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Viridiana

17 700 octets ajoutés, 28 juin 2017 à 21:58
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[[Fichier: Viridiana8_Bunuel_Rita dans l'arbre_00_04_50.jpg|400px|thumb|center|alt= ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 9 - Plan 4b.''' Rita au milieu du feuillage de l'arbre. | ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 9 - Plan 4b.''' <br/>Rita au milieu du feuillage de l'arbre.<br/> ''' [[#ancre_vir203dancre_vir209a|Lire notre hypothèse.]]''' ]]
<center>[[#ancre_1|▲ ▲ ▲]]</center>
* <span id="ancre_15a">'''[[#ancre_vir20|Photogramme 20 – Plan 15a.]] '''</span> ''00h 08' 55&quot;'' : Les mains de Viridiana saisissent les [[Œuf|œufs]] qu'elle trouve dans les pondoirs, et les déposent dans le panier. Elle termine le [[verre]] de [[lait]] que Moncho lui a offert. Apparaît Don Jaime au premier plan : « ''Soeur Sœur Viridiana ! '' <br/>
- Viridiana : ''Bonjour mon oncle. Vous êtes bien matinal, aujourd'hui ! '' <br/>
- Don Jaime : ''C'est pour te voir plus longtemps. '' <br/>
</table>
A travers la comparaison et la description du tableau nous obtenons un calque psychologique relativement précis des deux personnages. En effet, Gaston Bachelard, dans un chapitre consacré à la question du coffre, considère, avec raison, que nous pénétrons dans les “images du secret”. <ref>Cf. '''G. Bachelard,''' ''La Poétique de l'Espace'', chapitre III, "Le Tiroir, les coffres et les armoires, P. U. F. Paris, (1957) 1998, p. 82. </ref> Un peu plus loin, il précise : “Le coffre est un objet qui s'ouvre. Quand il se ferme, il est rendu à la communauté des objets ; il prend sa place dans l'espace extérieur. Mais il s'ouvre ! Alors, cet objet qui s'ouvre est, dirait un philosophe mathématicien, la première différentielle de la découverte. (…) Le dehors est rayé d'un trait, tout est à la nouveauté, à la surprise, à l'inconnu. Le dehors ne signifie plus rien. Et même, suprême paradoxe, les dimensions du volume n'ont plus de sens parce qu'une dimension vient de s'ouvrir : la dimension d'intimité.” <ref>''Ibid.'', p. 88. </ref> Mais chez Buñuel la représentation des images d'intimité se complique un peu, puisqu'il associe deux contenants différents ayant des contenus également différents. Ainsi, nous ne pouvons pas dire dans la comparaison, qu'avec les contenants ouverts, “le dehors ne signifie rien”. Nous avons vu la [[#ancre_vir206b6|place des contenants]] quand les objets sont dehors, et la différence de comportement entre [[#ancre_vir206b7|Viridiana et Don Jaime]] devant les objets. N'y-a-t-il pas ici une dialectique influente et communicative entre le dedans et le dehors ? Nous ne pouvons pas non plus dire, dans notre cas, que “les volumes n'ont plus de sens”. Il nous semble, qu'au contraire, ils vont acquérir un caractère de monumentalité, surtout avec la situation de Viridiana, quand Ramona regarde par le trou de la serrure '''[[#ancre_vir14|(Plan 8)]]''', à ce moment là, c'est la chambre de Dona Elvira qui devient un coffre monumental, dont Ramona souhaite percer le secret. Et si nous allons jusqu'au bout de notre raisonnement, au plan 8, Viridiana elle-même devient comme un objet, qu'on va bientôt manipulémanipuler. Du côté de Don Jaime, le cadrage du plan est significatif, puisque nous assistons à la scène, au début '''[[#ancre_vir23|(Plan 18)]]''' en restant au seuil de la chambre, devant une porte sculptée ouverte. Autre représentation d’un coffre à l’intérieur d’un coffre (monumental).
Toutefois il y a un dénominateur commun qui relie les deux contenants, il s’agit de feue Dona Elvira, Viridiana est dans sa chambre au moment où elle ouvre sa propre valise, Don Jaime est dans sa chambre quand il ouvre le coffre des habits de mariage. Et justement ce qui est frappant dans la comparaison du tableau, c’est le comportement des deux personnages, Viridiana en prière et Don Jaime qui s’amuse, seul, à faire la noce. En somme, grâce à ces deux passages nous entrons dans ce que Bachelard appelle « la topo-analyse des espaces intimes ». <ref>''Ibid.'', p. 89. </ref>
====Plan dynamique (inversé) 8 : Pieds Viridiana====
* <span id="ancre_25">'''[[#ancre_vir29|Photogramme 29 – Plan 25.]] '''</span><ref>"Ibid"</ref> ''00h 1112' 4104&quot;'' : Au moment où Viridiana s'assied, sa chemise s'ajuste mal et laisse voir ses jambes et ses pieds nus.
<span id="ancre_vir29"> </span>
* <span id="ancre_28">'''[[#ancre_vir32|Photogramme 32 – Plan 28.]] '''</span> ''00h 12' 29&quot;'' : Plan rapproché. Viridiana s'accroupit devant le feu. Elle saisit de la cendre à pleine main pour le la déposer dans la corbeille. Plan rapproché sur Don Jaime qui est de plus en plus perplexe '''(Plan 29)'''.
<span id="ancre_vir32"> </span>
<span id="ancre_29">''' Plan 29. '''</span> ''00h 12' 32&quot;'' : Plan rapproché sur Don Jaime qui est de plus en plus perplexe. Il est inquiet.
<span id="ancre_30a">''' Plan 30a30. '''</span> ''00h 12' 36&quot;'' : Retour sur Viridiana qui en se levant, laisse découvrir sa cuisse. Elle se dirige lentement vers la chambre de Don Jaime.
* <span id="ancre_31a">'''[[#ancre_vir33|Photogramme 33 – Plan 31a]] '''</span> ''00h 12' 45&quot;'' : Gros plan du bouquet de fleurs artificielles sur le lit, que Don Jaime a jeter il y a quelques minutes, avec un certain mépris.
====Quelle est la valeur de la cendre ? ====
Buñuel continue à introduire des objets et de les animer avec un grand art mais aussi de l'ambiguitél’ambiguïté. Après la [[#ancre_vir202|corde à sauter]], les [[#ancre_vir204b|poignées de la corde, le pis de vache]], les [[#ancre_vir206b|instruments de crucifixion, le coffre de Don Jaime]] et [[#ancre_vir205|l'abeille]], il nous présente maintenant une corbeille en osier, avec des aiguilles et une pelote de laine. Ce qu'il faut souligner tout d'abord, c'est que la corbeille vient de faire sa [[première]] (et dernière) apparition ; nous n'avons rencontré personne qui tricote. Est-ce que la corbeille appartient à Ramona ? Seule femme de la maisonnée. Ou alors à Viridiana ? Cela reste un mystère, comme l'apparition mystérieuse de Viridiana à [[Instant (précis)|l'instant précis]] où Don Jaime a ouvert le coffre. En effet, il ouvre le coffre et voilà que Viridiana apparaît dans un état de somnambulisme, un état éveillé mais inconscient. Ne peut-on pas également déduire que c'est une apparition de feue Dona Elvira, étant donnée [[#ancre_4a2|la grande ressemblance entre Viridiana et Dona Elvira ?]] Par ailleurs, nous pouvons constater que durant son état inconscient, Viridiana a constamment le regard fixe, en avant, comme si elle voyait au-delà des choses, comme si elle voyait le futur. Ainsi, au moment où elle remplace le contenu de la corbeille par de la cendre, elle ne regarde pas ce qu'elle fait, mais elle le fait adroitement. Il en est de même quand elle jette la cendre près de bouquet de fleurs artificielles, c'est comme si Elle savait ce qu'Elle faisait. Et la question est de savoir qui c'est Elle ? (Est-ce Viridiana ? ou Dona Elvira ?)
Quelle est alors la valeur de ce [[#ancre_vir34|plan unique]] dans le film ? Nous avons vu à quel point Don Jaime était inquiet et intrigué par la scène qui est exceptionnelle. La question reste ouverte, mais nous pensons assister au vœu de métamorphose souhaitée par Viridiana. Elle remplace des objets, encore une fois banalesbanals, par de la cendre : le produit de la fin de toute chose terrestre. D'autre part, il semblerait que la cendre « ''tire son symbolisme du fait qu'elle est par excellence valeur résiduelle : ce qui reste après l'extinction du feu.'' (Mais) ''Spirituellement parlant, la valeur de ce résidu est nulle. La cendre symbolisera la nullité liée à la vie humaine, du fait de sa précarité.'' » <ref> '''Chevalier/Gherrbrant,''' ''Dictionnaire des Symboles,'' ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_12|op. cit.]]'' p. 187. Par ailleurs, "''les traditions chinoises font un distinguo entre cendre humide (présage de mort) et cendre sèche (capable d'arrêter les eaux du déluge)''". ''Ibid'', p. 187.</ref> Doit-on alors interpréter le plan 31b sous l'angle de la « nullité » ? La nullité du mariage de Don Jaime ? Un mariage artificiel à cause du bouquet de fleurs artificielles ? (Un parallélisme de plus.)
<span id="ancre_vir208c"> </span>
Enfin, il reste encore à développer d'une part, [[#ancre_vir203e1|les équations]] que nous avons pointé pointées précédemment : <br/>
'''[1.1] : [[#ancre_vir202|Corde]] &rarr; [[#ancre_vir202a|Pied]] &rarr; [[#ancre_vir04|Poignée]] &rarr; [[#ancre_vir202b|Serpent]] &rarr; [[#ancre_vir31|Pelote de laine]] &rarr; [[#ancre_vir32|Feu]] &rarr; [[#ancre_vir32|Cendre]] &rarr; [[#ancre_vir34ancre_31a|Lit]]'''<br/>
<span id="ancre_vir208par2.1"> </span>
Et le [[#ancre_vir204a|parallélisme]] entre les clous et les aiguilles :<br/>
<span id="ancre_35">''' Plan 35'''</span> : Don Jaime est assis sur son lit, en train de prendre son petit déjeuner. Ce que vient de dire Ramona le fait sursauter : «  ''Son dernier jour dans cette maison ! Si elle part, je ne la verrai plus. ''<br/>
- Ramona : ''Pourquoi ne lui dites-vous pas de rester quelques jours de plus ? ''<br/>
- Don Jaime : ''Je le lui ai demandé, mais c’est une ingrate. Parfois j’ai envie de la battre. Quand je lui parle du couvent elle redevient de pierre.'' (Tout à coup, Il il semble penser à quelque chose d’important. Il appelle Ramona sur un ton presque suppliant.) ''Ramona ! ''(Elle cesse son nettoyage. Elle fixe son regard sur son maître.) ''Viens ici, Ramona.'' (En tapant sur le bord du lit. Ramona abandonne son chiffon et s’approche du lit.)<br/>
- Ramona : ''Qu’y a-t-il ? ''<br/>
- Don Jaime (Il la prend par la main, l’obligeant à s’asseoir.) : ''Assieds-toi, femme ! Assieds-toi ! ''(Il la regarde dans les yeux avec douceur.) ''Tu as de l’estime pour moi, n’est-ce pas ? ''<br/>
- Ramona : ''Commandez-moi monsieur. Je ferai n’importe quoi.''<br/>
- Don Jaime : ''Pourquoi ne lui parles-tu pas, Ramona ? Les femmes ont plus d’idées pour cela. Trouve quelque chose pour qu’elle reste deux ou trois jours de plus. ''(Il lui prend la main, en la caressant.) ''Tu es bonne, Ramona ! Parle-lui, je sais que je n’ai pas besoin de t’offrir quelque chose, mais si tu réussis je te promets que je ne t’oublierai pas, ni la petite.''<br/>
- Ramona : ''Mais monsieur, que puis-je lui dire ? et Et quelle attention va-t-elle prêter à une domestique ?''<br/>
- Don Jaime : ''Tu as raison, mais il faut faire quelque chose. ''(Il continue à réfléchir à ce qu’il n’ose pas exprimer.)<br/>
- Ramona : ''Pensez vous-même à ce qui serait le plus habile et pour quoi que ce soit je vous aiderait de tout mon cœur. ''<br/>
Viridiana le regarde étonnée.
* <span id="ancre_45">'''[[#ancre_vir43|Photogramme 43 – Plan 45a.]] '''</span> ''0h 19' 05&quot;'' : Ramona s’avance vers eux. La servante a suivi avec intérêt la conversation. Elle vient au secours de Don Jaime. Elle s’adresse sur un ton résolu à Viridiana : « ''Il veut vous épouser, mademoiselle. '' (Viridiana est stupéfaite.) ''Pardonnez-moi, Monsieur, mais si je ne le dis pas vous n’oserez pas. '' (Don Jaime, honteux, regarde la domestique avec un air de reproche.) '' Il vous aimes aime beaucoup et il mérite qu’on le lui rende car il est très bon.''<br/>
- Viridiana  (Très surprise.) : ''Vous parlez sérieusement ? ''<br/>
- Don Jaime  (Les yeux baissés.) : ''Oui, je veux que tu ne t’en ailles jamais de cette maison. ''<br/>
Nous pouvons d’ailleurs, nous poser cette question, pourquoi Don Jaime n’a pas jeté son dévolu sur Ramona ? Comme le fera plus tard son fils naturel, Jorge. En fait, nous nous trouvons devant une obsession presque maladive de la part de Don Jaime, car au cours de cette séquence nous apprenons un fait important, <span id="ancre_vir211f"> </span>quelque chose qu’il n’a jamais dit à personne : [[#ancre_43|''Ta tante est morte du cœur, dans mes bras, la nuit de nos noces, vêtue de cette robe. Et toi, tu lui ressembles tant ! '' (…) ''Tu dois penser que je suis fou. '']]
Nous avons commencé le chapitre par une citation, nous allons le conclure par une autre citation, elle est tirée des écritures bibliques, qui concerne Sodome et Gomorrhe quand Loth, le neveu d'Abraham et sa famille, sa femme Édith, ainsi que ses deux filles ont voulu quitté quitter la ville infernale. Les deux anges lui ont demandé expressément de partir et de ne pas regarder en arrière, de ne pas se retourner, au risque de devenir une statue de sel, Édith a bravé l’interdit et regardé en arrière pour finir en une statue de sel. Nous pensons traduire ce passage biblique par un avertissement, qu’il est vain de regarder en arrière, c’est-à-dire de regarder le passé, car nous nous transformons en une statue de sel, nous devenons amer. Et c’est ce qu’est devenu Don Jaime, un être amer qui s’accroche à son passé, comme un remord qui ne le quitte plus. Un être amer est aussi un être malheureux qui est capable d’accomplir les pires atrocités. Cependant, il reste encore un point à élucider :
<center>* * *</center>
==== La question du chandelier ====
Au moment où Don Jaime prononce [[#ancre_vir211f|le secret]], il avance vers une table pour poser le chandelier qu’il avait pris des mains de Viridiana. Le chandelier doit également nous interpeller : c’est un chandelier en croix, à cinq quatre branches, destiné à recevoir une bougie au milieu et quatre sur les côtés, mais, il n’y a que [[#ancre_vir42|trois bougies qui sont allumées]], il manque deux bougies, pourquoi ? Est-ce pour présenter « la lumière » des trois protagonistes ? Mais ce qui est troublant dans ce chandelier c’est que les bougies sont disposées d’une manière asymétrique.
Ainsi, les emplacements vides du chandelier représentent en quelque sorte le passé de Don Jaime, qu’il tient absolument à combler. En fait, cela se traduit dans l’esprit naïf de Don Jaime de remplacer une bougie par une autre ; mais, Viridiana n’est pas une bougie.
Mais Et avant d’assister au comportement pitoyable de Don Jaime, Buñuel choisit de faire une transition avec un animal sombre : un taureau.
<center>[[#ancre_1|▲ ▲ ▲]]</center>
==== La présence de Rita : est- ce un rêve ou la réalité ? ====
Jusqu’ici, on peut dire que le film est encore « convenable », il ne heurte pas les mœurs, ou la sensibilité des spectateurs, hormis les plans de voyeurisme de Ramona (Cf. '''[[#ancre_vir14|Photogramme 14 – Plan 8]] ''') et de sa fille (Cf. '''[[#ancre_14|plan 14]]'''). Mais à partir du '''[[#ancre_47|plan 47]]''', nous entrons dans un autre registre et on peut comprendre que les scènes ont dû subir la condamnation de la censure. Toutefois, il nous semble qu’il est utile de rappeler que c’est un des principales rôles du cinéma et donc des films à pouvoir s’introduire dans des régions obscures et sombres, dans des zones limites où les intentions cachées et les sentiments malsains sont profondément enfouies enfouis dans l’homme. C’est l’effet antique de la catharsis des tragédies grecques qui est à présent dévolu, entre autre, au cinéma.
Ce qui est troublant, c’est que non seulement nous assistons directement à une scène d’inceste, entre un oncle et sa nièce, certes Viridiana n’est pas consentante, mais « le taureau noir » trouve une solution pour arriver à ses fins. Il faut aussi ajouter que chez Buñuel il y a souvent un « plus » (c’est ce qui fait que son cinéma a une richesse inépuisable), et ici, le « plus » c’est la petite Rita qui regarde la scène à travers la fenêtre de la chambre. C’est donc ce « plus » qui est encore plus choquant. Et la question qui se pose, c’est celle de savoir pourquoi il y a l’introduction de la petite Rita qui regarde l’intimité de cette scène. Une autre question se pose, une question pratique, comment une petite fille peut grimper sur un arbre en pleine nuit ? Certes c’est une « sauvageonne », mais tout de même, il faut être terriblement curieux pour effectuer un exercice qui est relativement dangereux et qui n’est pas à la portée de tout le monde.
==== Le statut de Don Jaime ====
Don Jaime fait penser à Procuste, « un brigand de la mythologie grecque qui attaquait les voyageurs : il étendait les grands sur un petit lit et coupait les pieds qui dépassaient ; il étendaient les petits sur un grand lit et les étirait, jusqu’à ce qu’ils aient atteint la mesure du lit. Il réduisait quiconque passait à sa portée aux dimensions voulues. C’est un parfait symbole de la banalisation, de la réduction de l’âme à une mesure conventionnelle. » <ref> Diel Paul, le ''Le symbolisme dans la mythologie grecque'', p. 128.</ref> « C’est un symbole de cette tyrannie éthique et intellectuelle exercée par les personnes qui ne tolèrent les actions et les jugements d’autrui qu’à la condition qu’ils soient conformes à leurs propres critères. » <ref> '''Chevalier/Gherrbrant,''' ''Dictionnaire des Symboles,'' ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_12|op. cit.]]'' p. 786. </ref>
Ainsi, Don Jaime sous ses airs affables et bienveillants (comme on pourra le constater, au fur et à mesure dans le film, c’est d’ailleurs, une des caractéristiques de la plupart des protagonistes, en particulier les mendiants), est en réalité un tyran déguisé qui exerce son pouvoir pour arriver à ses fins peu honorable. L’étymologie du terme « tyran », dérive du grec, « turannos » et signifie « maître ». Mais ce « maître » abuse de son pouvoir sur sa propre nièce. Comme Procuste, il devient un voleur. Un voleur c’est celui qui prend des choses qui ne lui appartiennent pas. Il réfléchira sur un stratagème compliqué pour voler quelque chose qui n’a pas de prix : l’âme et l’intimité même de Viridiana. En somme, Don Jaime ressemble aussi au diable, puisqu’il voulait, à tout prix, l’âme pure et immaculée d’une vierge. Et en agissant de la sorte, c’est lui qui va payer le prix fort : la perte de son âme.
- Don Jaime : '' Pour toi, j'ai tout oublié, même la passion de ma vie.''<br/>
- Viridiana : ''Partez ! Levez-vous ! ''<br/>
- Don Jaime : ''Tu m'a as rendu fou. J'ai cru que tu accepterais de te marier avec moi. Le jour de ton départ est arrivé. J'ai dû te forcer. Ainsi j'ai pu te serrer dans mes bras. ''<br/>
- Viridiana  (La main à la tête.) : '' Vous mentez !''<br/>
- Don Jaime : ''Pendant que tu dormais, cette nuit, tu as été mienne. '' (Viridiana ne croit pas ses oreilles, elle regarde Don Jaime avec un air qui en dit long. Mais ce dernier poursuit.) '' Tu ne peux plus retourner au couvent. Tu n'es plus la même. Tu devras rester avec moi. Tout ce que j'ai est à toi. Si malgré tout, tu refuses de m'épouser, ta présence à mes côtés me suffira. Réfléchis bien, prends ton temps.'' (Il lui saisit le bras.) <br/>
- Viridiana  (En repoussant avec dégoût sa main.) : ''Laissez-moi ! '' »<br/>
Elle se retourne de côté pour éviter de le voir, plonge sa tête dans les draps et commence par pleurer.
Don Jaime est dubitatif, il a le sentiment qu'il vient de perdre Viridiana pour toujours. Il s'en va sans dire un mot. Dès que la porte s'est refermérefermée, Viridiana sort du lit et commence par préparer sa valise.
<span id="ancre_59">''' Plan 59.'''</span> ''0h 28' 00&quot;'' : Ramona qui attendait Don Jaime va aux nouvelles : « '' Alors !'' »<br/>
==== La clé de la chambre ====
Un moment fort de cette séquence, c’est quand Don Jaime donne la clé de la chambre à Viridiana pour sortir de la chambre. Ce moment aura un parallèle, un peu plus tard dans le film <ref> Ramona qui donne un trousseau de clés à Don Jorge.</ref> Mais, il faut aussi se rappeler quand que Don Jaime [[#ancre_vir40|donne un morceau d’orange à Viridiana]], un peu plus tôt dans le film.
<span id="ancre_vir214apar6"> </span><br/>
'''[ [[#ancre_vir204a|Parallélisme]] 6] ''' : [[#ancre_vir50|Don Jaime donne la clé de la chambre à Viridiana]] (''0h 29' 50&quot;'') / [[#ancre_vir40|Don Jaime donne un morceau d’orange à Viridiana]] (''0h 16' 27&quot;'')
Il n’est pas rare de voir des films avec plusieurs versions différentes. Ainsi, nous avons deux versions du plan 65, nous venons de voir le nôtre : Rita qui joue au diabolo, ce qui est hautement significatif, car il va tisser un lien direct avec '''[[#ancre_vir202|la corde à sauter]]''', dont on a vu la grande importance. Mais dans l’''Avant-scène cinéma'', nous avons une autre version très différente, et qui en fin de compte fait changer le propos du film. La version est la suivante : <br/>
« C’est un plan général en plongée. De dos, Don Jaime observe, de l’intérieur de sa chambre, le départ de sa nièce. En bas nous voyons Viridiana s’approcher de la voiture. La fillette lui dit quelque chose, et elle se borne à lui caresser la tête de la main en signe d’adieu. Elle monte et le cocher fouette le cheval. La fillette fait un signe d’adieu de la main. Puis elle se met à courir derrière la voiture. » <ref> Avant-Scène cinéma, page 46.</ref> Ainsi, dans cette seconde version, beaucoup moins dramatique, Viridiana ne donne pas le sentiment d’être abattuabattue, elle parle à Rita et lui caresse la tête. Rien de tel n'existe dans notre version, dans laquelle Viridiana ne fait même pas attention à Rita, et nous le comprenons. Ce qui est commun aux deux versions, c’est le moment ou Rita court derrière la voiture. (Il y a des versions différentes à d’autres moments du film.) <ref> Il en sera de même dans la version du script en anglais sur IMDB : (…) RITA is playing diabolo. The toys DON JAIME gives her indicate how old-fashioned he is.(…)
DON JAIME watches his niece's departure. As VIRIDIANA goes to the carriage,
RITA says something to her, but she merely caresses her head with her hand as
Ainsi, la présence de Rita à ce moment du drame est encore problématique. D’ailleurs, Rita est toujours présente aux grands moments (comme nous allons bientôt le voir, aux [[#ancre_vir216|plans 74 - 75]], où elle sautait à la corde au pied de l’arbre sur lequel Don Jaime s’est pendu.) La « trouvaille » du diabolo est très intéressante. D’abord, on ne verra ce jeu nulle part ailleurs dans le film, c’est une présence unique de l’ordre de quelques secondes. Ensuite, le diabolo anime un [[#ancre_vir204a|parallélisme]] et un prolongement avec la corde à sauter. Enfin, les propositions de significations, il faut le dire, sont superbes, puisque nous avons, par résonance, une expression imposante du trouble et de l’agitation intérieure de Viridiana. De plus, le nom du jeu « diabolo » est un élément de plus à ajouter dans le cadre des significations : le « [[diable]] » (les tentations) qui secouent Viridiana.
Grâce à ce plan, nous avons l’occasion de développer et de nous servir de nos « '''[[#ancre_vir104d|équations]]''' » que nous avons déjà vuvues. Il s’agit de l’équation [2.1] qui s’établit de la façon suivante :<br/>
<span id="ancre_vir214ae1"> </span>
[[#ancre_vir209e2.1|'''[2.1]]] : Corde &rarr; Serpent &rarr; Arbre &rarr; Rita &rarr; Jeu &rarr; Tentation ''' <br/>
La différence entre la corde à sauter et le diabolo tient du fait qu'avec la corde à sauter c’est Rita qui saute et qui remplace en quelque sorte le disque du diabolo. (Est-ce pour dire que c'est Rita le "diable" ? et pourquoi c'est Rita ?) Mais avec le diabolo, les poignées de la corde à sauter s’allongent pour devenir des bâtons. Et grâce à cet accessoire, le diabolo ne devient-il pas comme un jeu de marionnettes qu’on manipule ? Et la question qui se pose, c’est celle de savoir qui est le manipulateur ? Autre différence, avec la corde à sauter, Rita fait un tour complet de la corde, elle est dans une sphère, tandis qu’avec le diabolo, le disque évolue seulement sur un arc de cercle.
D’autre part, on sait que c’est [[#ancre_3a |Don Jaime qui a offert la corde à sauter à Rita]], mais pour le diabolo, c’est un mystère. Peut-être, nous avons affaire à ce qu’on a appelé par, l’'''[[Unité du plan (cinématographique)|unité du plan]]''', il s’agit de la présence dans un même plan de deux scènessimultanément, sans avoir un lien directe. Une espèce de « collage » qui vient s’incruster dans un plan.
Il est vrai qu’au début de notre analyse, nous avons souligné que la [[#ancre_vir04|corde à sauter relie le film de bout en bout]]. Il faut à présent ajouter que la corde va subir plusieurs modifications et plusieurs fonctions, qui vont, l’air de rien, représenter les états psychologiques des protagonistes.
====Est-ce que ça porte malheur de jouer à la corde d’un pendu ?====
Contrairement à ce que l’on pouvait s’attendre, la corde d'un pendu est un « porte-bonheur réputé », d’où l’expression « avoir de la corde a pendu dans sa poche » pour désigner un individu particulièrement chanceux. Non seulement elle met à l’abri de tous les dangers, y compris des sorts et du mauvais œil, mais assure le succès dans les affaires et fait gagner à tous les jeux. » <ref> Eloïse Mozzani, ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_12|op. cit.]]'' p. 1358.</ref> Reste à savoir pourquoi la corde d’un pendu devient subitement un porte-bonheur, pourtant elle vient d’ôter la vie à un individu. <ref> La Revue des traditions populaires publiait en 1897 l’annonce suivante provenant d’un journal sportif : « CORDE DE PENDU / GARANTIE AUTHENTIQUE / Provenant du suicide d’un sportsman malheureux. Un mètre 60 cent. Vendu au profit de sa veuve. TALISMAN PORTE-VEINE REPUTÉ RÉPUTÉ / Un centimètre : 5 fr. / Partie de la corde ayant opéré la strangulation, un centimètre : 10 fr. » RTP, XII, 511 </ref>
<center>[[#ancre_1|▲ ▲ ▲]]</center>
<span id="ancre_vir217"> </span>
<br/>
<center>'''Chapitre 17'''</center>
<br/>
 
===0h 34’ 45’’ – 0h 37’ 46’’ : '''Plans 76 - 77. Viridiana s’installe dans le domaine de Don Jaime - La visite de la Mère Supérieure''' ===
 
<span id="ancre_vir57"> </span>
[[Fichier: Viridiana57_Bunuel_34_45_croix_couronne_lit.jpg|300px|thumb|right|alt= ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 57 - Plan 76a.''' Plan rapproché sur la croix de bois noir et la couronne d’épines accrochées au lit.| ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 57 - Plan 76a.''' <br/> Plan rapproché sur la croix de bois noir et la couronne d’épines accrochées au lit.]]
 
<span id="ancre_vir58"> </span>
[[Fichier: Viridiana58_Bunuel_34_54_seau_lavage.jpg|300px|thumb|right|alt= ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 58 - Plan 76b.''' Viridiana armée d’un seau et d’une serpillière, est en train de laver par terre.| ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 58 - Plan 76b.''' <br/> Viridiana armée d’un seau et d’une serpillière, est en train de laver par terre.]]
 
* <span id="ancre_76">'''[[#ancre_vir57|Photogramme 57 – Plan 76a.]] '''</span> ''0h 34' 45&quot;'' : Plan rapproché sur la croix de bois noir et la couronne d’épines que nous avons déjà vu au '''[[#ancre_vir16|plan 11]]''', ils sont à présent accrochées au lit. La caméra en reculant nous découvre un sol de briques et les murs blanchis à la chaux. Viridiana n’a apparemment pas voulu conserver la chambre de Dona Elvira et s’est installée dans une chambre plus modeste au rez-de-chaussée. Comme meubles, il y a un lit de fer, deux chaises, une table de bois blanc ; dans un coin une table de toilette sans miroir. Viridiana armée d’un seau et d’une serpillière, est en train de laver par terre. (Cf. '''[[#ancre_vir58|Photogramme 58 – Plan 76b]] ''') Viridiana a visiblement changé, son sourire a disparu, elle paraît plus mesurée avec une sorte de sûreté qui lui manquait auparavant. Ramona, un plateau en mains, pénètre dans la chambre et dépose le plateau sur la table. Elle soulève la serviette et nous constatons que le repas se réduit à des légumes, un verre de lait et un morceau de pain. Ramona est inquiète : « ''Vous ne mangez pas assez. Je vous ai mis un verre de lait. Et ce soir je vous apporterai un peu de viande. '' (Viridiana cesse de travailler et va se laver les mains à la cuvette de la table de toilette.) '' Regardez comme vous avez mauvaise mine ! '' (Viridiana ne réponds pas.) ''Monsieur le Maire m’a dit qu’il s’est occupé déjà de ce que vous lui avez demandé. Vous pouvez aller au village quand vous voudrez. Ça vous fera du bien de voir du monde. '' (On entend, off, le bruit d’une auto qui s’arrête. Ramona regarde par la fenêtre ouverte.) ''Voilà des visites. Madame. '' (Deux religieuses passent à l’extérieur du bâtiment. L’une d’elles est la Supérieure du couvent de Viridiana.)
 
<span id="ancre_77">''' Plan 77.'''</span> ''0h 35' 49&quot;'' : Viridiana s’avance vers la porte. Elle voit entrer la religieuse. Ramona s’efface pour laisser entrer la visiteuse, puis quitte la pièce sur un signe de Viridiana : «<br/>
- La Supérieure : ''Bonjour. Tu ne m’attendais pas, n’est-ce pas ? '' <br/>
- Viridiana : ''Ma mère ! '' <br/>
- La Supérieure (Elle regarde Viridiana d’un aire apitoyé. Elle hoche la tête.) : ''Comme tu as dû souffrir mon enfant ! '' (Viridiana s’approche de la Supérieure, s’incline et d’un geste paisible, baise la croix de son chapelet.) ''Depuis que nous avons appris le malheur, hier, par hasard, nous avons été très inquiètes pour toi. J’ai pris le premier train pour venir te voir avec Mère Consuelo. Pourquoi n’as-tu pas écrit tout de suite ? Je serais venue immédiatement. '' <br/>
- Viridiana : ''J’avais tant de choses à penser ! '' <br/>
- La Supérieure : ''Mais tu aurais dû m’avertir. '' (Elle regarde autour d’elle et semble apprécier la simplicité de la chambre.) ''Au village, j’ai parlé quelques minutes avec Monsieur le curé. Il m’a raconté comment la chose est arrivée. Mais tout le monde se demande la raison de cet acte horrible contre Notre Seigneur. Le sais-tu, toi ? '' <br/>
- Viridiana : ''Je sais seulement que mon oncle fut un grand pêcheur, et que je me sens responsable de sa mort. '' <br/>
- La Supérieure : ''Comment peux-tu dire cela ? Toi, coupable du suicide d’un homme ? J’exige de toi une confession complète. Je suis la Mère Supérieure. '' <br/>
- Viridiana (En baissant les yeux.) : ''Je ne vais pas retourner au couvent, et par conséquent, je ne dois plus d’obéissance que n’importe quel autre catholique. '' <br/>
- La Supérieure : ''Y a-t-il quelque grave empêchement – parce qu’il doit s’agir d’une chose grave - qui t’empêche de prononcer tes vœux ? '' <br/>
- Viridiana : ''Je n’ai rien à me reprocher. Je sais seulement que j’ai changé. Avec mes faibles forces, je suivrai le chemin que le Seigneur le trace désormais. On peut aussi servir en dehors du couvent. '' <br/>
- La Supérieure : ''Te rends-tu compte de l’orgueil qu’il y a dans ces paroles ? A quoi te consacreras-tu ?'' <br/>
- Viridiana : ''Je connais ma faiblesse, je tâcherai de rester humble. Mais le peu que je ferai, je veux le faire seule. '' <br/>
- La Supérieure (En la dévisageant.) : ''Très bien. Puisque tu ne me laisses pas t'aider, je te laisse.'' (Elle fait quelques pas, et puis elle se retourne.) ''Navrée de t'avoir ennuyée. Adieu, ma fille. ''<br/>
- Viridiana : '' Ma Mère, Pardonnez-moi.'' <br/>
- La Supérieure : ''Tu es pardonnée. Adieu'' <br/>
 
<center>* * *</center>
 
<span id="ancre_vir217a"> </span>
 
==== Viridiana souhaite suivre le chemin que le Seigneur trace ====
 
Certes, au prix fort, Don Jaime a réussit à garder Viridiana dans le domaine. A présent, la croix et la couronne d’épines ne sont plus dans la valise qu’on a vus au plan 11, mais elles sont accrochés sur les montants de son lit, au-dessus de sa tête, quand elle dort. Symboles de souffrance et de douleur <ref><span id="ancre_vir_croix"> </span> La tradition chrétienne a prodigieusement enrichi le symbolisme de la croix, en condensant dans cette image l’histoire du salut et la passion du Sauveur. La croix symbolise le Crucifié, le Christ, le Sauveur, le Verbe, la seconde personne de la Trinité. '''Chevalier/Gherrbrant,''' ''Dictionnaire des Symboles,'' ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_12|op. cit.]]'' p. 319.</ref>, la croix et la couronne d’épines expriment le supplice de Viridiana. Elles deviennent un calque psychologique de son âme tourmentée. Mais la croix est aussi un symbole de protection. Ainsi, est-ce que Viridiana cherche à « protéger » sa personne ? Ou bien le lit sur lequel elle dort ? Le lit qui est à l’origine de son malheur, quand Don Jaime voulait abuser d’elle ? En même temps, ces deux symboles forts sont des signes de rappel du chemin qu’elle souhaite suivre et qu’elle annonce à la Mère Supérieure : « '' Avec mes faibles forces, je suivrai le chemin que le Seigneur le trace désormais. On peut aussi servir en dehors du couvent. '' » Ce qui explique, peut-être, l’obstination de Viridiana de faire les choses par elle-même, et de laver le sol de sa chambre avec un seau et un balai, car elle aurait pu demander à Ramona de se charger de cette basse besogne.
 
 
<center>[[#ancre_1|▲ ▲ ▲]]</center>
 
<span id="ancre_vir218"> </span>
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<center>'''Chapitre 18'''</center>
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===0h 37’ 47’’ – 0h 39’ 13’’ : '''Plans 78 - 80. Viridiana cherche à aider des mendiants - Première rencontre''' ===
 
<span id="ancre_vir59"> </span>
[[Fichier: Viridiana59_Bunuel_38_29_première rencontre_Viridiana_mendiants.jpg|300px|thumb|right|alt= ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 59 - Plan 79b.''' Viridiana prend l'enfant du bras de l'aveugle : ''Donnez-la moi ! Dans mes bras, jolie ! '' Nous distinguons de gauche à droite, les mendiants suivants : Enedina qui porte un enfant, Pelón, Poca (caché derrière Viridiana) et l’Aveugle (Don Amalio). | ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 59 - Plan 79b.''' <br/> Viridiana prend l'enfant du bras de l'aveugle : ''Donnez-la moi ! Dans mes bras, jolie ! '' <br/>
Nous distinguons de gauche à droite : Enedina qui porte un enfant, Pelón, Poca (caché derrière Viridiana) et l’Aveugle (Don Amalio).]]
 
<span id="ancre_78">''' Plan 78.'''</span> ''0h 37' 47&quot;'' : Sur la place du village. Un premier mendiant sort d'une église. Un second mendiant l'apostrophe : « ''Elle arrive ? '' <br/>
- 1er Mendiant : '' Elle s'est signée, mais elle ne se lève pas. '' <br/>
- Une Mendiante : ''Un vrai moulin à prières ! '' <br/>
- Une 2nde Mendiante : ''Il paraît qu'elle va même nous payer. '' »
 
<span id="ancre_79">''' Plan 79.'''</span> ''0h 38' 40&quot;'' : Un autre mendiant assis, tient d'une main un enfant, et tend l'autre main en demandant l'aumône : « '' Âmes charitables ! Pensez au pauvre aveugle ! Une aumône pour un pauvre aveugle impotent.'' (Le premier Mendiant se dirige vers lui.)<br/>
- 1er Mendiant (Il invite l'aveugle à les joindre.) : '' La voilà ! '' (Il aide l'aveugle à se relever.) '' C'est fini, pour toi, de traîner la savate, de te battre avec les gosses.'' (Viridiana apparaît, le visage heureux.) <br/>
- Viridiana (Elle prend l'enfant du bras de l'aveugle.) : ''Donnez-la moi ! Dans mes bras, jolie ! '' (Cf. '''[[#ancre_vir59|Photogramme 59 – Plan 79b]] ''') (Elle s'adresse à l'assemblée des mendiants.) ''Êtes-vous prêts ? '' <br/>
- L'Aveugle : ''Quand vous voudrez... ''<br/>
- Viridiana : ''Alors allons-y ! '' (Le groupe des mendiants est constitué de deux femmes, trois hommes et deux enfants.)<br/>
- 1er Mendiant : '' On dirait un ange. Dommage que tu sois aveugle… '' <br/>
- Viridiana : ''Épargnez-moi vos compliments. Je n'aime pas ça.'' »
 
<span id="ancre_80">''' Plan 80.'''</span> ''0h 38' 55&quot;'' : À une fontaine, un quatrième mendiant, barbu, donne des tapes sur l'épaule d'un autre mendiant qui se désaltère : « '' Les voilà. '' <br/>
- Viridiana : ''Vous êtes les deux derniers ? '' <br/>
- Le quatrième mendiant : ''Oui, mademoiselle. ''<br/>
- Viridiana : ''Bien, suivez-moi.'' »
 
<center>* * *</center>
 
<span id="ancre_vir218a"> </span>
==== Les mendiants – Est-ce le commencement du Chemin du Seigneur ? ====
 
Avec abnégation et générosité, Viridiana commence par accueillir des mendiants. Elle renonce à sa tranquillité, son repos et une partie de son héritage (puisque Don Jaime la désigne avec Jorge, son fils naturel, comme étant les héritiers du domaine), pour se consacrer à une tache ingrate et ardue dont peu de personne risque ou ose le faire. Elle a choisit un chemin dont elle ignore ou il pourra la conduire, mais elle l’emprunte quand même.
 
Parmi ce premier groupe de mendiants, nous allons suivre de près le Boiteux et l’Aveugle (Don Amalio). Soulignons d'abord que dans le groupe il y a deux boiteux : Pelón et Le Boiteux. Ensuite, nous ne connaissons pas le nom du Boiteux, contrairement aux autres, qui ont souvent un nom propre, et même parfois Viridiana les appelle par leur second prénom, comme par exemple, Poca qui s’appelle Manuel.
 
<center>* * *</center>
 
<span id="ancre_vir218b"> </span>
==== La subtilité et l’amplitude du projet de Buñuel ====
 
Pour revenir sur le Boiteux, nous allons développer un peu plus « '''[[#ancre_vir104d|l’équation]]''' » dont on a parlé avant. Il s’agit de [[#ancre_vir208c|l’équation [1.1]]] qui se prolonge avec un élément de plus, en incluant cette fois-ci une personne : Le Boiteux. Pourquoi ? Parce que il a un handicape au pied. L’équation devient :
 
<span id="ancre_vir218e1.2"> </span>
'''[1.2] : [[#ancre_vir202|Corde]] &rarr; [[#ancre_vir202a|Pied]] &rarr; [[#ancre_vir202b|Poignée]] &rarr; [[#ancre_vir202b|Serpent]] &rarr; [[#ancre_vir207|Pelote de laine]] &rarr; [[#ancre_vir207|Feu]] &rarr; [[#ancre_vir32|Cendre]] &rarr; [[#ancre_31a|Lit]] &rarr; [[#ancre_vir218a|Le Boiteux]] '''
 
De la sorte, nous constatons que le projet de Buñuel, qui a des suites subtiles dans les idées, est de lier les éléments fondamentaux du film afin d’aboutir à une interprétation dense et profonde. C’est d’ailleurs l’un des points les plus intéressants du film, car comme on peut le voir, à chaque nouveau chapitre (selon notre propre découpage), nous assistons à l’émergence et l’apparition de nouveaux éléments, ou objets, et chaque objet présenté a une répercussion sur d’autres objets,<ref> Tout compte fait, cette caractéristique innovante est très rare au cinéma, à notre connaissance, nous avons rarement rencontré un film qui propose autant d’éléments reliés entre eux avec une si grande maîtrise et finesse. </ref> souvent comme nous l’avons déjà dit, sous la forme d’un [[#ancre_vir204a|parallélisme]] qui enlève toute ambiguïté d’interprétation, par exemple, avec l’arrivée des mendiants nous assistons à l’arrivée de Jorge, le fils naturel de Don Jaime et de Lucia, son amie, qui est selon Jorge : « ''Une chic fille.'' »
 
<center>[[#ancre_1|▲ ▲ ▲]]</center>
 
<span id="ancre_vir219"> </span>
<br/>
<center>'''Chapitre 19'''</center>
<br/>
 
===0h 39’ 14’’ – 0h 41’ 28’’ : '''Plans 81 - 87. L'arrivée de Jorge et Lucia – L’arrivée des mendiants''' ===
 
<span id="ancre_vir60"> </span>
[[Fichier: Viridiana60_Bunuel_39_21_première apparition_Jorge_Lucia.jpg|300px|thumb|right|alt= ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 60 - Plan 82.''' Première apparition de Jorge et Lucia, ils sont devant le portrait de Don Jaime. | ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 60 - Plan 82.''' <br/> Première apparition de Jorge et Lucia, ils sont devant le portrait de Don Jaime.]]
 
<span id="ancre_vir61"> </span>
[[Fichier: Viridiana61_Bunuel_40_10_mouchoir_Lucia.jpg|300px|thumb|right|alt= ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 61 - Plan 84.''' Lucia cherche quelque chose dans son petit sac à main : un mouchoir. | ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 61 - Plan 84.''' <br/> Lucia cherche quelque chose dans son petit sac à main : un mouchoir. ]]
 
<span id="ancre_81">''' Plan 81.'''</span> ''0h 39' 14&quot;'' : Plan fixe sur un tableau. C’est un portrait de Don Jaime dont le style est classique. Il est assis dans un fauteuil. Le fond semble nu. Nous entendons en off, la voix d'un jeune homme qui parle. C'est Jorge, le fils naturel de Don Jaime, il est en train d'admirer le tableau : « '' Étrange homme ! J'aurais aimé le connaître.'' <br/>
- La voix d'une jeune femme (Lucia, la fiancée de Jorge.) : ''Tu parles, un égoïste !'' »
 
* <span id="ancre_82">'''[[#ancre_vir60|Photogramme 60 – Plan 82.]] '''</span> ''0h 39' 21&quot;'' : Jorge et Lucia visitent le salon. Ramona les suit de près. Lucia poursuit la conversation : « ''Regarde avec toi. '' <br/>
- Jorge : '' Je ne lui en veux pas. Les amours passagers, ça arrive. Pourquoi m'a-t-il reconnu au dernier moment ?'' <br/>
- Ramona : '' Monsieur était très bon. Meilleur qu'on ne croit.'' <br/>
- Jorge : ''Pourquoi s'est-il tué ? '' <br/>
- Ramona (En baissant les yeux.) : '' Je ne sais pas.'' <br/>
- Jorge : '' Il n'est pas bon d'être toujours seul. '' (Il regarde Lucia.) '' Je ne lui ressemble pas ?'' <br/>
- Lucia : '' Ça non ! Tu cherches toujours la compagnie.'' »
 
<span id="ancre_83">''' Plan 83.'''</span> ''0h 39' 46&quot;'' : Jorge s'approche de l'harmonium. Il pose son chapeau sur le couvercle ouvert, et répond à Lucia : « ''Que veux-tu dire ? '' <br/>
- Lucia : '' Je me comprends.'' <br/>
Jorge joue un accord sur l'harmonium, Ramona s'approche : '' Ne jouez pas... Pardon. Monsieur tuait le temps en jouant. '' (Il referme le couvercle. Jorge retire son chapeau et ses gants.) ''On l'écoutait religieusement... Permettez, j'apporte l'autre valise.'' (Jorge se dirige vers la fenêtre ouverte.) »
 
<span id="ancre_84">''' Plan 84.'''</span> ''0h 40' 07&quot;'' : Plan en contre champs. Jorge et Lucia sont à la fenêtre. Lucia cherche quelque chose dans son petit sac à main : un mouchoir. (Cf. '''[[#ancre_vir61|Photogramme 61 – Plan 84]] ''')
Jorge est visiblement heureux : « '' L'air est pur, ici. Et derrière ses pins, la terre est sèche en friche ! Il y a beaucoup de travail. Et personne pour me commander. '' (Il donne un baiser à Lucia, mais il remarque que la jeune fille est triste.) ''Tu n'es pas heureuse ? '' <br/>
- Lucia : '' Si. Mais j'aurais préféré ne pas venir. '' (Tout à coup, elle semble voir quelque chose.) '' Regarde !'' »
 
<span id="ancre_85">''' Plan 85.'''</span> ''0h 40' 30&quot;'' : C'est en effet, l'arrivée de Viridiana et des mendiants : sept adultes et deux enfants.
 
<span id="ancre_86">''' Plan 86.'''</span> ''0h 40' 40&quot;'' : Deux mendiants discutent, il s'agit du 1er Mendiant et de l'Aveugle, il l'informe de ce qu'il voit : « '' Elle est énorme !'' <br/>
- L'Aveugle : '' Tant mieux pour nous. Combien d'étages ?'' <br/>
- 1er Mendiant : '' Deux.'' <br/>
- L'Aveugle : '' Beaucoup de fenêtres ?'' <br/>
- 1er Mendiant : '' Plein ! Des balcons et des tours d'église du tonnerre.'' <br/>
- L'Aveugle : '' C'est donc, une maison respectable. '' »
 
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