Thèse:Introduction:L'architecture de la thèse

De Cinémancie
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L'ancrage de la cinémancie est un ancrage double, d'une part dans le cinéma, et d'autre part dans "la mancie". Cet ancrage nous a amené à porter des considérations et des constatations particulières qui nécessitent un certain nombre de mises au point, très précisément trois :

Une construction en tiroir

Nous avons choisi de traiter les films selon une structure de "construction en tiroir", car elle est inhérente au fondement de notre étude. Ainsi, dès que nous nous trouvons devant un plan qui propose une représentation (figure, forme ou objet) donnée, particulière, suggestive, interpellatrice, nous devons aussitôt la prendre en considération, la questionner méticuleusement et patiemment. Et petit à petit chercher les arguments et les indices qui peuvent s'engager sur une voie cinémantique. Car, ce qui est pertinent dans un signe, en fin de compte, c'est d'une part sa place parmi les autres signes, et d'autre part les interprétations particulières que le réalisateur implique dans ce signe, par transformation, par croisement, par addition, par amplification, par détournement, par suggestion, etc. Ensuite, nous devons creuser "la couche sémantique" d'une figure dans toutes ses acceptations possibles et imaginables,[1] afin de traverser de part en part son potentiel retentissant, qui va nous conduire à préciser, à partir de considérations anthropologiques, certains faits formels (nous ne pouvons pas pour le moment dire des "lois formelles", faute de preuves suffisantes.) Enfin, l'importance de "la discussion" autour d'une figure dépend d'abord de son "nombre d'apparition" au cours d'un film chez un réalisateur, ensuite à travers plusieurs films du même réalisateur et enfin, à travers les films de plusieurs réalisateurs. Ainsi "la construction en tiroir" nous permet, à l'intérieur d'un seul film, de développer certaines figures qui, d'une manière ou d'une autre, posent une meilleure compréhension de la thèse.

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Le découpage du film

Chaque film est considéré d'abord et surtout comme "un bloc, un tout". Ainsi la question du découpage d'un film est de la plus haute importance, pour différentes raisons. Lorsque le découpage du film n'existe pas dans une publication ("Avant-Scène Cinéma", par exemple) nous avons pris le soin de l'effectuer nous-même, plan par plan, accompagné d'une chronologie du film relativement précise (à quelques secondes près), à partir du temps zéro du film (hors générique), puisque la cinémancie s'intéresse à l'écoulement du mouvement d'une action dans le temps, d'une action et de sa réaction décalée dans le temps. Nous avons également mis en place une numérotation et une dénomination des périodes et des parties des films. Cela nous permet d'aborder le film méthodiquement, "plan après plan". Un des grands avantages de la cinémancie est qu'un film doit être comme "une visite introspective" de tout le film, et à travers tous ses plans. Parmi les avantages de notre "découpage", il y a la facilité et le confort des repérages, entre les films ou entre les réalisateurs. C'est donc une commodité de lecture et une exactitude dans l'ordre du film. Car un lecteur même très averti ne peut pas forcément se rappeler de tous les détails d'un film. C'est un point important, car souvent nos démonstrations s'appuient sur des petits détails, qui ont une apparence négligeable. Il nous reste à définir le "plan" d'un film.

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Les plans cinématographiques

Les types de plans cinématographiques

La question du "plan" d'un film dans le langage cinématographique francophone pose problème, jusqu'à ce que certains théoriciens du cinéma préconisent de l'éviter quand c'est possible.[2] Ainsi par application, nous désignons dans notre "découpage", le terme "plan" comme : (...) "tout morceau de film compris entre deux changements de… plan."[3] " Tout morceau de pellicule défilant de façon ininterrompue dans la caméra, entre le déclenchement du moteur et son arrêt."[4] "Tout ce que la caméra a enregistré continûment entre deux "coupez".[5] Les trois types de contexte que le terme plan se voit utilisé : c'est soit (...) a. "En termes de grosseur." "C'est les différentes "tailles" de plans : Général, ensemble, rapproché, gros plan, etc. (…) elles ont un rapport au modèle humain comme un écho des recherches de la Renaissance."[6] b. En termes de mobilité." "Le paradigme serait ici composé du "plan fixe" et des divers types de "mouvements d'appareil. "[7] c. En termes de durée." C'est là que surgissent les problèmes les plus complexes posés par ce terme. Le plus souvent est celui qui se rattache à l'expression "plan-séquence". (…) (c'est) un plan suffisamment long pour contenir l'équivalent événementiel d'une séquence (c'est-à-dire d'un enchaînement, d'une suite, de "plusieurs" événements distincts).[8] En définitif, nous allons utiliser le mot plan presque exclusivement en terme de "durée". Quand nous aurons le choix, nous utiliserons à bon escient d'autres termes équivalents, selon la suggestion du contexte, comme par exemple: "cadre" pour la surface, "champ" pour le volume, "prise" pour le temps. Toutefois dans le cinéma nous assistons à un genre de plan particulier, c'est le propos qui va suivre.

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Le plan en "insert"

Emile Simonet défini l'insert comme (...) "un très gros plan qui a pour fonction de saisir un détail pour lui accorder une valeur symbolique ou fantastique. Il focalise l'attention sur un détail (expression, objet, etc.) significatif."[9] C. Metz va au-delà de cette définition et précise que l'insert peut être de diverses sortes de plans qui (...) "doivent leur autonomie à leur statut d'interpolations syntagmatiques (…) si l'on choisit comme principe de classement la cause du caractère interpolé, on s'aperçoit qu'il n'a existé dans le cinéma jusqu'ici que quatre type d'inserts : l'insert "non-diégétique" (= image à valeur purement comparative, et présente un objet extérieur à l'action) ; l'insert "subjectif" (= image qui n'est pas visé-comme-présente, mais visée-comme-absente… exemples : souvenirs, rêveries, craintes, prémonitions, etc. ) ; l'insert "diégétique déplacé (= image qui, tout en étant pleinement "réelle" est soustraite à son emplacement filmique normal… exemple : au milieu d'une séquence relative aux poursuivants, une image unique des poursuivis) ; enfin, l'insert "explicatif" (= détail grossi, effet de loupe)…"[10] L'insert est donc une image instantanée, ponctuelle, émergeant subitement du "flot filmique". Il acquiert par-là un caractère cinémantique. Nous voulons vérifier si un insert est exclusivement cinémantique. Car, par ses qualités de fugacité, de vivacité, de rapidité, d'instantanéité, l'insert est toujours chargé de sens, souvent d'une manière très dense. Il est aussi une rupture brutale dans le déroulement du film. C'est un plan qui est presque toujours en faux-raccord. C'est un plan d'indication, de rappel, de référence. Comme par exemple dans Le Miroir, dans le 2éme épisode "Le rêve d'Aliocha", le plan 28 : une main rougie par le rayonnement des braises du bois incandescent. Cette densité des inserts nous engage à être très attentif à leur présence et à la place qu'ils occupent.


  1. Cf. J. Mitry, tome 2, op. cit., p. 187. G. Bachelard, L'Eau et les rêves, Essai sur l'imagination de la matière, Editions José Corti, 1942, (...) "Les (…) forces imaginantes creusent le fond de l'être ; elles veulent trouver dans l'être, à la fois, le primitif et l'éternel. (…) on pourrait distinguer deux imaginations : l'imagination formelle et l'imagination matérielle…", pp. 7sq.
  2. Cf. Esthétique du Film, ouvrage collectif de : J. Aumont, M. Marie, A. Bergala et M. Vernet, Edition Fernand Nathan, 1983, p.30. Cf. également, J. Mitry, tome 1, op. cit., §. 30. pp. 149-165 ; 168.
  3. Esthétique du Film, op. cit., p. 26.
  4. Esthétique du Film, op. cit., p. 29.
  5. Jean Mitry, tome 1, op. cit., p. 21. Cf. également, §. 30. Les plans et les angles, pp. 149-165 ; 168 ; 176-177 ; 350 ; 352 ; 375 ; tome 2, (...) "Chaque plan suppose un angle et un "seul" répondant à une "nécessité" interne…" p. 20 ; film en un seul plan, La Corde, p. 23 ; 79. G. Deleuze, op. cit., p.33 ; 43. C. Metz, tome 1, op. cit., p. 118 ; tome 2, 20-21. Noël Burch, Une Praxis du cinéma, Editions Gallimard, Paris, 1986, p. 23 ; quinze types de changement de plan, 32. I. Lotman, chapitre 2, Le problème du plan, op. cit., pp. 43-64 ; définition, 48.
  6. Esthétique du Film, op. cit., p. 29.
  7. Ibid., p. 29.
  8. Ibid., p. 29.
  9. Internet : http://www.ac-dijon.fr/pedago/lettres/cinema/cine2.htm
  10. Christian Metz, tome 1, op. cit., p. 126. Cf. également Daniel Arijon, Grammaire du langage filmique, traduit de l'anglais par Evelyne Bonnet, Editions Dujarric, Paris, pp. 139-144 ; 150 ; 276-289.