Chien

De Cinémancie
Révision de 11 février 2012 à 21:19 par Dimitri Dimitriadès (discussion | contributions) (La chienne « Zoé », gardienne de « La Maison de la fin du monde »)

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Andreï Roublev. Le chien de Kyril qui se détache et qui court vers son cruel maître qui va l'abattre.



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Titres des films

Mode d'emploi de la figure (mot) et abréviations


Titre Titre original Réalisation Scénario Année Pays Durée (min.)
Chien Andalou (Un) Chien Andalou (Un) Buñuel Luis Buñuel L.,
Dali S.
1929 France 16
Chien jaune de Mongolie (Le) Die Höhle des gelben hundes Davaa Byambasuren Davaa B.
Lhagva G.
2006 Mongolie,
Allemagne
93
Chiens de paille (Les) Straw dogs Peckinpah Sam Goodman D. Z.,
Peckinpah S.
1972 Angleterre 118
Chiens égarés Stray dogs Meshkini Marziyeh Meshkini Marziyeh 2005 Iran,
France
93
Ma Vie de chien Mitt liv som hund Hallström Lasse Berglund P.,
Brännström B.,
Hallström L.,
Jönsson R.
1988 Suède 100
Pays du chien qui chante (Le) Pays du chien qui chante (Le) Dedet Yann Bouquet S.,
Dedet Y.
2002 France 95
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Autres titres de films

Mode d'emploi de la figure (mot) et abréviations


Titre Titre original Réalisation Scénario Année Pays Durée
Andreï Roublev (Voir détail : Andreï Rublyov) Tarkovski Andreï Tarkovski A.
Konchalovsky A.
1969 URSS 215
Into the Wild
§. Plan 1240
(Voir détail : Into the Wild) Penn Sean Sean Penn,
roman de Jon Krakauer
2007 USA 147
Miroir (Le) (Voir détail : Zerkalo) Tarkovski Andreï Tarkovski A.

Micharine A.

Et poèmes d'Arseni Tarkovski.
1975 URSS 106
Nostalghia (Voir détail : Nostalghia) Tarkovski Andreï Tarkovski A.
Guerra T.
1983 URSS
Italie
130


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Disposition de la caméra pour cadrer un chien

En ce qui concerne la disposition technique de la caméra pour filmer l'univers canin, et par extension tous les animaux d'une taille moyenne comparable à celle d'un chien (c'est un aspect qui s'applique aussi à la taille d'un enfant). La caméra est obligée d'effectuer un léger mouvement en plongée, surtout quand il s'agit d'un plan rapproché ou d'un gros plan. En général pour filmer à hauteur d'homme, l'axe de prise de vue d'une caméra est souvent parallèle au sol. Cette qualité élémentaire est à la base de la psychologie de vision de l'homme. En revanche, d'un point de vue humain, pour filmer à la hauteur d'un chien, l'axe de la caméra doit s'incliner d'au moins quinze degrés, si ce n'est pas plus. Le cadrage ainsi obtenu est tout autre, nous n'avons plus un point de fuite et des lignes de fuite en perspective traditionnelle, mais des lignes de fuite piquées dans le sol. C'est-à-dire, si nous considérons le dispositif traditionnel de la vision, nous obtenons une pyramide visuelle ayant pour sommet la caméra ou l'œil, et dont la base s'étale sur un arrière-plan vers l'infini, un arrière-plan qui est perpendiculaire au sol. Or, dans le dispositif en plongée, la base de la pyramide s'enfonce en grande partie dans le sol. Ce qui implique que grâce à cette prise de vue particulière, nous entrons, si nous osons dire, dans une autre dimension. Avec un point de fuite piqué au sol, nous nous introduisons dans une espèce d'au-delà significatif. Bien entendu, il reste une seconde solution, qui consiste à baisser la caméra et la maintenir parallèle au sol. Comme si c'était un enfant qui regarde. Mais là aussi, la dimension proposée est toujours particulière. Dans les deux cas, les caractéristiques issues de ce procédé de prise de vue en plongée ou en caméra surbaissée sont importants pour la cinémancie car ces représentations proposent un balayage du champ visuel qui est en général occulté dans le cinéma. Cela est loin d'être le cas chez Tarkovski. Ainsi, dans Andreï Roublev, la nécessité du plan 69 du film nous démontre le lien du chien avec l'élément terre. Autrement dit, un déplacement de la caméra peut devenir un indice cinémantique.


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Photogrammes extraits des films - Analyse et liens spécifiques des films

Andreï Roublev, d’Andreï Tarkovski

Les enchaînements de la figure du chien

Dans le IIIème épisode (Théophane le Grec), au cours du monologue, nous entendons en voix-off un chien qui aboie, Kyril se contente de détourner le visage. C'était en fait son chien qui avait faim. Il ne se chargera pas de cette tâche ordinaire, absorbé dans son ego et dans ses méditations, c'est son apprenti qui devrait s'occuper du chien. Et lors de sa colère injustifiée, Roublev tente (comme au IIème épisode) de le retenir, mais il n'y parvient pas. C'est son chien qui va se détacher au prix d'un grand effort de sa chaîne de fer, pour rejoindre la "chaîne de la mort".

La figure du chien devient une figure centrale, dans l'acceptation de ses différents sens, et nous sommes toujours dans le cadre de la figure de l'inversion. C'est d'abord par rapport à Kyril, le chien comme figure de fidélité et d'attachement ; et par rapport à l'évêque, figure de vagabondage et d'instabilité : " va-t-en chien". Cette dernière citation, et le fait que Kyril tombe deux fois dans la neige, sans oublier qu'il jette son bâton, c'est-à-dire, son point d'appui, annoncent ses mésaventures, que nous ne découvrirons que dans le VIIème épisode : il racontera qu'il a été suivi par des … loups, et afin de s'en échapper, il passera toute une nuit dans un lac froid. Il tombera malade et il aura la voix enrouée. Enfin, en frappant le chien et en le tuant, c'est la fidélité qu'il frappe et qu'il tue. (Cf. Photogramme – Chien 1.)


Photogramme - Chien 1 : Andreï Roublev, Plan 69. Le chien de Kyrill gisant sur la neige, tué par son maître.


Comme pour le cheval, il faudrait consacrer à la figure du chien un grand chapitre, ce qui sort du cadre de notre étude. [1] La première fonction mythique du chien universellement attestée, est celle de psychopompe [2] : (…) " Il n'est sans doute pas une mythologie qui n'ait associé le chien, Anubis, T'ien-k'uan, Cerbère, Xolotl, Garm, etc. à la mort, aux enfers, au monde du dessous, aux empires invisibles qui régissent les divinités chtoniennes ou séléniques. Le symbole très complexe du chien est donc, à première vue liée à la trilogie des éléments, terre - eau - lune dont on connaît la signification occulte, femelle, tout à la fois végétative, sexuelle, divinatoire, fondamentale, tout aussi bien pour le concept d'inconscient que pour celui de subconscient. [3] (…) " [4] La symbolique du chien rejoint donc celle de cheval. Mais il faut observer, que c'est à la fin du Ier épisode, après la mort d'Efim, que le cheval gesticulait sur l'herbe, alors qu'à la fin de cette partie dans le IIIème épisode, c'est le chien qui est mort, et Kyril qui s'en va dans le monde inconnu. C'est encore un cas d'inversion. Notons aussi que les deux animaux sont noirs, et solitaires. Cette solitude pose un problème car, au VIIème épisode, dans la même cour du monastère, il y avait une horde de chiens, pourquoi sont-ils absents ici ? Nous ne les entendons même pas, pourquoi ? Ce fait ne cherche t-il pas à nous indiquer une signification particulière ? Une direction particulière ? Il s'agit peut-être d'une isolation de la figure, comme pour le cheval, afin de faire subir à l'image la déviation symbolique que le cinéaste veut suggérer.

En effet, une des grandes questions qui se pose pour un réalisateur et par extension pour nous spectateur, c'est celle de savoir quand et comment un objet ou une figure dans un film subit une métamorphose symbolique. Telle figure accède à une catégorie symbolique, et pas une autre, pourquoi ? Comment le démontrer à l'écran ? Un premier élément de réponse se trouve sans doute dans l'isolement de la figure, et dans la manière particulière que le réalisateur utilise pour tenter de le montrer, manière qui est naturellement spécifique à chaque réalisateur. Ces approches sont souvent faites par petites touches, par des petites allusions, comme le cheval noir qui disparaît (plan 5a) ou quand Kyril demande à son apprenti s'il a donné à manger à son chien. Par ailleurs, un autre élément de réponse peut venir d'un fait culturel qui concerne la région, il s'agit d'une tradition chez les peuples chamaniques de Sibérie : (...) "Chez les Gold, le mort est toujours enseveli avec son chien. Ailleurs chez un peuple de cavalier, le cheval du mort est sacrifié, et sa chair distribuée aux chiens et aux oiseaux qui guident le défunt vers les empires du ciel." [5] Cet aspect est représenté point par point dans le VIIème épisode, "L'Amour" (plans 290-14 / 298-22)[6], quand le chef des tatars donne des morceaux de viande à la horde des chiens. Ainsi nous pouvons déduire que la viande provient du cheval sacrifié d'un tatar mort durant le sac de Vladimir (VIème épisode). En outre, le symbolisme du chien n'est pas lié uniquement à la trilogie des éléments terre, eau, lune, il est aussi lié au symbolisme du feu, ainsi : (...) "Pour les Motu-Motu et les Ozokaiva de Papouasie, il est bien certain que le chien est le maître du feu, puisqu'il dort toujours auprès de lui et gronde si l'on veut l'en chasser." [7] Nous avons vu ce symbolisme dans Nostalgia : le chien de l'hôtel qui sort de nulle part, (d'une salle de bain, d'une salle d'eau), pour aller se coucher au pied de son maître le feu, le poète Gortchakov. [8] Une figure chaleureuse du foyer, une figure du forgeron-poète.


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La relation feu-chien

Pour revenir au chien de Kyril, la liaison feu-chien est à rapprocher avec le plan 60 : c'est la même main qui éteint la torche et qui va abattre, quelques heures plus tard, son propre chien. (Cf. Photogramme – Feu-Chien.)


Photogramme - Feu - Chien : Andreï Roublev, Plan 60. Kyrill s’asperge le visage d’eau et éteins la torche de sa main humide.


D'autre part, dans le symbolisme du feu, il y a l'enrichissement d'une signification sexuelle qui, de plus, est liée au bâton que Kyril jette après son forfait. Ainsi, les Bambara comparent le chien à la verge ; par euphémisme, ils emploient même le mot chien pour la désigner. Selon Zahan : (...) "Cette association proviendrait de l'analogie qu'ils établissent entre la colère de la verge – l'érection - devant la vulve, et l'aboiement du chien devant l'étranger ; elle proviendrait aussi de la gloutonnerie sexuelle de l'homme, dont l'avidité dans ce domaine n'a d'équivalent que la faim canine". [9]


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Liens spécifiques du film

Voir : Andreï Roublev


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Nostalghia, d’Andreï Tarkovski

"Le hall d'hôtel Palma" - Variations sur le thème de passage

Plan 19 : 13' 19" : Le Poète et la Traductrice sont dans le hall sombre d'un hôtel.

(Voir : manteau )

Plan 21 : 15' 18" : La Traductrice commence à raconter au Poète, une petite histoire qui va nous intéresser.


(Voir : maison )


Plan 24 : 16' 13" : Une élégante résidente de l'hôtel traverse le couloir, tenant en laisse un chien blanc et noir. (Cf. Photogramme – Chien 2.)

Photogramme - Chien 2 : Nostalghia, Plan 24. La dame au chien noir et blanc. La robe du chien ne préfigure-elle pas le dilemme du Poète et celui de la traductrice ?


La robe du chien ne représente-elle pas le dilemme du Poète ? Ou celui de la Traductrice ? N'est-il pas une figure de "l'hésitation" ? Ne sera-t-il pas lié au lieu ? Mais le Poète est toujours "absent". Il est suspendu à ses idées. Il est ailleurs. Il pense au plan suivant :

Plan 25 : 18' 56": (4ème flash-back, en noir et blanc.) Dans ce plan, il y a une dissociation de la bande-son et de la bande-image. La bande-son continue l'action du plan 24 : la concierge montre les chambres séparées au couple. La bande-image montre de nouveau la femme du Poète de face, elle regarde à droite du cadre : un enfant suivi par un berger allemand et par une jeune fille. Celle-ci lance un bout de bois, au-delà d'une flaque d'eau, pour amuser le chien. (Cf. Photogramme – Chien 3.)

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Photogramme - Chien 3 : Nostalghia, Plan 25. La fille du Poète qui s'amuse avec le chien en lui lançant un bout de bois.


Plan 26 : 19' 29" : C'est un plan de transition. La bande-son rejoint la bande-image. La concierge continue à parler à la Traductrice. Elles montent un escalier, la concierge est inquiète du silence du Poète. Elle dit (au moment où la jeune fille jette le bout de bois au chien, au plan 25) "Nos clients reviennent." Comment ne pas voir d'une part, une transition subtile entre la dernière phrase de la concierge, et le dernier geste de la jeune fille. (Voir : Clédon.) Nous verrons en fait, comme le chien noir et blanc tenu en laisse, le poète sera aussi "tenu en laisse", et au lieu de rentrer chez lui, à Moscou, il va "choisir" au dernier moment d'accomplir son geste "héroïque", "sisyphien" dirait F. Ramasse, d'abord, en refusant de se rendre dans son espace "euphorique" (Moscou)[10] et d'accomplir le "Mystère de sainte-Catherine".

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La chienne « Zoé », gardienne de « La Maison de la fin du monde »

Plan 50 : 50' 56" : Le Poète entre dans une grande salle, accompagné de la chienne du "Fou", Zoé. Le toit de la salle est ajouré par endroits. Il pleut intensément. L'eau tombe abondamment dans la demeure-grenier. Long travelling de droite à gauche. Arrêt de l'image sur une énorme flaque d'eau, Zoé se couche au milieu de la flaque. (Cf. Photogramme – Chien 4.)

Photogramme Chien 4 : Nostalghia, Plan 50. Dans la grande salle, la chienne Zoé s'allonge au milieu d'une flaque d'eau.


Plan 60 : 57' 58" : Le Poète veut prendre congé. Zoé et "le Fou" l'accompagnent. Ils traversent le grenier. "Le Fou" passe inutilement une porte flanquée en plein milieu de l'énorme pièce. Il prend le soin d'ouvrir la porte, de se retourner, et de la fermer calmement (60b).[11] (Cf. Photogramme – Chien 5.) Le Poète, lui, c'est comme s'il "traversait une autre dimension". Il passe à côté sans aucune constatation.


Photogramme Chien 5 : Nostalghia, Plan 60. Le Fou traverse une porte inutile, la chienne Zoé passe à côté.

Derniers plans de la chienne

Plan 108 : 1h 43' 35" : Plan rapproché sur le "Fou à cheval". Il continue à discourir : "Où suis-je quand je ne suis pas dans la réalité ? Ni dans mon imagination ? (…) Les grandes choses finissent, ce sont les petites qui durent (…)" Un collègue du "Fou", tient un bidon d'essence dans la main. Il monte l'échafaudage et donne le bidon au "Fou"(plan 109a). "Le Fou" s'asperge d'essence (110). Brusquement, la chienne Zoé se redresse (112). "Le Fou" allume le briquet (113). Zoé est inquiète (114). Plan d'ensemble du "Fou" en feu, et de la curieuse assemblée (115). La Traductrice arrive aux pieds d'un escalier monumental (116). Zoé commence à aboyer avec vigueur (117). "Le Fou", en feu, descend (en off) de l'échafaudage, et vient mourir en croix aux pieds des gens (118).

Plan 119 – 121 : Traversée de la Piscine de Sainte-Catherine, et mort du Poète. (Voir : Bougie)

Plan 123  : 1h 57' 24" : Plan rapproché du Poète, accompagné de la chienne Zoé. Il est à moitié allongé sur le sol, il se tient sur sa main. Le Poète et Zoé regardent fixement la caméra. A l'arrière-plan la maison familiale. En Premier plan une petite flaque d'eau, sur laquelle nous distinguons les arcades de la cathédrale en ruine, que nous avons rencontré au plan 94, durant le second rêve du Poète. (Cf. Photogramme – Chien 6.) La caméra effectue un zoom arrière lent, pour laisser apercevoir, au fur et à mesure, l'ensemble de la cathédrale en ruine. Des flocons de neige commencent à tomber.


Photogramme Chien 6 : Nostalghia, Plan 123. Plan rapproché de la scène finale : la maison, le Poète, la chienne, la flaque d'eau.


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L'importance des protagonistes du film

Soulignons les nombreuses présences d'un chien dans le film. Elles mériteraient une étude particulière, que nous ne pouvons pas effectuer dans le cadre de notre travail. Les apparitions de chien sont les suivants : I. l (Ier épisode, 1er plan) ; III. Plan 24, le chien noir et blanc ; III. Plan 25, le chien et le bout de bois ; IV. Plan 31h-j, le chien de la salle de bain (relation avec le symbolisme de l'eau, et donc de la flaque d'eau) ; V. Plans 37b-39, Zoé près de la piscine ; VI. Plans 46b - 60, Zoé dans "la maison de la fin du monde" ; VII. Plan 62 ; VIII. Plan 81c ; X. Plans 112, 114, 117 ; XI. Plan 123. (dernier plan du film).


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Liens Spécifiques du film

Voir : Nostalghia


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Stalker, d’Andreï Tarkovski

Le Stalker, gardien de la Zone ?

Le Stalker porte au niveau du cou, une espèce de bandage médical qui, avec le temps, a perdu de sa blancheur et de sa tension : un bandage relâché, comme la laisse d'un animal. La raison d'être de ce "collier de tissu", nous l'apprenons grâce à la biographie sommaire que le Professeur raconte à l'Écrivain, dans le long plan 44 : "Un séjour en prison, des mutilations ici (…)" Grâce à sa femme nous en saurons davantage sur la prison, à la fin du plan 10 : "C'est en prison que tu rentreras ! Et tu écoperas non pas de cinq ans, mais de dix ans ! " Le Stalker lui lance une réponse qui prête à réfléchir : "En prison ! Mais je suis partout en prison. "[12] Nous pouvons aussi déduire que même dans la Zone, "il est en prison", qu'il est tenu par une laisse à la Zone, comme celle qu'il porte au cou. Témoin du "développement" de cette image et de son évolution : c'est le chien noir de la Zone. Le Stalker, de retour de la Zone, va l'adopter. Au plan 134, dans le bar, la femme du Stalker dit, en désignant le chien : " D'où ça vient, ça." Le Stalker lui dit : " Il s'est attaché à moi. Comment l'abandonner ?" Le "ça", ce prénom démonstratif désigne "le chien", mais il pourrait aussi désigner la Zone. Ça sera d'ailleurs une des grandes questions du film : est-ce que le chien noir symbolise la Zone ? Peut-être que, s'il ne la désigne pas directement, du moins il la personnifie. Ainsi, la réponse du Stalker est révélatrice.


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Première apparition du chien noir

Au plan 73 se succèdent des plans courts qui présentent les trois hommes au repos (plans 75-82). Nous voyons apparaître pour la première fois le chien noir. (Cf. Photogramme – Chien 7.) L'Ecrivain et le Professeur, engagés dans une grande discussion, ne sont pas troublés par sa présence. Est-ce peut-être qu'ils ne l'ont pas vu ? Ou est-ce qu'il est, pour eux, invisible ?


Photogramme - Chien 7 : Stalker, Plan 79. Première apparition du chien noir dans la Zone.



Plan83  : 1h 15' 55" : Court plan en noir et blanc. Le Stalker est allongé sur le côté, il est entouré d'eau. Le chien noir apparaît de nouveau au fond de l'image. Il s'approche du Stalker et docilement vient se coucher contre lui. Quelques plans plus loin, nous quittons les vicissitudes des deux hommes pour entrer dans le monde du rêve.


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Vers la fin du film, après la courte séquence du Bar, le Stalker porte Ouistiti sur ses épaules. Et en compagnie de sa femme, ils se rendent à leurs appartements. Au plan 141, gros plan en plongée d'une gamelle dans l'obscurité. Une main verse du lait. Elle en verse un peu de côté. Contraste frappant entre la blancheur du lait et l'obscurité du plancher. (Cf. Photogramme – Chien 8.)


Photogramme - Chien 8 : Stalker, Plan 141a. La gamelle de lait dans l'obscurité du plancher.


Le chien noir vient laper le lait. (Cf. Photogramme – Chien 9.)


Photogramme - Chien 9 : Stalker, Plan 141b. Le chien noir confondu dans l'obscurité noire.


Au plan 144, dernier plan du film, la petite fille tient un livre près de son visage. En avant-plan, on distingue deux verres posés sur une table.

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Liens Spécifiques du film

Voir : Stalker



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Notes et références

  1. Cf. G. Durand, Les Structures Anthropologiques de l'Imaginaire, Introduction à l'archétypologie générale, op. cit., pp. 92-93 ; 106 ; 109 ; 110 ; cynocéphale, 231-233 ; 339 ; 359 ; chien bénéfique, 427.
  2. C'est le cas de figure du chien dans Nostalghia.
  3. C'est le cas de figure du chien dans Stalker.
  4. Chevalier/Gherrbrant, Dictionnaire des Symboles, op. cit.,p. 239
  5. Uno Harva, Les représentations religieuses des peuples altaïques, op. cit.
  6. Le premier chiffre correspond aux plans du film depuis le début du film, le second chiffre aux plans du film depuis le début de l'épisode.
  7. Chevalier/Gherrbrant, Dictionnaire des Symboles, op. cit.,p. 242
  8. Cf. Infra. Nostalghia.
  9. Dominique Zahan, Sociétés d'initiation Bambara, Le N'Domo, le Kore, op. cit., p. 70.
  10. Remarquons au passage, une fois de plus, la concomitance de la "fiction" et de la "réalité", car ce récit, comme nous l'avons déjà dit, concerne la vie personnelle et autobiographique du réalisateur, il illustre en quelque sorte, le geste "héroïque" d'Andreï Tarkovski, de rester en Europe et de ne plus rentrer en URSS : (…) "Le film est devenu l'écho de mon état d'âme, de ma souffrance : l'écho d'un homme qui a quitté sa patrie depuis un an." François Ramasse, op. cit., p 120. Citée dans le dossier de presse du film, propos recueillis par Cesare Biarese.
  11. Comme le fera Michel Piccoli dans Le Mépris de J. – L. Goddard.
  12. Nous pouvons aussi imaginer que la réplique du Stalker sort de la bouche d'Andreï Tarkovski lui-même : allusion à son "exil" forcé.


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