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==Photogrammes extraits des films - Analyse et liens spécifiques des films== | ==Photogrammes extraits des films - Analyse et liens spécifiques des films== | ||
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===Âmes Grises (Les), d'Yves Angelo=== | |||
====Le policier et le procureur à “contresens” - 0h 19’ 45’’ ==== | |||
Le policier Aimé Lafaille à vélo, parcourt à “contresens” un chemin de campagne emprunté par un régiment. Il entend des soldats qui ricanent : « '' Tu te trompes de sens, c'est par là-bas qu'on s'amuse.'' (Un autre crie) ''Planqué. ''» Le policier agacé, sort de sa poche le brassard tricolore avec l'inscription : Sûreté Nationale. Cela conduit à exciter encore plus les soldats, l'un d'eux lui dit en s'approchant près de sa figure : « ''Tu fait mieux de te cacher sale flic ! '' » | |||
* <span id="ancre_am25">'''Photogramme Chemin 1. '''</span> ''00h 20' 26"'' : Plan général. Dans le vacarme du régiment en marche, nous entendons les roues d'une calèche qui avance en trot sur le bas-côté du sentier. C'est le procureur qui passe d'un air indifférent. | |||
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[[Fichier: Angelo_Ames_Grises_25_0h_20_26_policier_procureur_contresens.jpg|400px|thumb|centre|alt= '' Les Âmes Grises '' d'Yves Angelo. ''' Photogramme Chemin 1.''' Le policier et le procureur à contresens.| '' Les Âmes Grises'' d'Yves Angelo. ''' Photogramme 25.''' <br/> | |||
Le policier et le procureur à contresens. L'image ne suggère-t-elle pas l'opposition de deux mouvements, l'une massive et l'autre linéaire : la flèche bleue (la masse qui représente le peuple), la flèche rouge (le procureur et le policier qui représentent l'exécutif) ? ]] | |||
*'''[[Les Âmes Grises#ancre_ame212|Lire la suite de la séquence.]]''' | |||
*'''[[Les Âmes Grises|Lire le début du film.]]''' | |||
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''' <span id="ancre_146">Plan</span> 146-4 <ref>Le premier chiffre correspond aux plans du film depuis le début du film, le second chiffre aux plans du film depuis le début de l'épisode.</ref>:''' '' 1h 10' 25''" : Plan général de champs qui s'étalent à perte de vue ; ce plan veut en quelque sorte montrer, si l'on ose dire, l'infini de la conscience de Roublev. Il est en compagnie de son fidèle ami Daniel Tcherny. Ils sont à la croisée de trois chemins. D'emblée, l'image cadre plusieurs directions, c'est-à-dire plusieurs possibilités. Les deux peintres discutent au centre du carrefour. Gros plan sur le visage fatigué de Daniel :<br/> | ''' <span id="ancre_146">Plan</span> 146-4 <ref>Le premier chiffre correspond aux plans du film depuis le début du film, le second chiffre aux plans du film depuis le début de l'épisode.</ref>:''' '' 1h 10' 25''" : Plan général de champs qui s'étalent à perte de vue ; ce plan veut en quelque sorte montrer, si l'on ose dire, l'infini de la conscience de Roublev. Il est en compagnie de son fidèle ami Daniel Tcherny. Ils sont à la croisée de trois chemins. D'emblée, l'image cadre plusieurs directions, c'est-à-dire plusieurs possibilités. Les deux peintres discutent au centre du carrefour. Gros plan sur le visage fatigué de Daniel :<br/> | ||
- Daniel Tcherny : | - Daniel Tcherny : « ''Je n'en peux plus. Tu n'as qu'à le dire, c'est oui ou c'est non. A Moscou tout avait été décidé. Tout, jusqu'au moindre détail et le grand Prince avait approuvé.(…) Pourquoi discutons-nous, sans cesse depuis deux mois ? Explique-moi. (…) Tu dois peindre le Jugement Dernier, fais-le ou bien refuse le travail.''<br/> | ||
- Andreï Roublev : | - Andreï Roublev : ''C'est peut-être ce qu'il y a de mieux à faire.''"<br/> | ||
- Daniel Tcherny : | - Daniel Tcherny : ''Comment pourrais-je regarder les gens en face ? (…) Quelle disposition adopter ? (…) A droite les pêcheurs, dans les chaudrons de poix bouillants. A te donner la chaire de poule. J'ai imaginé un démon soufflant de la fumée avec les yeux.''<br/> | ||
- Andreï Roublev : (Très agacé.) | - Andreï Roublev : (Très agacé.) ''Il ne s'agit pas de fumée.''<br/> | ||
- Daniel Tcherny : | - Daniel Tcherny : ''Alors de quoi ?''<br/> | ||
- Andreï Roublev : | - Andreï Roublev : ''Je l'ignore.''<br/> | ||
- Daniel Tcherny : | - Daniel Tcherny : ''Pourquoi tu te détournes ?''<br/> | ||
- Andreï Roublev : | - Andreï Roublev : ''Je ne peux pas.''» | ||
Comme pris par un mal mystérieux, Roublev ne tient pas sur place, il bouge, il gesticule, il arrache un brin d'herbe, il marmonne des mots incompréhensibles. Et au comble de son agitation, il lance ces mots explosifs, comme s'il regrettait déjà de les avoir prononcés : « ''Je ne peux pas peindre ces choses, ça me répugne, tu comprends. (…) Je ne veux pas terroriser le peuple, comprends-moi Daniel.'' » | |||
''' <span id="ancre_147">Plan</span> 147-5 :''' '' 1h 11' 32''" : Tout à coup, apparaît, dans le coin gauche de l'image, un point noir qui grossit rapidement, et qui avance en oblique en direction des deux peintres. C'est un cavalier sur un cheval noir qui galope à toute vitesse. Il arrive à la hauteur des deux peintres, sans ralentir. (Cf. '''Photogramme - Chemin 2.''' ) | |||
<span id="ancre_147p"></span>[[Fichier: Doute_Andreïroublev_Tarlovsky_plan0147_cavaliernoir_1600p.jpg|400px|thumb|right|alt='''Photogramme Chemin 2''' : ''[[Andreï Roublev]]'', '''plan 147. ''' Le cavalier noir avance rapidement vers les deux peintres, pour disparaître aussitôt.| '''Photogramme - Chemin 2''' : ''[[Andreï Roublev]]'', '''plan 147. ''' Le cavalier noir avance rapidement vers les deux peintres, pour disparaître aussitôt.]] | |||
<span id=" | ''' <span id="ancre_148">Plan</span> 148-6 :''' '' 1h 12' 25''" : La caméra pivote de 90 degrés de gauche à droite et suit le cavalier qui file en oblique vers le coin droit de l'image. Nous devons nous arrêter sur cet étrange cavalier qui file comme l'éclair. Quelle est sa place dans ce contexte ? Pourquoi ce rappel au [[cheval]] noir ? De plus la question ne concerne pas uniquement le cheval, mais aussi le carrefour. <ref>(...) "Le carrefour est un germes de routes qui fusent vers ailleurs." J. Epstein, tome 1, ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_3|op. cit.]]'', p. 87. </ref> Ici ; nous avons plus précisément à faire à une intersection dite en patte d'oie, ce qui semble avoir encore une autre signification. En ce qui concerne le terme carrefour, il est formé des mots carré et four. Ils expriment, dans leur sens immédiat, le four qui évoque la chaleur, la forge, les forgerons, les métallurgistes. Son sens étymologique dérive du latin "quadrifurcum", composé de "quadrus" (à quatre côtés) et de "furcum" (fourche). C'est un sens quasi topographique, exactement comme aux plans 147-148. Ce qui est troublant dans un carrefour, c'est que : (…) "Dans la mythologie grecque, Hécate, divinité des ténèbres, pouvait prendre la forme soit d'une jument, soit d'un chien. Elle hantait les carrefours suivie d'une meute infernale." <ref>'''E. Pike Royston''', ''Dictionnaire des religions'', adaptation française de Serge Hutin, Paris, 1954. </ref> | ||
Le cavalier noir exprime-t-il les idées négatives de Roublev ? Ne serait-il pas plutôt la nouvelle direction que Roublev choisit ? Et dans ce cas, le cheval noir ne représente-t-il pas, de nouveau l'âme libre de Roublev ? Ainsi nous nous apercevons, comme nous l'avons dit, que nous entrons dans des "canaux de significations". Il faut voir où exactement dans le dialogue entre les deux peintres le cavalier surgit. La dernière phrase de Roublev est : « ''je ne peux pas Daniel.'' » C'est à ce moment-là qu'on aperçoit le point noir qui va grossir pour devenir un cavalier éclair. Rappelons-nous les plans du Bouffon quand les trois moines, vus à travers la lucarne, étaient des points minuscules ou quand le bouffon était couché sur le dos d'un cheval. C'est donc la troisième fois dans le film que Tarkovski utilise ce procédé. Pourquoi ? La première raison qui s'impose c'est que le réalisateur effectue un choix poétique dans l'animation de l'image cinématographique. Comme pour la lucarne, le contraste fort entre le loin et le tout près, suggère l'idée de distance qui sépare le religieux du profane. En revanche dans le plan 147, l'idée est plus ambiguë, donc plus riche encore. Il nous semble qu'elle propose l'idée du doute qui, de plus est, s'effectue sur un carrefour, aux prémices de nouvelles directions. Et la première phrase que Daniel dit en réponse à Roublev, tout de suite après la disparition du cavalier noir : « ''Pourquoi n'as-tu pas protesté à Moscou ? Il ne fallait pas accepter. Ce n'est pas honnête.''<br/> | |||
- Andreï Roublev : "''Apparemment je n'ai pas su développer l'honnêteté en moi.'' | - Andreï Roublev : "''Apparemment je n'ai pas su développer l'honnêteté en moi.'' » | ||
Nous voilà donc au cœur du problème et au cœur de la transformation qui est en train d'altérer Andreï Roublev. Le dialogue, d'une part, et le cavalier noir, d'autre part, montrent la différence qui sépare les deux peintres. Le premier est "honnête", il suit, sans se poser aucune question, les principes traditionnels de l'art byzantin. <ref>Cf. '''André Mazon''', "Byzance et la Russie", ''Revue d'histoire de la philosophie'', Lille, 1937, pp. 261-277. Jeanny Lorgeoux et Jacques-Francis Rolland, (sous la direction), "Le Moyen âge : de l'empire byzantin à l'Asie mongole", in Histoire universelle, tome 3, Editeur Quillet, Paris, 1983, pp. 385-608. </ref> Ces principes ont été posés depuis des siècles en modèle immuable grâce à des manuels de recettes. Peut-être que le livre imposant que Thomas ferme brutalement (plan 144) en est une copie, ou bien celle que Daniel avait dans sa cellule (plan 65). En quelque sorte, l'image de Thomas qui ferme le livre est un prélude à l'ouverture d'un "nouveau livre" qui sera "écrit" par Roublev. L'aspect des principes de l'art byzantin mérite une explication, elle est inhérente à l'interprétation de l'innovation soufflée par Roublev. | Nous voilà donc au cœur du problème et au cœur de la transformation qui est en train d'altérer Andreï Roublev. Le dialogue, d'une part, et le cavalier noir, d'autre part, montrent la différence qui sépare les deux peintres. Le premier est "honnête", il suit, sans se poser aucune question, les principes traditionnels de l'art byzantin. <ref>Cf. '''André Mazon''', "Byzance et la Russie", ''Revue d'histoire de la philosophie'', Lille, 1937, pp. 261-277. Jeanny Lorgeoux et Jacques-Francis Rolland, (sous la direction), "Le Moyen âge : de l'empire byzantin à l'Asie mongole", in Histoire universelle, tome 3, Editeur Quillet, Paris, 1983, pp. 385-608. </ref> Ces principes ont été posés depuis des siècles en modèle immuable grâce à des manuels de recettes. Peut-être que le livre imposant que Thomas ferme brutalement (plan 144) en est une copie, ou bien celle que Daniel avait dans sa cellule (plan 65). En quelque sorte, l'image de Thomas qui ferme le livre est un prélude à l'ouverture d'un "nouveau livre" qui sera "écrit" par Roublev. L'aspect des principes de l'art byzantin mérite une explication, elle est inhérente à l'interprétation de l'innovation soufflée par Roublev. | ||
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Il nous semble qu'à partir de là, nous commençons à discerner le sujet du [[doute]] qui tiraille Roublev. A cette époque, les peintures étaient destinées à décorer l'intérieur d'une église. Dans notre [[Andreï Roublev#Aperçu biographique du peintre Andreï Roublev |biographie sur Roublev]], l'expression que nous avons utilisée est "décoration", dans le sens d'ornementation. Or, quand il dit : "''ça me répugne de peindre ces choses,''" cela peut bien signifier qu'il a une répugnance pour le sujet : le Jugement Dernier, les damnés, les élus, etc. Mais rien non plus ne nous empêche de voir une répugnance à "l'objet" : décorer l'intérieur d'une église, dans la mesure ou il faut glorifier le Grand Prince. De plus, Roublev est, en fait, déjà sur la voie de l'innovation dans la création picturale. Une image révélatrice de ce don se trouve dans le plan 161 dans la 3ème partie de cet épisode. (Cf. '''Photogramme – Peinture.''') | Il nous semble qu'à partir de là, nous commençons à discerner le sujet du [[doute]] qui tiraille Roublev. A cette époque, les peintures étaient destinées à décorer l'intérieur d'une église. Dans notre [[Andreï Roublev#Aperçu biographique du peintre Andreï Roublev |biographie sur Roublev]], l'expression que nous avons utilisée est "décoration", dans le sens d'ornementation. Or, quand il dit : "''ça me répugne de peindre ces choses,''" cela peut bien signifier qu'il a une répugnance pour le sujet : le Jugement Dernier, les damnés, les élus, etc. Mais rien non plus ne nous empêche de voir une répugnance à "l'objet" : décorer l'intérieur d'une église, dans la mesure ou il faut glorifier le Grand Prince. De plus, Roublev est, en fait, déjà sur la voie de l'innovation dans la création picturale. Une image révélatrice de ce don se trouve dans le plan 161 dans la 3ème partie de cet épisode. (Cf. '''Photogramme – Peinture.''') | ||
<span id="ancre_161p"></span> [[Fichier:Peinture_Icône_Andreïroublev_Tarlovsky_plan0149_1600p.jpg|400px|thumb|right|'''Photogramme - Peinture''' : ''[[Andreï Roublev]]'', '''Plan 161'''. Andreï Roublev dessinant d'esprit, sans modèle, un saint terrassant un dragon. ]] | <span id="ancre_161p"></span> [[Fichier:Peinture_Icône_Andreïroublev_Tarlovsky_plan0149_1600p.jpg|400px|thumb|right|alt='''Photogramme - Peinture''' : ''[[Andreï Roublev]]'', '''Plan 161'''. Andreï Roublev dessinant d'esprit, sans modèle, un saint terrassant un dragon.|'''Photogramme - Peinture''' : ''[[Andreï Roublev]]'', '''Plan 161'''. Andreï Roublev dessinant d'esprit, sans modèle, un saint terrassant un dragon. ]] | ||
Nous y voyons Roublev qui dessine un saint sur un cheval, terrassant un monstre. La prodigieuse nouveauté de cet acte, c'est qu'il dessine sans un modèle devant lui, directement sur un panneau de bois. Il dessine d'esprit. Il est tellement à l'aise dans son "élément" qu'il peut être perturbé quelques secondes afin d'arrêter son travail et de jeter un coup d'œil par une fenêtre pour regarder l'agitation extérieure. Nous anticipons légèrement le cours du film, pour démontrer comment le cinéaste présente au fur et à mesure les principales caractéristiques du peintre. Roublev commence à sentir la direction qu'il devrait prendre. Mais est-elle la même que celle du commanditaire, le Grand Prince ? Le plan 158 va nous fournir un élément de réponse : des vieux peintres discutent ensemble : | Nous y voyons Roublev qui dessine un saint sur un cheval, terrassant un monstre. La prodigieuse nouveauté de cet acte, c'est qu'il dessine sans un modèle devant lui, directement sur un panneau de bois. Il dessine d'esprit. Il est tellement à l'aise dans son "élément" qu'il peut être perturbé quelques secondes afin d'arrêter son travail et de jeter un coup d'œil par une fenêtre pour regarder l'agitation extérieure. Nous anticipons légèrement le cours du film, pour démontrer comment le cinéaste présente au fur et à mesure les principales caractéristiques du peintre. Roublev commence à sentir la direction qu'il devrait prendre. Mais est-elle la même que celle du commanditaire, le Grand Prince ? Le plan 158 va nous fournir un élément de réponse : des vieux peintres discutent ensemble :<br/> | ||
-1er peintre : | -1er peintre : «''J'ai 40 ans de métier.''<br/> | ||
-2nd peintre : | -2nd peintre : ''Il ne s'agit pas de métier, mais de gloire au Grand Prince.'' »<br/> | ||
Ainsi voilà ce qui peut détourner un peintre. Venturi nous confie comment Théophile imagine "l'œuvre accomplie" : (…) "En ornant les plafonds et les murs d'œuvres et de couleurs divers (…) Exposé aux yeux des fidèles le paradis de Dieu décoré de fleurs innombrables. (…) L'œil humain ne sait pas tout d'abord sur quel objet s'arrêter." Or Roublev n'imaginait pas "l'œuvre accomplie" comme Théophile… | Ainsi voilà ce qui peut détourner un peintre. Venturi nous confie comment Théophile imagine "l'œuvre accomplie" : (…) "En ornant les plafonds et les murs d'œuvres et de couleurs divers (…) Exposé aux yeux des fidèles le paradis de Dieu décoré de fleurs innombrables. (…) L'œil humain ne sait pas tout d'abord sur quel objet s'arrêter." Or Roublev n'imaginait pas "l'œuvre accomplie" comme Théophile… | ||
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===Nostalghia, d’Andreï Tarkovski=== | ===Nostalghia, d’Andreï Tarkovski=== | ||
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Voir : [[Nostalghia]] | Voir : [[Nostalghia]] | ||
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===Stalker, d’Andreï Tarkovski=== | ===Stalker, d’Andreï Tarkovski=== | ||
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Dernière version du 22 mars 2015 à 14:08
Titres des films
Mode d'emploi de la figure (mot) et abréviations
Titre | Titre original | Réalisation | Scénario | Année | Pays | Durée (min.) |
---|---|---|---|---|---|---|
Chemin de traverse | Chemin de traverse | Poirier Manuel | Poirier M. | 2004 | France, Espagne, Italie |
101 |
Chemin des lucioles (Le) | Hotaru | Furuhata Yasuo | Takeyama Yo | 2002 | Japon | 114 |
Chemin du serpent (Le) | Ormens väg på hälleberget | Widerberg Bo | Widerberg Bo | 1986 | Suède | 111 |
Chemins de l’Oued (Les) | Chemins de l’Oued (Les) | Morel Gaël | Morel G. | 2003 | France, Algérie |
78 |
Chemins de la dignité (Les) | Men of honor | Tillman Jr. George | Smith S. M. | 2001 | USA | 129 |
Grand Chemin (Le) | Grand Chemin (Le) | Hubert Jean-Louis | Hubert J.-L. | 1987 | France | 104 |
Petite fille au bout du chemin (La) | The little girl who lives down the lane | Gessner Nicolas | Koenig Laird | 1977 | Canada | 88 |
Autres titres de films
Mode d'emploi de la figure (mot) et abréviations
Titre | Titre original | Réalisation | Scénario | Année | Pays | Durée (min.) |
---|---|---|---|---|---|---|
Âmes Grises (Les) | Âmes Grises (Les) | Angelo Yves | Angelo Yves, d'après l’œuvre de Philippe Claudel | 2005 | France | 106 |
Andreï Roublev | Andreï Rublyov | Tarkovski Andreï | Tarkovski A. Konchalovsky A. |
1969 | URSS | 215 |
Boulevard du Crépuscule | Sunset Boulevard | Wilder Billy | Brackett Charles, Marshman Jr. D. M., Wilder Billy. | 1950 | USA | 110 |
Nostalghia | Nostalghia | Tarkovski Andreï | Tarkovski A. Guerra T. |
1983 | URSS Italie |
130 |
Pledge (The) §. Des vaches qui barent le chemin de Jerry. |
Pledge (The) | Penn Sean | Kromolowski Jerzy, Olson-Kromolowski Mary | 2001 | USA | 124 |
Retour (Le) | Vozvrashcheniye | Zvyaguintsev Andreï | Moïseenko V. Novotoski A. |
2003 | Russie | 105 |
Stalker | Stalker | Tarkovski Andreï | Tarkovski A. Strougatski A. et B. |
1979 | URSS | 161 |
Visiteur (Le) §. Φω. Plan 411 |
Muukalainen | Valkeapää Jukka-Pekka | Forsström J. Valkeapää J.-P. |
2008 | Finlande Angleterre |
139 |
Photogrammes extraits des films - Analyse et liens spécifiques des films
Âmes Grises (Les), d'Yves Angelo
Le policier et le procureur à “contresens” - 0h 19’ 45’’
Le policier Aimé Lafaille à vélo, parcourt à “contresens” un chemin de campagne emprunté par un régiment. Il entend des soldats qui ricanent : « Tu te trompes de sens, c'est par là-bas qu'on s'amuse. (Un autre crie) Planqué. » Le policier agacé, sort de sa poche le brassard tricolore avec l'inscription : Sûreté Nationale. Cela conduit à exciter encore plus les soldats, l'un d'eux lui dit en s'approchant près de sa figure : « Tu fait mieux de te cacher sale flic ! »
- Photogramme Chemin 1. 00h 20' 26" : Plan général. Dans le vacarme du régiment en marche, nous entendons les roues d'une calèche qui avance en trot sur le bas-côté du sentier. C'est le procureur qui passe d'un air indifférent.
Andreï Roublev, d’Andreï Tarkovski
Doutes et routes
Plan 146-4 [1]: 1h 10' 25" : Plan général de champs qui s'étalent à perte de vue ; ce plan veut en quelque sorte montrer, si l'on ose dire, l'infini de la conscience de Roublev. Il est en compagnie de son fidèle ami Daniel Tcherny. Ils sont à la croisée de trois chemins. D'emblée, l'image cadre plusieurs directions, c'est-à-dire plusieurs possibilités. Les deux peintres discutent au centre du carrefour. Gros plan sur le visage fatigué de Daniel :
- Daniel Tcherny : « Je n'en peux plus. Tu n'as qu'à le dire, c'est oui ou c'est non. A Moscou tout avait été décidé. Tout, jusqu'au moindre détail et le grand Prince avait approuvé.(…) Pourquoi discutons-nous, sans cesse depuis deux mois ? Explique-moi. (…) Tu dois peindre le Jugement Dernier, fais-le ou bien refuse le travail.
- Andreï Roublev : C'est peut-être ce qu'il y a de mieux à faire."
- Daniel Tcherny : Comment pourrais-je regarder les gens en face ? (…) Quelle disposition adopter ? (…) A droite les pêcheurs, dans les chaudrons de poix bouillants. A te donner la chaire de poule. J'ai imaginé un démon soufflant de la fumée avec les yeux.
- Andreï Roublev : (Très agacé.) Il ne s'agit pas de fumée.
- Daniel Tcherny : Alors de quoi ?
- Andreï Roublev : Je l'ignore.
- Daniel Tcherny : Pourquoi tu te détournes ?
- Andreï Roublev : Je ne peux pas.»
Comme pris par un mal mystérieux, Roublev ne tient pas sur place, il bouge, il gesticule, il arrache un brin d'herbe, il marmonne des mots incompréhensibles. Et au comble de son agitation, il lance ces mots explosifs, comme s'il regrettait déjà de les avoir prononcés : « Je ne peux pas peindre ces choses, ça me répugne, tu comprends. (…) Je ne veux pas terroriser le peuple, comprends-moi Daniel. »
Plan 147-5 : 1h 11' 32" : Tout à coup, apparaît, dans le coin gauche de l'image, un point noir qui grossit rapidement, et qui avance en oblique en direction des deux peintres. C'est un cavalier sur un cheval noir qui galope à toute vitesse. Il arrive à la hauteur des deux peintres, sans ralentir. (Cf. Photogramme - Chemin 2. )
Plan 148-6 : 1h 12' 25" : La caméra pivote de 90 degrés de gauche à droite et suit le cavalier qui file en oblique vers le coin droit de l'image. Nous devons nous arrêter sur cet étrange cavalier qui file comme l'éclair. Quelle est sa place dans ce contexte ? Pourquoi ce rappel au cheval noir ? De plus la question ne concerne pas uniquement le cheval, mais aussi le carrefour. [2] Ici ; nous avons plus précisément à faire à une intersection dite en patte d'oie, ce qui semble avoir encore une autre signification. En ce qui concerne le terme carrefour, il est formé des mots carré et four. Ils expriment, dans leur sens immédiat, le four qui évoque la chaleur, la forge, les forgerons, les métallurgistes. Son sens étymologique dérive du latin "quadrifurcum", composé de "quadrus" (à quatre côtés) et de "furcum" (fourche). C'est un sens quasi topographique, exactement comme aux plans 147-148. Ce qui est troublant dans un carrefour, c'est que : (…) "Dans la mythologie grecque, Hécate, divinité des ténèbres, pouvait prendre la forme soit d'une jument, soit d'un chien. Elle hantait les carrefours suivie d'une meute infernale." [3]
Le cavalier noir exprime-t-il les idées négatives de Roublev ? Ne serait-il pas plutôt la nouvelle direction que Roublev choisit ? Et dans ce cas, le cheval noir ne représente-t-il pas, de nouveau l'âme libre de Roublev ? Ainsi nous nous apercevons, comme nous l'avons dit, que nous entrons dans des "canaux de significations". Il faut voir où exactement dans le dialogue entre les deux peintres le cavalier surgit. La dernière phrase de Roublev est : « je ne peux pas Daniel. » C'est à ce moment-là qu'on aperçoit le point noir qui va grossir pour devenir un cavalier éclair. Rappelons-nous les plans du Bouffon quand les trois moines, vus à travers la lucarne, étaient des points minuscules ou quand le bouffon était couché sur le dos d'un cheval. C'est donc la troisième fois dans le film que Tarkovski utilise ce procédé. Pourquoi ? La première raison qui s'impose c'est que le réalisateur effectue un choix poétique dans l'animation de l'image cinématographique. Comme pour la lucarne, le contraste fort entre le loin et le tout près, suggère l'idée de distance qui sépare le religieux du profane. En revanche dans le plan 147, l'idée est plus ambiguë, donc plus riche encore. Il nous semble qu'elle propose l'idée du doute qui, de plus est, s'effectue sur un carrefour, aux prémices de nouvelles directions. Et la première phrase que Daniel dit en réponse à Roublev, tout de suite après la disparition du cavalier noir : « Pourquoi n'as-tu pas protesté à Moscou ? Il ne fallait pas accepter. Ce n'est pas honnête.
- Andreï Roublev : "Apparemment je n'ai pas su développer l'honnêteté en moi. »
Nous voilà donc au cœur du problème et au cœur de la transformation qui est en train d'altérer Andreï Roublev. Le dialogue, d'une part, et le cavalier noir, d'autre part, montrent la différence qui sépare les deux peintres. Le premier est "honnête", il suit, sans se poser aucune question, les principes traditionnels de l'art byzantin. [4] Ces principes ont été posés depuis des siècles en modèle immuable grâce à des manuels de recettes. Peut-être que le livre imposant que Thomas ferme brutalement (plan 144) en est une copie, ou bien celle que Daniel avait dans sa cellule (plan 65). En quelque sorte, l'image de Thomas qui ferme le livre est un prélude à l'ouverture d'un "nouveau livre" qui sera "écrit" par Roublev. L'aspect des principes de l'art byzantin mérite une explication, elle est inhérente à l'interprétation de l'innovation soufflée par Roublev.
Lionnello Venturi, par exemple, précise qu'au XIIème siècle, le moine Théophile écrivit un traité qui constitue la plus grande encyclopédie de renseignements techniques du Moyen-Age, en comprenant dans ses expériences, la production de la Grèce, de l'Italie, de la France et même de l'Arabie. Voici quel est le programme de son livre : (…) "L'art s'apprend petit à petit et chaque partie séparément. La composition des couleurs est chose fondamentale pour l'art de la peinture. Ensuite, il faut faire attention à leur mélange." [5] Ce qui est troublant chez Théophile, c'est qu'il ne parle pas de dessin (Liniamenta) sa préoccupation est la composition et le mélange : (…) "On apprend le dessin d'après l'expérience des artistes de talent (…) c'est-à-dire en copiant leurs modèles."
Exécution ou création ?
Il nous semble qu'à partir de là, nous commençons à discerner le sujet du doute qui tiraille Roublev. A cette époque, les peintures étaient destinées à décorer l'intérieur d'une église. Dans notre biographie sur Roublev, l'expression que nous avons utilisée est "décoration", dans le sens d'ornementation. Or, quand il dit : "ça me répugne de peindre ces choses," cela peut bien signifier qu'il a une répugnance pour le sujet : le Jugement Dernier, les damnés, les élus, etc. Mais rien non plus ne nous empêche de voir une répugnance à "l'objet" : décorer l'intérieur d'une église, dans la mesure ou il faut glorifier le Grand Prince. De plus, Roublev est, en fait, déjà sur la voie de l'innovation dans la création picturale. Une image révélatrice de ce don se trouve dans le plan 161 dans la 3ème partie de cet épisode. (Cf. Photogramme – Peinture.)
Nous y voyons Roublev qui dessine un saint sur un cheval, terrassant un monstre. La prodigieuse nouveauté de cet acte, c'est qu'il dessine sans un modèle devant lui, directement sur un panneau de bois. Il dessine d'esprit. Il est tellement à l'aise dans son "élément" qu'il peut être perturbé quelques secondes afin d'arrêter son travail et de jeter un coup d'œil par une fenêtre pour regarder l'agitation extérieure. Nous anticipons légèrement le cours du film, pour démontrer comment le cinéaste présente au fur et à mesure les principales caractéristiques du peintre. Roublev commence à sentir la direction qu'il devrait prendre. Mais est-elle la même que celle du commanditaire, le Grand Prince ? Le plan 158 va nous fournir un élément de réponse : des vieux peintres discutent ensemble :
-1er peintre : «J'ai 40 ans de métier.
-2nd peintre : Il ne s'agit pas de métier, mais de gloire au Grand Prince. »
Ainsi voilà ce qui peut détourner un peintre. Venturi nous confie comment Théophile imagine "l'œuvre accomplie" : (…) "En ornant les plafonds et les murs d'œuvres et de couleurs divers (…) Exposé aux yeux des fidèles le paradis de Dieu décoré de fleurs innombrables. (…) L'œil humain ne sait pas tout d'abord sur quel objet s'arrêter." Or Roublev n'imaginait pas "l'œuvre accomplie" comme Théophile…
Liens spécifiques du film
Voir : Andreï Roublev
Nostalghia, d’Andreï Tarkovski
Le chemin du prologue
Voir : La souffrance de l’attente
L'église inondée - Pré-figuration et trans-figuration
Voir : Le poème, la plume et l'ange : chemins ascensionnelles
Liens spécifiques du film
Voir : Nostalghia
Stalker, d’Andreï Tarkovski
Le chemin du petit poucet
Voir : La figure des bandelettes lestées par des écrous
Liens spécifiques du film
Voir : Stalker
Voir aussi
Notes et références
- ↑ Le premier chiffre correspond aux plans du film depuis le début du film, le second chiffre aux plans du film depuis le début de l'épisode.
- ↑ (...) "Le carrefour est un germes de routes qui fusent vers ailleurs." J. Epstein, tome 1, op. cit., p. 87.
- ↑ E. Pike Royston, Dictionnaire des religions, adaptation française de Serge Hutin, Paris, 1954.
- ↑ Cf. André Mazon, "Byzance et la Russie", Revue d'histoire de la philosophie, Lille, 1937, pp. 261-277. Jeanny Lorgeoux et Jacques-Francis Rolland, (sous la direction), "Le Moyen âge : de l'empire byzantin à l'Asie mongole", in Histoire universelle, tome 3, Editeur Quillet, Paris, 1983, pp. 385-608.
- ↑ Lionnello Venturi, Histoire de la critique d'art, 1938, p. 79.
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