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Le [[téléphone]] sonne, il sursaute légèrement, il ferme les yeux un [[Instant (précis)|instant]], dubitatif, il se [[Retourner|retourne]] et se dirige vers le téléphone : la situation est aussi entortillée que le fil de téléphone qu'il a au bout de sa main, encore une fois, la forme rejoint le fond.
 
Le [[téléphone]] sonne, il sursaute légèrement, il ferme les yeux un [[Instant (précis)|instant]], dubitatif, il se [[Retourner|retourne]] et se dirige vers le téléphone : la situation est aussi entortillée que le fil de téléphone qu'il a au bout de sa main, encore une fois, la forme rejoint le fond.
 
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Voilà une séquence embarrassante. Mais, chez Tarkovski, il faut chercher du côté des [[Liaison|liaisons]] et des stratifications des données du signe. Tout d'abord, nous ne pouvons négliger une explication d'ordre onirique de la séquence : c'est un songe. <ref> Dans Pindare (. . .) "Bellérophon rêve que Pallas lui apporte un mors magique pareil à un diadème d'or, à l'aide duquel il pourra dompter Pégase. Il se saisit aussitôt de l'[[objet]] "en trop", qui n'est pas de ce monde et qu'une divinité a disposé près de lui." ''Olympiques, XIII'', pp. 65 et suivantes. </ref> (...) "(Le) thème est fréquent notamment dans l'ancienne littérature nordique." <ref>''Le rêve et les sociétés humaines,'' ouvrage collectif, article, "Prestiges du rêve, ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_12|op. cit.]]'', pp. 34 sq.  </ref> " Parfois, plus subtilement, la preuve laissée par le [[rêve]] évanoui n'est pas matérielle, mais, comme lui, volatile, insaisissable, ambiguë. <ref>"Dans une courte relation chinoise, il arrive au jeune Lilou de P'eng-tcheug de rêver qu'il se rend dans une maison publique où il s'enivre avec des filles. Il se demande pourtant s'il s'agit bien de rêves, car les parfums des femmes continuent d'imprégner ses vêtements à son réveil." '''Hong Yeau-Lou''', Ch. 6, in ''T'ang Kien Wen Tse,'' Traduction Bruno Belpaire, Paris, 1957, p. 262.  </ref> Ensuite, durant l'épisode du "[[Rêve]] d'Aliocha", nous avons aisément compris qu'il s'agit d'un rêve, car il y a eu un changement de type de pellicule : passage de la couleur au noir et blanc ; et aussi, dans l'épisode lui-même, la [[disparition]]/apparition de Maroussia. Ici, vraisemblablement et plus subtilement, Andreï Tarkovski n'use pas du même procédé, mais fonctionne à partir de l'intensité lumineuse, en l'amplifiant et en l'atténuant, ce qui nous livre un net changement de clarté, qui éclaire pleinement les objets, et nous permet de les voir. Ainsi, au :
 
Voilà une séquence embarrassante. Mais, chez Tarkovski, il faut chercher du côté des [[Liaison|liaisons]] et des stratifications des données du signe. Tout d'abord, nous ne pouvons négliger une explication d'ordre onirique de la séquence : c'est un songe. <ref> Dans Pindare (. . .) "Bellérophon rêve que Pallas lui apporte un mors magique pareil à un diadème d'or, à l'aide duquel il pourra dompter Pégase. Il se saisit aussitôt de l'[[objet]] "en trop", qui n'est pas de ce monde et qu'une divinité a disposé près de lui." ''Olympiques, XIII'', pp. 65 et suivantes. </ref> (...) "(Le) thème est fréquent notamment dans l'ancienne littérature nordique." <ref>''Le rêve et les sociétés humaines,'' ouvrage collectif, article, "Prestiges du rêve, ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_12|op. cit.]]'', pp. 34 sq.  </ref> " Parfois, plus subtilement, la preuve laissée par le [[rêve]] évanoui n'est pas matérielle, mais, comme lui, volatile, insaisissable, ambiguë. <ref>"Dans une courte relation chinoise, il arrive au jeune Lilou de P'eng-tcheug de rêver qu'il se rend dans une maison publique où il s'enivre avec des filles. Il se demande pourtant s'il s'agit bien de rêves, car les parfums des femmes continuent d'imprégner ses vêtements à son réveil." '''Hong Yeau-Lou''', Ch. 6, in ''T'ang Kien Wen Tse,'' Traduction Bruno Belpaire, Paris, 1957, p. 262.  </ref> Ensuite, durant l'épisode du "[[Rêve]] d'Aliocha", nous avons aisément compris qu'il s'agit d'un rêve, car il y a eu un changement de type de pellicule : passage de la couleur au noir et blanc ; et aussi, dans l'épisode lui-même, la [[disparition]]/apparition de Maroussia. Ici, vraisemblablement et plus subtilement, Andreï Tarkovski n'use pas du même procédé, mais fonctionne à partir de l'intensité lumineuse, en l'amplifiant et en l'atténuant, ce qui nous livre un net changement de clarté, qui éclaire pleinement les objets, et nous permet de les voir. Ainsi, au :
  

Version du 7 août 2011 à 21:56

Photogramme  : "Fraises Sauvages (Les)", Plan 19. Le rêve étrange d'Isak Borg, entre autres, une montre éclatante de lumière mais sans aiguilles.


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Titres des films

Titre Titre original Réalisation Scénario Année Pays Durée (min.)
Vers un destin insolite sur les flots bleus Travolti da un insolito destino nell'azzurro mare d'agosto Wertmüller Lina Wertmüller L. 1975 Italie 116

Autres titres de films

Titre Titre original Réalisation Scénario Année Pays Durée
Andreï Roublev (Voir détail : Andreï Rublyov) Tarkovski Andreï Tarkovski A.
Konchalovsky A.
1969 URSS 215
Mathilde (Voir détail : Mathilde) Mimica Nina Mimica Nina 2004 Italie, Espagne, Angleterre, Allemagne 97
Miroir (Le) (Voir détail : Zerkalo) Tarkovski Andreï Tarkovski A.

Micharine A.

Et poèmes d'Arseni Tarkovski.
1975 URSS 106
Nostalghia (Voir détail : Nostalghia) Tarkovski Andreï Tarkovski A.
Guerra T.
1983 URSS
Italie
130
Stalker (Voir détail : Stalker) Tarkovski Andreï Tarkovski A.
Strougatski A. et B.
1979 URSS 161
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Photogrammes extraits des films - Analyse et liens spécifiques du film.

Andreï Roublev, d'Andreï Tarkovski

§. Rencontre insolite de Roublev et de Théophane.
§. Image insolite

*

Liens spécifiques du film

Voir : Andreï Roublev

* * *

Le Miroir, d’Andreï Tarkovski

Trace de tasse de thé et souffle

Après l'épisode des pages froissées et du sac de la mère vidé, la mère sort de l’appartement, et, nous assistons à la présence insolite d'une dame distinguée, installée dans un profond fauteuil, buvant du thé dans une tasse en porcelaine. Elle donne l'impression qu'elle est chez elle. Elle dit à Ignat, guère étonné de sa présence : "Entre, Bonjour." Elle demande à une vieille servante : "une tasse de thé pour le jeune homme." Elle demande aussi à Ignat de prendre le cahier dans la bibliothèque, "celui situé au 3ème rayon." Elle a parlé trois fois, pour donner trois fois des ordres. (Cf. Photogramme - Insolite 1.)

Photogramme Insolite 1 : Le Miroir, plan 83. L'étrange Dame en noir, boit tranquillement une tasse de thé dans l'appartement. Ce plan présente une variation d'éclairage, non moins étrange, sur la Dame en noir.

Ignat prend "le livre" et commence à lire, un texte de Rousseau, sur "l'influence de la science sur l'art". Elle coupe sa lecture, et elle le rectifie, en lui disant de lire ce qui est souligné [1]: "Une lettre de Pouchkine à Tchadaïev, sur le schisme qui a séparé la Russie du reste de l'Europe." Ainsi, nous constatons que les propos d'Ignat: "On dirait que ça s'est passé." S'appliquent aussi à la Dame en noir : elle connaît avec précision la position du cahier et le passage souligné. Remarquons de plus, que c'est un cahier et non un livre. La disposition du cahier qui semble présenter dans la même page, un texte de Rousseau, suivi d'un texte de Pouchkine, indique que ces passages ont été sans doute copiés. Ils ont été peut-être copiés et soulignés par ses soins. Nous assistons là, à un double "paradoxe chronotopique", si nous osons dire. Entre temps, on sonne à la porte. Elle ordonne à Ignat d'aller ouvrir. C'est une fausse visite, d'une dame qui s'est trompée d'adresse. [2] De retour, Ignat constate avec étonnement et surprise, mêlée d'inquiétude, la disparition de la dame en noir, et de tout le service à thé. L'unique témoignage de la présence de la dame en noir est l'aspect fugace de la trace de buée de la tasse chaude sur la table, qui disparaît progressivement et rapidement. Ignat est interloqué et stupéfait. Il entre de quelques pas dans la chambre, pour voir l'évaporation de la trace de la tasse de thé. (Cf. Photogramme Buée 1. )

Photogramme Buée 1. : Le Miroir, plan 87. La trace de la tasse de thé chaud qui disparaît, après la disparition de la Dame en noir.

Le téléphone sonne, il sursaute légèrement, il ferme les yeux un instant, dubitatif, il se retourne et se dirige vers le téléphone : la situation est aussi entortillée que le fil de téléphone qu'il a au bout de sa main, encore une fois, la forme rejoint le fond. Voilà une séquence embarrassante. Mais, chez Tarkovski, il faut chercher du côté des liaisons et des stratifications des données du signe. Tout d'abord, nous ne pouvons négliger une explication d'ordre onirique de la séquence : c'est un songe. [3] (...) "(Le) thème est fréquent notamment dans l'ancienne littérature nordique." [4] " Parfois, plus subtilement, la preuve laissée par le rêve évanoui n'est pas matérielle, mais, comme lui, volatile, insaisissable, ambiguë. [5] Ensuite, durant l'épisode du "Rêve d'Aliocha", nous avons aisément compris qu'il s'agit d'un rêve, car il y a eu un changement de type de pellicule : passage de la couleur au noir et blanc ; et aussi, dans l'épisode lui-même, la disparition/apparition de Maroussia. Ici, vraisemblablement et plus subtilement, Andreï Tarkovski n'use pas du même procédé, mais fonctionne à partir de l'intensité lumineuse, en l'amplifiant et en l'atténuant, ce qui nous livre un net changement de clarté, qui éclaire pleinement les objets, et nous permet de les voir. Ainsi, au :

Plan 82a : 44' 23" : La Dame en noir, dit à Ignat d'entrer. Mais Ignat pendant toute la séquence, restera au seuil de la porte, en tous cas en dehors de la chambre du prodige. [6]

Par ailleurs, nous avons souligné dans le "Rêve d'Aliocha" l'ambivalence du "père du héros" et du "père de la patrie" ; dans "le songe d'Ignat", à supposer que c'est un songe, la Dame en noir devient "la mère de la patrie", ce qui explique l'intense éclairage, presque surnaturel autour de la pièce, ainsi que l'éclairage de face sur le visage d'Ignat, au moment où il lit la lettre de Pouchkine : une lumière intérieure qui s'achemine vers l'extérieur. De plus, il y a de nouveau "un fait formel" révélateur, au moment de la lecture d'Ignat. La prise de vue et la disposition de l'image proposent "une lecture littérale" : Le visage de la dame en noir est situé dans le prolongement de l'ouverture en V du livre. (Cf. Photogramme Livre 1.)

Photogramme Livre : Le Miroir, plan 86. "Résonance", grâce à un prolongement d'une ligne de force.

Nous avons fait allusion à ce genre de plan dans Nostalghia. Il s'agit du transfert psychologique du Fou vers le Poète : La "résonance", grâce à un prolongement de "ligne de force" entre les deux hommes. Ici, la "résonance" s'établit entre la dame en noir et Ignat, en passant par le livre. (Cf. Photogramme - Livre 1.) Il nous semble que la question du "transfert" mérite un approfondissement, nous avons des bonnes raisons de croire que cet aspect cache des éléments pertinents. Une autre résonance rejoint précisément la trace de la buée. Il s'agit du plan 60 dans l'épisode de "La question espagnole", quand Natacha demande à son ex-mari de garder Ignat une semaine, parce qu'elle a des travaux chez elle. A ce moment précis, elle commence à soulever ses cheveux, à les coiffer en les rangeant en masse, elle devient maniérée. Elle ouvre la bouche en "O", et souffle sur le miroir (Cf. Photogramme - Buée 2.) ; faisant de la buée, qu'elle voit disparaître. C'est l'air de rien, une figure importante.

Photogramme Buée 2. : Le Miroir, plan 86. Natalia souffle sur le miroir avec sa bouche en O.
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Liens spécifiques du film

Voir : Le Miroir

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Notes et références

  1. Le répertoire typologique des mots s'agrandit, voilà à présent des mots soulignés.
  2. Est-ce Maroussia vieille ? (Remarque de Daniel Weyl.)
  3. Dans Pindare (. . .) "Bellérophon rêve que Pallas lui apporte un mors magique pareil à un diadème d'or, à l'aide duquel il pourra dompter Pégase. Il se saisit aussitôt de l'objet "en trop", qui n'est pas de ce monde et qu'une divinité a disposé près de lui." Olympiques, XIII, pp. 65 et suivantes.
  4. Le rêve et les sociétés humaines, ouvrage collectif, article, "Prestiges du rêve, op. cit., pp. 34 sq.
  5. "Dans une courte relation chinoise, il arrive au jeune Lilou de P'eng-tcheug de rêver qu'il se rend dans une maison publique où il s'enivre avec des filles. Il se demande pourtant s'il s'agit bien de rêves, car les parfums des femmes continuent d'imprégner ses vêtements à son réveil." Hong Yeau-Lou, Ch. 6, in T'ang Kien Wen Tse, Traduction Bruno Belpaire, Paris, 1957, p. 262.
  6. Comme dans Stalker "La Chambre des Désirs".
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