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Viridiana

83 989 octets ajoutés, 28 juin 2017 à 21:58
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[[Fichier: Viridiana1_Bunuel_1erplan.jpg|450px400px|thumb|right|alt=''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 1. - Plan 1a. ''' Premier plan du film. | ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 1. - Plan 1a. [[Premier (plan d'un film)|Premier plan du film]]'''.]]
==== Les trouvailles ====
Nous appelons « trouvailles », des idées, des concepts ou des objets d’une grande originalité qui installent une nouvelles vision, ou une vision de plus, comme par exemple, la corde à sauter ou le jeu du diabolo de Rita ; le crucifix-poignard que Jorge découvre parmi les affaires de Don Jaime ; ou enfin, l’installation de l’électricité par Jorge dans la grande maison. À partir de là, comme dans tout tous les grands films, un objet montré à l’écran, ne désigne pas forcément ce qu’il est, mais il suggère encore plus.
<center>* * *</center>
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<br/>
<center>'''Chapitre 1'''</center>
<br/>
===0h 00’ 00’’ – 0h 02’ 49’’ : '''Plan 1b. L'invitation de Don Jaime'''===
<span id="ancre_vir02"> </span>
<span id="ancre_vir202"> </span>
<br/><center>'''Chapitre 2'''</center><br/>===0h 02’ 50’’ – 0h 05’ 15’’ : '''Plans 2 – 4. Viridiana accepte l'invitation – « La Corde – Serpent » ''' ===
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[[Fichier: Viridiana8_Bunuel_Rita dans l'arbre_00_04_50.jpg|400px|thumb|center|alt= ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 9 - Plan 4b.''' Rita au milieu du feuillage de l'arbre. | ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 9 - Plan 4b.''' <br/>Rita au milieu du feuillage de l'arbre.<br/> ''' [[#ancre_vir203dancre_vir209a|Lire notre hypothèse.]]''' ]]
<center>[[#ancre_1|▲ ▲ ▲]]</center>
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<br/><center>'''Chapitre 3'''</center><br/>===0h 05’ 16’’ – 0h 07’ 41’’ : '''Plans 5 - 11. Le premier soir chez Don Jaime – La valise de Viridiana'''===
<span id="ancre_vir10"> </span>
<span id="ancre_vir204"> </span>
<br/><center>'''Chapitre 4'''</center><br/>===0h 07’ 42’’ – 0h 09’ 03’’ : '''Plans 12 - 14. Le Lendemain – Le lait jeté'''===
====Plan dynamique 6 : Pis de vache====
- Rita : '' Don Jaime le fait très bien !'' (Viridiana avance la main vers le pis, mais elle n'ose pas encore le prendre en main.) <br/>
- Moncho (à l'intention de Rita.) : ''Pousse-toi de là ! '' <br/>
- Rita : '' Non !'' (Viridiana saisit timidement le pis, pose la main dessus, presque avec dégoût. Elle lache lâche le pis, pour le reprendre.) »
<span id="ancre_vir19"> </span>
====Le parallélisme d'objet chez Buñuel====
Nous appelons un parallélisme d'objet ou d'élément, la présence de deux choses différentes qui ont souvent une même morphologie. En langage savant, nous dirons une tautologie, qui veut dire en grec : « la même chose » <ref>Du grec ταὐτολογία, composé de ταὐτό, « la même chose », et λέγω, « dire » : le fait de redire la même chose. Source : wikipédia.</ref> Cet aspect prend chez Buñuel une valeur significative qui doit nous interpeller. Le parallélisme d'objet glisse dans le corps du film d'une façon discrète mais il devient le “ciment” qui relie des blocs d'images avec des concepts différents, comme par exemple la ''' [[#ancre_vir04|poignée de la corde à sauter]]''' et le ''' [[#ancre_vir18|pis de la vache]]''' , mais encore dans la même période du film, le ''' [[#ancre_vir05|clou]]''' sur lequel Don Jaime accroche la corde et les ''' [[#ancre_vir16|monumentales clousmonumentaux]]''' des instruments de la crucifixion. De la sorte, cet aspect devient un déclencheur poétique qui anime et stimule l'imagination.
Il est à noter que les deux couples cités sont représentés durant les dix premières minutes du film, ils sont donc inclut dans un temps relativement court, en simplifiant nous obtenons les parallélismes temporelles suivants :<br/>
Soulignons également au passage que l'ensemble de la séquence se déroule devant les “pieds” de la vache.
En somme, nous pouvons dire que le réalisateur choisit quelques éléments ou objets, il les installent installe dans le film dans des situations ordinaires pour aboutir et engendrer en fin de compte à des significations extraordinaires.
Ainsi, ces plans sont à considérer attentivement. Ils témoignent, encore une fois, de la portée annonciatrice d'une image. Ils présentent d'ailleurs, d'autres arguments. Tout d'abord, nous assistons à une [[métamorphose]] de la figure de la vache, elle représente cette fois-ci un homme : il s'agit de la générosité de Don Jaime. En effet, La Supérieure du couvent persuade Viridiana d'accepter l'invitation de son oncle : « ''Il a payé vos études, votre entretien, et il vient même d'envoyer votre dot. Cela vous semble-t-il peu ?'' » Ensuite, lors de l'arrivée de Viridiana chez son oncle ('''[[#ancre_4a|plan 4]]'''), il y a eu ce dialogue : « <br/>
- Viridiana : ''Aucune.'' »
Comme pour le pis de vache, de laquelle duquel aucune goutte de lait n'est sortie, quand Viridiana essaya de la traire. En revanche le lait va couler sur la tête de la vache grâce au versement (gaspillage) de Rita.
Enfin, il reste l'expression de Moncho : « '' tirez fort. Mais Serrez!'' » Ne correspond-elle pas à un [[clédon]] ? Ne représente-elle pas l'image du nœud de la [[Corde#ancre_73p|corde]], celle de Rita que Don Jaime utilise pour se pendre ? Ne concerne-elle pas non plus, plus tard, le boiteux, quand il utilise la [[Corde#ancre_104p|corde]] en guise de ceinture ?
<span id="ancre_vir205"> </span>
<br/><center>'''Chapitre 5'''</center><br/>===0h 07’ 42’’ – 0h 09’ 03’’ : '''Plans 15 – 16. Au poulailler – Première allusion à Jorge - L'abeille ''' ===
<span id="ancre_vir20"> </span>
* <span id="ancre_15a">'''[[#ancre_vir20|Photogramme 20 – Plan 15a.]] '''</span> ''00h 08' 55&quot;'' : Les mains de Viridiana saisissent les [[Œuf|œufs]] qu'elle trouve dans les pondoirs, et les déposent dans le panier. Elle termine le [[verre]] de [[lait]] que Moncho lui a offert. Apparaît Don Jaime au premier plan : « ''Soeur Sœur Viridiana ! '' <br/>
- Viridiana : ''Bonjour mon oncle. Vous êtes bien matinal, aujourd'hui ! '' <br/>
- Don Jaime : ''C'est pour te voir plus longtemps. '' <br/>
<span id="ancre_vir206"> </span>
<br/><center>'''Chapitre 6'''</center><br/>===0h 10’ 27’’ – 0h 11’ 38’’ : '''Plans 17 – 22. Don Jaime nostalgique – Le coffre de feue Dona Elvira ''' ===
</table>
A travers la comparaison et la description du tableau nous obtenons un calque psychologique relativement précis des deux personnages. En effet, Gaston Bachelard, dans un chapitre consacré à la question du coffre, considère, avec raison, que nous pénétrons dans les “images du secret”. <ref>Cf. '''G. Bachelard,''' ''La Poétique de l'Espace'', chapitre III, "Le Tiroir, les coffres et les armoires, P. U. F. Paris, (1957) 1998, p. 82. </ref> Un peu plus loin, il précise : “Le coffre est un objet qui s'ouvre. Quand il se ferme, il est rendu à la communauté des objets ; il prend sa place dans l'espace extérieur. Mais il s'ouvre ! Alors, cet objet qui s'ouvre est, dirait un philosophe mathématicien, la première différentielle de la découverte. (…) Le dehors est rayé d'un trait, tout est à la nouveauté, à la surprise, à l'inconnu. Le dehors ne signifie plus rien. Et même, suprême paradoxe, les dimensions du volume n'ont plus de sens parce qu'une dimension vient de s'ouvrir : la dimension d'intimité.” <ref>''Ibid.'', p. 88. </ref> Mais chez Buñuel la représentation des images d'intimité se complique un peu, puisqu'il associe deux contenants différents ayant des contenus également différents. Ainsi, nous ne pouvons pas dire dans la comparaison, qu'avec les contenants ouverts, “le dehors ne signifie rien”. Nous avons vu la [[#ancre_vir206b6|place des contenants]] quand les objets sont dehors, et la différence de comportement entre [[#ancre_vir206b7|Viridiana et Don Jaime]] devant les objets. N'y-a-t-il pas ici une dialectique influente et communicative entre le dedans et le dehors ? Nous ne pouvons pas non plus dire, dans notre cas, que “les volumes n'ont plus de sens”. Il nous semble, qu'au contraire, ils vont acquérir un caractère de monumentalité, surtout avec la situation de Viridiana, quand Ramona regarde par le trou de la serrure '''[[#ancre_vir14|(Plan 8)]]''', à ce moment là, c'est la chambre de Dona Elvira qui devient un coffre monumental, dont Ramona souhaite percer le secret. Et si nous allons jusqu'au bout de notre raisonnement, au plan 8, Viridiana elle-même devient comme un objet, qu'on va bientôt manipulémanipuler. Du côté de Don Jaime, le cadrage du plan est significatif, puisque nous assistons à la scène, au début '''[[#ancre_vir23|(Plan 18)]]''' en restant au seuil de la chambre, devant une porte sculptée ouverte. Autre représentation d’un coffre à l’intérieur d’un coffre (monumental).
Toutefois il y a un dénominateur commun qui relie les deux contenants, il s’agit de feue Dona Elvira, Viridiana est dans sa chambre au moment où elle ouvre sa propre valise, Don Jaime est dans sa chambre quand il ouvre le coffre des habits de mariage. Et justement ce qui est frappant dans la comparaison du tableau, c’est le comportement des deux personnages, Viridiana en prière et Don Jaime qui s’amuse, seul, à faire la noce. En somme, grâce à ces deux passages nous entrons dans ce que Bachelard appelle « la topo-analyse des espaces intimes ». <ref>''Ibid.'', p. 89. </ref>
<span id="ancre_vir207"> </span>
<br/><center>'''Chapitre 7'''</center><br/>===0h 11’ 39’’ – 0h 13’ 26’’ : '''Plans 23 – 33. Viridiana somnambule – Les cendres sur le lit de Don Jaime'''===
* <span id="ancre_23">'''[[#ancre_vir28|Photogramme 28 – Plan 23.]] '''</span> ''00h 11' 41&quot;'' : Don Jaime est étonné de voir passer près de lui Viridiana en chemise de nuit, elle porte sur les épaules un tricot de laine. La jeune femme est visiblement absente, elle a les yeux ouverts, mais le regard est sans expression. Elle tient dans ses mains une corbeille à ouvrage en osier. Don Jaime la suit du regard.
====Plan dynamique (inversé) 8 : Pieds Viridiana====
* <span id="ancre_25">'''[[#ancre_vir29|Photogramme 29 – Plan 25.]] '''</span><ref>"Ibid"</ref> ''00h 1112' 4104&quot;'' : Au moment où Viridiana s'assied, sa chemise s'ajuste mal et laisse voir ses jambes et ses pieds nus.
<span id="ancre_vir29"> </span>
* <span id="ancre_28">'''[[#ancre_vir32|Photogramme 32 – Plan 28.]] '''</span> ''00h 12' 29&quot;'' : Plan rapproché. Viridiana s'accroupit devant le feu. Elle saisit de la cendre à pleine main pour le la déposer dans la corbeille. Plan rapproché sur Don Jaime qui est de plus en plus perplexe '''(Plan 29)'''.
<span id="ancre_vir32"> </span>
<span id="ancre_29">''' Plan 29. '''</span> ''00h 12' 32&quot;'' : Plan rapproché sur Don Jaime qui est de plus en plus perplexe. Il est inquiet.
<span id="ancre_30a">''' Plan 30a30. '''</span> ''00h 12' 36&quot;'' : Retour sur Viridiana qui en se levant, laisse découvrir sa cuisse. Elle se dirige lentement vers la chambre de Don Jaime.
* <span id="ancre_31a">'''[[#ancre_vir33|Photogramme 33 – Plan 31a]] '''</span> ''00h 12' 45&quot;'' : Gros plan du bouquet de fleurs artificielles sur le lit, que Don Jaime a jeter il y a quelques minutes, avec un certain mépris.
====Quelle est la valeur de la cendre ? ====
Buñuel continue à introduire des objets et de les animer avec un grand art mais aussi de l'ambiguitél’ambiguïté. Après la [[#ancre_vir202|corde à sauter]], les [[#ancre_vir204b|poignées de la corde, le pis de vache]], les [[#ancre_vir206b|instruments de crucifixion, le coffre de Don Jaime]] et [[#ancre_vir205|l'abeille]], il nous présente maintenant une corbeille en osier, avec des aiguilles et une pelote de laine. Ce qu'il faut souligner tout d'abord, c'est que la corbeille vient de faire sa [[première]] (et dernière) apparition ; nous n'avons rencontré personne qui tricote. Est-ce que la corbeille appartient à Ramona ? Seule femme de la maisonnée. Ou alors à Viridiana ? Cela reste un mystère, comme l'apparition mystérieuse de Viridiana à [[Instant (précis)|l'instant précis]] où Don Jaime a ouvert le coffre. En effet, il ouvre le coffre et voilà que Viridiana apparaît dans un état de somnambulisme, un état éveillé mais inconscient. Ne peut-on pas également déduire que c'est une apparition de feue Dona Elvira, étant donnée [[#ancre_4a2|la grande ressemblance entre Viridiana et Dona Elvira ?]] Par ailleurs, nous pouvons constater que durant son état inconscient, Viridiana a constamment le regard fixe, en avant, comme si elle voyait au-delà des choses, comme si elle voyait le futur. Ainsi, au moment où elle remplace le contenu de la corbeille par de la cendre, elle ne regarde pas ce qu'elle fait, mais elle le fait adroitement. Il en est de même quand elle jette la cendre près de bouquet de fleurs artificielles, c'est comme si Elle savait ce qu'Elle faisait. Et la question est de savoir qui c'est Elle ? (Est-ce Viridiana ? ou Dona Elvira ?)
Quelle est alors la valeur de ce [[#ancre_vir34|plan unique]] dans le film ? Nous avons vu à quel point Don Jaime était inquiet et intrigué par la scène qui est exceptionnelle. La question reste ouverte, mais nous pensons assister au vœu de métamorphose souhaitée par Viridiana. Elle remplace des objets, encore une fois banalesbanals, par de la cendre : le produit de la fin de toute chose terrestre. D'autre part, il semblerait que la cendre « ''tire son symbolisme du fait qu'elle est par excellence valeur résiduelle : ce qui reste après l'extinction du feu.'' (Mais) ''Spirituellement parlant, la valeur de ce résidu est nulle. La cendre symbolisera la nullité liée à la vie humaine, du fait de sa précarité.'' » <ref> '''Chevalier/Gherrbrant,''' ''Dictionnaire des Symboles,'' ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_12|op. cit.]]'' p. 187. Par ailleurs, "''les traditions chinoises font un distinguo entre cendre humide (présage de mort) et cendre sèche (capable d'arrêter les eaux du déluge)''". ''Ibid'', p. 187.</ref> Doit-on alors interpréter le plan 31b sous l'angle de la « nullité » ? La nullité du mariage de Don Jaime ? Un mariage artificiel à cause du bouquet de fleurs artificielles ? (Un parallélisme de plus.)
<span id="ancre_vir208c"> </span>
Enfin, il reste encore à développer d'une part, [[#ancre_vir203e1|les équations]] que nous avons pointé pointées précédemment : <br/>
'''[1.1] : [[#ancre_vir202|Corde]] &rarr; [[#ancre_vir202a|Pied]] &rarr; [[#ancre_vir04|Poignée]] &rarr; [[#ancre_vir202b|Serpent]] &rarr; [[#ancre_vir31|Pelote de laine]] &rarr; [[#ancre_vir32|Feu]] &rarr; [[#ancre_vir32|Cendre]] &rarr; [[#ancre_vir34ancre_31a|Lit]]'''<br/>
<span id="ancre_vir208par2.1"> </span>
Et le [[#ancre_vir204a|parallélisme]] entre les clous et les aiguilles :<br/>
'''[Parallélisme 2.1]''' : [[#ancre_vir05| La Corde accrochée à un clou]] (''0h 03' 22&quot;'') / [[#ancre_11|Clous de la crucifixion]] (''0h 07' 23&quot;'')/ [[#ancre_27|Aiguilles à tricoter]] (''0h 12' 12&quot;'')
 
 
<center>[[#ancre_1|▲ ▲ ▲]]</center>
 
 
<span id="ancre_vir208"> </span>
<br/><center>'''Chapitre 8'''</center><br/>===0h 13’ 27’’ – 0h 15’ 16’’ : '''Plans 34 - 37. Le réveil de Don Jaime – Le souhait de départ de Viridiana'''===
<span id="ancre_35">''' Plan 35'''</span> : Don Jaime est assis sur son lit, en train de prendre son petit déjeuner. Ce que vient de dire Ramona le fait sursauter : «  ''Son dernier jour dans cette maison ! Si elle part, je ne la verrai plus. ''<br/>
- Ramona : ''Pourquoi ne lui dites-vous pas de rester quelques jours de plus ? ''<br/>
- Don Jaime : ''Je le lui ai demandé, mais c’est une ingrate. Parfois j’ai envie de la battre. Quand je lui parle du couvent elle redevient de pierre.'' (Tout à coup, Il il semble penser à quelque chose d’important. Il appelle Ramona sur un ton presque suppliant.) ''Ramona ! ''(Elle cesse son nettoyage. Elle fixe son regard sur son maître.) ''Viens ici, Ramona.'' (En tapant sur le bord du lit. Ramona abandonne son chiffon et s’approche du lit.)<br/>
- Ramona : ''Qu’y a-t-il ? ''<br/>
- Don Jaime (Il la prend par la main, l’obligeant à s’asseoir.) : ''Assieds-toi, femme ! Assieds-toi ! ''(Il la regarde dans les yeux avec douceur.) ''Tu as de l’estime pour moi, n’est-ce pas ? ''<br/>
- Ramona : ''Commandez-moi monsieur. Je ferai n’importe quoi.''<br/>
- Don Jaime : ''Pourquoi ne lui parles-tu pas, Ramona ? Les femmes ont plus d’idées pour cela. Trouve quelque chose pour qu’elle reste deux ou trois jours de plus. ''(Il lui prend la main, en la caressant.) ''Tu es bonne, Ramona ! Parle-lui, je sais que je n’ai pas besoin de t’offrir quelque chose, mais si tu réussis je te promets que je ne t’oublierai pas, ni la petite.''<br/>
- Ramona : ''Mais monsieur, que puis-je lui dire ? et Et quelle attention va-t-elle prêter à une domestique ?''<br/>
- Don Jaime : ''Tu as raison, mais il faut faire quelque chose. ''(Il continue à réfléchir à ce qu’il n’ose pas exprimer.)<br/>
- Ramona : ''Pensez vous-même à ce qui serait le plus habile et pour quoi que ce soit je vous aiderait de tout mon cœur. ''<br/>
<center>[[#ancre_1|▲ ▲ ▲]]</center>
<br/><center>'''Chapitre 9'''</center><br/>
<span id="ancre_vir209"> </span>
===0h 15’ 17’’ – 0h 15’ 31’’: '''Plans 38 - 39. Rita et Viridiana jouent ensemble à la corde à sauter ''' ===
* <span id="ancre_38">'''[[#ancre_vir36|Photogramme 36 – Plan 38.]] '''</span> ''0h 15' 17&quot;'' : Plan éloignée, en plongée. Nous voyons Rita, qui saute encore à la corde. Près d’elle se trouve Viridiana. Elle fait arrêter la fillette. Elles parlent un moment puis la jeune fille prend la corde à son tour et elles se mettent à sauter ensemble, avec beaucoup de dextérité.
<span id="ancre_vir210"> </span>
<br/><center>'''Chapitre 10'''</center><br/>===0h 15’ 32’’ – 0h 16’ 52’’ : '''Plan 40. La fin du déjeuner – Explication sur le somnambulisme de Viridiana'''===
<span id="ancre_vir38"> </span>
A présent observons la descente de Don Jaime dans une spirale dangereuse.
 
 
<center>[[#ancre_1|▲ ▲ ▲]]</center>
<span id="ancre_vir211"> </span>
<br/>
<center>'''Chapitre 11'''</center>
<br/>
 
===0h 16’ 53’’ – 0h 20’ 37’’ : '''Plans 41 - 45. Viridiana et Don Jaime jouent aux mariés'''===
 
<span id="ancre_vir41"> </span>
[[Fichier: Viridiana41_Bunuel_17_01_robe_mariee.jpg|300px|thumb|right|alt= ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 41 - Plan 42.''' Viridiana qui apparaît vêtue de la robe de mariée, elle porte d’une main un chandelier allumé. Elle s’avance, parée comme si elle montait à l’autel. Ramona l’aide en portant sa traîne.| ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 41 - Plan 42.''' <br/> Viridiana qui apparaît vêtue de la robe de mariée, elle porte d’une main un chandelier allumé. Elle s’avance, parée comme si elle montait à l’autel. Ramona l’aide en portant sa traîne.]]
 
<span id="ancre_vir42"> </span>
[[Fichier: Viridiana42_Bunuel_17_16_robe_mariee_chandelle.jpg|300px|thumb|right|alt= ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 42 - Plan 43.''' Don Jaime voit entrer Viridiana, il reste immobile un instant. Puis il avance vers elle, lui prend le chandelier des mains, et la contemple d’un regard admiratif.| ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 42 - Plan 43.''' <br/> Don Jaime voit entrer Viridiana, il reste immobile un instant. Puis il avance vers elle, lui prend le chandelier des mains, et la contemple d’un regard admiratif.]]
 
<span id="ancre_41">''' Plan 41.'''</span> ''0h 16' 53&quot;'' : Extérieur parc. La nuit. La façade da la maison est illuminée par la lune. Les fenêtres des deux seules pièces se détachent de l’obscurité. Peu à peu, de celle qui correspond à la chambre de Dona Elvira, la lumière s’éloigne comme si quelqu’un quittait la pièce en l’emportant.
 
* <span id="ancre_42">'''[[#ancre_vir41|Photogramme 41 – Plan 42.]] '''</span>  ''0h 17' 00&quot;'' : Viridiana qui apparaît vêtue de la robe de mariée que nous avons vue au ''' [[#ancre_18|plan 18]] ''' dans les mains de Don Jaime. Elle sort de la chambre de Dona Elvira, elle porte d’une main un chandelier allumé. Elle s’avance, parée comme si elle montait à l’autel. Bien que la situation lui déplaise, elle la divertit un peu. Ramona l’aide en portant sa traîne. Elles se dirigent vers le salon.
 
* <span id="ancre_43">'''[[#ancre_vir42|Photogramme 42 – Plan 43.]] '''</span>  ''0h 17' 09&quot;'' : Don Jaime regarde vers la porte et voit entrer Viridiana. La main lui tremble, il reste immobile un instant. Puis il avance vers elle, lui prend le chandelier des mains, et la contemple d’un regard admiratif. Ramona lâche la traîne et sort du cadre. <br/>
- Don Jaime : « ''Comme tu es bizarre ! Quand je t’ai demandé de me faire ce plaisir tu as refusé, presque offensée, et puis voilà que tout d’un coup tu me combles de bonheur ! Merci, ma fille ! '' <br/>
- Viridiana  (Un peu oppressée.) : ''Je n’aime pas les mascarades, mais vous voyez que je me suis décidée à satisfaire votre caprice. ''<br/>
- Don Jaime  (Il libère la main de la jeune fille. Il a une expression d’amertume.) : ''Ce n’est ni une mascarade, ni un caprice. '' (Il se tait un instant.) ''Je vais te dire une chose que très peu de gens connaissent. '' (Il fait quelques pas, il s’arrête et se retourne vers elle.) <span id="ancre_vir211a"> </span> ''Ta tante est morte du cœur, dans mes bras, la nuit de nos noces, vêtue de cette robe. Et toi, tu lui ressembles tant ! '' (Tout en parlant, il s’est avancé vers une table, sur laquelle il pose le chandelier.) ''Tu dois penser que je suis fou. '' <br/>
- Viridiana : ''Non, mon oncle. Et maintenant je suis contente de vous avoir fait plaisir, parce que, contrairement à ce que j’avais pensé, je crois que vous êtes bon. '' (Viridiana arrange son voile.) <br/>
- Don Jaime  (Tout en parlant, il s’est approché d’une autre table, près de laquelle nous voyons Ramona s’affairer. Il allume un samovar à alcool.) : ''Si tu savais… Quand j’étais jeune je me sentais plein d’idéal. Je voulais faire quelque chose de grand pour les autres ; quelque chose qui aurait montré mon amour pour l’humanité. Mais dès que je m’y mettais, j’avais peur qu’on se moque de moi, je me sentais ridicule… et je rentrais dans ma coquille. ''<br/>
- Viridiana : ''N’est-ce pas de la lâcheté ? '' (<span id="ancre_44">''' Plan 44.'''</span> ''0h 18' 16&quot;'' )<br/>
- Don Jaime : ''Non, ce n’est pas cela. Je t’assure que je ne tremblerais pas devant un grand danger. Je me le suis prouvé à moi-même. En revanche, la visite d’un inconnu, qui vient peut-être seulement me saluer, me remplit d’inquiétude. '' »
 
<span id="ancre_vir43"> </span>
[[Fichier: Viridiana43_Bunuel_19_05_vous épouser_.jpg|300px|thumb|right|alt= ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 43 - Plan 45a.''' Ramona qui vient au secours de Don Jaime. Elle s’adresse à Viridiana : « ''Il veut vous épouser, mademoiselle. ''».| ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 43 - Plan 45a.''' <br/> Ramona qui vient au secours de Don Jaime. Elle s’adresse à Viridiana : « ''Il veut vous épouser, mademoiselle. ''».]]
 
<span id="ancre_vir44"> </span>
[[Fichier: Viridiana44_Bunuel_19_34_robe_mariee_refus_.jpg|300px|thumb|right|alt= ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 44 - Plan 45b.''' Don Jaime met son plan à exécution, il faut d’abord retenir Viridiana : «''Attends ! Pardonne-moi. Vraiment. Je te demande sincèrement pardon. Reste quelques minutes. ''». | ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 44 - Plan 45b.''' <br/> Don Jaime met son plan à exécution, il faut d’abord retenir Viridiana : «''Attends ! Pardonne-moi. Vraiment. Je te demande sincèrement pardon. Reste quelques minutes. ''».]]
 
Le silence s’établit un moment. Don Jaime regarde Viridiana amoureusement : « '' Je ne me lasse pas de te regarder. Viens. Allons nous asseoir. '' (Tous deux s’assoient, l’un près de l’autre.)<br/>
- Viridiana : ''Ne croyez pas, mon oncle, que cela ne m’attriste pas de vous quitter. ''<br/>
- Don Jaime (Vivement.) : ''Cela ne dépend que de toi. Ne pars pas, alors ! … ''<br/>
- Viridiana (Elle hoche la tête négativement.) :'' Malheureusement… ''<br/>
- Don Jaime (Découragé.) : ''C’est ma faute. Si j’étais allé te voir souvent, si je t’avais fait venir pour tes vacances, tous serrait peut-être différent. ''<br/>
- Viridiana (Souriante.) : ''C’est possible. ''<br/>
- Don Jaime : ''Il y a un moyen pour que tu restes. Si je te demandais… '' (Il s’arrête devant elle. Il baisse les yeux.) ''Enfin… si je te disais que… '' (Il ne peut poursuivre.) ''Je ne peux pas… Je ne peux pas… '' »
Viridiana le regarde étonnée.
 
* <span id="ancre_45">'''[[#ancre_vir43|Photogramme 43 – Plan 45a.]] '''</span> ''0h 19' 05&quot;'' : Ramona s’avance vers eux. La servante a suivi avec intérêt la conversation. Elle vient au secours de Don Jaime. Elle s’adresse sur un ton résolu à Viridiana : « ''Il veut vous épouser, mademoiselle. '' (Viridiana est stupéfaite.) ''Pardonnez-moi, Monsieur, mais si je ne le dis pas vous n’oserez pas. '' (Don Jaime, honteux, regarde la domestique avec un air de reproche.) '' Il vous aime beaucoup et il mérite qu’on le lui rende car il est très bon.''<br/>
- Viridiana  (Très surprise.) : ''Vous parlez sérieusement ? ''<br/>
- Don Jaime  (Les yeux baissés.) : ''Oui, je veux que tu ne t’en ailles jamais de cette maison. ''<br/>
- Viridiana  (Se levant.) : ''Il n’est pas possible que vous soyez dans votre bon sens ! J’étais si heureuse ces jours-ci. Maintenant vous avez tout gâché. '' (Elle ôte rageusement son voile.) '' Il vaut mieux que je m’en aille dans ma chambre. '' <br/>
- Don Jaime : ''Attends ! Pardonne-moi. Vraiment. Je te demande sincèrement pardon. Reste quelques minutes.'' (Cf. '''[[#ancre_vir44|Photogramme 44 – Plan 45b]]''') ''Si tu t’en vas maintenant, je penserai que tu vas me garder rancune pour toujours… Je te promets de ne parler de rien qui puisse te fâcher. Je mettrai un peu de musique et nous prendrons le café. '' (Il fait un signe à Ramona qui est revenue vers la cafetière. Viridiana est restée immobile, la tête baissée. Ramona regarde Don Jaime, qui lui fait un geste imperceptible de connivence. Il va vers le phonographe et y place un disque : Le '' Kyrie du Requiem'' de Mozart. Ramona remplit les tasses.)<br/>
- Ramona : ''Mademoiselle… tenez, ça vous fera du bien.'' » <br/>
Viridiana boit lentement presque toute la tasse.
 
 
<center>* * *</center>
 
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==== Les caprices de Don Jaime ====
 
Après avoir déposé la cendre sur le lit de Don Jaime, Viridiana est anxieuse, Don Jaime profite de l'angoisse de Viridiana à son sujet pour lui imposer le « jeu de la mariée ». On se rappelle l’origine du jeu, c’était au '''[[#ancre_vir40|plan 40c,]]''' Don Jaime tend à sa nièce un morceau de fruit : « ''Je voudrais que tu me fasses un plaisir. Une chose innocente, (…) '' <br/>
- Viridiana : ''Aujourd’hui, je ne peux rien vous refuser.''<br/>
- Don Jaime : ''Alors, tu feras ce que je te demanderai ?''<br/>
- Viridiana (En mordant le fruit.) : ''Ce que vous voudrez. Ordonnez-moi.'' »<br/>
 
La « chose » que Don Jaime demande n’est pas aussi innocente qu’il le prétend. Cette « chose innocente » cache toutes ses obsessions et phantasmes. Tout d’un coup, Viridiana va donner corps à ses désirs les plus profondes : retrouver un instant son épouse disparue et éventuellement la remplacer. Ainsi, au moment où Viridiana apparaît devant lui habillée avec la robe de mariée, elle exprime son sentiment à l’égard de son oncle  : « ''Je n’aime pas les mascarades, mais vous voyez que je me suis décidée à satisfaire votre caprice. '' » Don Jaime est étonné de la pertinence d’appréciation de Viridiana : « ''Ce n’est ni une mascarade, ni un caprice. '' » Mais ensuite, il évite de répondre en changeant de sujet. Ce qui semble indiquer que c’était un caprice, et qu’il considère sa nièce comme un « jouet ».
 
Comme nous pouvons le constater, depuis le début du film, le jeu a une place de choix, avec des ramifications surprenantes, nous réservons notre développement dans la conclusion.
 
Pour le moment, nous allons prendre en considération, l’[[habit]] et les accessoires du « jeu ».
 
 
<center>* * *</center>
 
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==== Le parallélisme de la couronne ====
 
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[[Fichier: Viridiana42_Bunuel_17_16_robe_mariee_chandelle.jpg|300px|thumb|right|alt= ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 42 - Plan 43 (bis).''' Don Jaime voit entrer Viridiana, il reste immobile un instant. Puis il avance vers elle, lui prend le chandelier des mains, et la contemple d’un regard admiratif.| ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 42 - Plan 43 (bis).''' <br/> Don Jaime voit entrer Viridiana, il reste immobile un instant. Puis il avance vers elle, lui prend le chandelier des mains, et la contemple d’un regard admiratif.]]
 
Au '''[[#ancre_vir16|plan 11]]''' nous avons vu en gros plan la couronne d’épines posée sur un coussin, l’image est ponctuelle, à peine quelques secondes. Dans ce chapitre, outre la robe et la voile de mariée, nous verrons aussi la couronne de fleurs artificielles de feue Dona Elvira placée sur la tête de Viridiana. Ce qui est significatif avec la couronne de fleurs, c’est la durée de sa présence : du '''[[#ancre_vir41|plan 42]]''' (''0h 17' 00&quot;'') au '''[[#ancre_vir44|plan 45b]]''' (''0h 19' 34&quot;''), c’est le moment où Ramona lui annonce que Don Jaime veut l’épouser et que Viridiana ôte hargneusement le voile de sa tête. C’est une façon d’annoncer que la « cérémonie » est terminée. Nous reviendrons sur cette séquence, au [[#ancre_vir213|chapitre 13, « Don Jaime s’offre Viridiana »]], surtout que Don Jaime va habiller, avec malice, la couronne de fleurs sur la tête de Viridiana une seconde fois. Pour l’instant nous soulignons le 5ème '''[[#ancre_vir204a|parallélisme]]''' :
 
<span id="ancre_vir211bpar5"> </span>
'''[ Parallélisme 5]''' : [[#ancre_vir16| Couronne d’épines]] (''0h 07' 24&quot;'') / [[#ancre_vir41| Couronne de fleurs artificielles]] (''0h 17' 00&quot;'')
 
<center>* * *</center>
 
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==== Est-il bon de traîner les restes de son passé ?====
 
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[[Fichier: Viridiana41_Bunuel_17_01_robe_mariee.jpg|300px|thumb|right|alt= ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 41 - Plan 42 (bis).''' Viridiana qui apparaît vêtue de la robe de mariée, elle porte d’une main un chandelier allumé. Elle s’avance, parée comme si elle montait à l’autel. Ramona l’aide en portant sa traîne.| ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 41 - Plan 42 (bis).''' <br/> Viridiana qui apparaît vêtue de la robe de mariée, elle porte d’une main un chandelier allumé. Elle s’avance, parée comme si elle montait à l’autel. Ramona l’aide en portant sa traîne.]]
 
Il y a une citation d’Oscar Wilde qui convient parfaitement à cette situation dramatique : « ''Aucun homme n’est assez riche pour pouvoir se payer son passé.'' » Or, Don Jaime, non seulement il veut se payer son passé, mais il veut également se payer une seconde jeunesse, non pas avec n’importe quelle personne, mais avec sa nièce, un membre de sa famille, ce qui signifie l’officialisation d’un acte incestueux. Et de plus, il n’y va pas de main morte, à peine Viridiana est arrivée, (c’est sa seconde journée de visite à son oncle), qu’il veut déjà l’épouser. Mais Viridiana ne voit pas les choses sous cet angle, bien au contraire, elle a un tout autre projet, consacrée sa vie à Dieu et à l’humanité.
 
En somme, il y a une grande incompatibilité entre les deux principaux protagonistes, d’abord, ils sont déjà parents ; ensuite, Don Jaime est égocentrique, il vise à « réparer » le passé de sa vie ;
Viridiana est, si l’on ose dire, allocentrique <ref> Du grec, "allo", l'autre, caractéristique de ceux qui ne voient que les autres comme centre d'intérêt</ref>, elle souhaite préparer la vie des autres.
 
Passons au troisième protagoniste, Ramona, qui est l’agent annonciateur du souhait de Don Jaime, qui lâche la terrible phrase  : [[#ancre_45|« ''Il veut vous épouser, mademoiselle. '' »]] C’est donc elle qui déclenche le désordre de la situation. Jusqu’à présent, Ramona était la discrétion même, nous l’avons vu au '''[[#ancre_vir41a|plan 42]]''', tenir la traîne de la robe de mariée, comme si elle a toujours était à la « traîne », derrière Don Jaime, et ensuite derrière Viridiana, mais cette fois-ci, elle monte, si l’on ose dire, aux premières lignes, et lance une action qui hélas, va mal finir.
 
<span id="ancre_vir211b"> </span>
Nous pouvons d’ailleurs, nous poser cette question, pourquoi Don Jaime n’a pas jeté son dévolu sur Ramona ? Comme le fera plus tard son fils naturel, Jorge. En fait, nous nous trouvons devant une obsession presque maladive de la part de Don Jaime, car au cours de cette séquence nous apprenons un fait important, <span id="ancre_vir211f"> </span>quelque chose qu’il n’a jamais dit à personne : [[#ancre_43|''Ta tante est morte du cœur, dans mes bras, la nuit de nos noces, vêtue de cette robe. Et toi, tu lui ressembles tant ! '' (…) ''Tu dois penser que je suis fou. '']]
 
Nous avons commencé le chapitre par une citation, nous allons le conclure par une autre citation, elle est tirée des écritures bibliques, qui concerne Sodome et Gomorrhe quand Loth, le neveu d'Abraham et sa famille, sa femme Édith, ainsi que ses deux filles ont voulu quitter la ville infernale. Les deux anges lui ont demandé expressément de partir et de ne pas regarder en arrière, de ne pas se retourner, au risque de devenir une statue de sel, Édith a bravé l’interdit et regardé en arrière pour finir en une statue de sel. Nous pensons traduire ce passage biblique par un avertissement, qu’il est vain de regarder en arrière, c’est-à-dire de regarder le passé, car nous nous transformons en une statue de sel, nous devenons amer. Et c’est ce qu’est devenu Don Jaime, un être amer qui s’accroche à son passé, comme un remord qui ne le quitte plus. Un être amer est aussi un être malheureux qui est capable d’accomplir les pires atrocités. Cependant, il reste encore un point à élucider :
 
<center>* * *</center>
 
<span id="ancre_vir211d"> </span>
==== La question du chandelier ====
 
Au moment où Don Jaime prononce [[#ancre_vir211f|le secret]], il avance vers une table pour poser le chandelier qu’il avait pris des mains de Viridiana. Le chandelier doit également nous interpeller : c’est un chandelier en croix, à quatre branches, destiné à recevoir une bougie au milieu et quatre sur les côtés, mais, il n’y a que [[#ancre_vir42|trois bougies qui sont allumées]], il manque deux bougies, pourquoi ? Est-ce pour présenter « la lumière » des trois protagonistes ? Mais ce qui est troublant dans ce chandelier c’est que les bougies sont disposées d’une manière asymétrique.
 
Ainsi, les emplacements vides du chandelier représentent en quelque sorte le passé de Don Jaime, qu’il tient absolument à combler. En fait, cela se traduit dans l’esprit naïf de Don Jaime de remplacer une bougie par une autre ; mais, Viridiana n’est pas une bougie.
 
Et avant d’assister au comportement pitoyable de Don Jaime, Buñuel choisit de faire une transition avec un animal sombre : un taureau.
 
<center>[[#ancre_1|▲ ▲ ▲]]</center>
<span id="ancre_vir212"> </span>
<br/>
<center>'''Chapitre 12'''</center>
<br/>
===0h 20’ 38’’ – 0h 21’ 19’’ : '''Plan 46. Le taureau noir'''===
 
<span id="ancre_vir45"> </span>
[[Fichier: Viridiana45_Bunuel_20_51_taureau noir_.jpg|300px|thumb|right|alt= ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 45 - Plan 46.''' Rita vient annoncer à Moncho qu’elle a vu un taureau noir.| ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 45 - Plan 46.''' <br/> Rita vient annoncer à Moncho qu’elle a vu un taureau noir.]]
 
<span id="ancre_46">''' Plan 46.'''</span> ''0h 20' 38&quot;'' : Moncho, assis près d’une table rustique est en train de réparer une courroie. Près de lui, une feuille de papier sur laquelle sont posés des morceaux de sucre. Il les mange avec délectation. La porte s’ouvre et Rita entre larmoyante. Moncho la regarde dédaigneusement : « '' Pourquoi pleures-tu ?''<br/>
- Rita : ''J’ai peur. ''<br/>
- Moncho : ''Pas de comédie. Va te coucher. ''<br/>
- Rita : ''Un taureau noir est venu. ''<br/>
- Moncho  (En riant.) : ''Un taureau noir. '' (Cf. '''[[#ancre_vir45|Photogramme 45 – Plan 46]] ''')<br/>
- Rita : ''Il est très grand. ''<br/>
- Moncho : ''Très, très. ''<br/>
- Rita : ''Oui. Très, très grand. ''<br/>
- Moncho : ''Il ne passera pas par la porte. '' (Rita fait un signe négatif de la tête.) ''Alors, par où est-il entré, sotte ? '' <br/>
- Rita  (Elle réfléchit un instant.) : ''Il est entré par le placard. ''<br/>
- Moncho : ''Menteuse ! Fiche-moi la paix. ''<br/>
- Rita  (En pleurant.) : ''J’ai peur. ''<br/>
- Moncho  (Lui tend un morceau de sucre.) : ''Tiens. Et appelle ta mère si tu as des cauchemars. Va t’en et ne me dérange pas. '' »<br/>
Rita accepte le cadeau et finit par sortir.
 
<center>* * *</center>
 
<span id="ancre_vir212a"> </span>
==== Le taureau dans le placard, est-ce un rêve prémonitoire ? ====
 
La transition avec le taureau noir pour exprimer l’esprit malsain et buté de Don Jaime est très habile. Quand Moncho, l’inlassable travailleur (contrairement à Don Jaime, l’éternel oisif), demande à Rita, comment le taureau est entré, elle lui répond : « ''par le placard'' », or il y a un plan qui est en relation directe avec ce plan, c’est le réveil de Don Jaime, au '''[[#ancre_35|plan 35]]''', et c’est d’ailleurs au cours de ce plan qu’il va mettre au point son dessein, il faut le dire, machiavélique : (Il vient d’apprendre de la part de Ramona que Viridiana veut partir au couvent. Il veut la retenir.) <br/>
- Don Jaime : « ''Tu as raison, mais il faut faire quelque chose. '' (…) ''Regarde dans le '''placard'''. Sur l’étagère du dessus, il y a un petit flacon bleu. Il n’y a pas d’étiquettes. Dedans tu vas voir quelques pilules blanches. ''<br/>
- Ramona ('''Plan 36''' : elle vient d’ouvrir complètement le placard, prend un flacon) :'' Celui-là, Monsieur ? ''<br/>
- Don Jaime ('''Plan 37''' : Il fait un signe de la tête affirmatif) : ''Oui, laisse-le là. (…) '' »<br/>
 
Ainsi, Don Jaime a prévu plusieurs alternatives. Quand il a constaté que Viridiana était très furieuse de sa demande de mariage. Il passe à son second plan. Mais il fallait d’abord la calmer, il va donc lui mentir et lui dire  : « ''[[#ancre_45|Attends ! Pardonne-moi. Vraiment. (…) Je mettrai un peu de musique et nous prendrons le café.]]'' » (Il fait alors un signe à Ramona qui est revenue vers la cafetière, pour verser le somnifère.) A travers cette réplique nous déduisons que Don Jaime n’est pas sincère, et que pour arriver à ces fins (peu honorables), il est capable de tout.
 
L’image du taureau noir ne désigne-t-elle pas la force négative de l’homme qui, tête baissée va cogner et dépasser les limites de la logique ? Ainsi, Don Jaime se transforme en un être mythique, comme Zeus, le dieu Grec, qui se transforma en un taureau, afin de séduire et d’enlever la belle Europe.
 
Enfin, il reste à tirer une conclusion sur le caractère juvénile et capricieux de Don Jaime, puisque c’est une personne qui, grâce à sa richesse personnelle, veut posséder les choses et les gens pour le servir, sans demander leur avis. Il prend ses désirs pour des réalités. Toutefois, cela ne concerne pas Ramona, car en fin de compte, ne peut-on pas dire que Ramona devient en quelque sorte sa « mère » ? C’est vers elle, d’ordinaire une domestique, qu’il se tourne dès qu’il a des soucis.
<span id="ancre_vir212b"> </span>
À présent, nous allons voir le dernier grand caprice de Don Jaime, s’offrir sa nièce. Elle reconnaît elle-même que Don Jaime est capricieux au ''' [[#ancre_43|plan 43]]''' : «'' Je n’aime pas les mascarades, mais vous voyez que je me suis décidée à satisfaire votre caprice ''». Nous trouverons ultérieurement, un parallèle de cette séquence avec le ''' [[#ancre_143|plan 143]]''', quand les mendiantes entrent dans la maison et découvrent une très belle nappe avec des dentelles, Refugio dira : « ''Dieu ! Crever sans avoir pu bouffer sur des dentelles pareilles ! ''» Alors deux remarques s’imposent  : 1. L’existence d’une ressemblance psychologique entre Don Jaime et les mendiants ; 2. Ce qui compte le plus, c’est le présent, un présent romantique : ''Ici et maintenant''. C’est une allusion à la citation connue : « ''Après-nous, le déluge. '' »<ref> Les mots « Après nous, le déluge » sont attribués à Madame de Pompadour (née Jeanne-Antoinette Poisson) qui désirait remonter le moral de Louis XV, son amant, après la bataille de Rossbach, en l'invitant à ne pas penser aux conséquences dramatiques de cette défaite.<br/>
Louis XV a repris fréquemment cette maxime égoïste sous la forme « Après moi, le déluge », notamment en parlant de son dauphin, le futur Louis XVI. (Source : Wikipédia.)</ref>
 
<center>[[#ancre_1|▲ ▲ ▲]]</center>
 
<span id="ancre_vir213"> </span>
<br/>
<center>'''Chapitre 13'''</center>
<br/>
===0h 21’ 20’’ – 0h 25’ 25’’ : '''Plans 47 - 57. Don Jaime « s’offre » Viridiana – Rita « s’offre » un spectacle inattendu'''===
 
<span id="ancre_vir46"> </span>
[[Fichier: Viridiana46_Bunuel_21_58_Rita_Escalier.jpg|300px|thumb|right|alt= ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 46 - Plan 49.''' Au fond du couloir apparaît Rita qui monte l’escalier.| ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 46 - Plan 49.''' <br/> Au fond du couloir apparaît Rita qui monte l’escalier.]]
 
<span id="ancre_vir47"> </span>
[[Fichier: Viridiana47_Bunuel_23_00_robe_mariee_endormie_couronne.jpg|300px|thumb|right|alt= ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 47 - Plan 50.''' Don Jaime s’approche de Viridiana et commence avec grande attention à coiffer les mèches de cheveux de Viridiana. Il place la couronne de fleurs artificielles. | ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 47 - Plan 50.''' <br/> Don Jaime s’approche de Viridiana et commence avec grande attention à coiffer les mèches de cheveux de Viridiana. Il place la couronne de fleurs artificielles.]]
 
<span id="ancre_47">''' Plan 47.'''</span> ''0h 21' 20&quot;'' : Ramona pose sa tasse. Don Jaime, près d’elle lui tend la sienne. Ils se regardent en silence. La musique s’est tue. Don Jaime s’approche du phonographe et met un autre morceau : le ''Cum Sanctis tuis du Requiem'' de Mozart. Viridiana est assise, elle tient à la main sa tasse vide.
 
<span id="ancre_48">''' Plan 48.'''</span> ''0h 21' 45&quot;'' : Gros plan de la main droite de Viridiana tenant la tasse et la soucoupe. Mais ses doigts laissent échapper ce qu’ils tiennent. Don Jaime est derrière elle. Il observe ses réactions. Il regarde Ramona et dit à Viridiana : « ''Tu sembles très fatiguée. Il vaudrait peut-être mieux que tu ailles te coucher. '' » Aucune réponse. La tête de Viridiana s’incline sur une de ses épaules. Il la secoue doucement : « ''Viridiana ! Viridiana ! '' »
 
* <span id="ancre_49">'''[[#ancre_vir46|Photogramme 46 – Plan 49.]] '''</span> ''0h 21' 55&quot;'' : Au fond du couloir apparaît Rita qui monte l’escalier. Elle avance prudemment dans le couloir en direction du salon, d’où parviennent des voix : «
- Don Jaime : ''Aide-moi ! Prends la par les jambes…'' <br/>
- Ramona : ''Soulevez-la un peu plus, monsieur… '' (On entend le bruit d’une chaise qui tombe.) <br/>
- Don Jaime : ''Ne me juge pas mal, Ramona. Je veux seulement l’avoir près de moi. '' »
 
Rita court se cacher derrière la rampe. Elle observe craintivement la scène. Du salon arrivent Don Jaime et sa mère soutenant le corps inerte de Viridiana. Ils se dirigent vers la chambre de Dona Elvira, où ils entrent. Rita sort de sa cachette. Elle voudrait en voir davantage, mais elle craint d’être surprise, elle se met à descendre les escaliers.
 
* <span id="ancre_50">'''[[#ancre_vir47|Photogramme 47 – Plan 50.]] '''</span>  ''0h 22' 38&quot;'' : Don Jaime et Ramona ont étendu Viridiana sur le lit. Ramona allume un chandelier. Don Jaime l’ordonne de sortir. Ramona obéit. Don Jaime s’approche de Viridiana et commence avec grande attention à coiffer les mèches de cheveux de Viridiana. Il place la couronne de fleurs artificielles. Il croise les mains de le jeune fille sur sa poitrine, lui joint les pieds, arrange sa robe.
 
<span id="ancre_51">''' Plan 51.'''</span> ''0h 23' 29&quot;'' : Rita se dirige vers le grand arbre de la terrasse, en regardant de temps en temps la fenêtre faiblement éclairée de la chambre de Dona Elvira. Après un moment d’hésitation elle se met à grimper à l’arbre. On entend les aboiements d’un chien.
 
<span id="ancre_52">''' Plan 52.'''</span> ''0h 23' 42&quot;'' : Don Jaime est assis au bord du lit. Il se relève. Il passe et repasse devant le corps inerte de Viridiana. Il s’arrête un instant et va s’asseoir à nouveau sur le lit. Terriblement ému, il commence par caresser les cheveux et le front de Viridiana. Il passe un bras derrière elle et la soulève légèrement. Il approche son visage et joint ses lèvres aux siennes, dans un baiser doux et prolongé.
 
<span id="ancre_vir48"> </span>
[[Fichier: Viridiana48_Bunuel_24_19_Rita_Fenêtre.jpg|450px|thumb|center|alt= ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 48 - Plan 53.''' Rita termine l'ascension de l'arbre et accède à la fenêtre, elle assiste à travers la vitre à la débauche de Don Jaime.| ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 47 - Plan 53.''' <br/> Rita termine l'ascension de l'arbre et accède à la fenêtre, elle assiste à travers la vitre à la débauche de Don Jaime.]]
 
<span id="ancre_vir49"> </span>
[[Fichier: Viridiana49_Bunuel_24_25_robe_mariee_endormie_poitrine.jpg|450px|thumb|center|alt= ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 49 - Plan 54.''' Don Jaime commence, avec frénésie, à déboutonner la robe de mariée de Viridiana, il écarte les deux parties laissant apercevoir sa poitrine, il plonge aussitôt la tête pour l'embrasser voluptueusement. | ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 49 - Plan 54.''' <br/> Don Jaime commence, avec frénésie, à déboutonner la robe de mariée de Viridiana, il écarte les deux parties laissant apercevoir sa poitrine, il plonge aussitôt la tête pour l'embrasser voluptueusement.]]
 
* <span id="ancre_53">'''[[#ancre_vir48|Photogramme 48 – Plan 53]] '''</span> ''0h 24' 18&quot;'' : Rita termine l'ascension de l'arbre et accède à la fenêtre, elle assiste à travers la vitre à la débauche de Don Jaime.
 
* <span id="ancre_54">'''[[#ancre_vir49|Photogramme 49 – Plan 54.]] '''</span>  ''0h 24' 20&quot;'' : Don Jaime commence, avec frénésie, à déboutonner la robe de mariée de Viridiana, il écarte les deux parties laissant apercevoir sa poitrine, il plonge aussitôt la tête pour l'embrasser voluptueusement. Ensuite, pris de remords, devant ce corps qui s'offre à lui, mais ne réagit pas. Il referme la robe, et se relève du lit avec un air de dégoût.
 
<span id="ancre_55">''' Plan 55.'''</span> ''0h 24' 46&quot;'' : Rita qui a assisté à toute la scène, ferme les yeux avec un air triste et malheureux, se retourne vivement et s'en va.
 
<span id="ancre_56">''' Plan 56.'''</span> ''0h 24' 48&quot;'' : Don Jaime est debout, mesurant peut-être, l'étendue de son dégoût. Il saisit la chandelle et sort de la chambre avec précipitation.
 
<span id="ancre_57">''' Plan 57.'''</span> ''0h 25' 02&quot;'' : Rita finit par redescendre de “l'arbre des malheurs” en chemise de nuit. Mais sa mère l'attendait au pied de l'arbre : « ''Que fais-tu ici ? '' <br/>
- Rita  (En chuchotant.) : ''Don Jaime l'a embrassée. ''<br/>
- Ramona : ''Ben oui, elle est sa nièce. Moi, je t'embrasse bien. '' (Elle lui couvre les épaules avec une couverture.) '' Tu devrais être au lit.'' <br/>
- Rita : ''J'ai vu un taureau. ''<br/>
- Ramona : '' Tais-toi ! Viens, je vais te coucher.'' »
 
<center>* * *</center>
 
<span id="ancre_vir213a"> </span>
 
==== La présence de Rita : est- ce un rêve ou la réalité ? ====
 
Jusqu’ici, on peut dire que le film est encore « convenable », il ne heurte pas les mœurs, ou la sensibilité des spectateurs, hormis les plans de voyeurisme de Ramona (Cf. '''[[#ancre_vir14|Photogramme 14 – Plan 8]] ''') et de sa fille (Cf. '''[[#ancre_14|plan 14]]'''). Mais à partir du '''[[#ancre_47|plan 47]]''', nous entrons dans un autre registre et on peut comprendre que les scènes ont dû subir la condamnation de la censure. Toutefois, il nous semble qu’il est utile de rappeler que c’est un des principales rôles du cinéma et donc des films à pouvoir s’introduire dans des régions obscures et sombres, dans des zones limites où les intentions cachées et les sentiments malsains sont profondément enfouis dans l’homme. C’est l’effet antique de la catharsis des tragédies grecques qui est à présent dévolu, entre autre, au cinéma.
 
Ce qui est troublant, c’est que non seulement nous assistons directement à une scène d’inceste, entre un oncle et sa nièce, certes Viridiana n’est pas consentante, mais « le taureau noir » trouve une solution pour arriver à ses fins. Il faut aussi ajouter que chez Buñuel il y a souvent un « plus » (c’est ce qui fait que son cinéma a une richesse inépuisable), et ici, le « plus » c’est la petite Rita qui regarde la scène à travers la fenêtre de la chambre. C’est donc ce « plus » qui est encore plus choquant. Et la question qui se pose, c’est celle de savoir pourquoi il y a l’introduction de la petite Rita qui regarde l’intimité de cette scène. Une autre question se pose, une question pratique, comment une petite fille peut grimper sur un arbre en pleine nuit ? Certes c’est une « sauvageonne », mais tout de même, il faut être terriblement curieux pour effectuer un exercice qui est relativement dangereux et qui n’est pas à la portée de tout le monde.
 
<span id="ancre_vir46"> </span>
[[Fichier: Viridiana46_Bunuel_21_58_Rita_Escalier.jpg|300px|thumb|right|alt= ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 46 - Plan 49.(bis)''' Au fond du couloir apparaît Rita qui monte l’escalier.| ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 46 - Plan 49. (bis)''' <br/> Au fond du couloir apparaît Rita qui monte l’escalier.]]
 
A travers nos questionnements, ne peut-on pas déduire que le montage alterné qui présente d’une part Don Jaime et d’autre part Rita, n’est pas continu chronologiquement ? C’est-à-dire qu’ils n’appartiennent pas au même temps diégétique. Ils sont dans deux registres différents, deux mondes différents : le premier appartient à la réalité, mais le second, n’appartient-il pas au monde du rêve ? Et c’est pour cette raison que Rita a des facilités, comme souvent dans les rêves, à accéder a des endroits inaccessibles.
 
Ainsi, le plan expressionniste 49, celui de Rita qui monte l’escalier et qui se cache derrière la rampe, ne peut-on pas dire qu’il s’agit de la première partie du rêve ? L’enfant veut savoir ce que les adultes font, mais elle se trouve devant un obstacle, elle risque d’être aperçue, elle change d’avis et finit par grimper à un arbre. Nous avons de la sorte deux symboles majeurs d’ascension : L’escalier et l’arbre. S’agit-il de “l’arbre de la connaissance” ? Et de quelle connaissance ?
 
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==== Le statut de ''Viridiana'' ====
 
Ce qu’on peut dire, par anticipation, c’est que nous avons le sentiment que le projet de Buñuel n’est pas simplement de faire un film scandaleux sur l’inceste, la religion et la médiocrité de l’âme humaine. Cela est le premier niveau apparent, la partie visible de l’iceberg, mais en fait, nous avons l’impression que le film fonctionne sur un autre niveau, et c’est justement à ce niveau supérieur que nous souhaitons accéder, la partie invisible de l’iceberg. Nous avons ainsi la conviction que Viridiana n’est pas '''un film de plus''' sur les défauts ou les péchés de l’humanité, mais '''un plus aux films'''. C’est pour cette raison que nous insistons sur chaque détail, chaque mot, chaque geste en espérant suivre une enquête (passionnante) jusqu’au bout et accéder à ce niveau supérieur.
 
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[[Fichier: Viridiana47_Bunuel_23_00_robe_mariee_endormie_couronne.jpg|300px|thumb|right|alt= ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 47 - Plan 50.''' Don Jaime s’approche de Viridiana et commence avec grande attention à coiffer les mèches de cheveux de Viridiana. Il place la couronne de fleurs artificielles. | ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 47 - Plan 50. (bis)''' <br/> Don Jaime s’approche de Viridiana et commence avec grande attention à coiffer les mèches de cheveux de Viridiana. Il place la couronne de fleurs artificielles.]]
 
Ainsi, dans ce chapitre, Viridiana est présente physiquement, elle est habillée avec un grand soin, dans un apparat élégant, mais en même temps, elle est absente, elle est inconsciente de son entourage. Elle devient un fardeau, il faut la porter avec difficulté, sur son passage, elle fait tomber une chaise. Elle devient ensuite une grande poupée, vivante, dans les mains d’un adolescent attardé de plus de cinquante ans. Il lui coiffe les mèches de cheveux, il place sur sa tête la couronne de fleurs artificielles. Il lui croise les mains sur sa poitrine, comme une gisante. Il lui arrange sa robe. Mais est-ce que Don Jaime voit Viridiana ou feue son épouse Dona Elvira ? Ce qui peut expliquer son dérapage graduel. Viridiana devient le substitut de Dona Elvira, mais est-ce que cela justifie une tel avilissement ?
 
Une chose semble sûre c’est que Don Jaime mène une grande lutte entre deux tendances, la première, un moment d’égarement lourd, c’est posséder Viridiana, comme il semblerait qu’il n’a pas posséder Dona Elvira ; la seconde, un moment de lucidité, il sait qu’on agissant de la sorte, il va perdre Viridiana à jamais. Cependant Viridiana n’est pas une statue de marbre, et à son réveil les événements à venir vont s’accélérer, d’une manière tragique.
 
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==== Le statut de Don Jaime ====
 
Don Jaime fait penser à Procuste, « un brigand de la mythologie grecque qui attaquait les voyageurs : il étendait les grands sur un petit lit et coupait les pieds qui dépassaient ; il étendaient les petits sur un grand lit et les étirait, jusqu’à ce qu’ils aient atteint la mesure du lit. Il réduisait quiconque passait à sa portée aux dimensions voulues. C’est un parfait symbole de la banalisation, de la réduction de l’âme à une mesure conventionnelle. » <ref> Diel Paul, ''Le symbolisme dans la mythologie grecque'', p. 128.</ref> « C’est un symbole de cette tyrannie éthique et intellectuelle exercée par les personnes qui ne tolèrent les actions et les jugements d’autrui qu’à la condition qu’ils soient conformes à leurs propres critères. » <ref> '''Chevalier/Gherrbrant,''' ''Dictionnaire des Symboles,'' ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_12|op. cit.]]'' p. 786. </ref>
 
Ainsi, Don Jaime sous ses airs affables et bienveillants (comme on pourra le constater, au fur et à mesure dans le film, c’est d’ailleurs, une des caractéristiques de la plupart des protagonistes, en particulier les mendiants), est en réalité un tyran déguisé qui exerce son pouvoir pour arriver à ses fins peu honorable. L’étymologie du terme « tyran », dérive du grec, « turannos » et signifie « maître ». Mais ce « maître » abuse de son pouvoir sur sa propre nièce. Comme Procuste, il devient un voleur. Un voleur c’est celui qui prend des choses qui ne lui appartiennent pas. Il réfléchira sur un stratagème compliqué pour voler quelque chose qui n’a pas de prix : l’âme et l’intimité même de Viridiana. En somme, Don Jaime ressemble aussi au diable, puisqu’il voulait, à tout prix, l’âme pure et immaculée d’une vierge. Et en agissant de la sorte, c’est lui qui va payer le prix fort : la perte de son âme.
 
<center>[[#ancre_1|▲ ▲ ▲]]</center>
 
 
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<center>'''Chapitre 14'''</center>
<br/>
 
===0h 25’ 26’’ – 0h 31’ 17’’ : '''Plans 58 - 65. Le matin du dernier jour – Viridiana quitte le domaine'''===
 
<span id="ancre_58">''' Plan 58.'''</span> ''0h 25' 26&quot;'' : Ramona est pensive près d'une fenêtre, elle regarde le parc. Nous entendons en voix-off Viridiana : « ''J'ai soif. '' <br/>
- Ramona  (En s'approchant à son chevet.) : ''Comment ça va ? '' <br/>
- Viridiana : ''J'ai mal à la tête. ''<br/>
- Ramona : '' Ce n'est rien, ça passera.''<br/>
- Viridiana : '' Que m'est-il arrivé.''<br/>
- Ramona  (En se détournant la tête.) : '' Hier soir, vous vous êtes évanouie. On a dû vous porter''<br/>
- Viridiana : ''J'ai dormi longtemps. ''<br/>
- Ramona : '' Oui, ne vous en faites pas.''<br/>
- Viridiana : ''Donne-moi de l'eau. ''»<br/>
Ramona se relève se dirige vers la table de nuit et verse de l'eau d'une carafe dans un verre, elle tend le verre à Viridiana qu'elle boit d'un trait.
 
<span id="ancre_58a">''' Plan 58a.'''</span> ''0h 26' 08&quot;'' : La porte s'entrouvre doucement, Don Jaime en robe de chambre, entre dans la pièce. Il demande à Ramona de sortir. Mais Viridiana ne le souhaite pas. Don Jaime insiste. Viridiana tire les draps sur elle, comme si elle voulait se cacher : « ''Je vous en prie... Je dois partir... '' <br/>
- Don Jaime : ''Non. Tu ne peux plus. ''<br/>
- Viridiana : ''Vous m'aviez promis de ne plus parler de ça. ''<br/>
- Don Jaime : ''Un vieux retiré du monde et une fille vouée à Dieu, peut-on être plus éloigné ?''<br/>
- Viridiana : ''Taisez-vous donc. Laissez-moi m'habiller. ''<br/>
- Don Jaime : '' Pour toi, j'ai tout oublié, même la passion de ma vie.''<br/>
- Viridiana : ''Partez ! Levez-vous ! ''<br/>
- Don Jaime : ''Tu m'as rendu fou. J'ai cru que tu accepterais de te marier avec moi. Le jour de ton départ est arrivé. J'ai dû te forcer. Ainsi j'ai pu te serrer dans mes bras. ''<br/>
- Viridiana  (La main à la tête.) : '' Vous mentez !''<br/>
- Don Jaime : ''Pendant que tu dormais, cette nuit, tu as été mienne. '' (Viridiana ne croit pas ses oreilles, elle regarde Don Jaime avec un air qui en dit long. Mais ce dernier poursuit.) '' Tu ne peux plus retourner au couvent. Tu n'es plus la même. Tu devras rester avec moi. Tout ce que j'ai est à toi. Si malgré tout, tu refuses de m'épouser, ta présence à mes côtés me suffira. Réfléchis bien, prends ton temps.'' (Il lui saisit le bras.) <br/>
- Viridiana  (En repoussant avec dégoût sa main.) : ''Laissez-moi ! '' »<br/>
Elle se retourne de côté pour éviter de le voir, plonge sa tête dans les draps et commence par pleurer.
Don Jaime est dubitatif, il a le sentiment qu'il vient de perdre Viridiana pour toujours. Il s'en va sans dire un mot. Dès que la porte s'est refermée, Viridiana sort du lit et commence par préparer sa valise.
 
<span id="ancre_59">''' Plan 59.'''</span> ''0h 28' 00&quot;'' : Ramona qui attendait Don Jaime va aux nouvelles : « '' Alors !'' »<br/>
- Don Jaime : ''Quel regard elle m'a jeté. Elle me hait. J'ai commis une grande erreur. Rien ne la retiendra. '' (Il s'assied sur son lit, les mains dans les poches.) <br/>
- Ramona : ''Parlez-lui encore. Expliquez-lui un peu mieux. ''<br/>
- Don Jaime : ''Pour qu'elle me fusille encore du regard ? Je ne peux pas.'' (Tout à coup, il a une idée, il se lève, il saisit un bras de Ramona.) ''Toi, tu peux encore la convaincre. ''<br/>
- Ramona : ''Comment ? ''<br/>
- Don Jaime : '' Dis-lui que j'ai menti, que je ne l'ai pas outragée. J'en ai seulement eu l'intention. J'ai passé la nuit à cogiter, j'ai inventé ce mensonge pour la dissuader de partir. Dis-lui ça. '' (Il lui saisit le bras pour qu'elle sorte parler à Viridiana.) ''Dis-Lui. Va ! '' »
(Il pousse Ramona vers la porte.)<br/>
 
<span id="ancre_60">''' Plan 60.'''</span> ''0h 28' -50&quot;'' : Viridiana est déjà habillée, elle est presque prête pour partir. La porte étant ouverte. Ramona constate que Viridiana est sur le départ. Elle se retourne et rejoint Don Jaime.
 
<span id="ancre_vir50"> </span>
[[Fichier: Viridiana50_Bunuel_29_43_Clé-Don Jaime-Viridiana.jpg|300px|thumb|right|alt= ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 50 - Plan 62.''' Don Jaime donne la clé de la chambre à Viridiana.| ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 50 - Plan 62.''' <br/> Don Jaime donne la clé de la chambre à Viridiana.]]
 
<span id="ancre_vir51"> </span>
[[Fichier: Viridiana51_Bunuel_29_43_Diabolo.jpg|300px|thumb|right|alt= ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 51 - Plan 65a.''' Rita insouciante, joue à présent, à un autre jeu, le diabolo.| ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 51 - Plan 65a.''' <br/>Rita insouciante, joue à présent, à un autre jeu, le diabolo.]]
 
<span id="ancre_61">''' Plan 61.'''</span> ''0h 28' -58&quot;'' : Ramona ouvre la porte de la chambre : « ''Monsieur, venez ! '' » Il sort de la chambre rejoindre Viridiana.<br/>
 
<span id="ancre_62">''' Plan 62.'''</span> ''0h 29' 09&quot;'' : Viridiana ferme sa valise. Elle est prête. Elle se dirige vers la porte qui s'ouvre brusquement de l'extérieur par Don Jaime. Viridiana recule d'un pas. Don Jaime entre et ferme la porte derrière lui à clé.<br/>
- Viridiana  (D'une voix tremblante.) : «'' Laissez-moi passer.''<br/>
- Don Jaime : ''Auparavant, tu dois m'écouter. ''<br/>
- Viridiana  (Elle pose les valises.) : '' Je vous ai assez écouté.''<br/>
- Don Jaime : '' Je t'ai menti. Je ne voulais pas que tu partes. Je t'ai outragée en pensée… Je ne supporte pas que tu partes en me haïssant. Dis-moi que tu me crois. ''<br/>
- Viridiana  (En pleurant.) : '' Vous me dégoûtez, même si vous dites vrai. ''<br/>
- Don Jaime : '' Alors… tu ne me pardonnes pas ?'' »<br/>
Il lui donne la clé. (Cf. '''[[#ancre_vir50|Photogramme 50 – Plan 62]] ''') Viridiana se précipite vers la porte, l'ouvre et sort.
 
<span id="ancre_63">''' Plan 63.'''</span> ''0h 29' 54&quot;'' : Viridiana sort dans le couloir d'un pas décidé, elle passe devant Ramona sans lui adresser la parole.
 
<span id="ancre_64">''' Plan 64.'''</span> ''0h 30' 03&quot;'' : Don Jaime dans sa chambre, essuie une larme. Ramona le rejoint : « '' Toi, tu me crois ?'' <br/>
- Ramona : '' Oui, monsieur.''<br/>
- Don Jaime : ''Ne mens pas. Tu ne me crois pas. ''<br/>
- Ramona : '' Tout est bizarre...''<br/>
- Don Jaime : '' Bien, bien, ma fille. ''» <br/>
Don Jaime sort de la chambre. Ramona se dirige vers le lit et soulève le drap. Elle constate que le lit est propre, qu'il n'a pas été souillé. Elle s'assied, dubitative.
 
<span id="ancre_65">''' Plan 65.'''</span> ''0h 30' 43&quot;'' : Viridiana, la tête baissée dans les mains attend son départ. Un cocher finit par préparer la calèche. Rita insouciante, joue à présent, à un autre jeu, le diabolo, (Cf. '''[[#ancre_vir51|Photogramme 51 – Plan 65a]] ''') , elle a l'impression que Viridiana la regarde faire : « '' Là, j'ai raté, mais tu verras. T'y arrives toi ?'' » (Moncho entre dans le cadre, saisit la valise de Viridiana pour la déposer dans la calèche. Rita en off : ) « '' Oh, ça va haut, Moncho ! '' <br/>
- Moncho (Agacé.)  : ''Fiche-moi la paix ! ''<br/>
- Rita : ''Si je l'avais pas fait tomber... ''<br/>
- Moncho  (A Viridiana) : ''La voiture est prête, mademoiselle. '' »<br/>
Viridiana se lève et monte dans la calèche. Rita se met à courir derrière la voiture (Cf. '''[[#ancre_vir52|Photogramme 52 – Plan 65b]] ''').
 
<span id="ancre_vir52"> </span>
[[Fichier: Viridiana52_Bunuel_29_49_Rita suit la voiture.jpg|400px|thumb|center|alt= ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 52 - Plan 65b.''' Rita se met à courir derrière la calèche.| ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 52 - Plan 65b.''' <br/> Rita se met à courir derrière la calèche.]]
 
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<span id="ancre_vir214a"> </span>
 
==== La clé de la chambre ====
 
Un moment fort de cette séquence, c’est quand Don Jaime donne la clé de la chambre à Viridiana pour sortir de la chambre. Ce moment aura un parallèle, un peu plus tard dans le film <ref> Ramona qui donne un trousseau de clés à Don Jorge.</ref> Mais, il faut aussi se rappeler que Don Jaime [[#ancre_vir40|donne un morceau d’orange à Viridiana]], un peu plus tôt dans le film.
<span id="ancre_vir214apar6"> </span><br/>
'''[ [[#ancre_vir204a|Parallélisme]] 6] ''' : [[#ancre_vir50|Don Jaime donne la clé de la chambre à Viridiana]] (''0h 29' 50&quot;'') / [[#ancre_vir40|Don Jaime donne un morceau d’orange à Viridiana]] (''0h 16' 27&quot;'')
 
Hélas, c’est à partir de cet instant (''0h 16' 27&quot;''), que Don Jaime va emprunter une spirale dangereuse qui va l’emmener à abuser, moralement de Viridiana et à se conduire, nous venons de le voir, comme un être irresponsable et abjecte.
 
Ainsi, en lui donnant la clé, c’est comme si Don Jaime vient de lui donner, indirectement, la maison. Elle pensait quittait ce lieu à jamais, qui est devenu une source de chagrin et de tristesse, pour revenir aussitôt qu’elle est partie et assister à un drame auquel personne s’attendait : le suicide de Don Jaime. Et, justement, une personne aura pu intervenir pour empêcher ce drame : c’est Rita.
 
 
 
<center>* * *</center>
 
<span id="ancre_vir214b"> </span>
 
==== La relation de cette séquence avec le « rêve » de Rita====
 
Dans le [[#ancre_vir213a|chapitre précédent]], nous avons proposé l’idée que nous avons un montage alterné qui présente d’une part la scandaleuse nuit de Don Jaime aidée par Ramona ; et d’autre part, la présence de Rita qui ressemble plutôt à un rêve : le rêve du “Taureau noir”.
Quelle est l’utilité de ce montage troublant ? Et par conséquent, quelle est la fonction du rêve de Rita ? Tout d’abord, Rita est un témoin visuel direct de la scène, elle a tout vue. Nous la connaissons maintenant, elle ne peut rien garder pour elle. Et pourtant, au '''[[#ancre_vir51|plan 65a]] ''', au moment du départ de Viridiana, Rita jouait près d’elle au diabolo, mais elle n’a rien dit à Viridiana. Cette dernière, affligée et abattue par ce qui vient d’arriver, d’ailleurs, elle ne sait pas exactement ce qui est arrivé, puisque Don Jaime va lui donner deux versions différentes :
*1. '''[[#ancre_58a|Plan 58a]] ''', ''Pendant que tu dormais, cette nuit, tu as été mienne. '' ;
*2. '''[[#ancre_62|Plan 62]]''', ''Je t'ai menti. Je ne voulais pas que tu partes. Je t'ai outragée en pensée… Je ne supporte pas que tu partes en me haïssant. Dis-moi que tu me crois. '' Mais Rita a vu ce qui s’est passait, si elle avait dit à Viridiana ce qu’elle savait, tout serait différent.
 
 
<center>* * *</center>
 
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==== Les deux versions du plan 65 ====
 
Il n’est pas rare de voir des films avec plusieurs versions différentes. Ainsi, nous avons deux versions du plan 65, nous venons de voir le nôtre : Rita qui joue au diabolo, ce qui est hautement significatif, car il va tisser un lien direct avec '''[[#ancre_vir202|la corde à sauter]]''', dont on a vu la grande importance. Mais dans l’''Avant-scène cinéma'', nous avons une autre version très différente, et qui en fin de compte fait changer le propos du film. La version est la suivante : <br/>
« C’est un plan général en plongée. De dos, Don Jaime observe, de l’intérieur de sa chambre, le départ de sa nièce. En bas nous voyons Viridiana s’approcher de la voiture. La fillette lui dit quelque chose, et elle se borne à lui caresser la tête de la main en signe d’adieu. Elle monte et le cocher fouette le cheval. La fillette fait un signe d’adieu de la main. Puis elle se met à courir derrière la voiture. » <ref> Avant-Scène cinéma, page 46.</ref> Ainsi, dans cette seconde version, beaucoup moins dramatique, Viridiana ne donne pas le sentiment d’être abattue, elle parle à Rita et lui caresse la tête. Rien de tel n'existe dans notre version, dans laquelle Viridiana ne fait même pas attention à Rita, et nous le comprenons. Ce qui est commun aux deux versions, c’est le moment ou Rita court derrière la voiture. (Il y a des versions différentes à d’autres moments du film.) <ref> Il en sera de même dans la version du script en anglais sur IMDB : (…) RITA is playing diabolo. The toys DON JAIME gives her indicate how old-fashioned he is.(…)
DON JAIME watches his niece's departure. As VIRIDIANA goes to the carriage,
RITA says something to her, but she merely caresses her head with her hand as
a sign of farewell. She gets in and the coachman gives the horse the whip.
The little girl waves goodbye, then begins to run after the carriage.
</ref>
 
<center>* * *</center>
 
 
<span id="ancre_vir214d"> </span>
==== Rita joue au « diabolo » ====
 
Le Diabolo est un jeu de dextérité, il est composé d’un disque épais et léger, fendu sur le côté afin de pouvoir se tenir en équilibre sur une corde. La corde est munie à ses deux extrémités de deux bâtons. Le jeu consiste donc à faire rouler le disque sur la corde grâce aux deux bâtons, sans que le disque tombe. (Nous avons déjà vu un disque qui tourne ('''[[#ancre_vir27|photogramme 27 – plan 20]]'''), et on en verra d'autres par la suite. )
 
Ainsi, la présence de Rita à ce moment du drame est encore problématique. D’ailleurs, Rita est toujours présente aux grands moments (comme nous allons bientôt le voir, aux [[#ancre_vir216|plans 74 - 75]], où elle sautait à la corde au pied de l’arbre sur lequel Don Jaime s’est pendu.) La « trouvaille » du diabolo est très intéressante. D’abord, on ne verra ce jeu nulle part ailleurs dans le film, c’est une présence unique de l’ordre de quelques secondes. Ensuite, le diabolo anime un [[#ancre_vir204a|parallélisme]] et un prolongement avec la corde à sauter. Enfin, les propositions de significations, il faut le dire, sont superbes, puisque nous avons, par résonance, une expression imposante du trouble et de l’agitation intérieure de Viridiana. De plus, le nom du jeu « diabolo » est un élément de plus à ajouter dans le cadre des significations : le « [[diable]] » (les tentations) qui secouent Viridiana.
 
Grâce à ce plan, nous avons l’occasion de développer et de nous servir de nos « '''[[#ancre_vir104d|équations]]''' » que nous avons déjà vues. Il s’agit de l’équation [2.1] qui s’établit de la façon suivante :<br/>
<span id="ancre_vir214ae1"> </span>
[[#ancre_vir209e2.1|'''[2.1]]] : Corde &rarr; Serpent &rarr; Arbre &rarr; Rita &rarr; Jeu &rarr; Tentation ''' <br/>
 
Et qui devient :<br/>
<span id="ancre_vir214de2.2"> </span>
'''[2.2] : [[#ancre_vir202|Corde]] &rarr; [[#ancre_vir202b|Serpent]] &rarr; [[#ancre_vir202b|Arbre]]  &rarr; [[#ancre_vir209|Rita]] &rarr; [[#ancre_vir209|Jeu]] &rarr; [[#ancre_vir209|Tentation]] &rarr; [[#ancre_vir51|“Jeu du diabolo” ]] ''' <br/>
 
La différence entre la corde à sauter et le diabolo tient du fait qu'avec la corde à sauter c’est Rita qui saute et qui remplace en quelque sorte le disque du diabolo. (Est-ce pour dire que c'est Rita le "diable" ? et pourquoi c'est Rita ?) Mais avec le diabolo, les poignées de la corde à sauter s’allongent pour devenir des bâtons. Et grâce à cet accessoire, le diabolo ne devient-il pas comme un jeu de marionnettes qu’on manipule ? Et la question qui se pose, c’est celle de savoir qui est le manipulateur ? Autre différence, avec la corde à sauter, Rita fait un tour complet de la corde, elle est dans une sphère, tandis qu’avec le diabolo, le disque évolue seulement sur un arc de cercle.
 
D’autre part, on sait que c’est [[#ancre_3a |Don Jaime qui a offert la corde à sauter à Rita]], mais pour le diabolo, c’est un mystère. Peut-être, nous avons affaire à ce qu’on a appelé par, l’'''[[Unité du plan (cinématographique)|unité du plan]]''', il s’agit de la présence dans un même plan de deux scènes simultanément, sans avoir un lien directe. Une espèce de « collage » qui vient s’incruster dans un plan.
Il est vrai qu’au début de notre analyse, nous avons souligné que la [[#ancre_vir04|corde à sauter relie le film de bout en bout]]. Il faut à présent ajouter que la corde va subir plusieurs modifications et plusieurs fonctions, qui vont, l’air de rien, représenter les états psychologiques des protagonistes.
 
<center>[[#ancre_1|▲ ▲ ▲]]</center>
 
<span id="ancre_vir215"> </span>
<br/>
<center>'''Chapitre 15'''</center>
<br/>
 
===0h 31’ 18’’ – 0h 33’ 44’’ : '''Plans 66 - 73. L’idée absurde de Don Jaime - Un coup de théâtre tragique'''===
 
 
<span id="ancre_66">''' Plan 66.'''</span> ''0h 31' 18&quot;'' : Don Jaime de dos, observe, de l’intérieur de sa chambre, près du balcon, le départ de sa nièce. Don Jaime regarde tristement le départ de la voiture. Mais il réagit ensuite et son visage prend une expression de calme.
 
<span id="ancre_67">''' Plan 67.'''</span> ''0h 31' 26&quot;'' : Il va vers une table de travail en désordre qui se trouve dans un angle de la pièce et s’y assied. Il se met à mettre de l’ordre. Puis il prend une plume et une feuille de papier et se met à écrire. Il rie doucement, en se frottant la barbe. Il semble avoir une idée qui le réjouit beaucoup.
 
<center>*</center>
 
<span id="ancre_vir53"> </span>
[[Fichier: Viridiana53_Bunuel_33_28_corde3.jpg|300px|thumb|right|alt= ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 53 - Plan 72.''' Viridiana accablée, elle appuie son front à la portière du véhicule.| ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 53 - Plan 72.''' <br/> Viridiana accablée, elle appuie son front à la portière du véhicule.]]
 
<span id="ancre_vir54"> </span>
[[Fichier: Viridiana54_Bunuel_33_38_corde4.jpg|300px|thumb|right|alt= ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 54 - Plan 73.''' On distingue le nœud qui fixe la corde à la branche. Cette corde à une poignée en bois. C’est la corde à sauter de Rita.| ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 54 - Plan 73.''' <br/> On distingue le nœud qui fixe la corde à la branche. Cette corde à une poignée en bois. C’est la corde à sauter de Rita.]]
 
<span id="ancre_68">''' Plan 68.'''</span> ''0h 31' 53&quot;'' : Sous les arcades d’une place, Viridiana attend l’arrivée du car, d’autres personnes attendent aussi. Lorsque le car a stoppé, quelques voyageurs descendent, puis d’autres montent. A ce moment nous voyons venir sous les arcades un bourgeois élégant que suivent deux gendarmes et un paysan. Le groupe s’approche de Viridiana, le bourgeois tend la main : « ''Comment allez-vous, Mademoiselle Viridiana ? '' <br/>
- Viridiana : ''Il se passe quelque chose, Monsieur le Maire ? ''<br/>
- Le Maire : ''Vous ne pouvez pas partir. ''<br/>
- Viridiana  (Surprise.) : ''Pourquoi ? ''<br/>
- Le Maire : ''Il est arrivé un malheur. Je vous demande de m’accompagner. ''<br/>
- Viridiana : ''Où ? ''<br/>
- Le Maire : ''Venez. ''<br/>
Le maire entraîne Viridiana, cette dernière ne proteste pas.
 
<center>*</center>
 
<span id="ancre_69">''' Plan 69.'''</span> ''0h 33' 05&quot;'' : Une automobile s’arrête sur l’esplanade. Le maire en descend, suivi des personnages qui l’accompagnaient au village. Tous ont les yeux fixés sur les branches du grand arbre près duquel nous avons vu jouer la petite Rita. Moncho se précipite à leur rencontre.
 
<span id="ancre_70">''' Plan 70.'''</span> ''0h 33' 14&quot;'' : Près de l’arbre, Ramona et Rita de dos, sont blotties l’une contre l’autre, elles regardent venir les arrivants, qui les yeux levés, approchent de l’arbre.
 
<span id="ancre_71">''' Plan 71.'''</span> ''0h 33' 29&quot;'' : Plan rapproché du grand arbre, au milieu du feuillage nous apercevons les pieds d’un pendu.
 
* <span id="ancre_72">'''[[#ancre_vir53|Photogramme 53 – Plan 72.]] '''</span> ''0h 33' 30&quot;'' : Viridiana qui vient de sortir à son tour du véhicule, découvre le corps. Elle est accablée, elle appuie son front à la portière du véhicule et reste ainsi un instant immobile et silencieuse.
 
* <span id="ancre_73">'''[[#ancre_vir54|Photogramme 54 – Plan 73.]] '''</span> ''0h 33' 39&quot;'' : Gros plan de la branche où est pendu le corps de Don Jaime. On ne voit pas le corps lui-même, mais on distingue le nœud qui fixe la corde à la branche. Cette corde à une poignée en bois. C’est la corde à sauter de Rita.
 
<center>* * *</center>
 
<span id="ancre_vir215a"> </span>
==== La corde à mourir ====
 
Pourquoi Don Jaime « s’offre » la [[mort]] ? C’est une question difficile, mais nous allons essayer de fournir quelques arguments. Tout d’abord, l’acte de Don Jaime est inqualifiable et ignoble, en fait il descend dans une '''[[#ancre_vir39|spirale infernale]]''' à grande vitesse et il touche un fond que personne ne peut prétendre connaître, la mort. Et, pour arriver à ses fins, il va utiliser la [[#ancre_vir04|corde à sauter]] qu’il a offert à Rita.
 
Ensuite, dès le [[#ancre_1b|premier plan]], nous savons grâce à la Mère supérieure que : «''sa santé n’est pas bonne.''» Enfin, au cours de son « caprice » : Viridiana qui porte les [[Habit|habits]] de noces de feue Dona Elvira. Don Jaime va lui révéler [[#ancre_43|un secret]] : «'' Ta tante est morte du cœur, dans mes bras, la nuit de nos noces, vêtue de cette robe. Et toi, tu lui ressembles tant ! ''» Nous apercevons que la question de la ressemblance est importante. Don Jaime tenait à son caprice, parce qu’elle ressemble à sa tante, il va le lui dire à leur [[#ancre_4a2|première rencontre]] : « ''Comme tu ressembles à ta tante ! Jusqu'à la démarche ! '' <br/>
- Viridiana : ''Je le sais, mon oncle, vous me l'avez déjà dit. '' <br/>
- Don Jaime : '' Tu vois ? Même la voix !''» <br/>
 
Il est alors vraisemblable que Don Jaime voulait présenter la même situation à Viridiana, une situation [[Inversion|inversée]], dans le sens où Dona Elvira est morte, la nuit de ses noces dans ses bras. Lui, mourra durant la simulation d’une nuit de noces avec Viridiana. Par son action, il va culpabiliser Viridiana et lui offrir un fardeau extrêmement lourd à porter. Il devait en être de même avec Rita, car il va utiliser la corde à sauter, pour jouer un [[jeu]] auquel en « joue » qu'une seule fois. Mais la suite du film, nous présente les choses d’une autre manière.
 
<center>[[#ancre_1|▲ ▲ ▲]]</center>
 
<span id="ancre_vir216"> </span>
<br/>
<center>'''Chapitre 16'''</center>
<br/>
 
===0h 33’ 45’’ – 0h 34’ 44’’ : '''Plans 74 - 75. Rita continue de sauter à la corde'''===
 
<span id="ancre_74">''' Plan 74.'''</span> ''0h 33' 45&quot;'' : Panoramique sur les tours de la maison et les arbres du parc.
 
* <span id="ancre_75">'''[[#ancre_vir55|Photogramme 55 – Plan 75.]] '''</span> ''0h 33' 58&quot;'' : Plan rapproché sur les jambes de Rita qui est en train de sauter à la corde sous le grand arbre, comme [[#ancre_vir202|au plan 2]].
 
<span id="ancre_vir55"> </span>
[[Fichier: Viridiana55_Bunuel_33_57_corde5.jpg|450px|thumb|center|alt= ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 55 - Plan 75a.''' Rita continue de sauter à la corde sous l’arbre du pendu.| ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 55 - Plan 75a.''' <br/> Rita continue de sauter à la corde sous l’arbre du pendu.]]
 
Moncho passe près de là en conduisant un '''[[Cheval#ancre_3m3|cheval noir]]''', s’arrête en voyant Rita, lâche le licol de la bête et s’approche de Rita. Il saisit brutalement la corde à sauter et tente de la lui arracher. Mais la fillette se défend vigoureusement : « ''Donne-la-moi. Elle est à moi. '' <br/>
- Moncho (Il la pousse d’un coup de coude.) : ''Je vais te tirer les oreilles si tu ne respectes pas les [[Mort|morts]] ! Tu ne dois pas jouer sous cet [[arbre]]. '' <br/>
- Rita : ''Don Jaime aimait beaucoup me voir sauter. '' <br/>
- Moncho (Il finit par l’emporter et jette la corde au loin.) : ''Après, s’il arrive malheur, ce sera de ta [[faute]] ! '' » (Cf. '''[[#ancre_vir56|Photogramme 56 – Plan 75b]] ''') <br/>
Moncho s’éloigne. Mais aussitôt qu’il a le dos tourné, Rita ramasse sa corde et se remet à sauter sous le grand arbre.
<br/>
<span id="ancre_vir56"> </span>
[[Fichier: Viridiana56_Bunuel_34_22_corde6.jpg|450px|thumb|center|alt= ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 56 - Plan 75b.''' Moncho (Il finit par emporter la corde et la jette au loin.) : ''Après, s’il arrive malheur, ce sera de ta faute ! ''.| ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 56 - Plan 75b.''' <br/> Moncho (Il finit par emporter la corde et la jette au loin.) : ''Après, s’il arrive malheur, ce sera de ta faute ! ''.]]
 
 
<center>* * *</center>
 
<span id="ancre_vir216a"> </span>
====Est-ce que ça porte malheur de jouer à la corde d’un pendu ?====
 
Contrairement à ce que l’on pouvait s’attendre, la corde d'un pendu est un « porte-bonheur réputé », d’où l’expression « avoir de la corde a pendu dans sa poche » pour désigner un individu particulièrement chanceux. Non seulement elle met à l’abri de tous les dangers, y compris des sorts et du mauvais œil, mais assure le succès dans les affaires et fait gagner à tous les jeux. » <ref> Eloïse Mozzani, ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_12|op. cit.]]'' p. 1358.</ref> Reste à savoir pourquoi la corde d’un pendu devient subitement un porte-bonheur, pourtant elle vient d’ôter la vie à un individu. <ref> La Revue des traditions populaires publiait en 1897 l’annonce suivante provenant d’un journal sportif : « CORDE DE PENDU / GARANTIE AUTHENTIQUE / Provenant du suicide d’un sportsman malheureux. Un mètre 60 cent. Vendu au profit de sa veuve. TALISMAN PORTE-VEINE RÉPUTÉ / Un centimètre : 5 fr. / Partie de la corde ayant opéré la strangulation, un centimètre : 10 fr. » RTP, XII, 511 </ref>
 
<center>[[#ancre_1|▲ ▲ ▲]]</center>
 
<span id="ancre_vir217"> </span>
<br/>
<center>'''Chapitre 17'''</center>
<br/>
 
===0h 34’ 45’’ – 0h 37’ 46’’ : '''Plans 76 - 77. Viridiana s’installe dans le domaine de Don Jaime - La visite de la Mère Supérieure''' ===
 
<span id="ancre_vir57"> </span>
[[Fichier: Viridiana57_Bunuel_34_45_croix_couronne_lit.jpg|300px|thumb|right|alt= ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 57 - Plan 76a.''' Plan rapproché sur la croix de bois noir et la couronne d’épines accrochées au lit.| ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 57 - Plan 76a.''' <br/> Plan rapproché sur la croix de bois noir et la couronne d’épines accrochées au lit.]]
 
<span id="ancre_vir58"> </span>
[[Fichier: Viridiana58_Bunuel_34_54_seau_lavage.jpg|300px|thumb|right|alt= ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 58 - Plan 76b.''' Viridiana armée d’un seau et d’une serpillière, est en train de laver par terre.| ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 58 - Plan 76b.''' <br/> Viridiana armée d’un seau et d’une serpillière, est en train de laver par terre.]]
 
* <span id="ancre_76">'''[[#ancre_vir57|Photogramme 57 – Plan 76a.]] '''</span> ''0h 34' 45&quot;'' : Plan rapproché sur la croix de bois noir et la couronne d’épines que nous avons déjà vu au '''[[#ancre_vir16|plan 11]]''', ils sont à présent accrochées au lit. La caméra en reculant nous découvre un sol de briques et les murs blanchis à la chaux. Viridiana n’a apparemment pas voulu conserver la chambre de Dona Elvira et s’est installée dans une chambre plus modeste au rez-de-chaussée. Comme meubles, il y a un lit de fer, deux chaises, une table de bois blanc ; dans un coin une table de toilette sans miroir. Viridiana armée d’un seau et d’une serpillière, est en train de laver par terre. (Cf. '''[[#ancre_vir58|Photogramme 58 – Plan 76b]] ''') Viridiana a visiblement changé, son sourire a disparu, elle paraît plus mesurée avec une sorte de sûreté qui lui manquait auparavant. Ramona, un plateau en mains, pénètre dans la chambre et dépose le plateau sur la table. Elle soulève la serviette et nous constatons que le repas se réduit à des légumes, un verre de lait et un morceau de pain. Ramona est inquiète : « ''Vous ne mangez pas assez. Je vous ai mis un verre de lait. Et ce soir je vous apporterai un peu de viande. '' (Viridiana cesse de travailler et va se laver les mains à la cuvette de la table de toilette.) '' Regardez comme vous avez mauvaise mine ! '' (Viridiana ne réponds pas.) ''Monsieur le Maire m’a dit qu’il s’est occupé déjà de ce que vous lui avez demandé. Vous pouvez aller au village quand vous voudrez. Ça vous fera du bien de voir du monde. '' (On entend, off, le bruit d’une auto qui s’arrête. Ramona regarde par la fenêtre ouverte.) ''Voilà des visites. Madame. '' (Deux religieuses passent à l’extérieur du bâtiment. L’une d’elles est la Supérieure du couvent de Viridiana.)
 
<span id="ancre_77">''' Plan 77.'''</span> ''0h 35' 49&quot;'' : Viridiana s’avance vers la porte. Elle voit entrer la religieuse. Ramona s’efface pour laisser entrer la visiteuse, puis quitte la pièce sur un signe de Viridiana : «<br/>
- La Supérieure : ''Bonjour. Tu ne m’attendais pas, n’est-ce pas ? '' <br/>
- Viridiana : ''Ma mère ! '' <br/>
- La Supérieure (Elle regarde Viridiana d’un aire apitoyé. Elle hoche la tête.) : ''Comme tu as dû souffrir mon enfant ! '' (Viridiana s’approche de la Supérieure, s’incline et d’un geste paisible, baise la croix de son chapelet.) ''Depuis que nous avons appris le malheur, hier, par hasard, nous avons été très inquiètes pour toi. J’ai pris le premier train pour venir te voir avec Mère Consuelo. Pourquoi n’as-tu pas écrit tout de suite ? Je serais venue immédiatement. '' <br/>
- Viridiana : ''J’avais tant de choses à penser ! '' <br/>
- La Supérieure : ''Mais tu aurais dû m’avertir. '' (Elle regarde autour d’elle et semble apprécier la simplicité de la chambre.) ''Au village, j’ai parlé quelques minutes avec Monsieur le curé. Il m’a raconté comment la chose est arrivée. Mais tout le monde se demande la raison de cet acte horrible contre Notre Seigneur. Le sais-tu, toi ? '' <br/>
- Viridiana : ''Je sais seulement que mon oncle fut un grand pêcheur, et que je me sens responsable de sa mort. '' <br/>
- La Supérieure : ''Comment peux-tu dire cela ? Toi, coupable du suicide d’un homme ? J’exige de toi une confession complète. Je suis la Mère Supérieure. '' <br/>
- Viridiana (En baissant les yeux.) : ''Je ne vais pas retourner au couvent, et par conséquent, je ne dois plus d’obéissance que n’importe quel autre catholique. '' <br/>
- La Supérieure : ''Y a-t-il quelque grave empêchement – parce qu’il doit s’agir d’une chose grave - qui t’empêche de prononcer tes vœux ? '' <br/>
- Viridiana : ''Je n’ai rien à me reprocher. Je sais seulement que j’ai changé. Avec mes faibles forces, je suivrai le chemin que le Seigneur le trace désormais. On peut aussi servir en dehors du couvent. '' <br/>
- La Supérieure : ''Te rends-tu compte de l’orgueil qu’il y a dans ces paroles ? A quoi te consacreras-tu ?'' <br/>
- Viridiana : ''Je connais ma faiblesse, je tâcherai de rester humble. Mais le peu que je ferai, je veux le faire seule. '' <br/>
- La Supérieure (En la dévisageant.) : ''Très bien. Puisque tu ne me laisses pas t'aider, je te laisse.'' (Elle fait quelques pas, et puis elle se retourne.) ''Navrée de t'avoir ennuyée. Adieu, ma fille. ''<br/>
- Viridiana : '' Ma Mère, Pardonnez-moi.'' <br/>
- La Supérieure : ''Tu es pardonnée. Adieu'' <br/>
 
<center>* * *</center>
 
<span id="ancre_vir217a"> </span>
 
==== Viridiana souhaite suivre le chemin que le Seigneur trace ====
 
Certes, au prix fort, Don Jaime a réussit à garder Viridiana dans le domaine. A présent, la croix et la couronne d’épines ne sont plus dans la valise qu’on a vus au plan 11, mais elles sont accrochés sur les montants de son lit, au-dessus de sa tête, quand elle dort. Symboles de souffrance et de douleur <ref><span id="ancre_vir_croix"> </span> La tradition chrétienne a prodigieusement enrichi le symbolisme de la croix, en condensant dans cette image l’histoire du salut et la passion du Sauveur. La croix symbolise le Crucifié, le Christ, le Sauveur, le Verbe, la seconde personne de la Trinité. '''Chevalier/Gherrbrant,''' ''Dictionnaire des Symboles,'' ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_12|op. cit.]]'' p. 319.</ref>, la croix et la couronne d’épines expriment le supplice de Viridiana. Elles deviennent un calque psychologique de son âme tourmentée. Mais la croix est aussi un symbole de protection. Ainsi, est-ce que Viridiana cherche à « protéger » sa personne ? Ou bien le lit sur lequel elle dort ? Le lit qui est à l’origine de son malheur, quand Don Jaime voulait abuser d’elle ? En même temps, ces deux symboles forts sont des signes de rappel du chemin qu’elle souhaite suivre et qu’elle annonce à la Mère Supérieure : « '' Avec mes faibles forces, je suivrai le chemin que le Seigneur le trace désormais. On peut aussi servir en dehors du couvent. '' » Ce qui explique, peut-être, l’obstination de Viridiana de faire les choses par elle-même, et de laver le sol de sa chambre avec un seau et un balai, car elle aurait pu demander à Ramona de se charger de cette basse besogne.
 
 
<center>[[#ancre_1|▲ ▲ ▲]]</center>
 
<span id="ancre_vir218"> </span>
<br/>
<center>'''Chapitre 18'''</center>
<br/>
 
===0h 37’ 47’’ – 0h 39’ 13’’ : '''Plans 78 - 80. Viridiana cherche à aider des mendiants - Première rencontre''' ===
 
<span id="ancre_vir59"> </span>
[[Fichier: Viridiana59_Bunuel_38_29_première rencontre_Viridiana_mendiants.jpg|300px|thumb|right|alt= ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 59 - Plan 79b.''' Viridiana prend l'enfant du bras de l'aveugle : ''Donnez-la moi ! Dans mes bras, jolie ! '' Nous distinguons de gauche à droite, les mendiants suivants : Enedina qui porte un enfant, Pelón, Poca (caché derrière Viridiana) et l’Aveugle (Don Amalio). | ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 59 - Plan 79b.''' <br/> Viridiana prend l'enfant du bras de l'aveugle : ''Donnez-la moi ! Dans mes bras, jolie ! '' <br/>
Nous distinguons de gauche à droite : Enedina qui porte un enfant, Pelón, Poca (caché derrière Viridiana) et l’Aveugle (Don Amalio).]]
 
<span id="ancre_78">''' Plan 78.'''</span> ''0h 37' 47&quot;'' : Sur la place du village. Un premier mendiant sort d'une église. Un second mendiant l'apostrophe : « ''Elle arrive ? '' <br/>
- 1er Mendiant : '' Elle s'est signée, mais elle ne se lève pas. '' <br/>
- Une Mendiante : ''Un vrai moulin à prières ! '' <br/>
- Une 2nde Mendiante : ''Il paraît qu'elle va même nous payer. '' »
 
<span id="ancre_79">''' Plan 79.'''</span> ''0h 38' 40&quot;'' : Un autre mendiant assis, tient d'une main un enfant, et tend l'autre main en demandant l'aumône : « '' Âmes charitables ! Pensez au pauvre aveugle ! Une aumône pour un pauvre aveugle impotent.'' (Le premier Mendiant se dirige vers lui.)<br/>
- 1er Mendiant (Il invite l'aveugle à les joindre.) : '' La voilà ! '' (Il aide l'aveugle à se relever.) '' C'est fini, pour toi, de traîner la savate, de te battre avec les gosses.'' (Viridiana apparaît, le visage heureux.) <br/>
- Viridiana (Elle prend l'enfant du bras de l'aveugle.) : ''Donnez-la moi ! Dans mes bras, jolie ! '' (Cf. '''[[#ancre_vir59|Photogramme 59 – Plan 79b]] ''') (Elle s'adresse à l'assemblée des mendiants.) ''Êtes-vous prêts ? '' <br/>
- L'Aveugle : ''Quand vous voudrez... ''<br/>
- Viridiana : ''Alors allons-y ! '' (Le groupe des mendiants est constitué de deux femmes, trois hommes et deux enfants.)<br/>
- 1er Mendiant : '' On dirait un ange. Dommage que tu sois aveugle… '' <br/>
- Viridiana : ''Épargnez-moi vos compliments. Je n'aime pas ça.'' »
 
<span id="ancre_80">''' Plan 80.'''</span> ''0h 38' 55&quot;'' : À une fontaine, un quatrième mendiant, barbu, donne des tapes sur l'épaule d'un autre mendiant qui se désaltère : « '' Les voilà. '' <br/>
- Viridiana : ''Vous êtes les deux derniers ? '' <br/>
- Le quatrième mendiant : ''Oui, mademoiselle. ''<br/>
- Viridiana : ''Bien, suivez-moi.'' »
 
<center>* * *</center>
 
<span id="ancre_vir218a"> </span>
==== Les mendiants – Est-ce le commencement du Chemin du Seigneur ? ====
 
Avec abnégation et générosité, Viridiana commence par accueillir des mendiants. Elle renonce à sa tranquillité, son repos et une partie de son héritage (puisque Don Jaime la désigne avec Jorge, son fils naturel, comme étant les héritiers du domaine), pour se consacrer à une tache ingrate et ardue dont peu de personne risque ou ose le faire. Elle a choisit un chemin dont elle ignore ou il pourra la conduire, mais elle l’emprunte quand même.
 
Parmi ce premier groupe de mendiants, nous allons suivre de près le Boiteux et l’Aveugle (Don Amalio). Soulignons d'abord que dans le groupe il y a deux boiteux : Pelón et Le Boiteux. Ensuite, nous ne connaissons pas le nom du Boiteux, contrairement aux autres, qui ont souvent un nom propre, et même parfois Viridiana les appelle par leur second prénom, comme par exemple, Poca qui s’appelle Manuel.
 
<center>* * *</center>
 
<span id="ancre_vir218b"> </span>
==== La subtilité et l’amplitude du projet de Buñuel ====
 
Pour revenir sur le Boiteux, nous allons développer un peu plus « '''[[#ancre_vir104d|l’équation]]''' » dont on a parlé avant. Il s’agit de [[#ancre_vir208c|l’équation [1.1]]] qui se prolonge avec un élément de plus, en incluant cette fois-ci une personne : Le Boiteux. Pourquoi ? Parce que il a un handicape au pied. L’équation devient :
 
<span id="ancre_vir218e1.2"> </span>
'''[1.2] : [[#ancre_vir202|Corde]] &rarr; [[#ancre_vir202a|Pied]] &rarr; [[#ancre_vir202b|Poignée]] &rarr; [[#ancre_vir202b|Serpent]] &rarr; [[#ancre_vir207|Pelote de laine]] &rarr; [[#ancre_vir207|Feu]] &rarr; [[#ancre_vir32|Cendre]] &rarr; [[#ancre_31a|Lit]] &rarr; [[#ancre_vir218a|Le Boiteux]] '''
 
De la sorte, nous constatons que le projet de Buñuel, qui a des suites subtiles dans les idées, est de lier les éléments fondamentaux du film afin d’aboutir à une interprétation dense et profonde. C’est d’ailleurs l’un des points les plus intéressants du film, car comme on peut le voir, à chaque nouveau chapitre (selon notre propre découpage), nous assistons à l’émergence et l’apparition de nouveaux éléments, ou objets, et chaque objet présenté a une répercussion sur d’autres objets,<ref> Tout compte fait, cette caractéristique innovante est très rare au cinéma, à notre connaissance, nous avons rarement rencontré un film qui propose autant d’éléments reliés entre eux avec une si grande maîtrise et finesse. </ref> souvent comme nous l’avons déjà dit, sous la forme d’un [[#ancre_vir204a|parallélisme]] qui enlève toute ambiguïté d’interprétation, par exemple, avec l’arrivée des mendiants nous assistons à l’arrivée de Jorge, le fils naturel de Don Jaime et de Lucia, son amie, qui est selon Jorge : « ''Une chic fille.'' »
 
<center>[[#ancre_1|▲ ▲ ▲]]</center>
 
<span id="ancre_vir219"> </span>
<br/>
<center>'''Chapitre 19'''</center>
<br/>
 
===0h 39’ 14’’ – 0h 41’ 28’’ : '''Plans 81 - 87. L'arrivée de Jorge et Lucia – L’arrivée des mendiants''' ===
 
<span id="ancre_vir60"> </span>
[[Fichier: Viridiana60_Bunuel_39_21_première apparition_Jorge_Lucia.jpg|300px|thumb|right|alt= ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 60 - Plan 82.''' Première apparition de Jorge et Lucia, ils sont devant le portrait de Don Jaime. | ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 60 - Plan 82.''' <br/> Première apparition de Jorge et Lucia, ils sont devant le portrait de Don Jaime.]]
 
<span id="ancre_vir61"> </span>
[[Fichier: Viridiana61_Bunuel_40_10_mouchoir_Lucia.jpg|300px|thumb|right|alt= ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 61 - Plan 84.''' Lucia cherche quelque chose dans son petit sac à main : un mouchoir. | ''Viridiana'' de Luis Buñuel. ''' Photogramme 61 - Plan 84.''' <br/> Lucia cherche quelque chose dans son petit sac à main : un mouchoir. ]]
 
<span id="ancre_81">''' Plan 81.'''</span> ''0h 39' 14&quot;'' : Plan fixe sur un tableau. C’est un portrait de Don Jaime dont le style est classique. Il est assis dans un fauteuil. Le fond semble nu. Nous entendons en off, la voix d'un jeune homme qui parle. C'est Jorge, le fils naturel de Don Jaime, il est en train d'admirer le tableau : « '' Étrange homme ! J'aurais aimé le connaître.'' <br/>
- La voix d'une jeune femme (Lucia, la fiancée de Jorge.) : ''Tu parles, un égoïste !'' »
 
* <span id="ancre_82">'''[[#ancre_vir60|Photogramme 60 – Plan 82.]] '''</span> ''0h 39' 21&quot;'' : Jorge et Lucia visitent le salon. Ramona les suit de près. Lucia poursuit la conversation : « ''Regarde avec toi. '' <br/>
- Jorge : '' Je ne lui en veux pas. Les amours passagers, ça arrive. Pourquoi m'a-t-il reconnu au dernier moment ?'' <br/>
- Ramona : '' Monsieur était très bon. Meilleur qu'on ne croit.'' <br/>
- Jorge : ''Pourquoi s'est-il tué ? '' <br/>
- Ramona (En baissant les yeux.) : '' Je ne sais pas.'' <br/>
- Jorge : '' Il n'est pas bon d'être toujours seul. '' (Il regarde Lucia.) '' Je ne lui ressemble pas ?'' <br/>
- Lucia : '' Ça non ! Tu cherches toujours la compagnie.'' »
 
<span id="ancre_83">''' Plan 83.'''</span> ''0h 39' 46&quot;'' : Jorge s'approche de l'harmonium. Il pose son chapeau sur le couvercle ouvert, et répond à Lucia : « ''Que veux-tu dire ? '' <br/>
- Lucia : '' Je me comprends.'' <br/>
Jorge joue un accord sur l'harmonium, Ramona s'approche : '' Ne jouez pas... Pardon. Monsieur tuait le temps en jouant. '' (Il referme le couvercle. Jorge retire son chapeau et ses gants.) ''On l'écoutait religieusement... Permettez, j'apporte l'autre valise.'' (Jorge se dirige vers la fenêtre ouverte.) »
 
<span id="ancre_84">''' Plan 84.'''</span> ''0h 40' 07&quot;'' : Plan en contre champs. Jorge et Lucia sont à la fenêtre. Lucia cherche quelque chose dans son petit sac à main : un mouchoir. (Cf. '''[[#ancre_vir61|Photogramme 61 – Plan 84]] ''')
Jorge est visiblement heureux : « '' L'air est pur, ici. Et derrière ses pins, la terre est sèche en friche ! Il y a beaucoup de travail. Et personne pour me commander. '' (Il donne un baiser à Lucia, mais il remarque que la jeune fille est triste.) ''Tu n'es pas heureuse ? '' <br/>
- Lucia : '' Si. Mais j'aurais préféré ne pas venir. '' (Tout à coup, elle semble voir quelque chose.) '' Regarde !'' »
 
<span id="ancre_85">''' Plan 85.'''</span> ''0h 40' 30&quot;'' : C'est en effet, l'arrivée de Viridiana et des mendiants : sept adultes et deux enfants.
 
<span id="ancre_86">''' Plan 86.'''</span> ''0h 40' 40&quot;'' : Deux mendiants discutent, il s'agit du 1er Mendiant et de l'Aveugle, il l'informe de ce qu'il voit : « '' Elle est énorme !'' <br/>
- L'Aveugle : '' Tant mieux pour nous. Combien d'étages ?'' <br/>
- 1er Mendiant : '' Deux.'' <br/>
- L'Aveugle : '' Beaucoup de fenêtres ?'' <br/>
- 1er Mendiant : '' Plein ! Des balcons et des tours d'église du tonnerre.'' <br/>
- L'Aveugle : '' C'est donc, une maison respectable. '' »
 
<center>* * *</center>
 
<br/><br/><br/>
''La suite est en cours de préparation.''
<br/><br/><br/>
<center>[[#ancre_1|▲ ▲ ▲]]</center>