jusqu'au point où le fond (nostalgique) va devenir noir. (Cf. Photogramme – Lit.)
Le sens s'établit à partir de la chevelure de la Traductrice, en passant par la grossesse de la femme du Poète et donc de la fertilité créatrice, pour culminer dans le fond noir, laissant illuminé le ventre gonflé de sa femme, comme une montagne magique avec à son sommet l'auréole de son espoir ! En outre, le plan 35b constitue une seconde "image-clé", car il résume "la mission" du Poète. En effet, le Poète est partagé entre deux grandes aspirations : 1. retrouver sa famille (représentée par "la maison"), 2. "sauver le monde", en traversant la piscine. Or, le plan 35b, nous présente en une seconde, les deux pôles de cette alternative : les fenêtres "fermées", qui correspondent à la 1ère mission, et la porte "ouverte" de la salle de bains, qui représente la 2nde mission. Cela explique le fait mystérieux de la sortie impromptue du chien de la salle de bain, qui annonce le dernier plan du film. De plus, l'épisode suivant du film s'attache à montrer le lien qui va unir la salle de bain et la piscine Sainte-Catherine.
« L'église inondée » - Pré-figuration et trans-figuration : Le poème, la plume et l'ange : figures ascensionnelles
Plan 83 : 1h 17' 40" : C'est un plan rapproché d'une fontaine d'où jaillit une eau abondante (83a).(Cf. Photogramme – Eau 5.) Le Poète, visiblement saoul, marche en titubant dans une église en ruine, inondée. Il est mouillé jusqu'au genou. Un livre à la main, il récite un poème, d'un ton grave, et d'une façon discontinue : (83b)
Un indice va nous intéresser particulièrement : c'est "la plume blanche", qui s'interpose dans le livre, en tant que métaphore d'une "Aile en mouvement". Nous citerons la fin du poème, car en fin de compte, ce poème est la quintessence même du film, "son hymne invisible". D'autre part, "la plume blanche" est un fait capital, car il est à l'origine du film. (…)
"Et blanche au pied du lit se trouve l'infirmière,
Ailes en mouvement. Et tous sont restés là.
Ma mère vint, et fit un signe de sa main -
Elle s'est envolée…" [13]
D'autre part, Andreï Tarkovski écrit à la suite du poème "Enfant j'étais malade" d'Arseni Tarkovski (Le père d’Andreï) : (…) "Les plans se résument grossièrement ainsi [14] : (Dans la colonne de droite, on trouve les correspondances entre les plans du film et les plans du livre, colonne de gauche.)
Les cinq plans du livre : "Le Temps Scellé". | Plans du film. |
---|---|
"Plan 1" : Plan général, Une ville à l'automne (…) zoom avant lent sur un arbre contre un mur de monastère en crépi blanc." | Plan 3 : L'arbre est au centre de l'image. Et plans 79-81. |
"Plan 2" : Plan rapproché. (…) Une flaque d'eau, de l'herbe, de la mousse, filmées en gros plan, qui doivent apparaître comme un paysage…" | Plan VI-44 : "Le paysage" dans "La maison de la fin du monde". |
"Plan 3" : Plan rapproché. Un feu de camp. Une main tend vers la flamme hésitante, presque éteinte, une enveloppe vieille et froissée. Celle-ci prend feu. (…)" | Plan IX-92 : Le feu de camp et la flamme hésitante, presque éteint existent. Le Poète va brûler le livre de poésies. |
"(…) Le père ravive le feu, …" | Plan X-95 : Substitution du feu avec le père. |
"Plan 4" : "Une plume blanche" tombe en tournoyant vers une flaque (…) Nostalghia." | La plume est représentée deux fois : Plans I-17, 18 et Plan XI-95. |
"Plan 5" : Gros plan. (…) Le fils ramasse la plume." | Plan I-18 : Le Poète ramasse la plume, en contre-champ, la maison. |
"Dans un plan général, à l'orée du bois, au crépuscule, un ange. (…) | Plans 85-90 : "La rencontre avec l'ange", qui s'apparente plutôt avec "une pythie". |
Il y a trop de chose à dire à propos "des cinq plans" de travail du livre, de leurs correspondances avec le poème, et enfin, des correspondances visuelles qui constituent en définitive la "charpente du film". [15]
Dans le livre, nous décelons à travers la plume un certain nombre d'indices "d'image ascensionnelle" : l'escalier d'honneur (vers 6) [16], les sept pas (v. 12 et 14), les cheveux aux galops (v. 18), le pont (v. 19), les ailes en mouvement (v. 26). Ces indices sont à mettre au rang des principes fondamentaux que Bachelard a appelé "psychologie ascensionnelle" (…) : "L'invitation au voyage aérien, si elle a, comme il convient, le sens de la montée, est toujours solidaire de l'impression d'une légère ascension." [17] Le philosophe cite Ramon Gomez de la Serra : (…) "Dans l'homme tout est chemin." Et il ajoute pour sa part, (…) "Tout chemin conseille une ascension. Le dynamisme positif de la verticalité est si net qu'on peut énoncer cet aphorisme : qui ne monte pas tombe. " [18] Andreï Tarkovski représente dans le livre l'ascension par "la plume blanche" qui tombe: grâce à sa subtile légèreté, à sa douceur, elle exprime "sa mère qui vole". Cet aspect est vrai pour la plume qui tombe au plan 17, en revanche ça ne peut être le cas, au plan 95. En effet, comme nous allons le voir, la plume tombe en tournant en spirale. Ce qui n'implique plus la même ascension. Mais le chemin de l'ascension dans l'imagination tarkovskienne est multiple. D'abord, "le chemin physique", topographique, "sans cesse je vais, je vais", qui a comme équivalent visuel les petits sentiers, nombreux dans le film. [19] Ensuite, "le chemin familial", naturel, biologique et social : le père, le fils et le petit-fils. Enfin, "le chemin-éthéré" des flammes du feu, qui doit être constamment revivifié. Nous pouvons ajouter dans ce registre la figure de l'arbre, grande figure d'ascension : (...) "Ainsi de la racine s'élance plus légère la verte tige ; de celle-ci sortent les feuilles plus aériennes ; enfin la fleur parfaite exalte ses esprits odorants. Les fleurs et leur fruit, nourriture de l'homme, volatilisés dans une échelle graduelle, aspirent aux esprits vitaux, animaux, intellectuels." [20]
Il reste encore "une combinaison", celle d'une "échelle graduelle" qui est suggérée par l'équation suivante : mère → plume → ange. Cette combinaison s'engage, comme le décrit Bachelard, dans une espèce "d'opération spirituelle". [21] Dans Le Temps Scellé Tarkovski subsume l'être originel, la mère en plume, pour devenir dans Nostalghia, un ange. Nous verrons qu'au plan 95, l'opération est encore plus étrange, et plus mystique, puisque le plan de la plume qui tombe est précédé par un dialogue entre "le Seigneur" et "une Sainte". Regardons de près comment s'effectuent les transitions de plan à plan à partir du poème jusqu'à la plume qui tombe. (Plans 83 – 95.)
Plan 84 : 1h 18' 30" : Intérieur de l'église inondée. D'un côté d'un mur en ruine apparaît une petite fille qui se cache aussitôt que le Poète entre dans l'église. (84a) Sous un autre angle, et d'un autre côté de l'église, la petite fille apparaît de nouveau. (84b)
Plan 85 : 1h 19' 06" : Le Poète ne s'aperçoit pas de la présence de la petite fille. Il laisse tomber le livre. Il fait un petit feu, il boit de la vodka. Il pose le gobelet près du feu, le gobelet vacille, il le retient à la dernière seconde. Soudain, il remarque la petite fille : (85b) " Que fais-tu ici, tu as peur. (Plan 86.)
Plan 87a : 1h 20' 25" : "C'est moi qui devrais avoir peur de toi." Le Poète est saoul. Lui, d'habitude si réservé, si laconique, se met à parler sans arrêt. Il commence par raconter une histoire à la petite fille : "Un homme en sauve un autre qui se noyait dans un étang, au risque de sa vie… Les voilà tous deux allongés au bord de l'étang, haletants et épuisés. (Il allume une cigarette.) (87b) Celui qui a été sauvé dit : "Idiot, pourquoi as – tu fait ça? " Le sauveur lui répond : "C'est là que je vis". Adossé à un petit poteau au milieu de l'église, le Poète pose son gobelet de vodka au bout d'un poteau flanqué au milieu de l'église, sans aucune raison apparente. Comme si le poteau (axe du monde) au plan 1 commençait à émerger ? (87c) (Cf. Photogramme – Poteau.)
Il se met à parler seul (…) Il s'adresse à la petite fille (87d) :
-" Comment t'appelles-tu ? "
- La petite fille (off) : " Angela. "
- Le Poète : "Angela, bravo…"
(89) Il veut se débarrasser de la cigarette suspendue à sa bouche, mais, cette dernière étant humide, le bout de la cigarette se détache du filtre, qui reste collé dans sa bouche. Ce bout de cigarette ne suggère-t-il pas le bout de la bougie ?
Plan 90 : 1h 24' 01" : La petite fille s'installe dans une structure de l'ordre d'une "annonciation", d'une "apparition". (Cf. Photogramme – Angela.)
Plan 92 : 1h 25' 10" : Second panoramique droite/gauche et gros plan de la tête du Poète allongé, près du feu. La caméra dépasse la tête du Poète et cadre le feu. Transition avec "le rêve du Poète".
Plan 93 : 1h 25' 45"": Dans une rue jonchée de feuille, le Poète endormi au milieu de la chaussée se redresse. Il se relève. Il marche droit vers nous. Il traverse un petit carrefour. Il continue de marcher droit devant lui. Il passe devant une armoire à miroir.(93b) Il est devant l'armoire. Il ouvre la porte de l'armoire. En reflet dans le miroir, nous distinguons "le Fou", sans son bonnet (93d).
Plan 94 : 1h 28' 34"": Plan général et en plongée du Poète à l'intérieur d'une immense cathédrale en ruine, sans toit. Une cathédrale à ciel ouvert, comme l'est "l'esprit ouvert" du Poète. Il parcourt transversalement et de gauche à droite les trois nefs. [22] Nous entendons le chant d'un enfant. C'est le chant modifié lors de la procession de la Madone del Parto. Nous écoutons aussi deux voix-off :
- Voix féminine : "Seigneur ne vois-tu pas comme il implore ? Dis-lui quelque chose."
- Voix masculine : "S'il entendait ma voix que se passerait-t-il ?"
- Vois féminine : "Fais-lui sentir ta présence."
- Voix masculine : "Je la fais sentir, c'est lui qui ne s'en aperçoit pas.
Plan 95 : 1h 30' 11": Retour dans l'église en ruines. La plume tombe en tournoyant, traverse une portion de toit ajouré, (Cf. Photogramme - Plume 6.) et finit par tomber dans une flaque d'eau.
Plan 96 : 1h 30' 28" : Retour à la position du Poète, celle du plan 92. Panoramique contraire gauche/droite. Les flammes du petit feu embrasent à présent un coin du livre de poésies. Nous sommes de nouveau en face d'une "combinaison parallèle" : l'histoire de "l'objet livre" touche à sa fin.
En résumé, cette "combinaison parallèle" est en fait une constante dans le cinéma d'Andreï Tarkovski. Les éléments proposent à présent la formule suivante : Enfant → Ange → Plume → Mère. Les éléments ne sont pas alignés, ils sont dispersés. Pourquoi ce désir de dispersion ? Il semble que c'est pour indiquer que "la vérité" n'est pas un élément saisissable immédiatement. Tarkovski cite Hermann Hesse dans "Le jeu des perles de verres" : (…) "La vérité se vit, elle ne s'enseigne pas ex cathedra. Prépare-toi à des luttes." [23] Des luttes, nous en aurons deux : celle du Poète qui traversera la piscine de Sainte Catherine, lutte avec les éléments primordiaux ; celle du Fou, lutte avec le feu. Nous anticipons sur les derniers propos du long discours Fou, à Rome, avant son dernier "voyage incandescent" : "Ça j'ai oublié ... Oh mère ! l'air est cette chose légère qui flotte autour de la tête et devient plus claire quand on rit." (Plan 109b.) Cette "chose légère" suggère "la plume". Mais il faut voir aussi dans la mère, la nature. Enfin, le songe dans la crypte de l'église, à l'appui de certains indices révélés dans le film, peut être assimilé aussi à une "oniromancie" (divination par le songe). Il est d'abord établit, qu'avant une consultation oraculaire, le consultant devait effectuer une série de rites sacrificiels et purificateurs. [24] Le Poète entre dans l'église avec ses habits, il aura la tête aspergée d'eau, comme un "baptême oraculaire". De plus, il buvait de la vodka, ce qui propose "une initiation dionysiaque". Il y a enfin l'étrange présence de la petite fille : hallucination ou réalité ?
L'importance des objets : aspect de miniaturisation/monumentalisation
Liens spécifiques du film
Voir : Nostalghia
Voir aussi
Notes et références
- ↑ Les titres des épisodes entre guillemets sont ceux du cinéaste.
- ↑ Cf. François Ramasse, op. cit., p. 125.
- ↑ Chevalier/Gherrbrant, op. cit.,p. 768.
- ↑ N'oublions pas que c'est elle qui conduisait la voiture, le Poète était du côté passager du véhicule. Voir aussi, François Ramasse, op. cit., pp. 122-123.
- ↑ François Ramasse parle à juste titre de "dédoublement", op. cit., pp. 124 ; 127-128 ; 138. D'un point de vue anthropologique, on peut parler d'une "protase", (…) "La protase marque, au "présent" ou au "passé", un état de fait, réalisé et observé. Elle donne la situation du "présage", c'est-à-dire l'aspect précis de l'objet supposé propre à laisser entrevoir l'avenir, à le pronostiquer. L'apodose, au "futur", marque presque toujours ce pronostic lui-même : la portion d'avenir que commande et laisse deviner le présage ; elle contient "l'oracle". Aussi peut-on dire indifféremment "présage" ou "protase", d'une part ; et "oracle" ou "apodose" de l'autre." Cf. Article de Jean Bottéro, "Symptômes, signes, écritures en Mésopotamie ancienne" in, Divination et rationalité, (Recherches anthropologiques sous la direction de Remo Guidieri), Editions du Seuil, Paris, 1974, pp. 82-83.
- ↑ Il est à remarquer la grande valeur du "jeu de regard", dans ce film, et dans les films d'Andreï Tarkovski en général. Qui équivaut à un mouvement de caméra. Ici, le regard (comme un contre-champ) se métamorphose souvent en chemin, particulièrement de la part du Poète, qui parle peu, avec la bouche, mais qui est prolixe des yeux.
- ↑ R. M. Rilke continue la 1ère élégie ainsi : (…) "Et nous le trouvons beau parce qu'impassible il se refuse à nous détruire ; tout ange est terrifiant." op. cit., pp. 28-29. "weil es gelassen verschmäht, uns zu zerstören. Ein jeder Engel ist schrecklich."
- ↑ A.J. Greimas et J. Courtès, Sémiotique, dictionnaire raisonné de la théorie du langage, Hachette, Paris, 1980. Citée par A. Gardies, op. cit., p. 136.
- ↑ Ce plan annonce le dernier plan du film, en tout cas, il lui ressemble.
- ↑ Lucien-Lévy-Bruhl, La mythologie primitive : le monde mythique des Australiens et des Papous, Paris, 1963, p. 238.
- ↑ Au cours du film, l'association se développe en proposant la formule suivante : Fertilité → eau → piscine sainte Catherine.
- ↑ Cf. Don C. Talayessva, Soleil Hopi, (Sun Chief), traduit de l'américain par Geneviève Mayoux, Préface de Claude Lévi-Strauss.
- ↑ Andreï Tarkovski, Le Temps Scellé, op. cit., p. 85. Les traductions (celles du livre) sont de Claude Ernoult.
- ↑ Ibid. p. 87.
- ↑ D'où le grand avantage du Cahier Journal : la précision de la date de la réflexion du cinéaste.
Constatons par ailleurs, que certains détails "des cinq plans" constituent les lignes de forces du Miroir, par exemple : la valeur de la figure du père et du petit-fils, le feu ravivé, la valeur de la "flamme hésitante", etc. Par ailleurs, ce qui est pertinent dans "les cinq plans", c'est la translation du poème en image filmique, une "méta-poésie" si l'on ose dire. Cette translation jette les bases des possibilités et des difficultés de réalisations cinématographiques, car le cinéma est, avant tout, une technique, une lumière, des appareils. Un poème en vers ou en prose peut se permettre tous les caprices formels ; un film ne le peut pas, pour différentes raisons. Il a toujours des limites. Ce grand caractère est un argument de plus au profit de la cinémancie : l'exactitude (relative) des mouvements d'objets et d'individus dans un film est tributaire de l'articulation spatio-temporelle des "faits filmiques". - ↑ Cf. Le poème, Enfant quand j'étais malade, op. cit.,p. 85.
- ↑ G. Bachelard, Air et les songes, op. cit., p. 16.
- ↑ Ibid. p. 18.
- ↑ Au plan 18, le petit sentier au bout du regard du Poète ; au plan 35b, la femme enceinte, son ventre devient comme un globe terrestre rond, qui suggère des sentiers ; au plan 41, le petit sentier parallèle à "la maison du fin du monde" ; au plan 44, etc. Mais le chemin le plus significatif sera certainement, l'aller-retour du Poète, dans la Piscine de Sainte Catherine. C'est à la troisième fois qu'il réussit à toucher l'autre bord de la piscine, sans que la bougie s'éteigne.
- ↑ Milton, Le paradis perdu, I, V. Traduction Chateaubriand, p. 195. Citée par G. Bachelard, L'Air et les songes, op. cit., p. 51.
- ↑ Ibid. p. 55.
- ↑ La cathédrale en ruines c'est celle qui correspond au dernier plan du film.
- ↑ Andreï Tarkovski, Le Temps Scellé, traduit du russe par Anne Kichilov et Charles H. de Brantes, Éditions de l'Étoile/Cahier du Cinéma, 1989, p. 83.
- ↑ Raymond Bloch, La divination dans l'Antiquité, P.U.F. 1984.
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